AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Chantal, épouse Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de POITIERS, en date du 21 septembre 2004, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre Didier Z... du chef de diffamation publique, a prononcé la nullité des poursuites ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que satisfont aux exigences du texte précité, la plainte avec constitution de partie civile et le réquisitoire introductif avec lequel elle se combine, qui qualifient le fait incriminé et énoncent le texte de loi applicable à la poursuite ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Chantal Y... a porté plainte et s'est constitutée partie civile du chef de diffamation, au visa des articles 30, 31 et 48, 3 , de la loi du 29 juillet 1881, en raison de la diffusion, dans la commune dont elle était conseillère municipale, d'un tract qui, évoquant sa démission de son poste d'élue à la suite de l'organisation d'un repas du Front National dans la salle des fêtes de la ville, la mettait en cause dans les termes suivants : "consciente de son sectarisme, de son intolérance, de son comportement néo-stalinien ou néo-nazi, Chantal Y... a préféré démissionner de son poste d'élue, dont elle se sentait indigne ; nous l'invitons à aller plus loin dans sa démarche : elle n'est pas plus digne de représenter les habitants de Saint-Quantin de Rancannes que d'enseigner à des enfants des valeurs qu'elle ne partage pas : elle doit aussi démissionner de son poste d'institutrice" ;
Attendu que Didier Z..., mis en examen en qualité d'auteur du tract, a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation de la procédure, au motif, notamment, que les dispositions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 auraient été méconnues ;
Attendu que, pour faire droit à cette exception, l'arrêt énonce que la plainte, qui vise simultanément les articles 30 et 31, relatifs, le premier à la diffamation envers les cours et tribunaux, le second à la diffamation envers les fonctionnaires publics, infractions de nature différente, laisse incertaine la base de la poursuite et n'a pas été suppléée par le réquisitoire introductif ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, ainsi que la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, d'une part, la plainte vise, sans équivoque possible, des faits de diffamation envers un fonctionnaire public par le rappel des dispositions de l'article 48, 3 , de la loi sur la presse, propre à cette diffamation, et que, d'autre part, le visa des articles 30 et 31 trouve sa justification dans l'énoncé, par le premier de ces textes, de la peine applicable au délit prévu par le second, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 21 septembre 2004 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE le retour du dossier au juge d'instruction aux fins de poursuite de l'information ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, MM. Beyer, Pometan, Mmes Palisse, Guirimand conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;