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30/03/2005 | FRANCE | N°04-85129

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mars 2005, 04-85129


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN et les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et de la société civile professionnelle TIFFREAU, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Serge,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date d

u 13 mai 2004, qui, pour diffamation publique envers un particulier l'a condamné à 8 000 euro...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN et les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et de la société civile professionnelle TIFFREAU, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Serge,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 13 mai 2004, qui, pour diffamation publique envers un particulier l'a condamné à 8 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, 31 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 2, 3, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Serge X... coupable de diffamation envers un particulier ;

"aux motifs propres qu' "un article intitulé "après les accusations de viol de quatre patients, Daniel Y... a été interdit d'exercice" est paru dans l'édition du quotidien national Libération daté du 18 octobre 2002 ; Jean-Jacques Z..., médecin, a fait délivrer une citation directe du chef de diffamation publique, visée par les articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, mais aussi d'injure publique, infraction visée à l'article 29, alinéa 2, et 33, alinéa 2, de ladite loi ; selon le plaignant, l'article incriminé désigne nommément le plaignant comme l'instigateur de poursuites exercées contre son confrère le Docteur Y..., lesdites poursuites menaçant la carrière mais aussi la vie de ce dernier ; la citation reprend cinq passages de cet article qui désigne le docteur Z... ; le premier passage relève que la Mayenne est un pays où des médecins peuvent imaginer pouvoir empêcher un article de presse d'être publié en téléphonant au procureur ; le second passage rapporte que le conseil national de l'ordre des médecins a lavé de tous soupçons le docteur Y..., en estimant que cette affaire est le fruit de rumeurs et de calomnies énoncées par des personnes manipulées dont la sincérité est douteuse ; le troisième passage relève que les autres docteurs ont récupéré sa patientèle et l'ont déjà enterré, propos prêtés par un habitant du village voulant rester anonyme ; le quatrième passage vise nommément le docteur Z... qui aurait été contacté par l'épouse d'une victime et auquel il aurait dicté ce qu'il fallait écrire au conseil départemental de l'ordre des médecins ; le conseil national de l'ordre des médecins aurait reproché au Docteur Z... de s'être transformé en enquêteur et d'avoir sollicité ses patients pour témoigner contre le docteur Y... ; l'un d'eux, ami de Z..., aurait accepté ; enfin, quatre victimes seraient clients de Z... ; le même article, rapportant les propos "d'une paroissienne"

indiquait que le docteur Z... est un catholique pratiquant, un flatteur, le docteur Y... étant au contraire, ni coulant, ni arrangeant, propos considérés comme injurieux par le plaignant ; Serge X... soutient, dans ses conclusions, que les trois premiers passages ne peuvent porter atteinte à l'honneur et à la considération du plaignant qui n'est pas visé ; il fait plaider pour le surplus que la bonne foi doit être reconnue à Serge X... dans la mesure où l'article en cause repose sur une enquête sérieuse, la journaliste s'étant rendue deux jours dans la localité où exercent les parties, qu'elle a entendu les protagonistes de cette affaire, qu'elle disposait de la décision rendue par le conseil national de l'ordre des médecins qui n'a pas été travestie ;

qu'elle disposait des dénonciations des quatre clients du docteur Y..., ainsi que de la lettre adressée par le Docteur Z... au conseil de l'ordre du 21 décembre 1998, dans laquelle celui-ci n'hésitait pas à mettre en cause de façon très directe le docteur Y... et dans laquelle il admettait avoir recueilli les déclarations des consorts A... ; le demandeur estime qu'un but légitime était poursuivi puisqu'il s'agissait de mettre en avant la situation du docteur Y... qui, objet d'une rumeur persistante l'ayant conduit à la ruine par interdiction d'exercice, venait d'être blanchi par le conseil national de l'ordre des médecins ; enfin la journaliste n'avait pas fait preuve d'outrance de langage ni d'animosité personnelle ; sur l'injure, Serge X..., la juge, selon une jurisprudence constante, englobée dans la diffamation au sein d'un même article ; Jean-Jacques Z... demande la confirmation du jugement ; il rappelle que les allégations de la journaliste tendant à faire apparaître que celui-ci aurait dicté à l'épouse de l'un des plaignants quoi écrire à l'ordre des médecins, sollicité ses patients pour témoigner contre Daniel Y..., dont l'un d'eux, ami du docteur Z..., aurait accepté et que les quatre autres plaignants, A..., B..., C... et D..., étaient patients du docteur Z..., étaient inexactes ; le docteur Z... n'a jamais dicté la plainte de M. A..., ni sollicité les témoignages de ces patients, ni entretenu de lien d'amitié avec l'un d'eux, certains parmi eux n'ayant jamais été ses patients ; ces allégations sont de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération puisque ce dernier est présenté sans équivoque comme ayant dicté une plainte à l'origine d'une procédure à l'encontre de l'un de ses confrères et sollicité ses propres patients pour venir appuyer cette plainte ; il soutient que, comme l'a retenu le tribunal, il est nécessaire, pour restituer aux propos de l'article leur exacte portée, de rapprocher les passages incriminés les uns des autres, de les situer dans leur contexte ; il est impossible pour un lecteur d'attention et de culture moyennes de dissocier les allégations visant nommément le docteur Z... de l'affirmation prêtée indûment au conseil national de l'ordre des médecins que les faits reprochés au docteur Y... "seraient le fruit de rumeurs et de calomnies énoncées par des personnes manipulées dont la sincérité est douteuse", qui, en réalité, émane du conseil du docteur Y... ;

tout l'article tend à présenter le docteur Z..., seul médecin dénommé comme l'un des médecins qui peuvent imaginer pouvoir empêcher un article de sortir en téléphonant au procureur ou de ceux qui ont récupéré la patientèle du docteur Y... ; Jean-Jacques Z... souligne que l'article n'hésite pas à écrire que le conseil national de l'ordre des médecins a blanchi le docteur Y... alors que la décision serait motivée par le doute ; l'article indique que l'appréciation selon laquelle le docteur Z... "se serait transformé en enquêteur et qu'il aurait sollicité ses patients" résulterait des propres allégations de Y... ; enfin, les liens d'amitié entre l'un des plaignants et le docteur Z... est inexact de même que le fait qu'ils soient tous des patients de la partie civile ; c'est par une parfaite appréciation des faits que le tribunal a déclaré le prévenu coupable de diffamation publique ; la Cour adopte les motifs du premier juge pour confirmer le jugement sur la culpabilité ; en effet, la tonalité générale de l'article tend à démontrer que les accusations portées contre le docteur Y... ne seraient que le fruit d'une cabale dont l'instigateur est le docteur Z... ; les passages de cet article visés à la prévention conduisent nécessairement le lecteur à considérer que le docteur Z... est l'un des médecins qui imagine pouvoir empêcher la sortie d'un article, et qui a récupéré la clientèle du docteur Y... ; de même, la bonne foi ne peut être reconnue à la journaliste auteur de cet article qui, ainsi que le retient pertinemment le premier juge, fait croire que les appréciations auraient été portées par l'ordre national des médecins alors qu'elles ne sont que celles du conseil du docteur Y... ; le jugement entrepris a, par une juste appréciation des faits, démontré les inexactitudes de la journaliste pour lui permettre de conclure à la thèse soutenue par elle ; une telle attitude est exclusive de toute bonne foi " (arrêt, pages 4 à 7) ;

"et au motifs, adoptés des premiers juges, que, "pour restituer aux propos leur exacte portée, il est nécessaire de rapprocher les passages incriminés les uns des autres et de les situer dans leur contexte ; l'affirmation, prétendument faite par le conseil national de l'ordre des médecins, que l'affaire de viols et d'agressions sexuelles sur personnes vulnérables diligentée contre le docteur Y... "est le fruit de rumeurs et de calomnies énoncées par des personnes manipulées, dont la sincérité est douteuse", peut d'autant moins être dissociée des allégations visant nommément le docteur Z..., qu'il est précisé que l'affaire repose sur les accusations douteuses de quatre plaignants, que tous sont ses patients, qu'il a dicté quoi écrire à la femme de l'un, qu'il les a sollicités pour témoigner contre le docteur Y... ; le lecteur ne peut ainsi que penser que c'est lui qui les a manipulés et qui est à l'origine de la rumeur qui condamne le docteur Y... ; de même dès lors qu'il est le seul dénommé dont les agissements sont dénoncés, l'article laisse également le lecteur penser que le docteur Z... fait partie des médecins qui imaginent pouvoir empêcher la sortie d'un article en téléphonant au procureur et de ceux qui ont récupéré la clientèle du docteur Y... et qui "l'ont déjà enterré" ;

de telles allégations portent manifestement atteinte à l'honneur et à la considération de la partie civile et constituent une diffamation ;

sur la bonne foi, les allégations diffamatoires sont réputées être faites de mauvaise foi, sauf preuve contraire ; en l'espèce, s'il était assurément légitime de révéler au grand jour que le conseil national de l'ordre des médecins avait annulé la sanction disciplinaire prononcée par le conseil régional des Pays de Loire le 14 février 2000 contre le docteur Y..., et rejeté les accusations portées contre lui par deux plaignants, le même souci de combattre la rumeur aurait dû conduire la rédactrice de l'article à plus de circonspection en ce qui concerne le docteur Z... ; en premier lieu, contrairement à ce qu'elle écrit, ce n'est pas le conseil national de l'ordre des médecins mais le conseil du docteur Y... dans l'un de ses mémoires, qui estime que "cette affaire est le fruit de rumeurs et de calomnies énoncées par des personnes manipulées, dont la sincérité est douteuse" ; pour sa part, le conseil national se borne en effet à conclure que "les investigations auxquelles il a été procédé n'ont pas permis à la section disciplinaire d'avoir la conviction que le docteur Y... est coupable et d'écarter la possibilité d'une cabale engendrée par des rumeurs dont les plaignants seraient les instruments" ; l'article incriminé fait ainsi faussement croire au lecteur, avec l'autorité renforcée qui s'attache à cette instance, que le conseil lui-même conclut à l'existence établie d'une rumeur, alors qu'il ne fait état que d'une possibilité ; en second lieu, l'enquête préalable réalisée par Mme E... ne l'autorisait pas à présenter de la même manière péremptoire le docteur Z... comme l'artisan de cette rumeur et un manipulateur, en reproduisant une série de propos à sens unique ne pouvant que le laisser croire au lecteur, alors que le conseil national, dont la décision est motivée par le doute, a seulement tenu pour établi que la plainte de M. F... a été rédigée par sa femme "assistée d'une aide-soignante et des conseils d'un médecin" et que ce dernier "s'est attaché à réunir des éléments de preuve contre son confrère", sans caractériser de manipulation de sa part ; aucune preuve ne lui permettait non plus de présenter l'un des plaignants comme l'ami du docteur Z... dans le but évident de renforcer l'idée de manipulation ; de la même façon, il a été reconnu à l'audience que ce n'était pas le docteur Z... qui avait téléphoné au procureur, alors que l'article est de nature à le laisser penser au lecteur ; le parti-pris de l'auteur est encore renforcé par les qualificatifs de "flatteur", "coulant", "arrangeant", employés pour décrire le docteur Z..., qui sont injurieux, même s'ils ne peuvent pas, en effet, pénalement être retenus isolément dans la mesure où ils se rattachent aux allégations diffamatoires ; il apparaît ainsi que Mme E... a fait preuve d'un manque manifeste d'objectivité qui est exclusif de bonne foi" (jugement, pages 6 et 7) ;

"alors que : pour démontrer la bonne foi de la journaliste, le demandeur avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel (page 7), que celle-ci avait pris connaissance, au moment où paraissait l'article litigieux, de la lettre du docteur Z..., en date du 21 décembre 1998, qui, évoquant l'affaire G... en précisant qu'il y était "mêlé", et indiquant avoir recueilli les confessions des époux A..., soulignait péremptoirement "ces faits sont hélas vrais et n'ont pas été inventés. Ils se sont déroulés tels que les époux A... les ont décrits et pour moi les dénégations de M. Y... n'y feront rien car je crois sincèrement qu'il ment", de sorte qu'en cet état, ladite journaliste pouvait, en toute bonne foi, affirmer sans excès que ce médecin avait joué un rôle essentiel dans le déclenchement des poursuites disciplinaires contre son confrère Daniel Y... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre à ce moyen de défense, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs répondant aux conclusions dont elle était saisie, a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les circonstances particulières invoquées par le prévenu et énoncé les faits sur lesquels elle s'est fondée pour écarter l'admission à son profit du bénéfice de la bonne foi ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'examiner le second moyen de cassation, dont le demandeur, par un mémoire complémentaire, déclare se désister ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application au profit de Jean-Jacques Z... des dispositions de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-85129
Date de la décision : 30/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, 13 mai 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 mar. 2005, pourvoi n°04-85129


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.85129
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