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06/04/2005 | FRANCE | N°04-85626

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 avril 2005, 04-85626


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle GHESTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jacques,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 28 juillet 2004, qui, pour banqueroute, a

bus de biens sociaux et faux, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 3 000 e...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle GHESTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jacques,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 28 juillet 2004, qui, pour banqueroute, abus de biens sociaux et faux, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 3 000 euros d'amende et à la faillite personnelle ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code pénal, 626-2 du Code de commerce et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques X..., en sa qualité de gérant de la société Glas Service coupable du délit de banqueroute ;

"aux motifs qu'il ressort de l'examen du dossier l'existence d'une confusion des comptes et des patrimoines entre les sociétés Glass Services et Choc Pare Brise qui a été caractérisée par de facturations croisées entre ces entreprises ; que cette confusion a été révélée par les déclarations de la secrétaire comptable, Mme Y..., qui a exposé que Fabienne Z... exerçait la gérance de fait des deux sociétés ; que Fabienne Z... a, par ses dires, confirmé les déclarations de Mme Y... ; que cette confusion a encore été démontrée par M. A... qui, représentant la société Choc Pare Brise a expliqué que cette dernière recevait depuis le 1er août 1995 règlement des commandes qui, passées par la société Glass Service étaient réalisées à l'aide des approvisionnements, du personnel et du matériel de celle-ci laquelle ne bénéficiait pas d'une refacturation, ce qui est patent ;

que Jacques X... a affirmé qu'il y avait eu des refacturations systématiques mais il n'a jamais été capable de le prouver alors que les éléments du dossier révèlent suffisamment leur inexistence ; que ses dénégations ne sont ni crédibles ni vraisemblables ; que sont très éclairantes les déclarations de Mme Y... selon lesquelles à partir de septembre 1995 alors que le siège des deux sociétés était à Saint-Sauveur, elle avait reçu de Jacques X... et de Fabienne Z... la consigne de répondre au téléphone en précisant qu'elle était à Saint-Vérand et en affirmant qu'elle était seule malgré la présence de Jacques X... et de Fabienne Z... afin de décourager les fournisseurs qui réclamaient le paiement de leurs créances ; que les difficultés de la société Glass Service étant devenues importantes, ceux-ci avaient décidé de faire passer les commandes de cette société au nom de Choc Pare Brise ; que sont tout aussi révélatrices sur la facturation croisée les déclarations de Fabienne Z... qui a reconnu notamment l'existence de facturations croisées et avoué que Jacques X... avait encaissé des factures de la société Glass Service à un moment où celle-ci était en liquidation ; que la facturation reprochée à Jacques X... est caractérisée, telle que visée à la prévention, et non pas comme feint de le croire le prévenu pour l'ensemble des facturations croisées existant dans le présent dossier (arrêt attaqué p. 5 al. 5, 6, p. 6) ; qu'il a encore été démontré que Jacques X... avait opéré des détournements pour un montant de 330 000 francs à l'aide d'une carte bancaire de la société Lyonnaise de Banque au nom de la société Glass Service alors que la situation était irrémédiablement compromise ; que cette carte bancaire a été utilisée pour des objets et finalités autres que ceux de ladite société par Patrice B... auquel Jacques X... l'avait remise puis laissé en dépit de la situation financière de la société dont il n'ignorait rien, dégradée au point que dés le dernier trimestre 1994 elle apparaissait irrémédiablement compromise ainsi que le révèle les manoeuvres opérées par Jacques X... pour la maintenir en survie ; que sont également pertinentes les déclarations de M. B... et concordantes avec celles de Fabienne Z... ; que lors de son audition du 28 septembre 2001, Jacques X... a reconnu avoir lui-même donné la carte bancaire à M. B... et ne pas l'avoir récupéré alors qu'il soutient s'être assez vite aperçu qu'elle était utilisée de manière abusive ; qu'il a également avoué avoir utilisé ensuite cette carte ;

qu'il est patent que Jacques X... connaissait dés janvier 1995 la situation compromise de la société Glass Service ; qu'il ressort de l'audition de M. C... de D... du 14 décembre 2000 que peu de temps avant le redressement judiciaire, Jacques X... a voulu organiser son insolvabilité par une donation de la nue propriété de son bien immobilier à son fils ; qu'il n'est pas contestable que Jacques X... a intentionnellement commis les actes susvisés ;

que contrairement à ce qu'il a pu soutenir, il ne peut valablement prétendre ne pas avoir connu l'illégalité des actes en cause alors qu'il est patent qu'il n'en ignorait rien compte tenu de sa compétence et de son expérience professionnelles ; que Jacques X... ne saurait encore faire supporter à Fabienne Z... et à ses associés, en les accusant d'avoir abusé de sa confiance, sans le démontrer, une responsabilité pénale qu'il sait être la sienne alors qu'au surplus il apparaît clairement qu'il a délibérément laissé la gestion de fait à Fabienne Z... notamment par des procurations pour des raisons qui, établies par les investigations, ne peuvent aujourd'hui lui permettre une quelconque exonération ; que sont également éclairantes sur l'irréalité de ce système de défense les déclarations de M. B... et de M. E... lors de leur audition les 25 août 2000 et 22 août 2000 ; que Jacques X... ne peut davantage arguer de leur prétendue qualité de contrôleur de gestion du GIE Forglass alors qu'il ressort du dossier qu'il s'est constamment opposé à l'exercice effectif de cette fonction (arrêt attaqué p. 7, p. 8 al. 1, 2) ;

"1) alors que seul un acte de disposition volontaire accompli sur le patrimoine social, après la cessation des paiements, par le dirigeant d'une société à son profit et en fraude des droits des créanciers constitue le délit de banqueroute par détournement d'actif ; qu'aux termes de l'ordonnance de renvoi, Jacques X... était prévenu d'avoir commis un tel détournement en qualité de gérant de la société Glass Service pour avoir omis de refacturer à la société Choc Pare Brise les fournitures facturées par cette dernière au client F... le 6 septembre 1995 pour un montant de 34 974 francs et pour avoir effectué des achats personnels entre septembre 1994 et octobre 1995 en débitant le compte de la société ; que Jacques X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le jugement de redressement judiciaire du 27 octobre 1995 n'avait pas fait remonter la cessation des paiement à une date antérieure ; qu'en se bornant à relever que la situation de la société Glass Service était irrémédiablement compromise dés le dernier trimestre 1994 sans préciser la date de cessation des paiements et par conséquent sans établir que les faits reprochés, qui sont antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective, seraient postérieurs à cette date, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2) alors que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la carte bancaire de la société Glass Service à l'aide de laquelle les détournements auraient été réalisés avait été remise par Jacques X... à M. B..., associé de cette société, et que c'est ce dernier qui l'avait utilisé ; qu'en déclarant néanmoins Jacques X... coupable du délit de banqueroute à raison de cette utilisation de la carte bancaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"3) alors, qu'en toute hypothèse la cour d'appel s'est bornée à relever que Jacques X... avait remis cette carte bancaire à M. B... en connaissance de la situation irrémédiablement compromise de la société, sans rechercher si ce dernier avait effectué les dépenses litigieuses sur les instructions de Jacques X... ou si celui-ci avait connaissance de l'utilisation qu'en ferait son associé ; qu'en déclarant néanmoins Jacques X... coupable de banqueroute de ce chef, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code pénal, 241-3, 4 , du Code de commerce et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques X..., en sa qualité de gérant de la société Choc Pare Brise coupable du délit d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs qu'il résulte d'un état de frais et d'un chèque joint à la procédure qu'Alain G..., embauché par la société Glass Service le 31 août 1995, a obtenu un remboursement de frais par un chèque du 27 octobre 1995 tiré sur le compte bancaire de la société Choc Pare Brise la somme de 1 157,73 euros ;

qu'Alain G... était effectivement employé par la société Glass Service à temps complet depuis le 31 août 1995 ; que la lettre censée prouver son embauche par la société Choc Pare Brise doit être rejetée comme non pertinente car antérieure à l'embauche effective par l'autre société ; qu'il résulte des déclarations faites aux enquêteurs qu'il avait indiqué qu'Alain G... n'avait jamais travaillé pour la société Choc Pare Brise et il ne saurait être soutenu qu'il était en cours de transfert pour cette société ; que Jacques X... n'a pu fournir d'explication sérieuse sur ce fait autrement qu'en tentant de l'imputer à Fabienne Z... alors qu'en sa qualité de dirigeant de droit la responsabilité pénale lui incombe ;

que d'autre part dans ses déclarations détaillées et circonstanciées, Fabienne Z... l'accuse de lui avoir permis d'utiliser les chéquiers de la société à des fins personnelles sans qu'elle ne rembourse les sommes ainsi dépensées et de lui avoir ainsi fait des cadeaux personnels pour un montant global qu'elle a chiffré à 100 000 francs ; que confronté à ces accusations précises Jacques X... s'est contenté de dénégations systématiques ou d'allégations juridiquement non fondées ; qu'il a été contraint de reconnaître dans son audition du 28 septembre 2001 que Fabienne Z... avait fait des dépenses personnelles dont elle n'avait pas remboursé le montant alors qu'il aurait dû l'empêcher d'avoir un tel comportement ; qu'il n'est pas contestable que Jacques X... a, non par négligence, mais intentionnellement commis les actes susvisés alors qu'il est patent qu'il avait sciemment laissé faire Fabienne Z... (arrêt attaqué p. 8 al. 3 à 8, p. 9 al. 1 à 4) ;

"1 ) alors que l'intérêt du groupe peut constituer, en cas de poursuite pour abus de biens sociaux, un fait justificatif dans la mesure où le concours financier apporté par le dirigeant d'un groupe de sociétés à l'une d'entre elle par une autre est dicté par les intérêts de ce groupe apprécié au regard d'une politique commune et n'est pas dépourvu de contrepartie et n'excède pas les possibilités financières de celle qui en supporte la charge ; que la cour d'appel a constaté que les sociétés Choc Pare Brise et Glass Service faisaient partie du même groupe, que des prestations effectuées par la première avaient été réglées à la seconde et que le remboursement de frais d'Alain G... qui était salarié de la société Glass Service avait été pris en charge par la société Choc Pare Brise ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette dépense n'avait pas été exposée dans l'intérêt du groupe, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2 ) alors que Jacques X... a soutenu dans ses conclusions d'appel que Fabienne Z..., divorcée Durot, était salariée et associée de la société Choc Pare Brise et que les dépenses qu'elle avait faites grâce au chéquier de la société Choc Pare Brise devaient être considérés comme des acomptes sur ses salaires ; qu'en se bornant à relever que confronté à l'accusation, Jacques X... l'avait laissé faire ces dépenses et qu'il s'était contenté de dénégations et d'allégations non fondées juridiquement sans répondre au moyen de ses conclusions d'appel, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 et 441-10 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques X... coupable des délits de faux en écritures et usage ;

"aux motifs qu'il ressort du dossier que la société Glass Service a établi une facture de 96 066 francs TTC qui, adressée à la SARL Glass Service et aux sociétés du GIE Forglass a eu pour objet "la participation de votre société pour l'impact publicitaire et commercial dont elle a bénéficié à travers le développement de notre activité de vente de pare brise en 1994" ; que loin de soutenir la réalité de la prestation en cause, Jacques X... avait reconnu avoir établi ces factures parce que la société Glass Service rencontrant des problèmes financiers, chacun des associés avait donné son accord pour apporter la somme de 80 000 francs et qu'à cette fin il a été décidé de produire une facture pour réclame publicitaire et que devant le Juge d'instruction il a avoué avoir voulu faire repartir Glass Service ; que n'ayant pas de cause, ces factures sont constitutives de faux reproché à Jacques X... en sa qualité de gérant de droit de Glass Service ; qu'il est patent que cette facture est de nature à causer un préjudice de droit et de fait au sens de l'article 441-1 du Code pénal ; qu'il n'est pas davantage contestable que le prévenu a, aux termes de ses propres aveux, commis ce faux intentionnellement, le mobile qu'il a avancé pour tenter d'expliquer son geste étant juridiquement indifférent (arrêt attaqué p. 9 al.6 à 8, p. 10 al. 1 à 3) ;

"alors que Jacques X... avait soutenu dans ses conclusions d'appel que les sociétés du groupe bénéficiaient de l'enseigne nationale Glass Service qui leur permettait de prendre une part de marché importante sur la réparation des pare-brise de sorte qu'il était de leur intérêt de soutenir la société Glass Service qui rencontrait des difficultés financières et que les associés de chaque société en présence de l'expert comptable avaient donné leur accord pour cette participation financière ; que ce moyen était de nature à démontrer que l'établissement de la facture litigieuse destinée à justifier au plan comptable les règlements faits par les sociétés du groupe résultait d'un commun accord des associés, exclusif de toute volonté de tromper et n'avait pu causer aucun préjudice ; qu'en se bornant à affirmer que la prestation mentionnée sur la facture était fictive et de nature à causer un préjudice sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de Jacques X... établissant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-85626
Date de la décision : 06/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, 28 juillet 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 avr. 2005, pourvoi n°04-85626


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.85626
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