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06/04/2005 | FRANCE | N°04-82066

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 avril 2005, 04-82066


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Pierre,

prévenu,

- Y... Patrick,

- Z... Nicole,

- LA SOCIETE LOLA ASCORE,

- A... Pierr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Pierre, prévenu,

- Y... Patrick,

- Z... Nicole,

- LA SOCIETE LOLA ASCORE,

- A... Pierre,

- LA SOCIETE HAUTEVILLE,

- LA SOCIETE PIERGIL,

- LA SOCIETE ANTINELLA,

parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9 ème chambre, en date du 28 janvier 2004, qui a condamné le premier à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d'amende pour corruption active, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires ampliatifs et complémentaire produits en demande et en défense ;

I - Sur les pourvois formés par Pierre A... et les sociétés Hauteville, Piergil et Antinella :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur les autres pourvois :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Lola Ascore, gérée par Patrick Y..., et l'entreprise individuelle exploitée par Nicole Z... ayant été déclarées en redressement judiciaire, leurs actifs ont été cédés à la société Soclaine, dirigée par Pierre X..., après qu'ait été évincée une société holding HMI proposant la continuation des activités ; que Jacques B..., juge commissaire, a présidé l'audience du 16 juin 1988 à l'issue de laquelle le tribunal de commerce a arrêté le plan de cession ; qu'en exécution d'une convention du 2 juin 1988, prenant effet le 1er août, ce magistrat a occupé des fonctions de conseiller technique de Pierre X..., pour les questions relatives au marketing et à la technologie, et a, à ce titre, perçu des honoraires versés par la société Soclaine et utilisé un véhicule mis à sa disposition par cette société ; que Pierre X... est poursuivi pour corruption active, Jacques B... étant définitivement condamné pour corruption passive ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Pierre X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'ordonner le supplément d'information sollicité par Pierre X... ;

"aux motifs que le dossier contient les éléments suffisants pour statuer sur les faits objets de la saisine ; qu'il n'est pas contesté que Jacques B... ait réellement effectué les prestations pour lesquelles il a été rémunérées et les demandes d'auditions sollicitées ne seraient donc d'aucune utilité ; que les autres auditions sollicitées concernent le déroulement de la procédure collective de la SARL Lola Ascore sur lequel la Cour s'estime suffisamment informée ; qu'en tout état de cause, il était possible à Pierre X... de faire citer les personnes dont il considérait l'audition et les confrontations nécessaires devant la juridiction de jugement, ce qu'il n'a pas fait ;

"alors, d'une part, qu'en vertu du droit à un procès équitable, tout prévenu a le droit de disposer de tous les éléments pertinents pour pouvoir se disculper ; que des auditions supplémentaires relatives au déroulement de la procédure collective de la société Lola Ascore auraient permis de lever le doute sur la réalité de la situation financière précaire de la société HMI au moment de son offre pour le rachat de la société Lola Ascore et donc sur le bien fondé de la décision, parfaitement objective, du tribunal de commerce de Paris d'arrêter le plan de cession de cette société au profit de la société Soclaine sans aucune intervention de Jacques B... en ce sens ; que, dès lors, en refusant de faire procéder à ces auditions sur le fondement elliptique qu'elle s'estimait suffisamment informée, la cour d'appel a gravement porté atteinte aux droits de la défense ;

"alors, d'autre part, que la possibilité pour le prévenu de faire citer certaines personnes devant la juridiction de jugement ne saurait être assimilée à une instruction conduite par un des membres de cette juridiction disposant de pouvoirs étendus et n'exclu donc nullement son droit à solliciter un supplément d'information ; qu'en écartant la demande de supplément d'information formée par Pierre X... du fait qu'il lui était possible de faire citer devant elle les personnes dont il considérait l'audition ou la confrontation nécessaires, la cour d'appel n'a pas mieux motivé sa décision au regard des droits de la défense" ;

Attendu que l'opportunité d'ordonner un supplément d'information est une question de pur fait qui échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Pierre X..., pris de la violation des articles 121-1, 179 ancien, 433-1, 434- 9, alinéa 2, du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... coupable d'avoir, du 17 mars 1989 au 31 décembre 1991, proposé à Jacques B..., juge au tribunal de commerce de Paris, des offres, dons ou avantages pour l'accomplissement d'actes de sa fonction de magistrat consulaire ;

"aux motifs que Jacques B... a, tout au long de la période au cours de laquelle la société Soclaine détenait des actifs de la société Lola Ascore, perçu des rémunérations versées par les sociétés contrôlées par Pierre X... ; que pendant cette période, Jacques B..., en tant que juge-commissaire, était chargé de veiller à la bonne exécution du plan par celui qui le rémunérait ; que, lorsque la société Soclaine a entrepris de revendre le principal actif de la société Lola Ascore, Pierre X... a mis fin à ses relations contractuelles avec Jacques B... ; qu'il n'est pas nécessaire, pour que les délits de corruption active et passive soient constitués que la corruption ait été suivie d'effet ; que la corruption, pour exister n'a pas besoin d'être efficace ; que peu importe que nul ne sache dans quel sens Jacques B... a voté au cours du délibéré qui a précédé la décision du tribunal de commerce ; qu'il n'importe pas non plus de déterminer si la décision prise a été juste ou non, et qu'elle n'était pas la seule possible, dès lors qu'elle était un acte de la fonction de Jacques B... ; que le fait qu'il ne soit pas établi que les prestations de Jacques B... aient été fictives ne fait pas disparaître le fait que l'emploi que lui fournissait Pierre X..., même s'il comportait un véritable travail, constituait un avantage évident pour Jacques B..., qu'il résulte de ce qui précède et plus particulièrement de la chronologie des événements que Pierre X... a approché Jacques B... pour lui faire une proposition intéressante lorsque ce dernier allait participer en tant que juge-commissaire et membre de la formation collégiale au processus décisionnel qui allait aboutir au plan de cession de la société Lola Ascore à la société Soclaine ;

que Pierre X... a ensuite rétribué le juge-commissaire de la procédure collective jusqu'à ce que le fonds de commerce de la société Lola Ascore soit mis en location-gérance dans la perspective de sa vente ; que Pierre X... avait donc tout intérêt à ce que les décisions prises dans le cadre de la procédure collective lui soient favorables et il n'est pas envisageable qu'il n'ait pas considéré comme de nature à faciliter le déroulement de la procédure en sa faveur, les relations d'affaires qu'il a mises en place avec Jacques B... dès qu'il s'est intéressé à la reprise de la société Lola Ascore ; que Pierre X... a donc engagé Jacques B... afin d'obtenir que la ou les décisions qu'il sollicitait et espérait du tribunal lui soient favorables, et en premier lieu l'attribution de la société Lola Ascore à la société Soclaine ; que s'il avait été de bonne foi, Jacques B... n'aurait pas accepté cette proposition et les rémunérations subséquentes et conséquentes ou il se serait déporté du dossier Lola Ascore ; que le seul préjudice qu'il voulait éviter était de perdre le contrat proposé par Pierre X... et il n'a pas voulu subir ce manque à gagner ; que cette simple circonstance et la relation d'affaire établie entre Jacques B... et la société Soclaine, antérieure, concomitante et postérieure au jugement du 16 juin 1988 établissent l'existence d'un pacte de corruption ; qu'il est donc établi, d'une part, que les rémunérations reçues par Jacques B... pendant la période couverte par la prévention constituaient des avantages accordés par Pierre X... à Jacques B... pour l'accomplissement d'actes de sa fonction de magistrat consulaire ; que les faits de corruption active sont donc constitués à l'égard de Pierre X... ;

"alors, d'une part, qu'en vertu de l'article 179 ancien du Code pénal, le délit de corruption active suppose, pour être constitué, l'usage par l'auteur de voies de fait ou menaces, de promesses, offres, dons ou présents ; qu'en l'espèce, il est reproché à Pierre X... d'avoir, du 17 mars 1989 au 31 décembre 1991, commis des faits constitutifs de l'infraction de corruption active ;

que le délit étant donc constitué sous l'empire de l'ancien Code pénal, la cour d'appel ne pouvait retenir le prévenu dans les liens de la prévention pour avoir fourni un emploi rémunéré à Jacques B... constitutif d'un "avantage" cependant que ce moyen générateur de l'activité délictueuse n'apparaît que dans le nouveau Code pénal ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé le texte susvisé et l'article 121-1 du Code pénal ;

"alors, d'autre part, que toute rémunération versée en contrepartie d'un travail effectif ne constitue pas un avantage pour le salarié mais une juste compensation ; qu'en considérant que les rétributions versées à Jacques B... constituaient un avantage tout en admettant implicitement, dès lors qu'il n'était pas établi que les prestations de ce dernier aient été fictives, qu'il avait véritablement occupé les fonctions de consultant marketing en contrepartie desquelles il a été rémunéré, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations et a violé les textes susvisés ;

"alors, en toute hypothèse, que nul n'étant pénalement responsable que de son propre fait, la seule intention criminelle ne suffit pas à caractériser l'élément matériel du délit de corruption qui suppose que soit établie une sollicitation explicite du corrompu par le corrupteur dans le but d'obtenir l'accomplissement ou l'abstention d'un acte de sa fonction en contrepartie d'offres, promesses, dons, présents ou avantages ; qu'en retenant Pierre X... dans les liens de la prévention au seul motif qu'il n'était " pas envisageable qu'il n'ait pas considéré " ses relations d'affaires avec Jacques B... comme de nature à faciliter le déroulement de la procédure en sa faveur, et donc en se fondant sur la seule " pensée " délictueuse du prévenu sans caractériser en quoi il avait explicitement sollicité Jacques B... pour qu'il influe en sa faveur sur la décision du tribunal de commerce en contrepartie de leurs relations d'affaires, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, enfin, qu'en considérant qu'il n'importait pas de déterminer si la décision prise par le tribunal de commerce de céder la société Lola Ascore à la société dont Pierre X... est le gérant était juste ou non, cependant que la preuve de l'absence de lien de causalité, constitutif du délit de corruption active, entre l'avantage proposé à Jacques B... et l'accomplissement d'un acte de sa fonction par son rôle dans la décision du tribunal de commerce résultait aussi du fait que, comme l'a fait valoir le prévenu dans ses écritures, seule la proposition de reprise de sa société s'est maintenue jusqu'à l'issue de la procédure justifiant que la société Lola Ascore lui soit cédée en toute légitimité, la cour d'appel n'a pas mieux justifié sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de corruption active dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour Pierre X..., pris de la violation des articles 2, 3, 480-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Pierre X..., solidairement avec Jacques B... à verser à Nicole Z... et Patrick Y... la somme de 40 000 euros chacun en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi ;

"aux motifs que les faits dont Pierre X... et Jacques B... se sont rendus coupables ont eu pour effet la mise en cause de la validité des décisions rendues par le tribunal de commerce de Paris dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire des entreprises que les parties civiles dirigeaient puisque ces décisions ont été rendues par un tribunal dont la décision n'est pas conforme au principe d'impartialité ; que les justiciables concernés ont pu se sentir victime d'une injustice du simple fait du comportement des prévenus ; que cette situation a incité les parties civiles à initier des procédures longues, coûteuses et aléatoires ;

qu'il en résulte un important préjudice moral pour les parties civiles ;

"alors, d'une part, qu'en vertu de l'article 480-1 du Code de procédure pénale, la solidarité ne peut être prononcée qu'à l'encontre des prévenus condamnés pour un même délit ; que Pierre X... a été condamné pour avoir commis l'infraction de corruption active qui n'est pas reprochée à Jacques B... dès lors que celui-ci a été déclaré coupable de l'infraction de corruption passive réprimée par un texte distinct ; qu'en les condamnant pourtant à payer solidairement les dommages-intérêts octroyés aux parties civiles en réparation de leur préjudice moral, la cour d'appel a violé l'article précité ;

"alors, d'autre part, que si la solidarité peut être prononcée en raison d'un lien de connexité ou d'indivisibilité entre les différentes infractions retenues à l'encontre des prévenus, c'est à la condition qu'un tel lien soit expressément constaté par le juge pénal ; qu'en l'absence de toute constatation d'un lien de connexité ou d'indivisibilité entre les deux infractions reprochées à Pierre X... et Jacques B..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Attendu qu'après avoir déclaré Pierre X... et Jacques B... coupables, respectivement, de corruption active et passive, l'arrêt les condamne solidairement à réparer le préjudice moral en résultant pour Nicole Z... et Patrick Y... ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que les infractions de corruption active et passive, qui procèdent d'un concert frauduleux formé à l'avance entre le corrupteur et le corrompu, sont connexes au sens de l'article 203 du Code de procédure pénale, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Bouzidi-Bouhanna, pour Patrick Y..., Nicole Z... et la société Lola Ascore, pris de la violation des articles 2, 3 et suivants du Code de procédure pénale, 1382 et 1383 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a mis hors de cause la société Soclaine, débouté Me C... de ses demandes et Nicole Z... de ses demandes formées au titre du préjudice matériel et financier, limitant la condamnation de Jacques B... et Pierre X... à lui payer une somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice moral, débouté Patrick Y... de ses demandes formées au titre du préjudice matériel et financier et d'avoir limité la condamnation de Pierre X... et Jacques B... à lui payer une somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

"aux motifs que Pierre X... est le dirigeant de la société Soclaine et non son préposé ; que l'article 1384 du Code civil ne peut rentrer en application en l'espèce ; que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré la société Soclaine civilement responsable de Pierre X... et la société Soclaine sera mise hors de cause sans qu'il soit besoin de répondre à ces moyens ;

"alors qu'il ressort de l'arrêt que le 2 juin 1988 était signé un contrat entre la société Soclaine et Jacques B..., engagé pour une durée de 5 ans à compter du 1er août 1988 par la société dirigée par Pierre X... comme conseiller en matière de technologie et marketing du jouet aux émoluments de 204 000 francs par an (arrêt p. 7), Jacques B... ayant présidé l'audience du 16 juin 1988 au cours de laquelle le plan de cession à la société Soclaine, son employeur, était adopté par le tribunal (arrêt p. 8) ;

qu'il ressort encore de l'arrêt que Jacques B... avait été rémunéré par la société Soclaine, qu'il avait un véhicule de fonction, que Pierre X... a engagé Jacques B... afin d'obtenir que là où les décisions qu'il sollicitait et espérait du tribunal de commerce lui soit favorable et en premier lieu l'attribution de la société Lola Ascore à la société Soclaine que Jacques B... savait lorsqu'il a accepté l'offre du dirigeant de la société Soclaine puis les rémunérations versées par cette société ce que voulait Pierre X... ; que la cour d'appel qui, cependant, décide que Pierre X... est le dirigeant de la société Soclaine et non son préposé, que l'article 1384 du Code civil ne peut entrer en application en l'espèce pour infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société Soclaine civilement responsable de Pierre X... et que la société Soclaine doit être mise hors de cause, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il ressortait que la société était civilement responsable des faits de Jacques B... son préposé et partant a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Soclaine n'a été citée qu'en sa qualité de civilement responsable des agissements reprochés à Pierre X... ;

Attendu qu'en cet état, le moyen, qui soutient que la société Soclaine était civilement responsable de Jacques B..., son préposé, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Bouzidi-Bouhanna, pour Patrick Y..., Nicole Z... et la société Lola Ascore, pris de la violation des articles 2, 3 et suivants du Code de procédure pénale, 1382 et 1383 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a mis hors de cause la société Soclaine, débouté Me C... de ses demandes et Nicole Z... de ses demandes formées au titre du préjudice matériel et financier, limitant la condamnation de Jacques B... et Pierre X... à lui payer une somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice moral, débouté Patrick Y... de ses demandes formées au titre du préjudice matériel et financier et d'avoir limité la condamnation de Jacques B... et Pierre X... à lui payer une somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

"aux motifs qu'il n'est pas établi que la société Lola Ascore certes directement concernée par les faits visés par la poursuite, est donc recevable sur le principe de sa constitution de partie civile, ait subi un préjudice matériel en conséquence des infractions commises par Jacques B... et Pierre X... ; qu'en effet, comme dit plus haut, il n'est pas besoin pour que la corruption soit constituée qu'elle ait été efficace et, en l'espèce, il est impossible d'affecter aux faits de corruption un effet certain sur les décisions entreprises et de considérer qu'une autre solution aurait sauvé la société Lola Ascore, compte tenu du caractère aléatoire des autres solutions qui se présentaient au tribunal de commerce ; que la décision entreprise sera réformée en ce qu'elle a accordé des dommages et intérêts à Me C... agissant es qualité de mandataire ad hoc de la société Lola Ascore ;

"alors, d'une part, que le demandeur demandait la confirmation du jugement ayant retenu que la société Lola Ascore avait subi un préjudice certain lié à la perte de chance résultant de la privation du plan de continuation présenté par la société HMI qui était pour elle plus avantageux que le plan de cession et lui permettait de conserver sa marque, le plan de continuation prévoyant un apurement de 100 % du passif sur 10 ans tandis que le passif s'élevait à 3 900 000 francs ; qu'en se contentant d'affirmer péremptoirement qu'il n'est pas établi que la société Lola Ascore ait subi un préjudice matériel en conséquence des infractions commises par Jacques B... et Pierre X..., qu'il est impossible d'affecter aux faits de corruption un effet certain sur les décisions prises et de considérer qu'une autre solution aurait sauvé la société Lola Ascore, compte tenu du caractère aléatoire des autres solutions qui se présentaient au tribunal, sans préciser en quoi le comportement de Jacques B... et Pierre X... n'avait pas eu un rôle causal dans la perte de chance de voir le tribunal opter pour le plan de continuation proposé par la société HMI, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

"alors, d'autre part, qu'en affirmant qu'il n'est pas établi que la société Lola Ascore ait subi un préjudice matériel en conséquence des infractions commises par Jacques B... et Pierre X... qu'il est impossible d'affecter aux faits de corruption un effet certain sur les décisions prises et de considérer qu'une autre solution aurait sauvé la société Lola Ascore, compte tenu du caractère aléatoire des autres solutions qui se présentaient au tribunal de commerce, sans rechercher si l'existence de ce doute sur le choix de la solution qui aurait été retenue par le tribunal ne caractérisait pas la perte d'une chance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Sur le troisième moyen et le moyen additionnel de cassation proposés par la société civile professionnelle Bouzidi-Bouhanna, pour Patrick Y..., Nicole Z... et la société Lola Ascore, pris de la violation des articles 2, 3 et suivants du Code de procédure pénale, 1382 et 1383 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a mis hors de cause la société Soclaine, débouté Me C... de ses demandes et Nicole Z... de ses demandes formées au titre du préjudice matériel et financier, limitant la condamnation de Jacques B... et Pierre X... à lui payer une somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice moral, débouté Patrick Y... de ses demandes formées au titre du préjudice matériel et financier et d'avoir limité la condamnation de Jacques B... et Pierre X... à lui payer une somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

"aux motifs que la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamnée les prévenus à verser des dommages-intérêts au titre du préjudice matériel et financier et ce pour les mêmes motifs que ceux développés sur la demande de Me C... ; qu'il est en effet impossible d'établir un lien direct et certain entre les infractions dont la Cour est saisie et les conséquences des décisions prises par le tribunal de commerce, dont le jugement est, au demeurant, soumis à une procédure de rétractation actuellement en suspens ni même l'existence d'une perte de chance car il existe, au vu des éléments soumis à la Cour, un doute sur le fait que la solution présentée par les parties civiles avait - effectivement - une chance de sauver l'entreprise, compte tenu de la précarité financière avérée de la société HMI et de sa capacité réelle à redresser l'entreprise et des fautes de gestion de Patrick Y... avérées puisque jugées telle par la cour d'appel de Paris ; que Nicole Z... et Patrick Y... seront déboutés de leur demande en ce qu'elles tendent à la réparation du préjudice matériel et financier ;

"alors, d'une part, qu'en affirmant qu'il est impossible d'établir un lien direct et certain entre les infractions dont la Cour est saisie et les conséquences des décisions prises par le tribunal de commerce ni même l'existence d'une perte de chance car il existe au vu des éléments soumis à la Cour un doute sur le fait que la solution présentée par les parties civiles avait effectivement une chance de sauver l'entreprise compte tenu de la précarité financière avérée de la société HMI et de sa capacité réelle à redresser l'entreprise sans nullement préciser les éléments de fait, aucune des parties n'ayant soulevé ce moyen, d'où il ressortait cette prétendue précarité financière de la société HMI et son incapacité réelle à redresser l'entreprise, la cour d'appel qui s'est prononcée par voie d'affirmation a violé les textes susvisés ;

"alors que de plus en fondant l'absence de perte de chance sur l'existence d'un doute sur le fait que la solution présentée par les demandeurs avait effectivement une chance de sauver l'entreprise, compte tenu de la précarité financière de la société HMI, la cour d'appel a confondu la perte de chance de voir le tribunal adopter la solution proposée par la société HMI avec le résultat d'un tel choix et a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que la simple corruption du juge-commissaire a nécessairement eu un rôle causal sur le fait que l'offre de la société HMI n'a pas été retenue, ce qui constituait la perte d'une chance ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, de troisième part, qu'en motivant l'absence de perte de chance par les fautes de gestion de Patrick Y... sans aucunement préciser en quoi ces fautes de gestion avaient un rôle causal dans le fait que l'offre de la société HMI n'avait pas été retenue par le tribunal de commerce dans la composition duquel figurait le juge-commissaire, dont elle relève par ailleurs qu'il a été corrompu par Pierre X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

"alors, de quatrième part, ainsi que l'a relevé le tribunal l'administrateur judiciaire dans son troisième plan de redressement déposé après l'offre de continuation faite par la société HMI donnait la préférence à cette offre qui, selon ses propos, comportait un projet commercial judicieusement rénové, une gestion renforcée et un plan financier structuré comportant notamment l'apport de deux millions de francs avec un rôle commercial et créatif réservé aux anciens animateurs qui s'associaient à cette proposition, qu'à l'audience du 9 juin l'offre d'HMI apparaissait la meilleure et Pierre X... indiquait qu'il s'inclinait, le tribunal ayant subordonné l'homologation de cette offre à la justification par la société HMI sous huitaine de ce qu'elle disposait du deuxième million par le dépôt d'un chèque certifié, l'administrateur judiciaire ayant indiqué avoir été surpris par cette décision ayant fixé un délai excessivement bref pour justifier de la disponibilité du deuxième million ; que dès lors en affirmant la précarité financière avérée de la société HMI et son incapacité réelle à redresser l'entreprise sans s'expliquer sur ces circonstances de fait relevées par le tribunal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"alors, de cinquième part, que le tribunal avait relevé que l'homologation du plan de cession au profit de la société Soclaine à la suite du pacte de corruption a entraîné pour les exposants la perte de chance de voir l'entité Lola Ascore Nicole Z... reprise par la société HMI selon le plan de continuation proposé par cette société qui comportait leur engagement en qualité de salarié de la société ; qu'en déniant l'existence d'une perte de chance motif pris qu'il existe au vu des éléments soumis à la Cour un doute sur le fait que la solution présentée par les parties civiles avait effectivement une chance de sauver l'entreprise motif pris de la précarité financière avérée de la société HMI et de sa capacité réelle à redresser l'entreprise et des fautes de gestion de Patrick Y... avérées cependant que la cour d'appel devait rechercher si les faits de corruption qu'elle relevait n'avait pas ôté toute chance à la société HMI de voir son offre retenue, dans les conditions normales, les premiers juges ayant par ailleurs relevé la précipitation avec laquelle le tribunal a homologué l'offre de la société Soclaine et l'exigence subite, dans un délai extrêmement bref, imposé à la société HMI d'avoir à produire un chèque certifié d'un montant de 1 000 000 francs, n'a par la même pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

"alors, enfin, qu'en motivant sa décision par l'existence d'une procédure de rétractation pendante cependant qu'il ressort du dossier qu'aucune procédure n'était pendante, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 15 février 2002 ayant annulé le jugement du 8 juillet 1997 en ces dispositions par lesquels il ordonnait l'annulation des sanctions prononcées à l'encontre des demandeurs par le jugement du 6 février 1989 et l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 novembre 1991 et en celles par lesquelles il ordonne la radiation de ces sanctions, la Cour d'appel ayant réformé le jugement en ces dispositions par lesquelles il condamnait la société Soclaine à restituer divers sommes à la société Hauteville Diffusion et ayant sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction pénale sur les poursuites engagées contre Jacques B... et Pierre X... du chef de corruption ; que dès lors la cour d'appel ne pouvait affirmer qu'il est impossible d'établir un lien direct et certain entre les infractions dont la Cour est saisie et les conséquences des décisions prises par le tribunal de commerce motif pris que le jugement est soumis à une procédure de rétractation actuellement en suspens sans par la même violer les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour débouter Patrick Y..., Nicole Z... et la société Lola Ascore de leurs demandes tendant à la réparation des préjudices matériels et financiers qui résulteraient des délits de corruption active et passive, l'arrêt infirmatif prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, qui établissent, sans insuffisance ni contradiction, l'absence de tout lien de causalité direct et certain entre les infractions poursuivies et les préjudices invoqués, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-82066
Date de la décision : 06/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 9 ème chambre, 28 janvier 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 avr. 2005, pourvoi n°04-82066


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.82066
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