La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2005 | FRANCE | N°04-85730

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 mars 2005, 04-85730


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY et les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Céline,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 8 septembre 2004, qui, pour non-représen

tation d'enfant, l'a condamnée à 1 an d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les inté...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY et les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Céline,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 8 septembre 2004, qui, pour non-représentation d'enfant, l'a condamnée à 1 an d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur la recevabilité du mémoire en défense :

Attendu que ce mémoire n'est pas signé par un avocat à la Cour de cassation ; que, dès lors, il est irrecevable, par application de l'article 585 du Code de procédure pénale ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 227-5, 122-7 et 122-2 du Code pénal, 1er et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Céline X... coupable de non-représentation d'enfant, pour avoir, du 1er août au 24 octobre 2001, refusé indûment de représenter sa fille Chloé née le 10 mars 1996 à son père Jean-Patrice Y... qui avait le droit de la réclamer en application de l'ordonnance du 6 avril 2000, et l'a condamnée à une peine de un an d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs que, par ordonnance du 6 avril 2000, le juge de la mise en état a organisé le droit de visite et d'hébergement du père au domicile de celui-ci, étant précisé que la mère avait demandé que le père exerce ses droits en présence d'un tiers (arrêt p.8, 3) ;

que, le 2 juin 2001, Céline X... déposait plainte à l'encontre de Jean-Patrice Y... pour agressions sexuelles pendant les vacances d'avril 2001, en produisant un certificat médical établi le 1er juin 2001 par le docteur Z... de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul constatant, le 31 mai 2001, que l'hymen de la fillette présentait une encoche à 6 heures pouvant tout à fait correspondre à un déchirement compatible avec les faits décrits de pénétration digitale (arrêt p.8, av.-dern. ) ; que Céline X... a estimé opportun, forte de sa conviction inébranlable de la culpabilité de Jean-Patrice Y..., de quitter le territoire français, au mépris de décisions judiciaires successives et contrairement à ses engagements, cachant le domicile de sa fille tant au père qu'aux autorités judiciaires, alors qu'elle venait de déposer plainte contre Jean-Patrice Y..., une seconde fois, pour des faits d'une extrême gravité ; qu'elle est dès lors mal fondée à arguer d'un prétendu dysfonctionnement de l'enquête ; qu'en outre Céline X... s'est abstenue de solliciter toutes mesures propres à garantir, si besoin était, la sécurité immédiate de la fillette, comme l'instauration de rencontres père-fille dans un lieu neutre ; qu'elle ne saurait soutenir qu'elle ignorait avoir la faculté de se constituer partie civile ; que la prévenue a sciemment occulté, de 1999 à août 2001, la circonstance qu'elle avait été victime, étant enfant, d'atteintes sexuelles, de sorte qu'elle est malvenue à se prévaloir désormais d'une contrainte psychologique exonérant sa responsabilité ; que les faits justificatifs allégués ne sont donc nullement établis ; que l'intention délictuelle de la prévenue est certaine ; que l'infraction est donc caractérisée en tous ses éléments ;

"alors, d'une part, que le délit de non-représentation d'enfant suppose, en son élément intentionnel, le refus indu de représenter l'enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel ne pouvait déclarer coupable de ce délit Céline X..., qui invoquait l'état de nécessité, que si elle constatait qu'à l'époque visée par la prévention l'enfant ne courait aucun danger réel et actuel en présence de son père ;

que, en s'abstenant totalement de procéder à cette constatation, la cour d'appel n'a pas caractérisé un refus indu de représenter l'enfant et n'a pas, dès lors, légalement justifié sa décision au regard de l'article 227-5 du Code pénal ;

"alors, d'autre part, que l'état de nécessité est un fait justificatif qui suppose, lorsqu'il est invoqué par un prévenu, que l'infraction pour laquelle il est poursuivi est constituée en son élément matériel ; qu'en écartant l'état de nécessité invoqué par Céline X... poursuivie pour non-représentation d'enfant, au motif inopérant qu'elle avait quitté le territoire français au mépris de décisions judiciaires et caché le domicile de sa fille tant au père qu'aux autorités judiciaires, c'est-à-dire au motif que l'élément matériel du délit de non-représentation d'enfant était constitué à l'encontre de la mère, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 122-7 et 227-5 du Code pénal ;

"alors, de troisième part, que n'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace autrui, accomplit un acte nécessaire et mesuré à sa sauvegarde ; que Céline X..., face aux doléances de sa fille Chloé née le 10 mars 1996 quant à des pénétrations digitales subies de la part de son père, en présence des certificats du docteur A... du 4 août 1999 et du docteur Z... du 1er juin 2001 constatant l'existence de lésions de l'hymen de la fillette compatibles avec ses doléances, déboutée de sa demande tendant à ce que le père exerce ses droits en présence d'un tiers, confrontée à l'incompréhension et à l'inertie des enquêteurs, et néanmoins mise en demeure, lors de son audition du 13 août 2001, de respecter les décisions de justice accordant au père un droit de visite et d'hébergement à son domicile, pouvait légitimement invoquer l'état de nécessité pour se soustraire à son obligation de représentation de l'enfant ; que, en écartant l'état de nécessité invoqué par la prévenue, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, de quatrième part, que l'état de nécessité suppose l'existence d'un danger réel et actuel ou imminent, lequel, dans le domaine de l'atteinte sexuelle commise sur un mineur, n'exige pas la condamnation définitive de l'agresseur redouté, mais peut être matérialisé par une menace grave pour l'intégrité physique et psychique du mineur ; qu'une telle menace était démontrée, en l'espèce, par le certificat médical du docteur A..., exerçant à l'unité de consultation médico-judiciaire du CHI de Créteil, du 4 août 1999, mentionnant une "petite excoriation de la fourchette" et "un hymen modérément hyperhémié à 18 heures", ainsi que par le certificat médical du docteur Z..., exerçant à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, du 1er juin 2001, constatant que l'hymen présentait une encoche à 6 heures pouvant correspondre à un déchirement compatible avec les faits décrits ; que, en estimant néanmoins que le fait justificatif de l'état de nécessité n'était pas établi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, de cinquième part, que l'état de nécessité suppose une réaction de sauvegarde nécessaire, et peut donc être invoqué par une personne contrainte de commettre une infraction en l'absence d'autres moyens à sa disposition ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que "la mère avait demandé que le père exerce ses droits en présence d'un tiers" (cf arrêt p.8, 3), et que, par la plainte de la mère du 2 juin 2001, le parquet avait été saisi "une seconde fois pour des faits d'une extrême gravité", ce qui implique que les diligences de la mère pour protéger sa fille en faisant appel aux autorités judiciaires avaient été suffisantes ; qu'en écartant l'état de nécessité au motif inexact et contredit par ses propres constatations que Céline X... "s'est abstenue de solliciter toutes mesures propres à garantir, si besoin était, la sécurité immédiate de la fillette comme l'instauration de rencontres père-fille dans un lieu neutre", et au motif inopérant qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle avait la faculté de se constituer partie civile, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, de surcroît, que l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme instaure un droit de portée générale et absolu, destiné à protéger l'intégrité physique et psychique de la personne humaine ; que ce texte, combiné avec l'article 1er de la Convention, impose aux Etats de prendre des mesures de protection affectives et efficaces afin d'empêcher les mauvais traitements, notamment concernant les enfants, dont les autorités sont informées ; que, dès lors que Céline X..., face aux doléances de sa fille née en 1996 concernant des atteintes sexuelles subies de la part de son père, avait vainement demandé au juge des affaires familiales que le père exerce son droit de visite en présence d'un tiers, qu'elle avait, sans résultat, saisi à deux reprises le procureur de la République, et que les enquêteurs ont ignoré les éléments de preuve dont elle disposait, la carence des autorités judiciaires était caractérisée et la plaçait dans un état de nécessité ;

qu'en écartant l'état de nécessité invoqué par la prévenue, au motif qu'elle ne pouvait arguer d'un prétendu dysfonctionnement de l'enquête, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, en outre, que l'état de nécessité suppose une réaction de sauvegarde mesurée et peut être invoqué lorsque l'infraction nécessaire a permis la sauvegarde d'un intérêt de valeur supérieure à celle de l'intérêt sacrifié ; qu'en l'espèce le droit de l'enfant à voir préserver son intégrité physique et psychique et à être protégé contre le danger réel et actuel d'atteintes sexuelles primait nécessairement le droit du père à exercer son droit de visite et d'hébergement sur sa fille, étant précisé que l'ordonnance du 6 avril 2000, servant de base aux poursuites, avait refusé de faire droit à la demande de la mère tendant à ce que le père exerce ses droits en présence d'un tiers ; que, en estimant néanmoins que Céline X... ne pouvait invoquer l'état de nécessité, la cour d'appel a violé les textes susvisé ;

"alors, enfin, que la contrainte morale peut être invoquée en tout état de cause ; qu'en refusant d'examiner le fait justificatif de la contrainte morale invoqué à titre subsidiaire par Céline X..., au motif qu'elle avait "sciemment occulté de 1999 à août 2001 la circonstance qu'elle a été victime, étant enfant, d'atteinte sexuelles", et qu'elle était, dès lors, "malvenue à se prévaloir désormais d'une contrainte psychologique exonérant sa responsabilité", au lieu de rechercher, au vu des circonstances de fait invoquées, si la contrainte morale était constituée en l'espèce, la cour d'appel a violé l'article 122-2 du Code pénal" ;

Attendu que, pour rejeter les arguments de défense tirés de la contrainte et de l'état de nécessité, la cour d'appel prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations d'où il résulte que les raisons invoquées n'entrent pas dans les prévisions des articles 122-2 ou 122-7 du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-85730
Date de la décision : 31/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20ème chambre, 08 septembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 mar. 2005, pourvoi n°04-85730


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.85730
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award