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30/03/2005 | FRANCE | N°03-84621

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mars 2005, 03-84621


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et de la société civile professionnelle PARMENTIER et DIDIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Horst,

- Y... Jean-Claude, partie civile,

contre l'arrê

t n° 364 de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 17 avril 2003, qui a r...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et de la société civile professionnelle PARMENTIER et DIDIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Horst,

- Y... Jean-Claude, partie civile,

contre l'arrêt n° 364 de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 17 avril 2003, qui a relaxé le premier du chef d'usurpation de fonctions, l'a condamné pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public à 1 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Jean-Claude Y..., conseiller municipal de la commune d'Amnéville, a fait citer devant le tribunal correctionnel un autre membre du conseil municipal, Horst X..., pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public et usurpation de fonction, pour avoir diffusé, par affichage et dans les boites aux lettres des habitants de la commune, un tract intitulé "La majorité de l'équipe municipale s'adresse à la population ... Amnévilloises, Amnévillois, réagissez !", document mettant en cause la partie civile, en raison de la condamnation pénale prononcée contre elle, par le tribunal correctionnel de Metz, pour recel d'abus de biens sociaux ; que les juges du premier degré ont renvoyé le prévenu des fins de la poursuite et, déboutant la partie civile, ont condamné celle-ci au paiement d'une amende civile ;

Attendu que, sur le seul appel de Jean-Claude Y..., la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il avait relaxé le prévenu du chef d'usurpation de fonctions, mais, l'infirmant pour le surplus, a condamné Horst X..., pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, à une amende de 1 000 euros et à 1 euro de dommages-intérêts ;

En cet état ;

I - Sur le pourvoi de Jean-Claude Y... :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 433-12 du Code pénal, L. 236 du Code électoral, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Horst X... des fins de la poursuite du chef d'usurpation de fonctions, et a débouté Jean-Claude Y... de sa demande en indemnisation ;

"aux motifs qu'en réclamant, par voie de tracts diffusés dans la population d'une commune, la démission de Jean-Claude Y... de ses fonctions de conseiller municipal à la suite de la condamnation pénale de ce dernier, et en soumettant une pétition aux habitants ayant pour objet de réclamer cette démission, Horst X... n'a accompli aucun acte entrant dans les attributions légales d'un conseiller municipal ou réservé au préfet, qu'il ne saurait avoir usurpé une fonction publique dès lors qu'il n'a pas accompli un acte qui en relève ;

"alors, d'une part, que le délit d'usurpation de fonctions est constitué sans qu'il soit nécessaire que l'acte de la fonction dont l'auteur n'était pas investi ait été régulièrement accompli ; qu'en renvoyant le prévenu des fins de la poursuite, et en déboutant la partie civile de ses demandes, eu égard à l'irrégularité du procédé de réclamation électorale engagé par Horst X... au regard des exigences de l'article L. 236 du Code électoral, cependant que cette seule irrégularité n'excluait pas que les manoeuvres reprochées aient été constitutives du délit d'usurpation de fonctions, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, d'autre part, que le délit d'usurpation de fonctions peut résulter de faits qui, sans être des actes déterminés et caractéristiques de la fonction usurpée, constituent des manoeuvres ou une mise en scène de nature à faire croire au prétendu pouvoir du prévenu ; qu'en se contentant de stigmatiser l'irrégularité du procédé de réclamation électorale engagé par le prévenu, sans rechercher si, sans être un acte déterminé et caractéristique de la fonction usurpée, ce procédé n'en constituait pas moins une manoeuvre ou une mise en scène de nature à faire croire à la capacité de Horst X... d'obtenir ou de prononcer la démission de Jean-Claude Y..., la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

II - Sur le pourvoi de Horst X... :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Horst X... coupable de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public ;

"aux motifs qu'il n'est pas contesté par Horst X... qu'il a fait diffuser, le 25 mars 2002, un tract versé au dossier de la procédure en le faisant distribuer dans les boîtes aux lettres des habitants de la commune d'Amnéville ; que ce document intitulé "la majorité de l'équipe municipale s'adresse à la population : à l'exemple du jeune conseiller d'opposition, Amnévillois, Amnévilloises, réagissez !" contient les passages suivants visés dans l'acte de poursuite diligenté par la partie civile : "pendant la campagne électorale, nous vous avions informés clairement des exactions d'un ex-adjoint. Nous avons expliqué comment, suite à un comportement particulier tendant à spolier les intérêts de la commune, le maire s'est vu contraint de lui retirer toutes ses délégations. Nous vous avions fait état de notre stupéfaction lorsque nous avons appris par la presse la condamnation de Jean-Claude Y... pour recel d'abus de biens sociaux au détriment de la commune ; ainsi, voilà un Monsieur qui a volé la communauté à plusieurs reprises et qui, aujourd'hui, ose prétendre continuer à siéger au sein du conseil municipal ; nous nous trouvons devant l'indécision de l'Administration qui semble ne pas vouloir comprendre qu'en ayant volé la société de nettoyage ICE, c'est bel et bien la commune qu'il a volé" ; qu'il résulte des débats et des pièces de la procédure que les passages du tract incriminés font référence à la condamnation avec sursis et à une amende pour recel d'abus de biens sociaux prononcée par le tribunal correctionnel de Metz le 27 juin 2000 ; que l'imputation de "vol de la communauté à plusieurs reprises" procède d'une dénaturation de la portée et du contenu du jugement précité, lequel contient comme motif de la condamnation de Jean-Claude Y... le fait d'avoir, courant 1996, bénéficié gratuitement pour lui et les membres de sa famille des prestations d'un garagiste et de fournitures de carburants réglées par le dirigeant d'une société de nettoyage en échange notamment d'informations sur des marchés publics de la commune d'Amnéville ; que cette dénaturation de la décision judiciaire rend diffamatoires envers Jean-Claude Y... les termes cités en lui imputant faussement des faits qui, par leur outrance par rapport aux faits réellement commis par l'intéressé, portent atteinte à l'honneur et à la considération de Jean-Claude Y... à l'époque conseiller municipal, et explicitement visé en sa qualité d'élu de la commune par le rédacteur du tract ; que les imputations diffamatoires impliquent l'intention de nuire ; que cette présomption ne peut disparaître qu'en présence de faits justificatifs de nature à faire admettre la bonne foi de leur auteur ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que la controverse politique mise en avant par la défense pour justifier le comportement du prévenu, alors même qu'à la date des faits, il n'existait aucune échéance électorale proche, n'autorise pas les attaques personnelles contre un élu de la commune qui ont consisté en l'imputation délibérée de faits inexacts sous couvert d'informer la population locale d'une condamnation pénale infligée à un de ses élus ;

que dès lors les faits de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public reprochés à Jean-Claude Y... apparaissent constitués, tant en leur élément matériel qu'intentionnel ; qu'il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a renvoyé le prévenu du chef de cette poursuite (arrêt, pages 4 et 5) ;

"alors, d'une part, que, sur le seul appel de la partie civile d'un jugement de relaxe, la cour d'appel doit se borner à rechercher si le fait qui lui est déféré constitue une infraction pénale, et statuer sur l'action civile, sans pouvoir prononcer une déclaration de culpabilité contre le prévenu définitivement relaxé ; qu'en l'espèce, il est constant que Jean-Claude Y..., partie civile, avait seul interjeté appel du jugement du 8 octobre 2002 ayant renvoyé Horst X... des fins de la poursuite ; que, dès lors, en déclarant ce dernier coupable de diffamation, la cour d'appel a violé les articles 509 et 515 du Code de procédure pénale ;

"alors, d'autre part, qu'en l'état d'un jugement définitif ayant déclaré le prévenu, adjoint au maire d'une commune, coupable de recel d'abus de biens sociaux pour avoir bénéficié d'avantages financiers de la part d'un entrepreneur en contrepartie d'informations délivrées à ce dernier lui ayant permis d'obtenir l'attribution, par la même commune, de certains marchés publics, ne constitue ni une dénaturation de la décision de condamnation, ni une présentation tendancieuse de celle-ci, le fait, dans un tract adressé aux administrés, de soutenir que le condamné a "volé la communauté à plusieurs reprises", dès lors que ces déclarations, impliqueraient-elles une erreur de qualification juridique des faits, sont effectuées en langage profane par une personne n'étant pas un professionnel du droit, et traduisent l'économie de la motivation du jugement, dont il résulte qu'une partie du prix des marchés publics attribués à l'entreprise bénéficiaire des informations avait nécessairement été rétrocédée à l'adjoint au maire, en rémunération des démarches ayant permis l'attribution litigieuse ; qu'ainsi, en estimant, au contraire, que les termes "vol de la communauté à plusieurs reprises" procédaient d'une dénaturation de la portée et du contenu du jugement du 27 juin 2000, pour en déduire que cette expression portait atteinte à l'honneur et à la considération de la partie civile, tout en relevant que la condamnation de Jean-Claude Y... avait été motivée par le fait d'avoir, courant 1996, bénéficié gratuitement de fournitures de carburant de la part d'une société de nettoyage en échange d'informations ayant permis à cette dernière d'obtenir l'attribution de certains marchés publics de la commune d'Amnéville, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, qui a déclaré Horst X... coupable de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, l'a condamné à une amende de 1 000 euros ;

"aux motifs qu'une peine d'amende de 1 000 euros apparaît appropriée à la répression des faits compte tenu de leur nature et de la personnalité de leur auteur (arrêt, page 6) ;

"alors que les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile, dirigé contre un jugement de relaxe, ne peuvent prononcer aucune peine contre le prévenu définitivement relaxé ; qu'en l'espèce, il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que Jean-Claude Y..., partie civile, a seul interjeté appel du jugement du 8 octobre 2002 ayant renvoyé Horst X... des fins de la poursuite ; que, dès lors, en infligeant à ce dernier une peine de 1 000 euros d'amende, la cour d'appel a violé les articles 509 et 515 du Code de procédure pénale" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 509 et 515 du Code de procédure pénale ;

Attendu que les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile, ne peuvent prononcer aucune peine contre le prévenu définitivement relaxé ;

Attendu que, saisi du seul appel de Jean-Claude Y..., la cour d'appel, qui a infirmé le jugement ayant relaxé Horst X... du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, a prononcé contre ce dernier une peine d'amende ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

Que, dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

I - Sur le pourvoi de Jean-Claude Y... :

Le REJETTE ;

II - Sur le pourvoi de Horst X... :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions relatives au délit de presse, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de METZ, en date du 17 avril 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, sur les seuls intérêts civils,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Jean-Claude Y..., de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-84621
Date de la décision : 30/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Effet dévolutif - Etendue - Appel de la partie civile seule - Portée.

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Appel de la partie civile - Relaxe du prévenu en première instance - Effet

CHOSE JUGEE - Portée - Relaxe d'un prévenu - Appel de la partie civile - Effet

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Effet dévolutif - Limites - Qualité de l'appelant - Appel de la seule partie civile - Portée

Viole les articles 509 et 515 du Code de procédure pénale, la cour d'appel qui, saisie du seul appel, par la partie civile, d'un jugement de relaxe, prononce une peine contre le prévenu après avoir infirmé la décision, alors que ladite relaxe était devenue définitive du fait de l'absence de recours du ministère public.


Références :

Code de procédure pénale 509, 515

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 17 avril 2003

Sur les effets du seul appel de la partie civile d'un jugement de relaxe, à rapprocher : Chambre criminelle, 2005-01-18, Bulletin criminel 2005, n° 18, p. 48 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 mar. 2005, pourvoi n°03-84621, Bull. crim. criminel 2005 N° 103 p. 358
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 103 p. 358

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Mme Ménotti.
Avocat(s) : la SCP Thouin-Palat, la SCP Parmentier et Didier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:03.84621
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