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06/04/2005 | FRANCE | N°04-85424

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 avril 2005, 04-85424


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me Le PRADO, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA COMMUNE DE MAGNAC-BOURG, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en da

te du 10 août 2004, qui l'a déboutée de ses demandes, après relaxe de Philippe X..., ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me Le PRADO, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA COMMUNE DE MAGNAC-BOURG, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 10 août 2004, qui l'a déboutée de ses demandes, après relaxe de Philippe X..., du chef d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, et de Jean-Louis Y..., Julien Z... et Bernard A..., du chef de pratiques anticoncurrentielles ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-6 du Code de commerce, 432- 14 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Jean-Louis Y... et Julien Z... du chef de pratique anticoncurrentielle et Philippe X... du chef de favoritisme, rejetant la constitution de partie civile de la commune de Magnac-Bourg ;

"aux motifs que la thèse issue du BIE de Bordeaux, émanant de M. B... apparait comme la suivante : la société Blanchon, en la personne de son dirigeant Jean-Louis Y... aurait pu contacter le directeur de la Sarebat, Julien Z..., pour l'inciter à se retirer du marché, souhaitant se le voir attribuer car elle avait réalisé les travaux de la première tranche, et en échange, la société Blanchon pouvait communiquer son offre sur la cathédrale de Tulle, ce qui aurait assuré la société Sarebat d'obtenir ce chantier sur lequel l'offre de la société Blanchon était arrivée en deuxième derrière celle de la société Sarebat ; que pour séduisante qu'elle soit, cette construction intellectuelle ne résiste pas à l'examen ; qu'en effet, il n'existe aucune preuve que la société Sarebat et la société Blanchon se soient communiqué leurs offres respectives, seul moyen de les connaître, puisque la commission d'ouverture des plis ne s'était pas encore réunie à la période concernée, au moment où Julien Z... a demandé au maire de Magnac-Bourg de décaler les travaux de quelques mois, ce que celui-ci ne pouvait faire, l'octroi des 10% de subvention du conseil général étant limité dans le temps, ou de le dispenser d'exécuter les travaux pour lesquels il venait de prendre conscience, ainsi que lui-même et son fils Eric Underneher l'ont parfaitement expliqué, tant dans leurs déclarations qu'à l'audience, d'avoir soumissionné nettement trop bas dans l'espoir d'obtenir le chantier pour son entreprise en difficulté, et de ne pas être en mesure, ne disposant que de trois couvreurs d'exécuter en même temps le chantier de l'église de Magnac-Bourg et celui de la cathédrale de Tulle, bien plus intéressant à tous points de vue, car plus proche - les frais de déplacement étant de l'ordre de 14% du prix global - plus important, et permettant de maintenir la qualification de restauration de monuments historiques ;

que dès lors le comportement de Julien Z... apparaît comme un pari sur l'avenir, l'obtention du chantier de la cathédrale de Tulle, pour laquelle il estimait son entreprise très performante, et la contre- partie du retrait de la société Sorebat consistant en une moindre agressivité de la société Blanchon pour obtenir celui de Tulle est d'autant moins vraisemblable que ces deux sociétés n'étaient pas les seules en lice pour obtenir les marchés en cause, que les sociétés Socoba, Kientzy, Petit et Cazenave avaient également soumissionné, et, dès lors, il faudrait établir la collusion de tous les concurrents, à supposer qu'ils se connaissent, ce qui n'est pas démontré, l'enquêteur B... précisant lui-même dans son rapport que pour les marchés DRAC, les consultations s'effectuent de façon discrétionnaire, et que les entreprises ne sont pas en mesure de savoir si elles sont ou non admises à concourir, ou de démontrer une pression de la société Blanchon sur chacune des autres entreprises, avant ou après soumission, ce qui est loin d'être établi, étant précisé que le déroulement des faits précédemment rappelé, susceptible d'être qualifié de pratique anticoncurrentielle, n'est décrit que par la secrétaire de mairie de Magnac-Bourg, Mme C..., qui, après l'ouverture des plis, en violation du code des marchés publics, a contacté la société Blanchon pour lui demander si elle voulait s'aligner sur la société Sarebat, cette demande malencontreusement inspirée par l'architecte des bâtiments de France, Philippe X..., étant en fait à l'origine du déclenchement de l'affaire et du soupçon d'une connivence non démontrée, entre la société Sarebat et la société Blanchon, qui est encore démentie par la colère manifestée par la SA Blanchon en apprenant l'offre de la société Sarebat à Magnac-Bourg ;

que le délit visé à la prévention n'est pas caractérisé, l'existence d'une entente préalable, dans la mise en oeuvre de laquelle il faudrait établir la part personnelle et déterminante de Julien Z... et Jean-Louis Y..., celui-ci expliquant qu'il a contacté son concurrent pour que celui-ci prenne conscience de l'insuffisance de son offre, susceptible d'entraîner des pertes pour son entreprise, dans la mise en oeuvre de pratiques anticoncurrentielles, qui ne sont pas elles-mêmes démontrées ; que l'architecte des bâtiments de France, Philippe X..., est poursuivi pour le délit de favoritisme défini par les articles 432-14 et 432-17 du Code pénal ; qu'il n'est pas contesté que le 30 septembre 1997 à la suite de l'avis d'appel public à la concurrence - qu'il s'agisse en l'occurrence d'un marché négocié ou d'un appel d'offres, les règles relatives à la mise en concurrence sont les mêmes - concernant la réfection de l'église de Magnac-Bourg, le maire de la commune, M. D... s'est adressé à Philippe X... en sa qualité de maître d'oeuvre de l'opération, pour lui demander un avis sur l'offre de la société Sarebat, et que le lendemain, ses services ont pris contact avec la mairie, lui indiquant qu'aucune anomalie n'avait été relevée dans cette offre, mais qu'il convenait de lui faire confirmer son offre et d'en informer ensuite la société Blanchon afin que celle-ci puisse éventuellement " s'aligner " ; que Philippe X... ne dément pas avoir fait cette suggestion, mais a dit ne pas penser faire mal, soulignant la mission d'assistance technique dévolue au service qu'il dirige, et les moyens limités de celui-ci ; que la matérialité des faits est donc reconnue, mais pour être constitué, le délit de favoritisme suppose l'intention de faire obtenir un avantage à une société par rapport à une autre, ce qui n'est pas démontré en l'espèce, ce simple conseil de courtoisie, certes malencontreux, relevant tout au plus d'une imprudence du maître d'oeuvre qui aurait dû se cantonner à ce rôle ;

qu'il convient en l'absence d'élément intentionnel, de renvoyer Philippe X... des fins de la poursuite ;

"alors, d'une part, que l'article 432-14 du Code pénal incrimine le fait pour certains dépositaires de l'autorité publique de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté et l'égalité des candidats dans les marchés publics ; que la cour d'appel ne pouvait relaxer Philippe X... du délit de favoritisme, bien que la matérialité des faits ait été reconnue par ce dernier, motifs pris de ce que l'élément intentionnel ne serait pas démontré dès lors que ce dernier ne pensait pas mal faire en suggérant de communiquer l'offre de la société Sarebat à la société Blanchon, afin de permettre à cette dernière de s'aligner, et que son service ne disposait que de moyens limités ; que ces circonstances étaient inopérantes, dès lors que l'intention frauduleuse découlait à elle-seule de la qualité de professionnel averti du prévenu, qui comme l'a constaté la cour d'appel, avait précisément une mission d'assistance technique, ce qui impliquait une connaissance des précautions à prendre lors des procédures d'appel d'offres afin de ne pas porter atteinte à l'égalité des candidats ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que Philippe X... a agi sciemment, de sorte que les juges du fond ne pouvaient conclure à une simple imprudence du maître d'oeuvre, architecte des bâtiments de France ;

"alors, d'autre part, que sont prohibées lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les ententes expresses ou tacites, notamment lorsqu'elles tendent à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; qu'en se fondant, pour écarter toute entente frauduleuse dans l'obtention du marché portant sur la réfection de l'église de la commune de Magnac-Bourg, sur le fait que la démonstration d'une contrepartie offerte par la société Blanchon en échange du retrait de la société Sarebat du marché de Magnac- Bourg, consistant dans des facilités d'accès au chantier de la cathédrale de Tulle, ne serait pas établie, dès lors qu'il n'existerait " aucune preuve que la société Sarebat et la société Blanchon se soient communiqué leurs offres respectives (..) ", sans rechercher si le courrier émanant de la société Sarebat, en date du 2 octobre 1997, dont elle a elle-même reconnu l'existence, au terme duquel Julien Z... justifiait son désistement par l'obtention du marché de la cathédrale de Tulle, sur lequel il n'avait pourtant pas encore postulé, n'était pas précisément de nature à faire la preuve que la société Blanchon avait communiqué le montant de son offre sur ce marché à la société Sarebat afin de la déterminer à s'inscrire et permettre qu'elle puisse être retenue comme la moins disante pour la réalisation des travaux y afférents, la cour d'appel n'a pas légalement justifié de sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge des prévenus, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-85424
Date de la décision : 06/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, 10 août 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 avr. 2005, pourvoi n°04-85424


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.85424
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