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23/03/2005 | FRANCE | N°04-82047

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mars 2005, 04-82047


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me DELVOLVE et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Yves,

- Y... Vincen

t,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de LYON, en date du 1...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me DELVOLVE et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Yves,

- Y... Vincent,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de LYON, en date du 15 novembre 1996, qui, dans l'information suivie contre eux du chef d'escroquerie, a prononcé sur des demandes d'annulation de pièces de la procédure ;

- X... Yves,

- Y... Vincent,

- Z... Bertrand,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 5 mars 2004, qui, sur renvoi après cassation, pour escroquerie, les a respectivement condamnés à 2 ans, 18 mois et 3 mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires ampliatifs, additionnel et les observations complémentaires en demande et les mémoires en défense produits ;

I - Sur les pourvois formés contre l'arrêt du 15 novembre 1996 :

Sur le moyen additionnel de cassation proposé par Me Bouthors pour Yves X..., pris de la violation des articles 80, 81, 86, 156, 157, 158, 170, 171, 173, 174, 206 et 802 du Code de procédure pénale, 6.1 et 6.2 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué du 15 novembre 1996 a rejeté l'exception de nullité des ordonnances de commission d'expert désignant Jean-Pierre A..., des rapports d'expertise établis par celui-ci et de la procédure subséquente ;

"aux motifs, de première part, qu'il est d'abord fait grief au magistrat instructeur d'avoir, sans motivation réelle, à trois reprises désigné comme expert Jean-Pierre A... alors que celui-ci n'était inscrit sur aucune des listes visées par l'article 157 du Code de procédure pénale ; qu'il résulte des dispositions de ce texte que "les experts sont choisis parmi les personnes physiques ou morales qui figurent soit sur une liste nationale établie par le bureau de la Cour de cassation soit sur une des listes dressées par les cours d'appel" et qu' "à titre exceptionnel, les juridictions peuvent, par décision motivée, choisir des experts ne figurant sur aucune de ces listes" ; qu'en l'espèce, le magistrat instructeur a, par ordonnances en date du 18 avril 1994, 14 décembre 1994 et 27 juin 1995, commis Jean-Pierre A..., expert, et a motivé ce choix en spécifiant que celui-ci a été "désigné vu l'urgence et l'indisponibilité des experts figurant sur la liste dressée par la cour d'appel de Lyon... en raison de ses compétences et notamment en matière de facturation d'actes professionnels médicaux" (D. 234, D. 322 et D. 450) ; que l'urgence, invoquée par le magistrat instructeur et contestée par les demandeurs, peut toutefois se déduire de l'accumulation des plaintes déposées tant par les caisses primaires d'assurance maladie que par les organismes mutualistes, avant l'ouverture de l'information, comme après celle-ci, démontrant par l'ampleur de l'activité délinquante dépassant le simple plan local qu'impérativement le système frauduleux devait être rapidement analysé afin d'être arrêté ; que le mécanisme de la fraude dénoncée par les plaignants (D. 27, D. 141) trouve sa source dans une interprétation et une pratique de la nomenclature générale des actes professionnels contraires aux textes dans un domaine très particulier, la chirurgie cardiaque sous circulation extra-corporelle ;

que la liste des experts dressée par la cour d'appel de Lyon pour l'année 1994 ne possède aucun expert dont la spécialité soit l'administration des hôpitaux et des cliniques ou l'économie de la santé ; qu'ainsi, pressé par les événements et l'absence d'expert idoine, le magistrat instructeur a fait choix d'un candidat à l'inscription sur la liste près la cour d'appel dont les compétences lui paraissaient suffisantes ;

"aux motifs, de deuxième part, que Jean-Pierre A..., professeur des universités en sciences de gestion, membre du jury national des administrateurs et des mandataires judiciaires, directeur au CNRS du seul groupe de recherche en matière de santé, présentait alors, à juste titre, aux yeux du magistrat instructeur toutes les conditions de compétence et d'honorabilité ; que le reproche de partialité avancé postérieurement au dépôt des rapports d'expertise par les demandeurs à l'encontre de l'expert n'apparaît pas fondé ; qu'en effet, ceux-ci, utilisant la lettre de présentation de l'expert adressée au procureur de la République à Lyon, ont mis en avant les travaux antérieurs de l'expert qui les a présentés de la façon suivante : "Les recherches que j'ai menées m'ont conduit à exercer un certain nombre de missions de conseil auprès d'organismes français comme le ministère de la Santé, ou ses services déconcentrés (DRASS et CRAM), la mutualité française, ou d'organismes internationaux comme l'UNESCO ou le CERN à Genève, dans les domaines de l'audit et de l'évaluation... la caisse nationale d'assurance maladie m'a désigné pour la représenter dans l'expérience Languedoc-Roussillon, chargé de mettre en place les nouveaux modes de tarification entre l'Etat et les établissements, publics et privés, de santé ; le ministère de l'Education nationale m'a désigné pour présider le comité d'évaluation des établissements sociaux français" ; qu'il est en outre fait grief à l'expert de diriger un centre de recherche dénommé Grafic, dont un des experts associés est le directeur de la caisse régionale d'assurance maladie de la région Rhône-Alpes, organisme qui s'est constitué partie civile dans la présente information ; que, de cette même note de présentation de candidature de l'expert, il ressort cependant que le centre Grafic a passé un contrat avec la caisse régionale d'assurance maladie de la région Rhône-Alpes en 1993 concernant un établissement particulier, celui du Val Rosay, avec un objet précis, la place des établissements de rééducation dans la filière de soins, qui s'avère sans rapport avec les parties en cause dans la présente information et les expertises critiquées, lesquelles opposent les médecins exerçant au sein de la clinique de la Sauvegarde à différentes caisses primaires d'assurance maladie et organismes de mutualité ;

que, de même, le contrat passé entre le centre Grafic et la caisse nationale d'assurance maladie a pour objet "d'assurer la chefferie de projet dans l'expérience Languedoc-Roussillon sur la mise en place d'une nouvelle politique de tarification des établissements de soins publics et privés" ; qu'en outre, le magistrat instructeur n'a pas commis le centre Grafic comme expert mais le professeur Jean- Pierre A... en cette dernière qualité et qu'à la date de commission de la première expertise, ni la caisse nationale d'assurance maladie ni la caisse régionale n'étaient parties à la procédure (D. 279) ;

"qu'enfin, la partialité et la dépendance de l'expert ne sauraient être déduites de la seule affirmation que celui-ci aurait perçu une somme de 213 700 francs de la caisse régionale d'assurance maladie sans autre précision ni justification alors qu'il ressort des écritures déposées par la caisse régionale d'assistance maladie de la région Rhône-Alpes que celle-ci n'a pas rémunéré comme conseil l'expert A... et alors que les conclusions des rapports d'expertise de l'expert mettent en exergue les insuffisances en matière de contrôle externe la sécurité sociale (D. 235) ainsi que le "laxisme et l'amateurisme... des acteurs du système de santé" (D. 324) ; qu 'en définitive, le grief de la partialité de l'expert au regard des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'apparaît pas fondé ;

"aux motifs, de troisième part, qu'il est également reproché au magistrat instructeur d'avoir violé les dispositions de l'article 158 du Code de procédure pénale selon lesquelles "la mission des experts ne peut avoir pour objet que l'examen de questions d'ordre technique" en fixant à l'expert dans son ordonnance, en date du 18 avril 1994, la mission de "faire toutes observations sur l'état du droit en matière d'actes de renforcement et usages du conseil de l'Ordre en la matière" (D. 234) ; qu'il convient, cependant, de relever que l'ordonnance critiquée rappelle tout d'abord le cadre juridique de la saisine du juge d'instruction en visant "la procédure d'information ouverte du ou des chefs d'escroquerie, fraude à la sécurité sociale" avant de préciser la mission impartie à l'expert : au vu des éléments du dossier et notamment des différentes plaintes déposées par les caisses primaires d'assurance maladie, me préciser... si des anomalies de facturation au regard de la nomenclature générale des actes professionnels (actes fictifs, surcotations) sont imputables aux praticiens mis en examen" ; qu'ensuite, le magistrat instructeur précise la mission fixée à l'expert en demandant "de faire toutes observations sur l'état du droit en matière d'actes de renforcement et d'assistance, des pratiques et des usages du conseil de l'Ordre en la matière" ; qu'il découle de l'appréhension globale de la mission impartie par le magistrat instructeur que celui-ci a sollicité l'expert pour obtenir la teneur de la réglementation d'un type d'opération chirurgicale précis, la chirurgie cardiaque nécessitant une circulation extra-corporelle, et également des explications sur le déroulement matériel de celle-ci, les intervenants, leur rôle comme sur la facturation applicable à ce type d'opération en fonction de la nomenclature et des usages reconnus par le conseil de l'Ordre ; que la mission ainsi fixée n'a pas demandé à l'expert de dire le droit, qui vise des faits d'escroquerie et de fraude, mais de fournir des éléments d'appréciation, essentiellement techniques, sur des pratiques professionnelles susceptibles d'être analysées par la suite par le seul magistrat instructeur comme des éléments constitutifs des infractions dont il est saisi ; qu'ainsi, le grief de la violation des dispositions de l'article 158 du Code de procédure pénale n'apparaît pas fondé ;

"1 ) alors que, d'une part, selon l'article 157 du Code de procédure pénale, les experts sont choisis à peine de nullité parmi les personnes physiques ou morales qui figurent soit sur une liste nationale établie par la Cour de cassation, soit sur une liste dressée par la cour d'appel et ce n'est qu'à titre exceptionnel que l'expert est désigné en dehors de ces listes par une décision dûment motivée ;

qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que le juge d'instruction a désigné Jean-Pierre A... en raison de l'indisponibilité des experts figurant sur la liste dressée par la cour d'appel de Lyon sans rechercher si les experts figurant sur la liste établie par la Cour de cassation n'étaient pas disponibles, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard des dispositions du texte susvisé ;

"2 ) alors que, d'autre part, il résulte encore de I'article 157 du Code procédure pénale que, si le magistrat instructeur allègue l'urgence, il doit la justifier par l'existence de circonstances précises ; que l'urgence n'étant pas caractérisée dans les ordonnances du juge d'instruction, la chambre d'accusation ne pouvait motiver cette urgence aux lieu et place du magistrat instructeur sans excéder ses pouvoirs ;

"3 ) alors que, de troisième part, si l'indépendance et la neutralité d'un expert sont mises en cause, la désignation de l'expert est irrégulière ; que la chambre d'accusation qui constate que les caisses primaires d'assurance maladie avaient, avant la nomination de l'expert Jean-Pierre A..., dénoncé de prétendues facturations fictives émanant des chirurgiens travaillant à la clinique de la Sauvegarde à Lyon et qui, d'autre part, relève que l'expert A... dirigeait un centre de recherches dénommé "Grafic" dont un des experts associés était le directeur de la caisse régionale d'assurance maladie de la région Rhône-Alpes, ne pouvait affirmer que le grief de partialité de l'expert au regard des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'apparaissait pas fondé sans violer les principes susvisés ;

"4 ) alors qu'en confiant, par ordonnance en date du 18 avril 1994, à l'expert A... à la fois la mission "de faire toutes observations sur l'état du droit en matière d'actes de renforcement et d'assistance, des pratiques et des usages du conseil de l'Ordre en la matière" et la mission de décider de l'imputabilité aux praticiens mis en examen des anomalies de facturation au regard de la nomenclature générale des actes professionnels envisagés de manière générale, le magistrat instructeur a délégué ses pouvoirs ; que la chambre d'accusation, qui n'en a pas déduit l'annulation de la procédure, a violé le principe suivant lequel le juge d'instruction ne peut déléguer des pouvoirs relevant de sa compétence exclusive" ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour Vincent Y..., pris de la violation des articles 6.1 et 6.2 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 80, 81, 86, 156, 157, 158, 170, 171, 173, 174, 206 et 802 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, en date du 15 novembre 1996, a rejeté l'exception de nullité des ordonnances de commission d'expert désignant Jean-Pierre A..., des rapports d'expertise établis par celui-ci et de la procédure subséquente ;

"aux motifs, de première part, qu'il est d'abord fait grief au magistrat instructeur d'avoir, sans motivation réelle, à trois reprises désigné comme expert Jean-Pierre A... alors que celui-ci n'était inscrit sur aucune des listes visées par l'article 157 du Code de procédure pénale ; qu'il résulte des dispositions de ce texte que "les experts sont choisis parmi les personnes physiques ou morales qui figurent, soit sur une liste nationale établie par le bureau de la Cour de cassation, soit sur une des listes dressées par les cours d'appel" et qu' "à titre exceptionnel, les juridictions peuvent, par décision motivée, choisir des experts ne figurant sur aucune de ces listes" ; qu'en l'espèce, le magistrat instructeur a, par ordonnances en date des 18 avril 1994, 14 décembre 1994 et 27 juin 1995, commis Jean-Pierre A... expert et a motivé ce choix en spécifiant que celui-ci a été "désigné vu l'urgence et l'indisponibilité des experts figurant sur la liste dressée par la cour d'appel de Lyon... en raison de ses compétences et notamment en matière de facturation d'actes professionnels médicaux" (D. 234, D. 322 et D. 450) ; que l'urgence, invoquée par le magistrat instructeur et contestée par les demandeurs, peut toutefois se déduire de l'accumulation des plaintes déposées tant par les caisses primaires d'assurance maladie que par les organismes mutualistes avant l'ouverture de l'information comme après celle-ci, démontrant par l'ampleur de l'activité délinquante dépassant le simple plan local qu'impérativement le système frauduleux devait être rapidement analysé afin d'être arrêté ; que le mécanisme de la fraude, dénoncée par les plaignants (D. 27, D. 141) trouve sa source dans une interprétation et une pratique de la nomenclature générale des actes professionnels contraires aux textes dont un domaine très particulier, la chirurgie cardiaque sous circulation extra-corporelle ;

que la liste des experts dressée par la cour d'appel de Lyon pour l'année 1994 ne possède aucun expert dont la spécialité soit l'administration des hôpitaux et des cliniques ou l'économie de la santé ; qu'ainsi, pressé par les événements et l'absence d'expert idoine, le magistrat instructeur a fait choix d'un candidat à l'inscription sur la liste près la cour d'appel dont les compétences lui paraissaient suffisantes ;

"aux motifs, de deuxième part, que Jean-Pierre A..., professeur des universités en sciences de gestion, membre du jury national des administrateurs et des mandataires judiciaires, directeur au CNRS du seul groupe de recherches en matière de santé, présentait alors, à juste titre, aux yeux du magistrat instructeur toutes les conditions de compétence et d'honorabilité ; que le reproche de partialité avancé postérieurement au dépôt des rapports d'expertise par les demandeurs à l'encontre de l'expert n'apparaît pas fondé ; qu'en effet, ceux-ci, utilisant la lettre de présentation de l'expert adressée au procureur de la République à Lyon, ont mis en avant les travaux antérieurs de l'expert qui les a présentés de la façon suivante : "Les recherches que j'ai menées m'ont conduit à exercer un certain nombre de missions de conseil auprès d'organismes français comme le ministère de la Santé ou ses services déconcentrés (DRASS et CRAM), la mutualité française, ou d'organismes internationaux comme l'UNESCO ou le CERN à Genève, dans les domaines de l'audit et de l'évaluation... la caisse nationale d'assurance maladie m'a désigné pour la représenter dans l'expérience Languedoc- Roussillon, chargé de mettre en place les nouveaux modes de tarification entre l'Etat et les établissements, publics et privés, de santé ; le ministère de l'Education nationale m'a désigné pour présider le comité d'évaluation des établissements sociaux français" ; qu'il est, en outre, fait grief à l'expert de diriger un centre de recherche, dénommé Grafic, dont un des experts associés est le directeur de la caisse régionale d'assurance maladie de la région Rhône-Alpes, organisme qui s'est constitué partie civile dans la présente information ; que, de cette même note de présentation de candidature de l'expert, il ressort cependant que le centre Grafic a passé un contrat avec la caisse régionale d'assurance maladie de la région Rhône-Alpes en 1993 concernant un établissement particulier, celui du Val Rosay, avec un objet précis, la place des établissements de rééducation dans la filière de soins, qui s'avère sans rapport avec les parties en cause dans la présente information et les expertises critiquées, lesquelles opposent les médecins exerçant au sein de la clinique de la Sauvegarde à différentes caisses primaires d'assurance maladie et organismes de mutualité ;

que, de même, le contrat passé entre le centre Grafic et la caisse nationale d'assurance maladie a pour objet "d'assurer la chefferie de projet dans l'expérience Languedoc-Roussillon sur la mise en place d'une nouvelle politique de tarification des établissements de soins publics et privés" ; qu'en outre, le magistrat instructeur n'a pas commis le centre Grafic comme expert mais le professeur Jean- Pierre A... en cette dernière qualité et qu'à la date de commission de la première expertise, ni la caisse nationale d'assurance maladie ni la caisse régionale n'étaient parties à la procédure (D. 279) ; qu'enfin, la partialité et la dépendance de l'expert ne sauraient être déduites de la seule affirmation que celui-ci aurait perçu une somme de 213 700 francs de la caisse régionale d'assurance maladie, sans autre précision ni justification, alors qu'il ressort des écritures déposées par la caisse régionale d'assurance maladie de la région Rhône-Alpes que celle-ci n'a pas rémunéré comme conseil l'expert A... et alors que les conclusions des rapports d'expertise de l'expert mettent en exergue les insuffisances en matière de contrôle externe de la sécurité sociale (D. 235) ainsi que le "laxisme et l'amateurisme... des acteurs du système de santé" (D. 324) ; qu'en définitive, le grief de la partialité de l'expert au regard des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'apparaît pas fondé ;

"aux motifs, de troisième part, qu'il est également reproché au magistrat instructeur d'avoir violé les dispositions de l'article 158 du Code de procédure pénale selon lesquelles "la mission des experts ne peut avoir pour objet que l'examen de questions d'ordre technique" en fixant à l'expert dans son ordonnance, en date du 18 avril 1994, la mission de "faire toutes observations sur l'état du droit en matière d'actes de renforcement et d'assistance, des pratiques et des usages du conseil de l'Ordre en la matière" (D. 234) ; qu'il convient, cependant, de relever que l'ordonnance critiquée rappelle tout d'abord le cadre juridique de la saisine du juge d'instruction en visant "la procédure d'information ouverte du ou des chefs d'escroquerie, fraude à la sécurité sociale" avant de préciser la mission impartie à l'expert : "au vu des éléments du dossier et notamment des différentes plaintes déposées par les caisses primaires d'assurance maladie, me préciser... si des anomalies de facturation au regard de la nomenclature générale des actes professionnels (actes fictifs, surcotations) sont imputables aux praticiens mis en examen" ; qu'ensuite, le magistrat instructeur précise la mission fixée à l'expert en demandant "de faire toutes observations sur l'état du droit en matière d'actes de renforcement et d'assistance, des pratiques et des usages du conseil de l'Ordre en la matière" ; qu'il découle de l'appréhension globale de la mission impartie par le magistrat instructeur que celui-ci a sollicité l'expert pour obtenir la teneur de la réglementation d'un type d'opération chirurgicale précis, la chirurgie cardiaque nécessitant une circulation extra-corporelle, et également des explications sur le déroulement matériel de celle-ci, les intervenants, leur rôle comme sur la facturation applicable à ce type d'opération en fonction de la nomenclature et des usages reconnus par le conseil de l'Ordre ; que la mission ainsi fixée n'a pas demandé à l'expert de dire le droit, qui vise des faits d'escroquerie et de fraude, mais de fournir des éléments d'appréciation, essentiellement techniques, sur des pratiques professionnelles susceptibles d'être analysées par la suite par le seul magistrat instructeur comme des éléments constitutifs des infractions dont il est saisi ; qu'ainsi, le grief de la violation des dispositions de l'article 158 du Code de procédure pénale n'apparaît pas fondé ;

"aux motifs, enfin, qu'il est invoqué, à l'appui de la demande d'annulation de l'ordonnance, en date du 14 décembre 1994, commettant l'expert Jean-Pierre A... et du deuxième rapport déposé le 25 avril 1995, le non-respect des articles 80 et 161, alinéa 3, du Code de procédure pénale ; que, conformément aux dispositions de l'article 80 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République et lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du magistrat instructeur, celui-ci doit immédiatement communiquer au procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent ;

que, cependant, le juge d'instruction, saisi de faits appréhendés sous le couvert d'une incrimination générale, peut instruire sur l'ensemble des faits révélés par son information dans le cadre légal initial, par hypothèse large, sans qu'il lui soit nécessaire d'obtenir des réquisitions supplétives, dès lors que les infractions qu'il a relevées sont liées entre elles et entrent chacune dans le cadre général des manquements qu'il était chargé de rechercher ; qu'en effet, la saisine du juge d'instruction n'est pas limitée au fait précis porté à la connaissance du procureur de la République à la date du réquisitoire introductif mais s'étend à tous les faits de même nature susceptibles de recevoir la même qualification spécifiée par le réquisitoire et liés entre eux d'une manière étroite notamment par l'identité de projet, de l'intention frauduleuse et des moyens employés pour les commettre ; qu'en l'espèce, le réquisitoire introductif du 8 novembre 1993, définissant la saisine initiale du juge d'instruction vise des faits d'escroquerie et de fraude à la sécurité sociale susceptibles d'avoir été commis par les chirurgiens exerçant à la clinique de la Sauvegarde (D. 135) au préjudice de différentes caisses primaires d'assurance maladie ; que la précision portée sur le réquisitoire "facturation d'actes K150 fictifs dans le but de présenter une surfacturation des forfaits de salle d'opération" ne pouvait constituer une limitation de la saisine du magistrat instructeur ; qu'en effet, les premières plaintes déposées par les caisses primaires d'assurance maladie du Jura et de Roanne (D. 1, D. 10) relèvent que l'analyse des bordereaux 615, base de la facturation, avait mis en évidence "des irrégularités dans la facturation des actes médicaux" ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon (D. 27, D. 28), dès le dépôt de sa plainte, a laissé entendre qu'il paraissait nécessaire de procéder à des investigations complémentaires de façon à ce que "toutes personnes impliquées dans cette fraude soient poursuivies" ; que nombre de bordereaux 615, joints aux plaintes, outre les chirurgiens, mentionnent les médecins anesthésistes (D. 4, D. 6, D. 18, D. 30 à D. 131) ; qu'il apparaît ainsi que le réquisitoire introductif du 8 novembre 1993, auquel étaient joints les documents cités ci-dessus, a saisi le juge d'instruction des fraudes et escroqueries résultant des bordereaux 615 ;

qu'en outre, la localisation des faits dénoncés aux interventions de chirurgie cardiaque nécessitant une circulation extra-corporelle ne pouvait écarter les médecins anesthésistes qui, selon l'article 7 du chapitre XII de la nomenclature générale des actes professionnels, sont parties prenantes dans ce type d'intervention ; que, par ailleurs, il ressort des pièces de la procédure que l'expert A..., en conclusion de son premier rapport d'expertise déposé le 29 septembre 1994, a précisé que l'examen des feuilles de maladie, signées ou non, immédiatement transcrites sur les bordereaux 615 "révèle que la majorité d'entre elles sont le fait d'une écriture identique en provenance vraisemblablement du groupe de cardiologie ; des investigations supplémentaires sont nécessaires pour comprendre dans quelles conditions et par qui ces feuilles ont été remplies" ; que, ce faisant, l'expert a respecté scrupuleusement les dispositions de l'article 161, alinéa 3, du Code de procédure pénale qui lui imposent de tenir le juge d'instruction au courant du développement de ses opérations ;

que les observations de l'expert ont été relayées par le conseil des caisses primaires d'assurance maladie qui a adressé au magistrat instructeur, le 11 octobre 1994, un courrier dans lequel il précise :

"je vous adresse, pour chacun des médecins, un spécimen de leur signature ainsi que des bordereaux 615 qui semblent être signés de leurs mains, sauf à démontrer que les facturières imitaient les signatures des médecins, auquel cas on peut conclure que la clinique adressait à la caisse des bordereaux 615 comportant de fausses signatures... l'expert ne semble pas avoir procédé à des vérifications sur ce point ; il me paraît que des investigations complémentaires devraient être faites sur ce point afin d'établir à qui incombe la fraude" (D. 295) ; qu'à la suite de cette note et de nouveaux dossiers émanant de la caisse primaire d'assurance maladie de Villefranche-sur-Saône, le magistrat instructeur a obtenu, le 3 novembre 1994, un réquisitoire supplétif (D. 291) ; qu'ainsi, lors de la délivrance à l'expert, le 14 décembre 1994, d'une seconde expertise lui donnant comme mission : "- d'examiner les nouveaux chiffres de préjudice allégué par la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon et la caisse de l'Ain et de Villefranche-sur-Saône ; - porter une appréciation sur la tenue des bordereaux 615 et sur les arguments soulevés par Me Cohendy dans son courrier, en date du 11 octobre 1994..." (D. 322), le magistrat instructeur a agi dans le cadre de sa saisine telle qu'elle résultait du réquisitoire introductif, le réquisitoire supplétif du 3 novembre 1994 ne faisant que la confirmer de façon superfétatoire ; que les opérations d'expertise réalisées dans ce cadre ont donc été régulièrement exécutées ;

qu'en conséquence, le grief de violation du principe de la saisine in rem du juge d'instruction n'est pas fondé et ne peut entraîner aucune nullité de ce chef ;

"1 ) alors qu'il résulte des dispositions de l'article 157 du Code de procédure pénale que le juge d'instruction a l'obligation de choisir l'expert soit sur une liste nationale établie par la Cour de cassation, soit sur une liste dressée par la cour d'appel et qu'il ne peut exceptionnellement désigner l'expert en-dehors de ces listes qu'autant qu'il justifie ce choix par une décision motivée ; que cette règle doit être respectée à peine de nullité de la procédure ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que le juge d'instruction a désigné Jean-Pierre A... en raison de l'indisponibilité des experts figurant sur la liste dressée par la cour d'appel de Lyon sans constater l'indisponibilité des experts figurant sur la liste établie par la Cour de cassation, en sorte que sa décision est insuffisamment motivée au regard des dispositions du texte susvisé ;

"2 ) alors que l'obligation qui est faite personnellement au magistrat instructeur qui ne désigne pas un expert figurant sur une des listes d'experts visé par l'alinéa 1er de l'article 157 du Code de procédure pénale de motiver son choix à peine de nullité tant de l'ordonnance de commission d'expert que des opérations d'expertise implique que s'il allègue l'urgence dans sa décision, il la justifie lui-même par l'existence de circonstances précises et que la chambre d'accusation, qui constatait implicitement mais nécessairement que le magistrat instructeur n'avait pas indiqué dans ses ordonnances les raisons qui l'avaient amené à viser l'urgence, ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, substituer sa propre appréciation aux motifs qui auraient dû figurer dans la décision du magistrat instructeur ;

"3 ) alors qu'est irrégulière la désignation d'un expert dans une procédure pénale dès lors que son indépendance et son impartialité peuvent être remises en cause et que la chambre d'accusation qui, d'une part, constatait dans sa décision que les caisses primaires d'assurance maladie avaient, avant la nomination de l'expert Jean-Pierre A..., dénoncé de prétendues facturations fictives émanant des chirurgiens travaillant à la clinique de la Sauvegarde à Lyon et qui, d'autre part, admettait que l'expert A... dirigeait un centre de recherches dénommé "Grafic" dont un des experts associés était le directeur de la caisse régionale d'assurance maladie de la région Rhône-Alpes, ne pouvait, sans se contredire et méconnaître le principe susvisé, affirmer que le grief de partialité de l'expert au regard des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'apparaissait pas fondé ;

"4 ) alors qu'il est interdit au juge d'instruction de déléguer des pouvoirs relevant de sa compétence exclusive et de confier à des experts une mission autre que technique et qu'en confiant, par ordonnance en date du 18 avril 1994, à l'expert A... à la fois la mission "de faire toutes observations sur l'état du droit en matière d'actes de renforcement et d'assistance, des pratiques et des usages du conseil de l'Ordre en la matière" et la mission de décider de l'imputabilité aux praticiens mis en examen des anomalies de facturation au regard de la nomenclature générale des actes professionnels envisagés de manière générale, le magistrat instructeur a procédé à une délégation générale de ses pouvoirs que la chambre d'accusation avait l'obligation de sanctionner par l'annulation de la procédure ;

"5 ) alors que les pouvoirs accordés au juge d'instruction par l'article 81, 1er alinéa, du Code de procédure pénale et qui lui permettent de procéder, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité, sont limités aux seuls faits dont il est régulièrement saisi en application des articles 80 et 86 de ce Code ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le réquisitoire introductif, en date du 8 novembre 1993, prescrivait exclusivement au juge d'instruction d'instruire sur des faits de "facturation d'actes K 150 fictifs dans le but de présenter une surfacturation des forfaits de la salle d'opération" ; qu'il résulte, par ailleurs, du dossier de la procédure que, dans un premier temps, l'expert A... a pris l'initiative de faire porter ses investigations sur des actes qui se situaient en dehors des limites de la saisine du juge d'instruction, telles que définies par ce réquisitoire sans même avoir pris soin de solliciter préalablement l'extension de sa saisine ; que, dans un second temps, le juge d'instruction a cru pouvoir étendre la mission de l'expert à des investigations qui débordaient le cadre strict de sa saisine ; que, contrairement à ce qu'a énoncé la chambre d'accusation, les pouvoirs du magistrat instructeur résultant du réquisitoire introductif dont les termes étaient clairs et précis, ne pouvaient être interprétés comme autorisant des investigations sur d'autres faits que les actes cotés K 150 sous prétexte d'une prétendue indivisibilité, dès lors que les actes effectués par des médecins, exerceraient-ils dans la même clinique, sont par nature des actes distincts qui n'ont entre eux aucun lien d'indivisibilité" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour rejeter les demandes d'annulation des ordonnances de commission d'expert des 18 avril 1994, 14 décembre 1994 et 26 juin 1995, et du rapport d'expertise déposé le 15 avril 1995, fondées, d'une part, sur l'insuffisante motivation de l'urgence et de l'indisponibilité des experts inscrits sur les listes dressées par la cour d'appel et la Cour de cassation, d'autre part, sur la partialité de l'expert désigné, ensuite sur l'irrégularité de la mission confiée à l'expert, qui n'aurait pas été limitée à l'examen de questions d'ordre technique et aurait concerné des faits dont le juge d'instruction n'était pas encore saisi, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance et procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, la chambre d'accusation, qui a répondu comme elle le devait aux articulations essentielles des mémoires dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 5 mars 2004 :

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour Vincent Y..., pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 116, 385, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, en date du 5 mars 2004, a rejeté l'exception, soulevée par Vincent Y... in limine litis, tirée de la nullité de l'ordonnance de renvoi ;

"aux motifs que les premiers juges ont exactement rappelé que les mises en examen et les interrogatoires des prévenus sont relatifs à des faits analysés principalement, d'une part, dans les trois rapports d'expertise du professeur A..., qui comportent notamment l'examen exhaustif des bordereaux 615 et des prestations effectuées par l'ensemble des praticiens concernés par la chirurgie cardiaque au sein de la clinique de la Sauvegarde et, d'autre part, dans le rapport d'enquête du SRPJ de Lyon, documents auxquels ils ont contradictoirement eu accès dans le cadre de la procédure d'information ; que ces faits sont poursuivis sous la qualification d'escroqueries, qui implique, au titre même des éléments constitutifs de l'infraction, l'emploi de manoeuvres frauduleuses ; qu'ainsi, l'ordonnance de renvoi, qui fait référence à l'envoi des bordereaux récapitulatifs et aux cotations litigieuses, n'ajoute aucun fait ni élément à ceux pour lesquels les prévenus ont été mis en examen et sur lesquels ils ont pu s'expliquer devant le magistrat instructeur ;

"1 ) alors que nul ne peut être renvoyé devant la juridiction de jugement sans avoir été mis en examen ou dûment appelé ; que, par un arrêt, en date du 30 mai 2001, (pourvoi n° K 00- 84.028) expressément invoqué par le demandeur dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour de renvoi, la chambre criminelle de la Cour de cassation, statuant dans la présente affaire, a estimé que l'ordonnance de renvoi faisait référence à l'envoi, non de feuilles de maladie individuelles, mais de bordereaux récapitulant l'ensemble des actes pratiqués pour le même patient, à la concertation des chirurgiens Yves X..., Bernard B..., Jean C... et Bertrand Z... et d'autres membres de l'équipe de chirurgie cardiaque participant sciemment à un système organisé de surcotation d'actes fictifs et alternatifs de renfort dans le dessein préalablement formé de faire échec à l'application des dispositions de la nomenclature générale des actes professionnels et que Vincent Y..., cardiologue, exerçant seul cette spécialité à l'époque des faits n'ayant jamais été mis en examen pour avoir participé à quelque titre que ce soit, comme complice ou co-auteur, à des cotations alternatives auxquelles procédaient d'autres médecins, chirurgiens ou anesthésistes, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître le principe susvisé, sous prétexte que les mises en examen avaient eu lieu au vu des rapports d'expertise du professeur A... comportant notamment l'examen exhaustif des bordereaux 615 et des prestations effectuées par l'ensemble des praticiens concernés par la chirurgie cardiaque au sein de la clinique de la Sauvegarde et au vu du rapport d'enquête du SRPJ de Lyon, rejeter l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi invoquée devant elle ;

"2 ) alors que la Cour de cassation est en mesure de s'y assurer, à la lecture du dossier de la procédure, que, contrairement à ce qu'a affirmé la cour d'appel de Paris, Vincent Y... ne s'est pas expliqué au cours de l'information sur des faits de cotation alternative" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître l'arrêt n° 4092 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, en date du 30 mai 2001 ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Bouthors pour Yves X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121, 311-1 et suivants du Code pénal, 2, 10, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré Yves X... coupable du délit d'escroquerie pour des faits commis du 4 au 29 juillet 1991 en co-action avec Bernard B... et courant 1992 en co-action avec Jean C... relativement à des actes médicaux fictifs cotés KC 150 et l'a condamné à la peine de deux années d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs que, si aucune fraude résultant d'actes de renforcement surcotés en raison de l'absence du praticien en salle d'opération ne peut être retenue à l'encontre de Yves X... et Bertrand Z... (arrêt pages 18 à 20), en revanche, la prévention est constituée sur les autres faits reprochés à Yves X... ; qu'en effet, par jugement du 28 mai 1998, devenu définitif à leur égard, il a été jugé que, concernant la période du 4 au 29 juillet 1991, alors qu'il était censé renforcer à 39 reprises Yves X..., Bernard B... n'opérait plus au bloc opératoire de la clinique de la Sauvegarde, ainsi que cela résulte du registre du bloc, et que Jean C..., neurochirurgien à la clinique de la Sauvegarde a, courant 1992, facturé des actes de renforcement d'intervention de chirurgie cardiaque de Yves X..., alors qu'au même moment, il opérait dans une autre clinique ou se trouvait en période de vacances ; que Yves X..., qui, en sa qualité de chirurgien principal, coordonnait, selon ses propres dires, son calendrier à celui de ses confrères, ne pouvait ignorer leur indisponibilité le jour des faits pour lesquels ils ont été condamnés ; qu'il a ainsi participé sciemment à la fraude et en sera déclaré coupable, au même titre que Jean C... et Bernard B... (arrêt p. 20) ;

"1 ) alors que, d'une part, le seul fait pour Yves X... de n'avoir pas ignoré l'indisponibilité de Bernard B... et Jean C... le jour des faits pour lesquels ils ont été condamnés, ne caractérise en aucune manière une participation active ou passive du demandeur à la fraude ou à l'escroquerie de ses confrères ; qu'en déclarant pourtant Yves X... "co-auteur" d'actes fictifs pour lesquels ses confrères ont été condamnés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2 ) alors que, d'autre part, en tout état de cause, les facturations pour lesquelles Bernard B... et Jean C... ont été condamnés ne pouvaient en aucune manière être imputées à faute à Yves X..., dès lors que le demandeur ne s'était pas associé aux pratiques de ses confrères et n'avait au reste pas signé les facturations litigieuses ;

"3 ) alors qu'enfin, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur des faits commis pendant la période du 4 au 29 juillet 1991 par Bernard B... et durant l'année 1992 par Jean C..., pour retenir la culpabilité de Yves X..., lequel n'a jamais pu s'expliquer sur ces faits qui ne lui ont jamais été reprochés, sans violer le principe du contradictoire et le droit pour tout prévenu à un procès équitable" ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Me Bouthors pour Yves X..., pris de la violation des articles 121-1 et 313-1 du Code pénal, 2, 10, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yves X... coupable du délit d'escroquerie pour des faits commis les 11 mai, 12 mai, 9 juin et 29 septembre 1993, relatifs à des actes fictifs et l'a condamné à la peine de deux années d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs qu'en outre, il est établi que des cotations de renfort ont été réalisées à des périodes où Yves X... n'était en aucun cas disponible pour assurer un renforcement ; qu'il en est ainsi de la journée du 11 mai 1993 où le chirurgien a coté à plusieurs reprises et facturé des KC 150 relatifs à des interventions effectuées à la clinique de la Sauvegarde, alors qu'il se trouvait ce jour-là à l'extérieur du département, ce qu'il ne conteste pas ; que les éléments du dossier font apparaître que Yves X... a coté et facturé un KC 150 le 12 mai 1993 pour une intervention à effectuer dans la matinée, à partir de 7 heures, alors qu'il est établi qu'il a participé le même jour au conseil d'administration de la clinique qui s'est tenu de 8 heures 00 à 9 heures 30 ; qu'il ressort également de l'information que le chirurgien a coté, le 9 juin 1993, et facturé un KC 150 relatif à une intervention à effectuer à la clinique de la Sauvegarde, alors qu'il était le même jour à la commission permanente de la nomenclature générale des actes professionnels qui s'est tenue à Paris ; qu'il résulte encore des pièces du dossier et des débats que, le 29 septembre 1993, Yves X... a coté et facturé un KC 150 alors qu'au même moment, il était entendu par les services de police ; que ces agissements caractérisent le délit d'escroquerie, dès lors qu'ils ont été corroborés par des éléments extérieurs de nature à leur donner force et crédit, à savoir l'intervention, même de bonne foi du tiers, en l'espèce, les autres membres de l'équipe médicale qui ont signé le bordereau lui conférant l'apparence de cohérence nécessaire à sa prise en charge par la caisse (arrêt p. 20) ;

"1 ) alors que, d'une part, les quatre cotations résiduelles retenues à la charge du demandeur sont déduites de motifs inopérants dans la mesure où la cour d'appel n'a, à aucun moment, précisé si l'absence de Yves X... était exactement corrélative à l'intervention qu'il était censé "renforcer" et quelles manoeuvres frauduleuses visant précisément chacun des faits litigieux pouvaient constituer une éventuelle escroquerie ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;

"2 ) alors que, d'autre part, de simples mensonges ne peuvent caractériser le délit d'escroquerie en l'absence d'éléments extérieurs de nature à leur donner force et crédit, par exemple par utilisation de tiers ; qu'il est constant que le tiers utilisé doit être étranger à l'agent du délit ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait retenir qu'en l'état de mentions fausses apposées sur un "bordereau 615", relevé des différents actes médicaux concernant un même patient, les signatures des divers intervenants constituaient les éléments extérieurs donnant force et crédit à ces fausses déclarations sans violer les textes susvisés" ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour Vincent Y..., pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 162-38 du Code de la sécurité sociale, 405 ancien du Code pénal, 121-1 et 313-1 du Code pénal, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué, en date du 5 mars 2004, a déclaré Vincent Y... coupable d'escroquerie au titre des actes cotés par lui K 70 ;

"aux motifs, d'une part, que, concernant les cotations de surveillance de l'électrocardiogramme et des pressions (K 70), que Vincent Y... n'a pas contesté qu'il n'était pas présent en salle d'opération au moment où l'examen était pratiqué, mais qu'il a indiqué qu'il examinait les enregistrements le soir et les interprétait a posteriori, ce qui constituait un élément fondamental du pronostic post-opératoire immédiat et du suivi cardiologique du malade après l'intervention, ajoutant que le K 70 n'était pas un honoraire de surveillance d'un patient ou d'un examen et n'était pas lié au temps opératoire contrairement aux actes cotés en KC ; qu'il a également fait valoir que, depuis le 1er juillet 1994, il n'avait procédé à aucune cotation en K 70 ; que Vincent Y... produit aux débats un courrier établi par Jean-Claude Ricci, professeur agrégé des facultés de droit, qui estime que le cardiologue qui, en-dehors de la salle d'opération, et après une intervention sous CEC, lit et interprète les paramètres électroradiographiques et hémodynamiques enregistrés au cours de cette intervention, et en rédige le compte rendu, a droit à être honoré en K 70 ; qu'en outre, le docteur D..., expert national, commis par le tribunal de sécurité sociale de Saône-et-Loire concernant trois actes cotés K 70 réalisés par Vincent Y..., dans son rapport d'expertise technique déposé le 12 avril 2001, a conclu que, selon lui, la caisse ne pouvait demander à Vincent Y... le remboursement de la somme correspondant aux K 70 litigieux en raison de l'impossibilité de faire préciser par le texte de la nomenclature si la présence effective du médecin pendant l'intervention était nécessaire ; que, toutefois, Vincent Y..., en cotant des K 70 relatifs à des actes qu'il n'avait pas lui- même effectués, n'a pas respecté les dispositions de la nomenclature qui précise notamment en son article 1er du chapitre V du titre VII, que l'électrocardiogramme et les mesures de pression sont des actes qui ne peuvent être cotés que s'ils ont été pratiqués par le médecin au cours d'une intervention nécessitant une circulation extra-corporelle ; qu'en outre, entendus en qualité de témoins, le professeur Suzanne E..., consultante anesthésiste à l'hôpital cardiologique, a confirmé, le 23 juin 1995, que les examens en cause doivent être interprétés en direct pendant l'intervention, et le professeur F..., chef de service à l'hôpital de cardiologie, a indiqué que les comptes-rendus effectués après l'intervention ne justifiaient aucune cotation ; que, le 21 avril 1999, la section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins a sanctionné Vincent Y... après avoir considéré que la cotation en K 70 était clairement réservée par la nomenclature aux actes réalisés durant l'intervention par un médecin autre que le chirurgien ou l'anesthésiste, et ne pouvait s'appliquer à une simple interprétation ultérieure des enregistrements qui, au surplus, ne justifierait pas un tel niveau de cotation ;

que le Conseil d'Etat, par une décision en date du 29 avril 1999, a jugé que la section des assurances sociales du conseil de l'Ordre, en statuant ainsi, n'avait pas méconnu le sens des dispositions de l'article 1er du chapitre V du titre VIl de la nomenclature générale ; que, le 8 septembre 1999, la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins a fait une interprétation strictement identique de la nomenclature, qui a été confirmée, le 29 avril 2002, par une décision du Conseil d'Etat ;

que, dès lors, l'intention délictueuse de Vincent Y..., qui ne justifie d'aucun exemple d'établissement où des praticiens auraient pratiqué la cotation litigieuse dans les mêmes conditions que les siennes, et qui ne pouvait avoir de doutes sur l'interprétation de la nomenclature, est établie ; qu'en portant sciemment sur les bordereaux 615 adressés à la caisse des actes indûment cotés K 70 et en attestant par sa signature de la prestation de ces actes, Vincent Y... a trompé l'organisme social, le déterminant à lui verser des honoraires indus ;

"aux motifs, d'autre part, que ces agissements caractérisent le délit d'escroquerie, dès lors que les mentions d'actes fictifs ont été corroborées par des éléments extérieurs de nature à leur donner force et crédit, à savoir l'intervention, même de bonne foi, de tiers, en l'espèce les autres membres de l'équipe médicale qui ont signé le bordereau, lui conférant l'apparence de cohérence nécessaire à sa prise en charge par la caisse ;

"1 ) alors que l'inobservation de la nomenclature générale des actes professionnels et de la tarification interministérielle correspondante, par un médecin, lors de la fixation de ses honoraires, dans les feuilles de soins soumises par nature à vérification et à discussion de la part de l'organisme social destinataire, ne saurait constituer une manoeuvre frauduleuse constitutive du délit d'escroquerie, mais seulement la contravention de cinquième classe prévue par les articles L. 162-38 du Code de la sécurité sociale et 1er du décret du 28 juillet 1988 pris pour son application ;

"2 ) alors que l'intention délictueuse, élément essentiel du délit d'escroquerie, doit être appréciée à la date de la commission de l'acte reproché et que la cour d'appel, qui a cru pouvoir déduire l'existence de l'intention délictueuse dans la personne de Vincent Y... de sa connaissance de décisions administratives et ordinales interprétant le sens et la portée de la nomenclature générale des actes professionnels, postérieures à la commission prétendue des infractions reprochées, a méconnu les dispositions de l'article 121-3 du Code pénal ;

"3 ) alors que la cour d'appel, qui constatait expressément dans sa décision qu'il existait une controverse sérieuse au sein de la communauté scientifique sur l'interprétation de l'article K 70 de la nomenclature générale des actes professionnels quant au point de savoir si la présence effective du médecin pendant l'intervention était nécessaire, ne pouvait, sans se contredire, affirmer qu'à l'époque des faits Vincent Y..., simple praticien, ne pouvait avoir de doute sur l'interprétation de la nomenclature à cet égard ;

"4 ) alors qu'en tout état de cause, les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits qui leur sont soumis par l'ordonnance ou la citation qui les a saisis à moins de comparution volontaire du prévenu sur des faits distincts, dûment constatée par eux ; que dans la motivation de sa décision de cassation, en date du 30 mai 2001, la chambre criminelle a pris soin d'appliquer ce principe fondamental en invitant la cour de renvoi à rechercher l'existence de faits extérieurs donnant force et crédit aux fausses déclarations reprochées à Vincent Y... par référence à l'ordonnance de renvoi ; qu'en l'espèce, l'ordonnance de renvoi visait, au titre des faits extérieurs, "la réunion de plusieurs praticiens collaborant à l'activité de chirurgie cardiaque et procédant à une cotation alternative et systématique d'actes dans un dessein préalablement formé de faire échec à l'application des dispositions de la nomenclature générale des actes professionnels" et qu'en retenant, au titre des manoeuvres extérieures, "l'intervention, même de bonne foi, de tiers, en l'espèce les autres membres de l'équipe médicale qui ont signé le bordereau, lui conférant l'apparence de cohérence nécessaire à sa prise en charge par la caisse", la cour d'appel a relevé d'office, en dehors de toute comparution volontaire de Vincent Y..., des circonstances de fait qui n'étaient pas comprises dans sa saisine et, ce faisant, excédé ses pouvoirs" ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour Vincent Y..., pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 162-38 du Code de la sécurité sociale, 405 ancien du Code pénal, 313-1 du Code pénal, 8 et 22 de la nomenclature générale des actes professionnels, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué, en date du 5 mars 2004, a déclaré Vincent Y... coupable d'escroquerie au titre des actes cotés par lui K 30 ;

"aux motifs qu'en ce qui concerne ses cotations de l'analyse des gaz du sang (K 30), Vincent Y... a admis qu'il n'effectuait plus personnellement cet acte depuis 1989, et que cet examen aurait dû être coté par les anesthésistes, mais que néanmoins il avait continué à le coter ; qu'il est effectivement établi que l'analyse des gaz du sang était effectuée, non par un infirmier par délégation du médecin cardiologue, mais par un médecin- anesthésiste, la veille de l'intervention ; que cet acte est intégré dans le forfait anesthésie et qu'à ce titre, il n'était pas facturable ;

qu'en portant sciemment sur les bordereaux 615 adressés à la caisse des actes indûment cotés K 30 et en attestant par sa signature de la prestation de ces actes, Vincent Y... a trompé l'organisme social, le déterminant à lui verser des honoraires indus ;

"aux motifs, d'autre part, que ces agissements caractérisent le délit d'escroquerie, dès lors que les mentions d'actes fictifs ont été corroborées par des éléments extérieurs de nature à leur donner force et crédit, à savoir l'intervention, même de bonne foi, de tiers, en l'espèce les autres membres de l'équipe médicale qui ont signé le bordereau, lui conférant l'apparence de cohérence nécessaire à sa prise en charge par la caisse ;

"1 ) alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour de renvoi, Vincent Y..., se reportant à l'article 8 de la nomenclature des actes professionnels définissant l'acte global, faisait valoir que la prise de sang pour analyse des gaz n'est pas un soin pré-opératoire (qui aurait été compris dans l'acte global des anesthésistes), mais une analyse à visée diagnostic (un examen) expressément exclue de l'acte global par les dispositions de ce texte qui disposent que "ces coefficients (acte global) ne comprennent pas notamment : ... les actes de radiologie et les analyses médicales nécessitées par l'état du malade" et que, si l'arrêté du 29 janvier 1998 (art. IV) englobe dans le KC 250 des anesthésistes l'ensemble des soins et les actes pré et postopératoires, l'article 22 de la nomenclature selon l'arrêté du 10 décembre 1982 en vigueur au moment des faits, stipulait que le coefficient de l'anesthésiste "couvre également les soins pré- opératoires la veille de l'intervention, la surveillance postopératoire et les actes liés aux techniques de la réanimation" et donc pas les actes préopératoires et qu'en ne s'expliquant pas sur ces chefs péremptoires de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2 ) alors qu'en affirmant, en contradiction avec les dispositions claires et précises de l'article 8 de la nomenclature générale des actes professionnels relative à la définition de l'acte global que l'analyse des gaz du sang était intégrée dans le forfait de l'anesthésiste et qu'à ce titre, il n'était pas facturable par le cardiologue et qu'en en déduisant que Vincent Y... avait fait une fausse déclaration à l'organisme social en portant cet acte sur le bordereau 615 adressé à la caisse, la cour d'appel a statué par un motif qui procède d'une violation caractérisée de la loi ;

"3 ) alors que l'inobservation de la nomenclature générale des actes professionnels et de la tarification interministérielle correspondante par un médecin, lors de la fixation de ses honoraires dans des feuilles de soins soumises par nature à vérification et à discussion de la part de l'organisme social destinataire, ne constitue ni un faux ni, a fortiori, une manoeuvre frauduleuse, constitutive d'une escroquerie, mais seulement la contravention de cinquième classe prévue par les articles L. 162-38 du Code de la sécurité sociale et premier du décret du 28 juillet 1988 pris pour son application ;

"4 ) alors qu'en tout état de cause, les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits qui leur sont soumis par l'ordonnance ou la citation qui les a saisis à moins de comparution volontaire du prévenu sur des faits distincts dûment constatée par eux ; que, dans la motivation de sa décision de cassation en date du 30 mai 2001, la chambre criminelle a pris soin d'appliquer ce principe fondamental en invitant la cour de renvoi à rechercher l'existence de faits extérieurs donnant force et crédit aux fausses déclarations reprochées à Vincent Y... par référence à l'ordonnance de renvoi ; qu'en l'espèce, l'ordonnance de renvoi visait, au titre des faits extérieurs, "la réunion de plusieurs praticiens collaborant à l'activité de chirurgie cardiaque et procédant à une cotation alternative et systématique d'actes dans un dessein préalablement formé de faire échec à l'application des dispositions de la nomenclature générale des actes professionnels" et qu'en retenant, au titre des manoeuvres extérieures, "l'intervention, même de bonne foi de tiers, en l'espèce les autres membres de l'équipe médicale qui ont signé le bordereau, lui conférant l'apparence de cohérence nécessaire à sa prise en charge par la caisse", la cour d'appel a relevé d'office, en dehors de toute comparution volontaire de Vincent Y..., des circonstances de fait qui n'étaient pas comprises dans sa saisine et, ce faisant, excédé ses pouvoirs" ;

Sur le cinquième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour Vincent Y..., pris de la violation des articles 405 ancien du Code pénal, 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, en date du 5 mars 2004, a déclaré Vincent Y... coupable d'escroquerie au titre des actes cotés par lui K 70 et K 30 ;

"aux motifs qu'en portant sciemment sur les bordereaux 615 adressés à la caisse des actes indûment cotés K 30 et K 70 et en attestant par sa signature de la prestation de ces actes, Vincent Y... a trompé l'organisme social, le déterminant à lui verser des honoraires indus ; que ces agissements caractérisent le délit d'escroquerie, dès lors que les mentions d'actes fictifs ont été corroborées par des éléments extérieurs de nature à leur donner force et crédit, à savoir l'intervention, même de bonne foi, de tiers, en l'espèce les autres membres de l'équipe médicale qui ont signé le bordereau, lui conférant l'apparence de cohérence nécessaire à sa prise en charge par la caisse ;

"1 ) alors que la mention par un praticien de cotations inexactes sur un bordereau 615 constitue un simple mensonge écrit, en tant que tel insusceptible à lui seul de caractériser le délit d'escroquerie ;

"2 ) alors qu'en affirmant, dans sa décision, que des médecins, même de bonne foi, avaient, en signant les bordereaux 615 incriminés, donné force et crédit aux mentions mensongères portées sur les mêmes bordereaux par Vincent Y..., la cour d'appel a contredit le contenu de ces bordereaux figurant en annexe des conclusions des caisses d'où il résulte que chaque intervenant signe dans une case qui lui est réservée en attestant seulement de ses propres honoraires, en sorte qu'en l'absence de constatation d'un dessein préalablement formé entre les praticiens de la clinique en vue de faire échec à l'application de la nomenclature générale des actes professionnels, dessein qui constituait un élément essentiel de la prévention ainsi que l'a rappelé la chambre criminelle dans son arrêt en date du 30 mai 2001, la cour d'appel ne pouvait retenir au titre des manoeuvres frauduleuses la signature par ceux-ci des bordereaux 615" ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Bertrand Z..., pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bertrand Z... coupable du délit d'escroquerie pour des faits commis les 11 mai, 12 mai, 9 juin et 29 septembre 1993, relativement à des actes médicaux fictifs cotés KC 150, et l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs que, s'il ne résulte d'aucun autre élément du dossier que Bertrand Z... ait coté et facturé un renforcement alors qu'il ne se trouvait pas en mesure d'intervenir en cas d'urgence signalée par le chirurgien ayant la charge principale de l'intervention, ni qu'il ait commis un acte susceptible de comporter une qualification pénale, Bertrand Z..., en sa qualité de chirurgien principal, ne pouvait ignorer l'absence de Yves X..., les 11 mai, 12 mai, 9 juin et 29 septembre 1993, dates auxquelles celui-ci était censé le renforcer ; qu'en portant sciemment, sur les bordereaux 615 adressés à la caisse de sécurité sociale, la mention d'actes de renforcement fictifs et en attestant, par sa signature, de la prestation de ces actes, Bertrand Z... a trompé l'organisme social et l'a déterminé à lui verser des honoraires indus ;

"alors qu'en retenant, pour les faits commis les 11 mai, 12 mai, 9 juin et 29 septembre 1993 par Yves X... relativement à des actes médicaux fictifs cotés KC 150, la coaction de Bertrand Z..., qui n'a jamais pu s'expliquer sur de tels faits qui ne lui étaient pas reprochés spécialement, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et n'a pas fait bénéficier le prévenu d'un procès équitable" ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Bertrand Z..., pris de la violation des articles 121-1 et 313-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bertrand Z... coupable du délit d'escroquerie pour des faits commis les 11 mai, 12 mai, 9 juin et 29 septembre 1993, relativement à des actes médicaux fictifs cotés KC 150, et l'a condamné à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs que Bertrand Z..., en sa qualité de chirurgien principal, ne pouvait ignorer l'absence de Yves X... les 11 mai, 12 mai, 9 juin et 29 septembre 1993, dates auxquelles il était censé le renforcer ; qu'en portant sciemment, sur les bordereaux 615 adressés à la caisse de sécurité sociale, la mention d'actes de renforcement fictifs, et en attestant, par sa signature, de la prestation de ces actes, Bertrand Z... a trompé l'organisme social et l'a déterminé à lui verser des honoraires indus ;

"alors, d'une part, qu'il résulte des pièces annexées aux conclusions des 22 caisses de sécurité sociale, déposées devant la cour d'appel de Paris et visées le 14 janvier 2004, que les "bordereaux 615" sont des relevés récapitulatifs des honoraires médicaux, paramédicaux et de laboratoire, imprimés et établis par le personnel administratif de la clinique ; que ces bordereaux font apparaître que, en bas de feuille, une case est prévue pour chaque intervenant concernant le même patient, case dans laquelle figure le nom de l'intervenant (médecin, laboratoire, etc), son numéro d'identification, le montant de ses honoraires et (en principe) sa signature, étant précisé que les bordereaux 615 produits en original par les caisses et figurant à ce titre dans le dossier officiel sont dépourvus de toute signature ; qu'en affirmant, pour déclarer Bertrand Z... coupable d'escroquerie, qu'il aurait porté sur les bordereaux 615 litigieux (qui ne comportent aucune mention de la main de Bertrand Z...) la mention d'actes de renforcement fictifs concernant Yves X..., et qu'il aurait attesté par sa signature (qui ne figure pas sur le bordereau) de la prestation de ces actes, la cour d'appel a dénaturé les pièces de la procédure et n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, d'autre part, et en toute hypothèse, que nul n'est responsable que de son propre fait ; que, les relevés des honoraires des actes médicaux, paramédicaux et chirurgicaux sur les bordereaux 615 étant effectués par le personnel administratif de la clinique au vu des feuilles individuelles établies par chaque intervenant et sous l'entière responsabilité de ce dernier, la mention concernant les honoraires d'un prétendu renforcement chirurgical pour les journées des 11 mai, 12 mai, 9 juin et 29 septembre 1993 était nécessairement portée d'après les indications fournies par le seul docteur X..., demandeur de ses honoraires, les autres intervenants, y compris Bertrand Z..., s'étant bornés, chacun sous sa propre responsabilité, à fournir les indications concernant leurs propres actes, et leurs éventuelles signatures n'attestant que de la réalité de ceux-ci ; qu'en imputant à Bertrand Z..., chirurgien principal, la mention des honoraires de renforcement chirurgical demandés pour les dates litigieuses par Yves X..., et en affirmant que, par sa signature, Bertrand Z... aurait déterminé l'organisme social à lui verser des honoraires indus, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, et en tout état de cause, que le délit d'escroquerie ne saurait se déduire de simples mensonges écrits, à défaut d'éléments extérieurs leur donnant force et crédit ; que, lorsque sur un "bordereau 615", relevé récapitulatif des actes médicaux, chirurgicaux, paramédicaux et de laboratoire concernant un même patient, sur lequel chaque intervenant signe dans la case qui lui est réservée, figure la mention fausse concernant les actes fictifs de l'un des intervenants, les signatures des autres ne sauraient constituer des éléments extérieurs donnant force et crédit à cette fausse déclaration ; qu'en affirmant, pour retenir le délit d'escroquerie, que la fausse mention concernant les actes fictifs de Yves X... était corroborée par l'élément extérieur constitué par l'intervention des autres membres de l'équipe médicale qui ont signé le bordereau, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, enfin, que le délit d'escroquerie suppose un élément intentionnel caractérisé par la conscience de tromper la victime ; que, dès lors que Bertrand Z..., lorsqu'il intervient en qualité de chirurgien principal, n'atteste par sa signature que de la réalité de ses propres actes et qu'il n'est, dans ce cas, débiteur d'aucune obligation de vérification de la réalité des interventions des autres médecins et prestataires mentionnées sur le bordereau 615, le fait, à le supposer établi, d'apposer sa signature sur les bordereaux litigieux ne signifiait pas qu'il entérinait en connaissance de cause la réalité des actes correspondant aux honoraires demandés par Yves X... ; qu'en admettant que les autres membres de l'équipe médicale avaient pu, de bonne foi, signer les bordereaux, sans préciser en quoi Bertrand Z... ne pouvait, lui, se prévaloir de cette bonne foi, et sans caractériser la conscience de ce prévenu de tromper l'organisme social, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'escroquerie dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Bertrand Z..., pris de la violation des articles 2052 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a reçu la constitution de partie civile des caisses de sécurité sociale à l'encontre de Bertrand Z... ;

"alors que les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; que, dans ses conclusions récapitulatives, Bertrand Z... soulevait l'irrecevabilité de l'action civile des caisses de sécurité sociale à son égard, en faisant valoir que, par un acte du 8 décembre 1995, il avait conclu une transaction avec l'ensemble des caisses concernées par la procédure pénale, lesquelles avaient renoncé à toutes réclamations à son égard ; qu'en déclarant recevable l'action civile des caisses à l'égard de Bertrand Z..., sans s'expliquer sur cette exception de transaction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu qu'après avoir reçu en la forme les constitutions des caisses et organismes de sécurité sociale, l'arrêt attaqué a sursis à statuer sur l'évaluation de leur préjudice pour permettre aux parties civiles de produire des demandes tenant compte des relaxes intervenues ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que les juges n'ont prononcé ni sur l'exception de transaction ni sur l'indemnisation des préjudices allégués, le moyen est inopérant ;

Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 3 000 euros la somme que Vincent Y..., Yves X... et Bertrand Z... devront payer, chacun pour un tiers, aux 26 défendeurs représentés par Me Foussard, au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-82047
Date de la décision : 23/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon, 15 novembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 mar. 2005, pourvoi n°04-82047


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.82047
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