La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/04/2005 | FRANCE | N°04-83902

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 avril 2005, 04-83902


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de Me CAPRON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 26 avril 2004, qui, pour abus de faiblesse par le moyen de visites à do

micile et infraction à la législation sur le démarchage, l'a condamné à 200 jours-amen...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de Me CAPRON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 26 avril 2004, qui, pour abus de faiblesse par le moyen de visites à domicile et infraction à la législation sur le démarchage, l'a condamné à 200 jours-amende de 20 euros, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 122-8 et L. 122-9 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre X... coupable du délit d'abus de faiblesse ou de l'ignorance d'une personne prévu et réprimé par les articles L. 122-8 et L. 122-9 du Code de la consommation, l'a condamné, en conséquence, à la peine de 200 jours-amende d'un montant de 20 euros par jour et, sur l'action civile, à payer à Pierre Y..., solidairement avec Carlos Z...
A... et Sébastien B..., la somme de 9 329,52 euros ainsi que, solidairement avec Carlos Z...
A..., la somme de 8 630,33 euros et a prononcé à son encontre la contrainte par corps ;

"aux motifs que " le 11 janvier 2000, Pierre Y..., né en 1923 et demeurant à Saint-Martin-du-Vieux-Belleme, déposait plainte avec constitution de partie civile contre X pour escroquerie et infractions aux règles du démarchage à domicile ; il expliquait que le 16 décembre 1997, un vendeur de la société Orne sécurité s'était présenté à son domicile, accompagné de Jean-Pierre X... ; il connaissait ce dernier pour lui avoir acheté auparavant des extincteurs ; le vendeur après avoir fortement insisté lui avait fait signer le bon de commande d'un matériel d'alarme pour la somme de 45 105,18 francs ainsi qu'une offre préalable de crédit accessoire émanant de Franfinance d'un montant de 45 000 francs, payable en 48 mensualités de 1 272,76 francs chacune ; l'alarme était installée 3 ou 4 jours plus tard ; il ajoutait que le même vendeur s'était présenté à son domicile le 19 février 1998 aux fins de lui vendre un autre système d'alarme extérieure et de lui donner en cadeau un fauteuil de relaxation ; il lui avait fait signer un bon de commande au nom de la société Aspv et une offre de crédit émanant de Finalion, d'un montant de 42 000 francs, payable en 48 mensualités de 1 116,36 francs, affirmant qu'il s'agissait d'une simple formalité ; l'alarme extérieure était également posée le 25 février 1998 et le fauteuil était livré le même jour ; 3 ou 4 jours plus tard, un dénommé B... Sébastien avait récupéré les deux bons de commande, au prétexte d'un litige concernant le matériel vendu ;

s'agissant des circonstances conditionnant l'infraction, il n'est pas contesté que celle-ci s'est réalisée à l'occasion de deux visites au domicile de Pierre Y... définies par l'article 1er de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 ; Carlos A... reconnaît son intervention personnelle tant en 1997 qu'en 1998 ; malgré les dénégations de Jean-Pierre X... et les déclarations de Carlos A... selon lequel il était seulement accompagné de M. C..., la Cour retiendra les déclarations constantes de Pierre Y... concernant le rôle actif de Jean-Pierre X... ; Pierre Y... connaissait bien Jean-Pierre X... car il était son client depuis 1993 et était donc capable de le reconnaître ; ainsi, dès sa plainte initiale de juillet 1998, il avait clairement désigné Jean-Pierre X... comme l'un des deux vendeurs ; il a réitéré ses accusations tout au long de l'instruction, même dans le cadre de la confrontation ; devant la Cour, Carlos A... a concédé que Jean-Pierre X... était arrivé au moment de la signature en 1997 ; ces deux salariés d'Orne sécurité en 1997 et d'Aspv en 1998 ont donc participé activement et personnellement à ces visites au domicile de Pierre Y... ; ( ) s'agissant de la victime, il y a lieu de noter que Pierre Y... était âgé de 74 ans au moment des faits, qu'il était agent EDF retraité, qu'il bénéficiait de revenus modestes de l'ordre de 6 500 francs par mois et qu'il vivait dans une petite commune rurale sans moyens de locomotion hormis une voiturette ; il apparaît qu'il a été contraint en 1997 devant l'insistance de Jean-Pierre X..., vendeur chevronné, aux méthodes douteuses - comme l'atteste son passé judiciaire - épaulé par Carlos A..., d'accepter l'acquisition d'une alarme d'un prix exorbitant et d'une utilité douteuse tant au regard de la modestie de son cadre de vie que de l'absence de cambriolage ou d'agressions perpétrées sur cette comme rurale à cette époque ; il n'a pas été en mesure d'apprécier la portée de son engagement, ignorant qu'il signait une offre de crédit et étant totalement surpris de voir son compte débité quelques temps plus tard de mensualités aussi objectivement élevées au regard de ses revenus ; à noter qu'en 1998, la vente de ce système apparaissait encore plus inutile et encore plus exorbitante, puisqu'au total près de 100 000 francs de matériel de sécurité étaient acquis par la victime, qui contractait ainsi des mensualités de crédit absorbant plus du tiers de ses maigres revenus ;

s'agissant de l'élément matériel de l'infraction, l'abus de faiblesse de Pierre Y... est caractérisé par les ruses et artifices développés par les vendeurs, notamment leurs visites rapprochées, l'abondance des arguments développés pour conduire à la signature des contrats (" M. X... me faisait du bagout, ils sont restés plus d'une heure et j'en avais marre, je voulais les voir partir") et enfin les fausses promesses, par exemple pour le fauteuil présenté comme un cadeau alors qu'il était en fait vendu au prix fort (" X... m'a dit que j'étais un bon client et qu'il me faisait cadeau d'un fauteuil" ) ; quant au but de l'abus, il a été atteint lors des deux visites, Pierre Y... ayant signé non seulement les bons de commande mais également les offres de crédit correspondant aux engagements définis à l'article L. 122-8 du code de la consommation ; s'agissant de l'élément moral, l'intention délictueuse réside dans la conscience que le prévenu a de la faiblesse de la victime et dans sa volonté d'exploiter en connaissance de cause cet état ; aucun des deux prévenus susvisés ne peut sérieusement invoquer, compte tenu des manoeuvres mises en oeuvre et des contraintes exercées pour aboutir auxdites ventes, son absence d'intention délictueuse ;

de même, ils ne peuvent soutenir avoir agi sous la pression de leurs employeurs ; ( ) les infractions objet de la poursuite étant établies en tous leurs éléments constitutifs, le jugement sera confirmé sur les déclarations de culpabilité de chacun des trois prévenus " (cf. arrêt attaqué, p. 5 et 6 ; p. 7 et 8) ;

"alors que, d'une part, le délit d'abus de faiblesse incriminé par l'article L. 122-8 du Code de la consommation suppose, pour être constitué, l'existence d'un état de faiblesse ou d'ignorance de la victime, préalable à la sollicitation et indépendant des circonstances dans lesquelles elle a été placée pour souscrire l'engagement ; que les circonstances sur lesquelles la cour d'appel s'est fondée, "à savoir le fait que Pierre Y... était âgé de 74 ans au moment des faits, qu'il était un agent retraité d'Edf, qu'il bénéficiait de revenus modestes et qu'il vivait dans une petite commune rurale sans moyens de locomotion autres qu'une voiturette", étant insuffisantes à caractériser l'état de faiblesse ou de l'ignorance qu'aurait présenté Pierre Y..., la cour d'appel a, en se déterminant comme elle l'a fait, privé sa décision de motifs au regard des textes susvisés ;

"alors que, d'autre part, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs puisqu'elle a, tout à la fois, déclaré Jean-Pierre X... coupable de faits qu'il aurait commis le 19 décembre 1998 en compagnie de Carlos Z...
A... et déclaré que les faits commis par ce dernier auraient eu lieu le 19 février 1998, c'est-à-dire à une date différente de ceux dont elle a déclaré Jean-Pierre X... coupable" ;

Attendu que, pour déclarer Jean-Pierre X... coupable du délit d'abus de faiblesse prévu par l'article L. 122-8 du Code de la consommation, l'arrêt attaqué retient qu'il s'est présenté à deux reprises, les 16 décembre 1997 et 19 février 1998, en compagnie d'un autre vendeur, au domicile de Pierre Y..., situé à Saint-Martin-du-Vieux- Bellême (Orne) et que celui-ci, pressé par les deux hommes, a commandé deux systèmes d'alarme, pour un montant global de près de 100 000 francs et signé deux offres de crédit comportant des mensualités supérieures au tiers de ses faibles revenus ;

Que les juges ajoutent que Pierre Y..., âgé de soixante-quatorze ans au moment des faits, a été contraint d'accepter ces engagements d'un coût exorbitant et d'une utilité douteuse tant au regard de la modestie de son cadre de vie que de l'absence de délinquance dans cette petite commune rurale, obligations dont il n'a pas été en mesure d'apprécier la portée ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que Jean-Pierre X... a abusé de la faiblesse de Pierre Y..., la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche dès lors qu'il se fonde sur une erreur matérielle, susceptible d'être rectifiée suivant la procédure prévue aux articles 710 et 711 du Code de procédure pénale, ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 131-5 et 131-25 du Code pénal, 749 et 750 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la contrainte par corps à l'encontre de Jean-Pierre X... ;

"alors que la contrainte par corps ne peut être prononcée ni pour le recouvrement du montant d'une peine de jours-amende ni pour le recouvrement d'une condamnation à des réparations civiles" ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, il ne résulte pas des mentions de l'arrêt que la cour d'appel ait entendu garantir par la contrainte par corps l'exécution des condamnations civiles ; que, par ailleurs, le demandeur ne saurait se faire un grief du prononcé d'une telle mesure, dès lors que le défaut de paiement du montant des jours-amende entraîne l'incarcération, selon les conditions prévues par l'article 131-25, alinéa 2, du Code pénal, dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 mars 2004 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-83902
Date de la décision : 19/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Abus de faiblesse - Eléments constitutifs - Elément légal - Souscription d'engagements à crédit.

Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer le prévenu coupable du délit d'abus de faiblesse prévu et réprimé par l'article L. 122-8 du Code de la consommation, retient qu'il a obtenu d'une personne âgée, à l'occasion de visites à son domicile en compagnie d'un autre vendeur, la souscription d'engagements à crédit dont elle n'a pas été en mesure d'apprécier la portée, destinés à financer des systèmes d'alarme d'un coût exorbitant et d'une utilité douteuse.


Références :

Code de la consommation L122-8
Code pénal 131-25 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 26 avril 2004

Sur le délit d'abus de faiblesse prévu par l'article L. 122-8 du Code de la consommation, à rapprocher : Chambre criminelle, 1999-10-26, Bulletin criminel 1999, n° 232, p. 725 (rejet) ; Chambre criminelle, 2000-02-01, Bulletin criminel 2000, n° 52, p. 143 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 avr. 2005, pourvoi n°04-83902, Bull. crim. criminel 2005 N° 138 p. 497
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 138 p. 497

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Finielz.
Rapporteur ?: M. Chaumont.
Avocat(s) : Me Capron.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.83902
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award