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30/03/2005 | FRANCE | N°04-83453

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mars 2005, 04-83453


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me ROUVIERE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ASSOCIATION AVOCATS SANS FRONTIERES,

partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8ème cham

bre, en date du 6 mai 2004, qui, dans la procédure suivie notamment contre Daniel X... du ch...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me ROUVIERE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ASSOCIATION AVOCATS SANS FRONTIERES,

partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8ème chambre, en date du 6 mai 2004, qui, dans la procédure suivie notamment contre Daniel X... du chef de diffamation envers particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits en demande et en défense ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir dit que les éléments constitutifs de la diffamation sont réunis à l'encontre de Daniel X... pour ce qui concerne trois passages de l'émission du 15 octobre 2002, lui a accordé le bénéfice de la bonne foi ;

"aux motifs que l'on ne peut faire abstraction du contexte particulièrement conflictuel dans lequel était entretenu un débat virulent sur l'antisémitisme et l'antisionisme ; que Daniel X... poursuivait incontestablement un but légitime d'information de ses auditeurs particulièrement sensibilisés par le sujet, en les informant au jour le jour de l'évolution des litiges en cours ; que l'animosité personnelle manifestée de part et d'autre ne suffit pas à caractériser l'intention de nuire, dans la mesure où cette animosité est le fruit de divergences idéologiques et où le président de l'association ne cache pas qu'il l'entretient sans réserve, ni nuance ;

que la première allégation diffamatoire ne fait que re-situer l'association Avocats sans Frontières et son président, homme public, ayant livré plusieurs interviews sur ce sujet, dans une démarche non équivoque incluant des propos publics et des procédures judiciaires à répétition ; que la retranscription de l'émission établit qu'en ne reproduisant pas des propos intermédiaires entre la première et la deuxième allégation l'association Avocats sans Frontières a plus ou moins et volontairement occulté tout un passage décrivant une campagne contre les différents organismes d'information matérialisés par des manifestations publiques ; que les propos de Daniel X... s'appuient bien sur des faits incontestables, telle l'attribution d'un prix Goebbels à Charles Y... et à une campagne contre une prétendue désinformation où Avocats sans Frontières se trouvait bien aux côtés de groupes juifs luttant contre une prétendue désinformation entretenue par une chaîne publique ; que le cinquième extrait, s'il porte atteinte à la considération de l'association la présentant comme une adepte d'un acharnement judiciaire totalement démesuré, ne peut caractériser l'intention de nuire de son auteur, à partir d'une simple erreur sur la localisation de l'une de ces procédures, dans la mesure où toutes les autres se sont bien soldées par des rejets des prétentions de cette association, qui n'est d'ailleurs pas la seule visée dans le paragraphe ; que pour le septième extrait, Daniel X... ne fait que poursuivre le but affiché de relever pour ses auditeurs le procédé retenu par la partie civile, tendant à isoler délibérément les propos d'un médecin nazi, de l'économie générale de l'émission pour faire croire à une quelconque complaisance du journaliste les ayant recueillis ; que les trois passages pouvant apparaître diffamatoires, si on les extrait de l'ensemble de l'interview et de sa présentation, ne permettent pas d'imputer à Daniel X... une mauvaise foi et une intention de nuire, mais un but légitime d'information, l'animosité personnelle n'étant pas de son seul fait, les propos tenus n'étant pas excessifs, compte tenu de l'acuité de la polémique entretenue depuis des mois par l'ensemble des protagonistes de cette affaire ;

"alors, d'une part, que la bonne foi de la personne poursuivie pour diffamation suppose la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l'expression ainsi que la fiabilité de l'enquête ; qu'il ne résulte pas des constatations des juges du fond que tous ces éléments étaient réunis et que Daniel X... pouvait bénéficier en conséquence de l'exception de bonne foi ;

"alors, d'autre part, qu'après avoir elle-même constaté que Daniel X... avait fait preuve dans l'émission litigieuse d'une animosité personnelle, peu important que celle-ci n'ait pas été de son seul fait, la cour d'appel ne pouvait pas lui accorder le bénéfice de la bonne foi ;

"alors, enfin, qu'en relevant elle-même que le journaliste avait imputé à l'association d'avoir perdu à un procès auquel elle n'était nullement partie, la cour d'appel a fait ressortir qu'il avait agi sans mesure et sans procéder à une enquête fiable, ce qui excluait qu'il puisse bénéficier de la bonne foi" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour faire bénéficier de la bonne foi Daniel X..., journaliste, poursuivi du chef de diffamation envers particulier à l'initiative de l'association "Avocats sans Frontières" à la suite de propos tenus lors d'une émission radiophonique du 15 octobre 2002, l'arrêt attaqué, après avoir retenu comme diffamatoires trois des passages incriminés, énonce que l'animosité personnelle manifestée par le prévenu ne suffit pas à caractériser l'intention de nuire, dans la mesure où elle n'est pas de son seul fait ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pu, sans se contredire, constater l'animosité personnelle de l'auteur des propos et le dire de bonne foi, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 6 mai 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

DECLARE IRRECEVABLE la demande de dommages-intérêts présentée par Daniel X..., Jean-Marie Z... et la société Nationale de Radio-Diffusion Radio-France au titre des frais irrépétibles ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, MM. Joly, Beyer, Pometan, Mme Palisse conseillers de la chambre, M. Valat, Mmes Ménotti, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-83453
Date de la décision : 30/03/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Preuve contraire - Conditions - Détermination.

Les juges du fond qui ont constaté que le prévenu poursuivi du chef de diffamation avait fait preuve d'animosité personnelle, ne sauraient, sans se contredire, le faire bénéficier de la bonne foi au motif que cette animosité n'était pas de son seul fait.


Références :

Code de procédure pénale 593
Loi du 29 juillet 1881 art. 29, art. 32 al. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 06 mai 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 mar. 2005, pourvoi n°04-83453, Bull. crim. criminel 2005 N° 109 p. 376
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 109 p. 376

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Mme Guirimand.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Rouvière.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.83453
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