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23/03/2005 | FRANCE | N°04-82490

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mars 2005, 04-82490


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Régine,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 31 mars 2004, qui, pour banqueroute, l'a condamnée Ã

  1 an d'emprisonnement avec sursis et 7 500 euros d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

S...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Régine,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 31 mars 2004, qui, pour banqueroute, l'a condamnée à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 7 500 euros d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 510, 591 et 593 du Code de procédure pénale, L. 212-2 et L. 213-1 du Code de l'organisation judiciaire ;

"en ce que l'arrêt attaqué a été rendu par une chambre des appels correctionnels composée " et lors du délibéré, et au prononcé de l'arrêt (de) Monsieur Morel, conseiller, désigné pour présider cette chambre, qui a donné lecture et en a signé la minute, en raison de l'empêchement de Mme Beauquis, président, en application des articles 485 et 486 du Code de procédure pénale, et Mme Filippini, conseiller " (arrêt p. 2) ;

"alors qu'il ressort de ces constatations que le président de chambre n'a pas assisté au délibéré et que l'arrêt a été rendu par deux magistrats en violation des textes susvisés" ;

Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les trois magistrats composant la Cour lors des débats, ont participé au délibéré ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 412, 494, 520, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la déclaration de culpabilité effectuée par le jugement rendu par défaut le 18 janvier 1999, jugement qui a été déclaré opposable au prévenu par un jugement du 1er octobre 2003 au prétexte que l'opposition formée par le prévenu aurait été non avenue faute de comparution ;

"alors que le juge ne peut pas déclarer une opposition non avenue au prétexte que le prévenu n'est pas comparant dès lors que ce dernier est représenté par un avocat, qui doit alors être entendu au fond ; qu'au cas présent, la demanderesse avait fait valoir dans ses conclusions que le jugement du 1er octobre 2003 devait être annulé dans la mesure où, précisément, les premiers juges, statuant sur opposition, avaient déclaré celle-ci non-avenue et refusé d'entendre au fond son avocat; qu'en ne répondant pas à ce moyen d'annulation péremptoire, et en confirmant, au contraire, la décision entreprise, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;

Attendu que la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que l'arrêt attaqué n'ait pas prononcé sur la demande d'annulation du jugement, dès lors qu'en cas d'annulation, la cour d'appel aurait été tenue d'évoquer et de statuer au fond en application de l'article 520 du Code de procédure pénale ;

Qu'ainsi, le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 626-2 à L. 626-8 du Code de commerce, ensemble l'article L. 121-1 du Code pénal et les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la demanderesse coupable du délit de banqueroute par détournement d'actif ;

"aux motifs, d'une part, que " sur la vente de l'immeuble, selon l'acte de vente, en date du 27 décembre 1995, reçu par Me Y..., notaire à Estaires (Nord), l'immeuble sis ... à Paris 16ème a été vendu en pleine propriété à la société luxembourgeoise " Immobilière du nord et du midi " (INM), dont les associés étaient la SA Interides et la SA International Business Participations, toutes deux installées à Panama ; que cette vente était consentie moyennant le prix de 2 800 000 francs payés au moyen des deniers propres de l'acquéreur, en dehors de la comptabilité de la SCP Tacquet Lhermie et Y... ; que le prix n'a jamais été encaissé par la SCI, ainsi que le confirmait le mandataire liquidateur qui a, dès lors, saisi le tribunal de grande instance de Paris pour voir annuler la vente ; que cette vente a été annulée par décision du tribunal de grande instance de Paris par jugement du 5 juillet 1996 sur le fondement de l'article 107, alinéa 2, de la toi du 25 janvier 1985, disposant que " tout contrat commutatif, dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie est nul s'il a été fait par le débiteur depuis la date de cessation des paiements, le déséquilibre résultant de ce que le prix d'achat de l'immeuble, à savoir 9 millions de francs le 10 juin 1991 était nettement supérieur au prix de vente de 2 800 000 francs " ; que l'expertise réalisée à la demande de Me Z..., par Michel A..., expert en estimations immobilières près la cour d'appel de Paris, concluait que la valeur vénale du bien immobilier du 36, rue ... pouvait être évaluée : - à la somme de 10 millions dans l'hypothèse d'une libération effective des lieux ; - 4 millions de francs dans l'hypothèse d'une occupation moyennant un loyer conforme aux prix du marché ; que la Cour constate que l'annulation de la vente n'est intervenue qu'au mois de juin 1996, et qu'à cette date le prix de la vente, intervenue le 27 décembre 1995, n'avait toujours pas été payé à la " SCI " ; que, s'agissant du paiement de l'indemnité d'occupation, il n'est pas justifié dans l'acte de vente de la reprise par le nouveau propriétaire des obligations découlant du congé délivré, et notamment de l'indemnité d'éviction fixée, toutes causes de préjudices confondues, à la somme de 10 287 000 francs, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la cour d'appel dans son arrêt du 15 octobre 1996, faisant à juste titre valoir " que la délégation de la créance de Mme B... à la société " INM ", dont au demeurant il n'est pas fait mention dans l'acte de vente de l'immeuble litigieux, n'a pas opéré novation à son égard, faute par elle de l'avoir acceptée " ;

que s'agissant de la créance de la société Sofim de plus de 16 000 000 francs, l'acte de vente ne fait à aucun moment état de la créance de cette dernière, qui au demeurant détenait une hypothèque sur l'immeuble, était seulement précisé " l'immeuble étant grevé d'inscriptions pour un montant supérieur au prix, l'acquéreur exercera sur le prix le droit de rétention que lui accorde l'article 1653 du Code civil ... d'un commun accord entre les parties, il est convenu que le prix sera remis entre les mains de la Banco di Napoli à Luxembourg, tiers convenu, qui le placera sur un compte ouvert au nom de la société acquéreur ... en cas de renouvellement des inscriptions par les créanciers inscrits, le tiers convenu (banque di Napoli) devra diligenter une procédure amiable ou légale de purge et régler ensuite les créanciers inscrits dans le cadre d'un ordre consensuel " ; que Régine X... ne peut valablement soutenir avoir ignoré les difficultés financières de la SCI, sachant que celle-ci avait été condamnée à payer une indemnité d'éviction de plus de 10 000 000 francs, et qu'il lui restait devoir à l'organisme de crédit plus de 16 000 000 francs ; que cette dernière ne peut soutenir avoir été étrangère à l'acte de vente, la vente ayant été passée au nom de la SCI Georges Sand, le vendeur, dont elle était l'animatrice de fait, qualité qu'elle n'a pas contesté et qui a été retenue par la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 15 octobre 1996 ; qu'il suffit en outre de rappeler qu'elle avait acquis cet immeuble avec son concubin de l'époque, M. C..., via la SCI Georges Sand ; qu'il apparaît, dès lors, que Régine X..., gérante de fait de la société Georges Sand, en procédant à la vente de l'immeuble pendant la période suspecte, et ce dans des conditions obscures, s'agissant de l'identité des acquéreurs, et à un prix très défavorable et très inférieur à son prix d'acquisition, prix qui n'a d'ailleurs jamais été versé, s'est bien rendue coupable du délit de détournement d'actif, tel que visé à la prévention ; que, dès lors, le délit de banqueroute par détournement d'actif, tel que visé à la prévention, est établi sur ce point " (arrêt p. 6 et 7) ;

"1 - alors, d'une part, que nul n'étant responsable que de son propre fait, ne justifie pas légalement sa décision au regard des textes susvisés la cour d'appel qui retient la demanderesse dans les liens de la prévention sans jamais établir formellement qu'elle aurait participé, à la vente litigieuse, et au simple prétexte que, en tant que dirigeante de fait de la société, elle n'aurait pu, selon l'arrêt attaqué, ignorer l'existence de l'acte en cause ;

"2 - alors, d'autre part, que le délit de banqueroute par détournement d'actif n'est constitué que dans l'hypothèse où l'opération litigieuse s'est révélée à la fois défavorable pour la société objet d'une procédure collective et favorable pour le dirigeant ou une personne physique ou morale qui lui est liée, de sorte que ne justifie pas légalement sa décision au regard des textes susvisés la cour d'appel qui retient la demanderesse dans les liens de la prévention au prétexte que la vente de l'immeuble aurait été effectuée pour un prix inférieur à sa valeur vénale, mais sans jamais constater que l'acquéreur ait été lié à la demanderesse et qu'ainsi, la situation aurait révélé un détournement au profit de la prétendue dirigeante de fait ;

"3 - alors, en tout état de cause, que l'appréciation des conditions favorables ou défavorables de l'opération qualifiée de détournement d'actif doit se faire à la date de sa conclusion, en fonction des prévisions des parties et non de son exécution ultérieure ; de sorte que se prononce par un motif inopérant, en violation des textes susvisés, la cour d'appel qui déclare la demanderesse coupable du délit de banqueroute au prétexte que le prix stipulé dans la vente n'aurait, ultérieurement, pas été payé par l'acquéreur de l'immeuble ;

"et aux motifs, d'autre part, que, " sur l'indemnité d'occupation, à l'appui de sa relaxe, Régine X... fait valoir qu'elle a acquitté personnellement certains frais pour le compte de la SCI, s'agissant notamment des honoraires de Me D... s'élevant à la somme de 24 120 francs, ainsi que du paiement d'une facture émanant de la société " Georges V Conseil " pour un montant de 335 800 francs ; que, selon procès-verbal de saisie-attribution dressé par Me E..., le 27 décembre 1994, la SCI Georges Sand a procédé, entre les mains de la Bred et au préjudice de Mme B..., locataire de la SCI, à une saisie-attribution portant sur la somme de 317 935,10 francs ; que, le 27 mars 1996, Me E... a fait savoir au mandataire liquidateur qu'il n'avait jamais encaissé cette somme à ce jour, précisant "je crois d'ailleurs être dessaisi du dossier puisque Régine X..., représentant la SCI Georges Sand, s'est présentée à mon étude et a repris la totalité des pièces de la procédure ; qu'il s'est avéré, en fait, que ladite somme a été remise à la SCP Cohen Scati, huissiers, le 1er mars 1996, qui a déclaré aux enquêteurs de police qu'il n'était apparu qu'en " bout de course ", à la demande de M. C..., c'est-à-dire pour exécuter l'arrêt de la cour d'appel du 8 février 1996 qui avait débouté Mme B... de ses demandes contestant la procédure de saisie-attribution ; que M. C... lui avait remis un courrier à son étude le 1er mars 1996 lui donnant instruction de répartir la somme comme suit : 50 000 francs à l'ordre de Me F..., 50 000 francs à l'ordre de Me D... et le solde déduction faite de ses frais à Régine X..., soit la somme de 216 000 francs ; ce qu'il avait fait ; que, si, certes, Régine X... produit des bordereaux d'honorait-es émanant de Me D..., dont l'un en date du 17 avril 1996, d'un montant de 24 129 francs adressé à la SCI Georges Sand et une facture de la société Georges V Conseils en date du 7 juin 1991, adressée à la SCI Georges Sand, à aucun moment elle n'a produit la justification qu'elle les ait acquittées personnellement ; qu'au surplus, la Cour constate que l'une de ces deux factures remonte à 1991 ; que Régine X..., qui a perçu cette somme à la place de la SCI Georges Sand quelques jours avant l'assignation en redressement judiciaire et pendant la période suspecte, a bien détourné partie de l'actif de la SCI " (arrêt p. 7 et 8) ;

"4 - alors que, nul n'étant responsable pénalement que de son propre fait, ne caractérise pas le délit de banqueroute par détournement d'actif et ne justifie pas légalement sa décision au regard des textes susvisés, la cour d'appel qui retient la demanderesse dans les liens de la prévention, cependant qu'il résulte de ses propres constatations que la prévenue n'a pas elle- même donné l'ordre de répartir les sommes de la manière décrite par les juges du second degré et considérée par eux comme illicite" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de banqueroute dont elle a déclaré la prévenue coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Dulin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-82490
Date de la décision : 23/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 31 mars 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mar. 2005, pourvoi n°04-82490


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.82490
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