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23/03/2005 | FRANCE | N°04-83597

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mars 2005, 04-83597


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Nourredine,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 5 mai 2004, qui, pour escroqueries, abus

de biens sociaux et recel, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec surs...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Nourredine,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 5 mai 2004, qui, pour escroqueries, abus de biens sociaux et recel, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré Nourredine X... coupable d'escroquerie au préjudice de Philippe Y... et de la société Y... ;

"aux motifs que, Nourredine X... a reconnu à l'audience que la société Transnational Financing Company Holding ne disposait d'aucun moyen matériel ou financier, qu'elle n'avait pas de bureau, ni de personnel ; que les investigations menées au Luxembourg sur l'existence de la société anonyme Transnational Financing Company Holding ont permis de découvrir qu'en réalité cette société avait été créée le 20 juin 1990 par Nourredine X..., soit un mois avant la reprise des actions de la SA Y... ; qu'il avait également crée une autre entité, la SARL Transnational Business ;

que ces deux entités juridiques étaient vides de tout actif et n'existaient que sur le papier ; que le prévenu a mis Philippe Y... en confiance en lui présentant Pierre Z... comme un ancien directeur du Crédit Lyonnais alors que ce dernier avait seulement occupé un poste au sein d'une filiale de cet établissement financier ;

que Philippe Y... a déclaré avoir cru au sérieux de leurs propos de par l'intervention de Pierre Z... "qui insistait sur sa situation antérieure de banquier du Crédit Lyonnais", aux côtés de Nourredine X... qui "mettait en avant sa société Transnational Financing Company Holding" ; que ce dernier a également influencé Philippe Y... en faisant envoyer sur le fax de celui-ci des télécopies en provenance du Luxembourg à l'entête de cette société pour lui faire croire à la réalité d'une activité économique ; qu'en usant de ces manoeuvres, Nourredine X... avait pour dessein d'entrer dans le capital de la société Y... Technologies qui bénéficiait alors d'une contribution financière de la DRIRE ; que l'enquête a d'ailleurs établi que l'équipe ayant pris le contrôle de la société avait fait main basse sur sa trésorerie ; que Philippe Y..., convaincu de la volonté de Nourredine X... d'investir dans son projet de commercialisation de son invention, a procédé aux cessions de parts permettant aux prévenus de prendre le contrôle de la société Y... Technologies ;

qu'il sera observé que bien qu'ayant ainsi transféré la propriété des titres aux nouveaux associés, il n'a jamais été réglé du prix des parts sociales ;

1 ) "alors que, selon les propres constatations de l'arrêt, le préjudice subi par Philippe Y... à raison de la cession de la majorité des parts qu'il détenait dans la société Y... à l' "équipe" de Nourredine X... découle non de ces cessions, constitutives, selon la prévention, des remises caractérisant l'escroquerie, mais du fait qu'il n'avait pas été réglé du prix de ces cessions et donc d'un fait indépendant des remises elles-mêmes ; que, dès lors, en retenant que Nourredine X... avait escroqué une partie de la fortune de Philippe X... en déterminant celui-ci, par des manoeuvres frauduleuses, à lui céder la majorité de ses parts, la cour d'appel s'est contredite ;

2 ) "alors que, selon les propres constatations de l'arrêt, ce n'est pas les cessions des titres en elle-mêmes, et donc les remises incriminées, qui ont causé un préjudice à la société Y..., mais le fait que l' "équipe" de Nourredine X..., après avoir pris son contrôle par le biais de ces cessions, avait fait "main basse" sur sa trésorerie et avait ainsi abusé des biens de cette société, abus de biens sociaux dont la cour d'appel a, par la même décision, déclaré Nourredine X... coupable ; que, dès lors, en retenant que Nourredine X... avait escroqué une partie de la fortune de la société Y... en se faisant remettre par des moyens frauduleux des parts sociales de cette société, la cour d'appel s'est de nouveau contredite" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Nourredine X... coupable d'escroquerie au préjudice de Xavier A... et de la société ITS ;

"aux motifs que l'enquête diligentée à la suite de la plainte déposée par Xavier A... a établi que la société Agrofin International, immatriculée le 4 janvier 1991, a été créée entre Pierre Z..., Albert B..., Georges C..., Yvan D... et Nourredine X..., ce dernier au travers de la société Transnational Financing Compagny Holding ; que le capital social de la société Agrofin International n'a jamais été libéré ; que cette société, qui n'avait aucune activité réelle, a été présentée par Nourredine X... à Xavier A... comme la pierre angulaire de l'opération d'import-export de produits hallal ; que Nourredine X... a sollicité ce dernier à plusieurs reprises pour obtenir le versement de fonds, lui expliquant le montant des dépenses engagées par les nécessaires démarches entreprises pour obtenir l'agrément du ministère de l'agriculture des produits Zhara Hallal, lui-même ayant effectué de nombreux déplacements pour cette mission en sa qualité de directeur commercial ; qu'à cet égard, il sera relevé que les apports effectués par Xavier A... pour son compte ou pour celui de la société ITS ont été intégralement utilisés pour payer les dépenses de fonctionnement de la société qui n'a pas généré de chiffres d'affaires ;

"alors que le simple mensonge ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse caractéristique du délit d'escroquerie ; qu'en se fondant, pour dire que Nourredine X... s'était rendu coupable d'escroquerie au préjudice de Xavier A... et de la société ITS, sur la circonstance qu'il leur ait indiqué, pour les déterminer à verser des fonds à la société Agrofin, que cette société, qui n'avait en réalité aucune activité réelle, avait besoin de trésorerie pour mener à bien l'opération d'import-export de poulets congelés dont elle était la pierre angulaire, la cour d'appel, qui s'est ainsi bornée à constater l'existence d'un simple mensonge, a privé sa décision de base légale" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, 4 , Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Nourredine X... coupable d'abus de biens sociaux au préjudice de la SA Y... à hauteur de 880 353 francs ;

"aux motifs que la somme de 949 809,32 francs visée à la prévention comprend les postes suivants :

- salaires perçus par Georges C... et charges sociales y afférentes 276 160 francs ;

- solde débiteur de son compte courant : 69 465 francs ;

- dépenses somptuaires : 54 697 francs (location de véhicules, frais d'inauguration ... ) ;

- coût d'un ordinateur emporté au domicile personnel de Georges C... 6 281,20 francs ;

- versement effectué dans le cadre du contrat de sponsoring MGA :

250 000 francs ;

- frais exposés pour le compte de la société Agrofin : 224 866,65 francs ;

- salaires et frais de déplacement perçus par Pierre Z... : 63 551,80 francs ;

- frais de téléphone personnel : 4 787,67 francs ;

que Nourredine X... a oeuvré pour prendre le contrôle de la société Y... Technologies et a ensuite demandé à Georges C... d'en devenir le dirigeant de droit ; que, cependant, il a conservé en fait la direction de la société ; qu'il a décidé notamment de recruter sa soeur, d'installer le siège social de la société Agrofin dans les locaux et d'avantager, par le biais d'un contrat de sponsoring, Jacques E... avec qui il entretenait des relations familiales et d'ordre commercial ; que Georges C... a admis avoir bénéficié d'un véhicule haut de gamme dont le coût de la location s'est élevé à 45 614,40 francs, avoir exposé des frais de restaurant au profit de sa famille, avoir conservé pour ses besoins personnels un ordinateur de la société, ne pas avoir remboursé le solde débiteur de son compte courant, dont il n'a, au demeurant, pas contesté le montant, et avoir payé pour le compte de Jaques E... une facture de téléphone ; que ces diverses dépenses, sans rapport avec l'objet social, sont intervenues alors que la société ne générait aucun chiffre d'affaires ; qu'en outre, des dépenses incombant à la société Agrofin International ont été prises en charge par la société Y... en suite de la fixation du siège social de la première dans les locaux pris à bail par la seconde ; que Nourredine X... s'est engagé à rembourser le coût de la location et des frais de secrétariat, mais qu'aucun règlement n'est intervenu car la traite émise à cette fin, alors que la société Agrofin ne disposait d'aucune trésorerie, a été rejetée à son échéance ; qu'il a reconnu qu'elle restait devoir environ 225 000 francs ; que, par ailleurs, les sommes versées par la société Y... à l'association MGA dans le cadre d'un prétendu contrat de sponsoring, étaient en réalité dénuées de contrepartie ; qu'Albert B... a expliqué que cette association avait été créée dans le but de rechercher des sponsors pour le fils de Jacques E... (concubin de la soeur de Nourredine X...), qui voulait être pilote automobile ; que la conclusion du contrat de sponsoring et le versement à la clé d'une somme conséquence de 250 000 francs, totalement hors de proportion avec les possibilités financières de la société Y..., sont manifestement contraires à l'intérêt social ;

qu'enfin, Pierre Z... a perçu des salaires et des frais de déplacement injustifiés puisqu'il n'a assuré aucun travail effectif ;

qu'en conséquence, c'est à bon droit que le tribunal a déclaré Nourredine X... coupable d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Y... tout en limitant le montant de cet abus à la somme de 880 353 francs, en ce qu'il n'inclut pas le solde débiteur du compte courant de Georges C... à défaut de preuve d'une participation personnelle du premier aux prélèvements excédentaires du second ;

"alors qu'en déclarant Nourredine X... coupable d'abus de biens sociaux à raison des abus de biens sociaux personnellement commis par Georges C..., dirigeant de droit de la société Y..., pour un montant total de 337 142,98 francs correspondant aux salaires perçus par ce dernier et aux charges sociales y afférentes (276 160 francs), aux dépenses somptuaires qu'il avait effectuées (54 697 francs, dont 45 614,40 francs pour la location d'un véhicule haut de gamme), au coût de l'ordinateur qu'il avait emporté à son domicile personnel (6 281,20 francs) et à la facture de téléphone qu'il avait payée pour le compte de Jacques Guenoun (4 787,67 francs), sans constater qu'il aurait personnellement participé aux détournements ainsi commis par Georges C..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 321-1 du Code pénal, L. 241-3, 4 , Code de commerce, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Nourredine X... coupable de recel d'abus de biens sociaux au préjudice de la SARL Agrofin ;

"aux motifs adoptés que Nourredine X... n'a pas contesté sa qualité de dirigeant de fait de la SARL Agrofin ; qu'il n'a pas davantage contesté être le bénéficiaire de fonds et des dépenses prises indûment en charge par la SARL Agrofin puisqu'il s'agissait de dépenses qui lui étaient personnelles ; que le montant global, à savoir 621 425 francs, n'est pas davantage discuté ; que le délit de recel d'abus de biens sociaux au préjudice de la SARL Agrofin est caractérisé ;

"et aux motifs propres qu'il est reproché à Nourredine X... d'avoir recelé à concurrence de la somme de 621 425,25 francs le produit du délit d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la société Agrofin International ; que Nourredine X... ne discute pas sa culpabilité de ce chef, admettant avoir personnellement bénéficié du paiement, par la société, de nourriture, frais de restaurant et de déplacements, d'achats vestimentaires, du coût de construction de sa piscine pour un montant de 149 154,79 francs, des frais d'entretien des espaces verts de sa maison pour plus de 30 000 francs, des frais de réparation de véhicules et d'appareil électroménagers ; que les agissements de Nourredine X... sont constitutifs du délit de recel d'abus de biens sociaux ;

"alors que Nourredine X... ayant été poursuivi pour avoir " sciemment recelé des fonds ( ... ) provenant d'un délit, en l'espèce l'infraction d'abus de biens sociaux d'une SARL reprochée à Albert B... au préjudice de Agrofin", la cour d'appel ne pouvait légalement le déclarer coupable de ces faits sans constater, au préalable, la réalité du délit d'abus de biens sociaux imputé à Albert B... ; qu'en retenant, pour déclarer Nourredine X... coupable du délit de recel d'abus de biens sociaux visé à la prévention, qu'il avait fait prendre en charge, par la société Agrofin dont il était le dirigeant de fait, des dépenses personnelles, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le prévenu avait, comme le lui reprochait exclusivement la prévention, bénéficié de fonds provenant d'un abus de biens sociaux commis par Albert B..., a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'escroqueries, d'abus de biens sociaux et de recel dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit d'une partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Mais sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 591 et 800-1 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a mis à la charge de Nourredine X... les frais de l'action civile diligentée par Xavier A... ;

"alors que les frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police sont à la charge de l'Etat et sans recours envers les condamnés de sorte qu'en condamnant Nourredine X... aux frais de l'action civile diligentée par Xavier A..., la cour d'appel a entaché sa décision d'une erreur de droit" ;

Vu l'article 800-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'Etat et sans recours envers les condamnés ;

Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré Nourredine X... coupable, notamment, d'escroquerie commise au préjudice de Xavier A..., l'a condamné aux dépens de l'action civile ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, en ses seules dispositions concernant la condamnation aux frais de l'action civile, l'arrêt susmentionné, rendu le 5 mai 2004, par la cour d'appel de Lyon, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à RENVOI ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registre du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-83597
Date de la décision : 23/03/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 7ème chambre, 05 mai 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mar. 2005, pourvoi n°04-83597


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.83597
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