AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 9 septembre 2003), que la société American Department Store, titulaire d'un bail dérogeant expressément aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et portant sur des locaux à usage commercial appartenant à M. Benjamin X... aux droits duquel sont venus les consorts X..., l'a cédé en 1996, avec l'accord des bailleurs, à la société Aldiva pour une période allant du 1er juin 1996 au 31 octobre 1996 ; que les parties ont conclu ensuite quatre autres conventions portant sur les mêmes locaux à des conditions identiques sauf en ce qui concerne le montant du loyer, la première couvrant la période du 1er décembre 1996 au 31 octobre 1997, la deuxième la période du 1er décembre 1997 au 31 octobre 1998, la troisième la période du 1er décembre 1998 au 31 octobre 1999 et la quatrième la période du 1er décembre 1999 au 31 octobre 2000 ; que faisant valoir qu'elle était restée en possession des locaux dans lesquels elle exploitait son fonds de commerce sans interruption depuis le 1er juin 1996, la société Aldiva a assigné les bailleurs pour se voir reconnaître le bénéfice du statut des baux commerciaux ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1 / que lorsque le bénéfice du statut est acquis au jour de la signature d'un nouveau bail d'une durée inférieure à deux ans, le preneur peut, dès cette date, y renoncer en pleine connaissance de cause ;
qu'ayant constaté que le preneur est resté en possession des locaux litigieux douze mois sur douze depuis le 1er juin 1996, que les baux d'occupation précaire conclus entre les parties l'ont été à chaque fois pour une période de onze mois sur douze s'achevant le 31 octobre, que le nouveau bail était conclu le 1er décembre, puis décidé que les bailleurs ne sont pas fondés à soutenir que la société Aldiva aurait renoncé au bénéfice des baux commerciaux, que les consorts X... ne démontrent pas une renonciation du locataire, claire et non équivoque, au bénéfice de la propriété commerciale à l'expiration du bail dérogatoire, que le preneur n'a pas quitté les lieux à l'expiration de chaque bail mais a, en revanche, par son occupation permanente et renouvelée, clairement manifesté sa volonté d'y demeurer et d'exploiter son commerce, tout en relevant que chaque contrat contenait une clause dérogatoire au statut des baux commerciaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences s'évinçant de ses constatations et a violé l'article L. 145-5 du Code de commerce ;
2 / que les consorts X... faisaient valoir que le preneur avait renoncé au bénéfice du statut par la conclusion de baux dérogatoires successifs, lesquels stipulaient que chaque bail était conclu pour une durée de onze mois, s'achevant le 31 octobre, le nouveau bail étant conclu le 1er décembre, la conclusion de chaque nouvelle convention intervenant alors que le locataire avait un droit acquis au bénéfice du statut ; qu'ayant constaté que le locataire est resté en possession des locaux, qu'il les a occupés de façon permanente et renouvelée, que les baux ont été conclus pour une période de onze mois, puis affirmé qu'il importe peu qu'une clause dérogatoire au statut des baux commerciaux figure sur chaque bail d'occupation précaire signé entre les parties dès lors que ce type de clause n'est en réalité imposé par les bailleurs que dans le but de se soustraire aux dispositions protectrices pour le preneur du décret du 30 septembre 1953 sans relever les éléments de preuve produits par le preneur établissant qu'une telle renonciation lui avait été imposée, et n'avait pas été faite en connaissance de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et suivants du Code civil et l'article L. 145-5 du Code de commerce ;
3 / que les consorts X... faisaient valoir que le preneur, professionnel avisé, comme il le reconnaissait, avait renoncé au bénéfice du statut, par la conclusion de baux dérogatoires successifs, lesquels stipulaient que chaque bail était conclu pour une durée de onze mois, s'achevant le 31 octobre, le nouveau bail étant conclu le 1er décembre, la conclusion de chaque nouvelle convention intervenant alors que le locataire avait un droit acquis au bénéfice du statut ; qu'ayant constaté que le locataire est resté en possession des locaux, qu'il les a occupés de façon permanente et renouvelée, que les baux ont été conclus pour une période de onze mois successivement soit le 1er décembre pour s'achever le 31 octobre, puis affirmé péremptoirement qu'il importe peu qu'une clause dérogatoire au statut des baux commerciaux figure sur chaque bail d'occupation précaire signé entre les parties dès lors que ce type de clause n'est en réalité imposé par les bailleurs que dans le but de se soustraire aux dispositions protectrices pour le preneur du décret du 30 septembre 1953, sans rechercher si la conclusion de tels baux dérogatoires alors que le preneur, rompu aux affaires comme ayant plusieurs fonds de commerce, avait un droit acquis au bénéfice du statut ne caractérisait pas une renonciation faite en parfaite connaissance de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-5 du Code de commerce ;
4 / qu'ayant constaté que le preneur est resté en réalité en possession des locaux litigieux douze mois sur douze depuis le 1er juin 1996 ainsi qu'en attestent les baux d'occupation précaire conclus entre les parties pour une période de onze mois sur douze puis affirmé que les consorts X... n'ont pas de leur côté manifesté leur opposition à la prolongation du premier bail dérogatoire tout en constatant que les baux d'occupation précaire signés entre les parties étaient conclus à chaque fois pour onze mois, et contenaient une clause excluant le bénéfice du statut caractérisant ainsi la volonté des bailleurs de s'opposer à la prolongation du premier bail dérogatoire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations et, partant, elle a violé l'article L. 145-5 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société Aldiva était restée en possession des locaux litigieux douze mois sur douze depuis le 1er juin 1996, que les consorts X..., qui n'avaient pas manifesté leur opposition à la prolongation du premier bail dérogatoire, ne démontraient pas une renonciation claire et non équivoque du locataire au bénéfice de la propriété commerciale à l'expiration de ce bail, que, bien au contraire, le preneur, qui n'avait pas quitté les lieux à l'expiration de chaque bail, avait, par son occupation permanente et renouvelée, clairement manifesté sa volonté d'y demeurer et d'y exploiter son commerce et qu'il importait peu dans ces conditions qu'une clause dérogatoire au statut des baux commerciaux figurât dans chacun des baux signés entre les parties dès lors que ce type de clause n'était en réalité imposé par le bailleur que dans le but de se soustraire aux dispositions protectrices pour le preneur du décret du 30 septembre 1953, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante ni de suivre les consorts X... dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit que la société Aldiva bénéficiait du statut des baux commerciaux ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer à la société Aldiva la somme de 2 000 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du vingt avril deux mille cinq par M. Peyrat, conseiller le plus ancien, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.