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06/04/2005 | FRANCE | N°03-85247

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 avril 2005, 03-85247


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Charles,

- LA SOCIETE HOLCO,

- LA SOCIETE HOLCO LUX,

- LA SOCIETE MERMOZ AVIATION IRELAND,

- LA SOCIETE

COOPERATIVE MERMOZ,

- LA SOCIETE AIR LIB,

- LA SOCIETE ALT,

- LA SOCIETE HRS,

contre l'ordonnance ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Charles,

- LA SOCIETE HOLCO,

- LA SOCIETE HOLCO LUX,

- LA SOCIETE MERMOZ AVIATION IRELAND,

- LA SOCIETE COOPERATIVE MERMOZ,

- LA SOCIETE AIR LIB,

- LA SOCIETE ALT,

- LA SOCIETE HRS,

contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de SENLIS, en date du 26 mai 2003, qui a autorisé l'administration des Impôts à effectuer des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;

I - Sur le pourvoi des sociétés Air Lib, ALT et HRS :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur le pourvoi de Jean-Charles X... et des sociétés Holco, Holco Lux, Mermoz Aviation Ireland et Coopérative Mermoz :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Gatineau pour Jean-Charles X..., la société Holco, la société Holco Lux, la société Coopérative Mermoz, la société Mermoz Aviation Ireland, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 16 B du Livre des procédures fiscales, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé les visites et saisies sollicitées au ..., Boursonne (60), dans les locaux et dépendances susceptibles d'être occupés par Jean-Charles X... et/ou Yveline Y..., épouse X..., et/ou par la société Holco Lux SA et/ou par la société Coopérative Mermoz et/ou par la société Mermoz Aviation Ireland Limited ;

"aux motifs que les pièces présentées à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite et qu'elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance ; que la SAS Holco, créée en juillet 2001, au capital de 40 000 euros, a pour activité la prise de participation ou d'intérêt, directe ou indirecte, par voie de création, d'acquisition, de souscriptions, d'apport ou autre, dans toutes sociétés, et entreprises industrielles, commerciales, immobilières, financières ou prestataires de service de toute nature, plus particulièrement dans les domaines du transport aérien des personnes et des marchandises, de l'exploitation, de la vente, de la location, de l'entretien et de l'équipement d'aéronefs et de tous matériels de transport aérien, l'organisation, la gestion et la promotion desdites sociétés et entreprises, ainsi que l'étude, la mise au point et la réalisation de tous projets dans ces domaines, l'exploitation, l'achat, la vente, la location et l'équipement d'aéronefs et de tous matériels et fourniture afférents à l'exploitation de transports aériens et à l'exécution d'opérations de service et de travail aérien, l'exécution de toutes opérations de service ou de travail aérien, l'achat, la vente, la prise à crédit-bail, l'exploitation, la gestion, l'administration et la location tant comme locataire que comme bailleresse, de tous biens et droits immobiliers (cf. pièce 1) ;

que son siège social est fixé 112, avenue Kléber à Paris 16ème et que son président est Jean-Charles X..., né le 1er septembre 1952 à Besançon (25) et domicilié en France (cf. pièce 1) ; que l'adresse du 112, avenue Kléber à Paris 16ème est une adresse de domiciliation (cf. pièce 30) ; que la société Holco SAS a constitué sur l'exercice clos au 31 mars 2002 une provision pour la quote-part de maintenance des avions antérieure au 1er août 2001 d'un montant de 30 707 937 euros (cf. pièce 2) ; que la société Holco n'a pas d'aéronef inscrit à l'actif immobilisé de son bilan (cf. pièce 2) ; qu'il n'existe pas de charges de location d'aéronefs dans les comptes de la société Holco au 31 mars 2002 (cf. pièce 4) ; que la société Holco SAS est bénéficiaire du plan de cession d'entreprises intervenue dans le cadre du redressement judiciaire du groupe AOM Air Liberté (cf. pièce 27) ; que la société d'exploitation AOM Air Liberté a été substituée à sa société mère, la SAS Holco, dans l'ensemble des éléments d'actifs et des contrats cédés par les sociétés Air Liberté AOM, Air Liberté et TAT European Air-Lines et dans l'ensemble de ses droits et obligations (cf. pièce 27) ; que les frais d'exploitation, de maintenance et de redevances aéroportuaires, sont supportés par la société d'exploitation AOM Air Liberté (cf. pièce 4) ; que les provisions relatives à la flotte ne devraient pas avoir d'impact sur la situation nette comptable de Holco SAS (cf. pièce 4) ; que

l'ensemble de ces éléments permet de présumer que la passation de l'écriture de provision grevant le résultat d'exploitation n'a pas de justification comptable et ne peut faire l'objet d'une déduction sur le résultat fiscal ;

"et que la société Holco SAS a comptabilisé sur l'exercice clos au 31 mars 2002 des honoraires versés à une banque d'affaires d'un montant de 8 335 000 euros hors taxes (cf. pièce 4.2) ;

que 54 millions de francs, soit 8 232 247 euros, ont été versés par Holco SAS à CIBC (Canadian Impérial Bank of Commerce) (cf. pièce 4.5) ; qu'il peut être présumé que CIBC est la banque d'affaires bénéficiaire des honoraires ; que CIBC avait pour objectif de trouver des investisseurs et que ni ceux-ci, ni les sommes attendues n'ont été trouvées (cf. pièce 4.6) ; que ni les fonds propres, ni l'endettement externe de Holco SAS ne saurait justifier de l'importance des honoraires versés à un établissement de crédit (cf. pièce 2.1) ; qu'ainsi, cette opération qui est venue grever le résultat fiscal est présumée avoir été réalisée sans contrepartie réelle et suffisante ;

"et que la société Holco Lux SA a été créée en décembre 2001 par la société française Holco SAS et par Jean- Charles X... (cf. pièce 7) ; que le siège social est établi à Luxembourg 26, rue Philippe Il et que l'objet social est la prise de participations dans des entreprises ou des sociétés luxembourgeoises ou étrangères (cf. pièce 7) ; qu'elle n'y dispose pas d'une ligne téléphonique (cf. pièce 8) ; qu'à cette adresse, sont domiciliées 60 sociétés (cf. pièce 8) ; que la SAS Holco détient 100 % des titres Holco Lux au 31 mars 2002 (cf. pièce 2) ; que Jean-Charles X... est le premier administrateur délégué de la société et que MM. Paul Z... et Jean A... sont administrateurs et que tous les trois résident en France (cf. pièces 7, 13, 21 et 22) ; que l'analyse des relevés téléphoniques sur la période du 1er juin 2002 au 31 juillet 2002 du n° 06 12 72 ... dont est titulaire Jean-Charles X... ne fait apparaître aucune communication vers le Luxembourg (cf. pièces 18.1, 18.2 et 30) ; que la société Holco Lux n'est pas répertoriée auprès de l'administration fiscale française pour l'exercice d'une activité sur le territoire national (cf. pièces 6.1, 6.2, 6.3 et 6.4) ; qu'il résulte de ces éléments qu'il peut être présumé que la société Holco Lux ne dispose au Luxembourg que d'une simple domiciliation et qu'elle est en fait dirigée depuis la France par Jean-Charles X... ;

"et que la société d'exploitation AOM Air Liberté, nom commercial "Air Lib", société anonyme créée en août 2001, au capital de 15 000 000 euros, a pour activité l'organisation et l'exploitation de toutes activités de transport aérien de personnes et de marchandises ainsi que l'exécution de toutes opérations de service ou de travail aérien, l'exploitation, l'achat, la vente, la location, la maintenance, l'entretien, la réparation et l'équipement d'aéronefs et de tous matériels et fournitures afférents à l'exploitation de transport aérien et à l'exécution des opérations de service aérien, l'étude de tous problèmes de transports (cf. pièce 5) ;

que son siège social est fixé zone centrale de l'aéroport d'Orly, bâtiment 363, 91550 Paray Vieille Poste, adresse qui est également celle du principal établissement (cf. pièce 5) ; que cette adresse est également celle du siège de la SAS Air Lib Technics, filiale de la SAS Holco au capital de 40 000 euros créée en août 2001 et présidée par Jean-Charles X... (cf. pièce 28) ; que la société d'exploitation AOM Air Liberté dispose également d'un établissement sis à l'aéroport d'Orly, 91550 Paray Vieille Poste (cf. pièce 31.2) ; qu'elle dispose également d'un établissement sis aérogare d'Orly-Sud, Orly Sud 244, 94390 Orly aérogare (cf. pièce 5) ; que cette adresse est également celle d'un établissement de la SAS Air Lib Technics (cf. pièce 28) ; que le président-directeur général de la société d'exploitation AOM Air Liberté est Jean-Charles X... et les administrateurs sont MM. Jean A..., né le 4 juin 1942 à Meknès au Maroc, demeurant ..., 60320 Bethisy Saint-Martin, et Paul Z..., né le 10 août 1952 à Saigon au Vietnam, demeurant ..., 60800 Ormoy Villers (cf. pièce 5) ; que la société d'exploitation AOM Air Liberté est détenue à 99,99 % par la SAS Holco (cf. pièce 2) ; que la société d'exploitation AOM Air Liberté est substituée dans l'ensemble des éléments d'actifs et des contrats cédés à sa société mère, la SAS Holco, ainsi que dans l'ensemble des droits et obligations de cette dernière qui ne détient en propriété ni ne loue aucun aéronef (cf. pièce 4.2) ; qu'une convention de "management fees" passée entre la SAS Holco et la société d'exploitation AOM Air Liberté "Air Lib" prévoit le versement par cette dernière à sa société mère de 850 000 euros sur la période du 1er août au 31 décembre 2001 et de 2 040 000 euros à partir du 1er janvier 2002 (cf. pièce 4.2) ; qu'il existe également une convention de location entre ces deux sociétés de sept appareils dont les frais de maintenance doivent être supportés par la société d'exploitation AOM Air Liberté "Air Lib" (cf. pièce 4.2) ; que la société d'exploitation AOM Air Liberté a bénéficié au titre de son exercice clos au 31 mars 2002 d'un abandon de créance de 5 138 375 euros consenti par Mermoz (cf. pièce 31.1) ; qu'il peut être présumé qu'il s'agit de l'entité Coopérative Mermoz UA ou de l'entité Mermoz Aviation Ireland Limited ;

"alors que, premièrement, le juge, qui autorise des visites domiciliaires à la requête de l'administration fiscale, doit vérifier de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information, que cette Administration est tenue de lui fournir, que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; que le contrôle effectif du juge et sa vérification personnelle sont des exigences qui justifient la constitutionnalité de l'article 89 de la loi de finances n° 84-1209 du 29 décembre 1984, codifiée sous l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales, et sont destinées à assurer la protection des droits de l'homme au sens des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme du 4 novembre 1950 ; que si les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales sont réputés être établis par le juge qui l'a signée, il en est autrement lorsque la preuve contraire s'établit à la lecture des pièces du dossier officiel et notamment des propres mentions de la décision entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte de l'ordonnance attaquée, rendue le 26 mai 2003, que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Senlis, saisi le même jour, a dû examiner et analyser 32 pièces représentant 528 feuillets ;

que le magistrat signataire de cette ordonnance n'a donc pu, en quelques heures, prendre connaissance de l'ensemble de ces documents et vérifier le bien-fondé de la mesure sollicitée, ce qui permet d'établir que cette ordonnance n'a pas été rédigée par le magistrat qui l'a prétendument rendue mais par l'auteur de la requête, et que ce juge n'a pas, au moins en apparence, aux yeux des parties concernées par les visites, exercé son pouvoir de contrôle ; que cette absence de vérification est en outre confirmée par le fait que l'ordonnance attaquée est la reproduction servile de la requête et qu'elle est rédigée de manière strictement identique à trois autres ordonnances, également frappées de pourvoi (U 03- 85.244, V 03-85.245, W 03-85.246), rendues par des magistrats relevant d'un autre ressort juridictionnel, à quelques jours d'intervalle et dans la même procédure d'enquête ; qu'en outre, cette décision contient, exactement aux mêmes endroits, les mêmes erreurs typographiques que les trois autres ordonnances sus- évoquées ; que, notamment, ces décisions font toutes référence à l'entité "Coopérative Mermoz UA", alors que la déclaration de pourvoi fait apparaître, plus justement, la dénomination "Coopérative Mermoz UA" ; qu'une telle similitude démontre que ces diverses ordonnances ont bien été rédigées par le même auteur, en l'occurrence par l'administration fiscale ; qu'ainsi, preuve étant apportée que l'ordonnance attaquée a été rédigée par l'administration fiscale, elle ne peut plus être réputée l'avoir été par le juge qui l'a rendue et signée ; que ce faisant, l'ordonnance attaquée est contraire aux textes visés au moyen ;

"alors, deuxièmement, qu'en se bornant, pour déduire que la société Holco Lux ne disposait au Luxembourg que d'une simple domiciliation et qu'elle était en fait dirigée depuis la France par Jean-Charles X..., à souligner que l'analyse des relevés téléphoniques sur la période du 1er juin 2002 au 31 juillet 2002 du téléphone portable dont Jean-Charles X... est titulaire ne faisait apparaître aucune communication vers le Luxembourg, sans prendre en considération la circonstance selon laquelle seule une ligne de téléphone portable était analysée sur une période de deux mois, alors qu'il était évident que Jean-Charles X... disposait d'autres lignes à usage professionnel ou privé, et que la manoeuvre de l'Administration consistant à ne faire état que d'une ligne de téléphone portable est de nature à introduire un doute sérieux sur la valeur des éléments fournis par l'administration fiscale, le juge des libertés a privé sa décision de base légale ;

"alors que, troisièmement, le juge des libertés et de la détention, qui avait relevé que la société Holco Lux était administrée non seulement par Jean-Charles X..., mais également par MM. Paul Z... et Jean A..., qui résident également en France, ne pouvait, pour déduire que la société Holco Lux ne disposait au Luxembourg que d'une simple domiciliation et qu'elle était en fait dirigée depuis la France par Jean-Charles X..., se borner à constater que l'analyse des relevés téléphoniques sur la période du 1er juin 2002 au 31 juillet 2002 du téléphone portable dont Jean-Charles X... est titulaire ne faisait apparaître aucune communication vers le Luxembourg, sans s'interroger sur la portée de cette présomption au regard de la probabilité que MM. Paul Z... et Jean A... disposaient de lignes téléphoniques personnelles, à usage professionnel ou privé, leur permettant de joindre le Luxembourg ; qu'il a ainsi privé sa décision de base légale ;

"alors que, quatrièmement, l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales prescrit que la demande de visite domiciliaire doit être accompagnée de tous les éléments d'information en possession de l'Administration de nature à justifier la visite ; que l'administration fiscale a la possibilité d'obtenir des sociétés de télécommunications, les copies des factures détaillées mentionnant les destinataires des communications émises depuis une ligne attribuée à une personne physique ou morale ; qu'ainsi, ayant la possibilité de se faire communiquer et de produire à l'appui de sa demande l'ensemble des factures afférentes à l'ensemble des lignes téléphoniques, fixes ou portables, dont pouvaient disposer Jean-Charles X..., MM. Paul Z... et Jean A..., administrateurs de la société Holco Lux, l'administration fiscale ne pouvait se borner à présenter au juge des libertés et de la détention les seuls relevés se rapportant à une ligne de téléphone portable dont Jean-Charles X... était titulaire ; que, dès lors, l'ordonnance attaquée a été délivrée sur une requête ne répondant pas aux prescriptions légales et ne satisfait pas aux exigences du texte susvisé ;

"alors que, cinquièmement, l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales fait obligation à l'administration fiscale de fournir au juge judiciaire auquel un droit de visite est demandé tous les éléments en sa possession permettant à ce dernier d'apprécier exactement les présomptions de fraude invoquées ; qu'en ne produisant pas, à l'appui de sa demande d'autorisation de visite domiciliaire, la lettre de Mme B..., secrétaire d'Etat au budget, en date du 8 novembre 2001, précisant le régime d'exonération de TVA prévu par l'article 262 II du Code général des impôts, et ainsi de nature à remettre en cause l'appréciation par le juge judiciaire des éléments retenus à titre de présomption de fraude, l'administration fiscale n'a pas respecté son devoir de loyauté ; qu'en accordant néanmoins l'autorisation sollicitée, le juge des libertés et de la détention a violé l'article visé au moyen" ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Jean-Charles X..., la société Holco, la société Holco Lux, la société Coopérative Mermoz, la société Mermoz Aviation Ireland, pris de la violation des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé les visites et les saisies sollicitées au ..., Boursonne (60), dans les locaux et dépendances susceptibles d'être occupés par Jean-Charles X... et/ou Yveline Y..., épouse X..., et/ou par Holco Lux SA et/ou par Coopérative Mermoz UA et/ou par Mermoz Aviation Ireland Limited ;

"aux motifs que les pièces présentées à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite et qu'elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance ; que la SAS Holco, créée en juillet 2001, au capital de 40 000 euros, a pour activité la prise de participation ou d'intérêt, directe ou indirecte, par voie de création, d'acquisition, de souscriptions, d'apport ou autre, dans toutes sociétés et entreprises industrielles, commerciales, immobilières, financières ou prestataires de service de toute nature, plus particulièrement dans les domaines du transport aérien des personnes et des marchandises, de l'exploitation, de la vente, de la location, de l'entretien et de l'équipement d'aéronefs et de tous matériels de transport aérien, l'organisation, la gestion et la promotion desdites sociétés et entreprises, ainsi que l'étude, la mise au point et la réalisation de tous projets dans ces domaines, l'exploitation, l'achat, la vente, la location et l'équipement d'aéronefs et de tous matériels et fourniture afférents à l'exploitation de transports aériens et à l'exécution d'opérations de service et de travail aérien, l'exécution de toutes opérations de service ou de travail aérien, l'achat, la vente, la prise à crédit-bail, l'exploitation, la gestion, l'administration et la location tant comme locataire que comme bailleresse, de tous biens et droits immobiliers (cf. pièce 1) ;

que son siège social est fixé 112, avenue Kléber à Paris 16ème et que son président est Jean-Charles X..., né le 1er septembre 1952 à Besançon (25) et domicilié en France (cf. pièce 1) ; que l'adresse du 112, avenue Kléber à Paris 16ème est une adresse de domiciliation (cf. pièce 30) ; que la société Holco SAS a constitué sur l'exercice clos au 31 mars 2002 une provision pour la quote-part de maintenance des avions antérieure au 1er août 2001 d'un montant de 30 707 937 euros (cf. pièce 2) ; que la société Holco SAS n'a pas d'aéronef inscrit à l'actif immobilisé de son bilan (cf. pièce 2) ; qu'il n'existe pas de charges de location d'aéronefs dans les comptes de la SAS Holco au 31 mars 2002 (cf. pièce 4) ; que la société Holco SAS est bénéficiaire du plan de cession d'entreprises intervenue dans le cadre du redressement judiciaire du groupe AOM Air Liberté (cf. pièce 27) ; que la société d'exploitation AOM Air Liberté a été substituée à sa société mère, la SAS Holco, dans l'ensemble des éléments d'actifs et des contrats cédés par les sociétés Air Liberté AOM, Air Liberté et TAT European Airlines et dans l'ensemble de ses droits et obligations (cf. pièce 27) ; que les frais d'exploitation, de maintenance et de redevances aéroportuaires sont supportés par la société d'exploitation AOM Air Liberté (cf. pièce 4) ; que les provisions relatives à la flotte ne devraient pas avoir d'impact sur la situation nette comptable de Holco SAS (cf. pièce 4) ; que l'ensemble de ces éléments permet de présumer que la passation de l'écriture de provision grevant le résultat d'exploitation n'a pas de justification comptable et ne peut faire l'objet d'une déduction sur le résultat fiscal ;

"et que la société Holco SAS a comptabilisé sur l'exercice clos au 31 mars 2002 des honoraires versés à une banque d'affaires d'un montant de 8 335 000 euros hors taxes (cf. pièce 4.2) ;

que 54 millions de francs, soit 8 232 247 euros, ont été versés par Holco SAS à CIBC (Canadian Impérial Bank of Commerce) (cf. pièce 4.5) ; qu'il peut être présumé que CIBC est la banque d'affaires bénéficiaire des honoraires ; que CIBC avait pour objectif de trouver des investisseurs et que ni ceux-ci, ni les sommes attendues n'ont été trouvées (cf. pièce 4.6) ; que ni les fonds propres, ni l'endettement externe de Holco SAS ne saurait justifier de l'importance des honoraires versés à un établissement de crédit (cf. pièce 2.1) ; qu'ainsi, cette opération qui est venue grever le résultat fiscal est présumée avoir été réalisée sans contrepartie réelle et suffisante ;

"et que la société Holco Lux SA a été créée en décembre 2001 par la société française Holco SAS et par Jean- Charles X... (cf. pièce 7) ; que le siège social est établi à Luxembourg 26, rue Philippe II et que l'objet social est la prise de participations dans des entreprises ou des sociétés luxembourgeoises ou étrangères (cf. pièce 7) ; qu'elle n'y dispose pas d'une ligne téléphonique (cf. pièce 8) ; qu'à cette adresse, sont domiciliées 60 sociétés (cf. pièce 8) ; que la SAS Holco détient 100 % des titres Holco Lux au 31 mars 2002 (cf. pièce 2) ; que Jean-Charles X... est le premier administrateur délégué de la société et que MM. Paul Z... et Jean A... sont administrateurs et que tous les trois résident en France (cf. pièces 7, 13, 21 et 22) ; que l'analyse des relevés téléphoniques sur la période du 1er juin 2002 au 31 juillet 2002 du n° 06 12 72 ... dont est titulaire Jean-Charles X... ne fait apparaître aucune communication vers le Luxembourg (cf. pièces 18.1, 18.2 et 30) ; que la société Holco Lux n'est pas répertoriée auprès de l'administration fiscale française pour l'exercice d'une activité sur le territoire national (cf. pièces 6.1, 6.2, 6.3 et 6.4) ; qu'il résulte de ces éléments qu'il peut être présumé que la société Holco Lux ne dispose au Luxembourg que d'une simple domiciliation et qu'elle est en fait dirigée depuis la France par Jean-Charles X... ;

"et que la société d'exploitation AOM Air Liberté, nom commercial "Air Lib", société anonyme créée en août 2001, au capital de 15 000 000 euros, a pour activité l'organisation et l'exploitation de toutes activités de transport aérien de personnes et de marchandises ainsi que l'exécution de toutes opérations de service ou de travail aérien, l'exploitation, l'achat, la vente, la location, la maintenance, l'entretien, la réparation et l'équipement d'aéronefs et de tous matériels et fournitures afférents à l'exploitation de transport aérien et à l'exécution des opérations de service aérien, l'étude de tous problèmes de transports (cf. pièce 5) ;

que son siège social est fixé zone centrale de l'aéroport d'Orly, bâtiment 363, 91550 Paray Vieille Poste, adresse qui est également celle du principal établissement (cf. pièce 5) ; que cette adresse est également celle du siège de la SAS Air Lib Technics, filiale de la SAS Holco au capital de 40 000 euros créée en août 2001 et présidée par Jean-Charles X... (cf. pièce 28) ; que la société d'exploitation AOM Air Liberté dispose également d'un établissement sis à l'aéroport d'Orly, 91550 Paray Vieille Poste (cf. pièce 31.2) ; qu'elle dispose également d'un établissement sis aérogare d'Orly-Sud, Orly Sud 244, 94390 Orly aérogare (cf. pièce 5) ; que cette adresse est également celle d'un établissement de la SAS Air Lib Technics (cf. pièce 28) ; que le président-directeur général de la société d'exploitation AOM Air Liberté est Jean-Charles X... et les administrateurs sont MM. Jean A..., né le 4 juin 1942 à Meknès au Maroc, demeurant ..., 60320 Bethisy Saint-Martin, et Paul Z..., né le 10 août 1952 à Saigon au Vietnam, demeurant ..., 60800 Ormoy Villers (cf. pièce 5) ; que la société d'exploitation AOM Air Liberté est détenue à 99,99 % par la SAS Holco (cf. pièce 2) ; que la société d'exploitation AOM Air Liberté est substituée dans l'ensemble des éléments d'actifs et des contrats cédés à sa société mère, la SAS Holco, ainsi que dans l'ensemble des droits et obligations de cette dernière qui ne détient en propriété ni ne loue aucun aéronef (cf. pièce 4.2) ; qu'une convention de "management fees" passée entre la SAS Holco et la société d'exploitation AOM Air Liberté "Air Lib" prévoit le versement par cette dernière à sa société mère de 850 000 euros sur la période du 1er août au 31 décembre 2001 et de 2 040 000 euros à partir du 1er janvier 2002 (cf. pièce 4.2) ; qu'il existe également une convention de location entre ces deux sociétés de sept appareils dont les frais de maintenance doivent être supportés par la société d'exploitation AOM Air Liberté "Air Lib" (cf. pièce 4.2) ; que la société d'exploitation AOM Air Liberté a bénéficié au titre de son exercice clos au 31 mars 2002 d'un abandon de créance de 5 138 375 euros consenti par Mermoz (cf. pièce 31.1) ; qu'il peut être présumé qu'il s'agit de l'entité Coopérative Mermoz UA ou de l'entité Mermoz Aviation Ireland Limited ;

"alors qu'en énonçant, d'une part, que la société Holco SAS ne détenait en propriété ni ne louait aucun aéronef, et, d'autre part, qu'il existait entre cette société et la société d'exploitation AOM Air Liberté une convention de location de sept appareils, le juge des libertés et de la détention a entaché sa décision d'une contradiction de motifs qui prive sa décision de tout fondement" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, d'une part, le juge s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'Administration, a, sans contradiction, souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée ; que toute contestation sur les pièces produites par l'administration des Impôts relève du contentieux dont les juges du fond peuvent être saisis ;

Attendu que, d'autre part, l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision d'autorisation ; que la circonstance que cette décision a été rendue le même jour que celui de la présentation de la requête est sans incidence sur sa régularité ; que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée et que la circonstance que des décisions distinctes visant les mêmes contribuables ont été rendues par d'autres magistrats, dans les limites de leur compétence, est sans incidence sur la régularité de l'ordonnance attaquée ;

Attendu que, enfin, les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce que le juge ne s'est pas référé à certaines pièces, dès lors qu'il a souverainement estimé qu'elles n'étaient pas utiles à sa décision ; qu'il n'est pas démontré que la production de la lettre de la secrétaire d'Etat au Budget invoquée aurait été de nature à remettre en cause l'appréciation du juge ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Jean-Charles X..., la société Holco, la société Holco Lux, la société Coopérative Mermoz, la société Mermoz Aviation Ireland, pris de la violation des articles L. 16 B et L. 47 du Livre des procédures fiscales ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a désigné des inspecteurs en poste à la Direction des Vérifications Nationales et Internationales pour procéder aux visites et saisies sollicitées dans les locaux et dépendances, sis ..., Boursonne (60), susceptibles d'être occupés par Jean-Charles X... et/ou Yveline Y..., épouse X..., et/ou par la société Holco Lux SA et/ou la société Coopérative Mermoz UA et/ou par la société Mermoz Aviation Ireland Limited ;

"alors que les juges du fond, qui autorisent l'administration fiscale à procéder à une visite domiciliaire sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, ne peuvent pas désigner, pour procéder à ladite visite, les agents des impôts qui seront ultérieurement chargés de la vérification de comptabilité et de l'éventuel redressement de la société visitée ;

qu'en effet, la désignation de tels agents permettrait à ces derniers de commencer leur vérification de comptabilité avant même qu'un avis de vérification n'ait été adressé à la société visitée, ce qui constituerait indiscutablement un détournement de procédure ; que, dans l'ordonnance attaquée, le juge des libertés et de la détention a désigné pour procéder à la visite domiciliaire litigieuse Christian C..., Claire D..., Philippe E... et Florence F..., tous inspecteurs en poste à la Direction des Vérifications Nationales et Internationales (DVNI), brigade de vérifications des comptabilités informatisées, sise 6 bis rue Courtois 93696 Pantin ; que ces inspecteurs des Impôts ne relèvent absolument pas de la Direction Nationale des Enquêtes Fiscales (DNEF), mais relèvent de services spécialisés en matière de vérification ; qu'ainsi, ces inspecteurs ont été en mesure de débuter leurs opérations de vérification avant même qu'un avis de vérification n'ait été adressé à la société visitée ; qu'en désignant ces inspecteurs de la DVNI, l'ordonnance attaquée a violé les articles visés au moyen" ;

Attendu qu'il ne saurait être présumé du seul fait de l'appartenance d'un agent de l'administration des Impôts à une brigade de vérification, que celui-ci excédera les limites des pouvoirs qui lui sont conférés par le juge ; que l'ordonnance entreprise n'a violé aucun des textes visés au moyen, dès lors qu'une telle irrégularité, si elle venait à être constatée, pourrait être invoquée devant le juge compétent pour apprécier la validité des opérations ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

Par ces motifs,

I - Sur le pourvoi des sociétés Air Lib, ALT et HRS :

Le DECLARE IRRECEVABLE ;

II - Sur le pourvoi de Jean-Charles X... et des sociétés Holco, Holco Lux, Mermoz Aviation Ireland et Coopérative Mermoz :

Le REJETTE ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-85247
Date de la décision : 06/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet irrecevabilité
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de SENLIS, 26 mai 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 avr. 2005, pourvoi n°03-85247


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:03.85247
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