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30/03/2005 | FRANCE | N°04-85720

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mars 2005, 04-85720


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE et les observations de la société civle professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER et de Me JACOUPY, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Nadine, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 9 septembre

2004, qui, pour blessures involontaires et infraction à la réglementation du travail, l'a co...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE et les observations de la société civle professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER et de Me JACOUPY, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Nadine, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 9 septembre 2004, qui, pour blessures involontaires et infraction à la réglementation du travail, l'a condamnée à 8 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 121-3, 222-19 du Code pénal, L. 231-3 et R. 231-36 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Nadine Y... coupable de l'infraction de blessures involontaires en violation des dispositions de l'article L. 231-3 du Code du travail, l'a condamnée à une peine de 8.000 euros d'amende, a donné acte à Catherine Z... de sa constitution de partie civile et a déclaré recevable celle de la FNATH ;

"aux motifs que l'article 121-3 du Code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, dispose, d'une part, qu'en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli des diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait, d'autre part, que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures pour l'éviter ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soient commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer ; que l'article R.231-36 du Code du travail dispose que la formation à la sécurité relative à l'exécution du travail a pour objet d'enseigner aux salariés, à partir des risques auxquels il est exposé, les comportements et les gestes les plus sûrs en ayant recours, si possible, à des démonstrations, de lui expliquer les modes opératoires retenus s'ils ont une incidence sur sa sécurité, ou celle des autres salariés, de lui montrer le fonctionnement des dispositifs de protection et de secours et de lui expliquer les motifs de leur emploi ; cette formation doit s'intégrer dans la formation ou les instructions professionnelles que reçoit le salarié ; elle est dispensée sur les lieux du travail ou, à défaut, dans les conditions équivalentes ; que Catherine Z... avait été embauchée en qualité d'emballeuse et qu'en raison de la baisse d'activité de la société, elle a été appelée à travailler à l'atelier d'assemblage ; qu'elle y était affectée depuis quelques mois lorsque le chef de d'atelier lui a demandé de travailler sur la machine qui fait les coupes d'onglet pour rectifier les coupes qu'elle ratait à l'assemblage ; qu'il lui a montré rapidement le mode opératoire et avec des hésitations car il n'avait visiblement pas l'habitude de la machine, elle précisait qu'il avait fait quatre coupes puis lui avait dit qu'il allait ranger les chutes, lui enjoignant de continuer le travail ;

que n'étant pas rassurée, elle avait fait quelques réglages en attendant son retour et que c'est lors de ces réglages que sa main droite a été happée ; que la formation donnée à Catherine Z... était tout à fait insuffisante et que les réglages qu'elle avait pu croire sans risque faisaient partie du travail qui lui était confié, puisqu'il s'agissait de faire en sorte que la pièce à couper soit placée correctement ; qu'elle n'a donc pas commis de faute ;

que l'infraction est caractérisée dans tous ces éléments et qu'il convient de déclarer Nadine X..., épouse Y... coupable d'avoir étant responsable pénal de la société Dumont et compagnie Edme, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce en affectant une salariée à un nouveau poste de travail sans une formation pratique appropriée en matière de sécurité, au mépris de l'article L. 231-3 du Code du travail, involontairement causé à Catherine Z... une incapacité totale de travail supérieur à trois mois, faits prévus et réprimés par les articles 222-19, 222-44 et 222-46 du Code pénal ;

"alors, d'une part, que si aux termes de l'article 121-2 du Code pénal la responsabilité pénale des personnes morales peut être engagée en cas de faute simple commise par leur représentant ou leur organe, la responsabilité pénale des personnes physiques, auteurs des mêmes faits, ne peut être retenue en vertu des dispositions de l'article 121-3 du Code pénal qu'à la condition de relever à leur encontre une faute caractérisée ou délibérée ; qu'en se bornant à énoncer que la prétendue faute de Nadine Y..., prise en qualité de responsable pénal de la société Dumont Emde, aurait consisté dans un défaut de formation, la cour d'appel qui a appliqué au représentant, personne physique de la personne morale, le régime de responsabilité applicable exclusivement à celle-ci, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles susvisés ;

"alors, d'autre part, que l'article 121-3 du Code pénal, issu de la loi du 10 juillet 2000, opère une distinction selon que la faute non intentionnelle de la personne physique a présenté un lien de causalité direct ou indirect avec le dommage ; que dans le premier cas, sa responsabilité pénale est encourue en cas de violation d'une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi qu'elle n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont elle disposait ; que dans le second cas, sa responsabilité pénale n'est engagée que s'il est en outre démontré soit une faute délibérée procédant de la violation d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence soit une faute caractérisée ;

qu'en se bornant à énoncer que la formation de Catherine Z... aurait été insuffisante au regard des prescriptions de l'article R. 231-36 du Code du travail, sans caractériser un lien de causalité direct ou indirect entre le comportement de Nadine Y... et le dommage, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la nature causale de la faute imputée à Nadine Y..., violant les articles visés au moyen ;

"alors, enfin, qu'à supposer que la relation entre la faute reprochée à Nadine Y... et le dommage subi par Catherine Z... ait été indirecte, la responsabilité pénale de Nadine Y... ne pouvait être encourue, sauf à démontrer une faute délibérée ou une faute caractérisée qu'aurait commise l'intéressée ;

que la cour d'appel qui, pour décider que l'infraction de blessures involontaires aurait été caractérisée en tous ses éléments, se borne à énoncer que la formation de la victime aurait été insuffisante, n'a pas, en l'état de ces seuls motifs, caractérisé une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence ou une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité au sens de l'article L.121-3 du Code pénal, violant les articles visés au moyen" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 18 juin 2001, dans un atelier d'assemblage de la société Dumont-Emde, une ouvrière a eu sa main happée par une scie à onglets pour la découpe des moulures, après avoir été invitée, par le chef d'atelier, à utiliser cette machine et avoir été laissé seule pour terminer les coupes à l'issue d'un courte démonstration ; qu'à la suite de ces faits, Nadine Y..., président de la société Dumont-Emde, a été citée devant le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires, pour n'avoir pas pris, en infraction avec le Code du travail, les mesures nécessaires à la formation de la salariée ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité de la prévenue, la cour d'appel énonce que la formation reçue par l'ouvrière était tout à fait insuffisante, et que Nadine Y..., par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, en l'espèce en affectant une salariée à un nouveau poste de travail sans une formation pratique appropriée en matière de sécurité au mépris de l'article L. 231-3 du Code du travail, a involontairement causé à cette ouvrière une incapacité de travail supérieure à 3 mois ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que Nadine Y... qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et qui n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer, au sens l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal, les juges ont justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Nadine Y... à verser à Catherine Z... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-85720
Date de la décision : 30/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, 09 septembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 mar. 2005, pourvoi n°04-85720


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.85720
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