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15/03/2005 | FRANCE | N°04-82971

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 mars 2005, 04-82971


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Alain,

- X... Jean-Marie,

- Y... Lucienne, épouse X...,

con

tre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 24 mars 2004, qui, pour...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Alain,

- X... Jean-Marie,

- Y... Lucienne, épouse X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 24 mars 2004, qui, pour abus de biens sociaux, a condamné le premier, à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, le deuxième, à 1 an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, 15 000 euros d'amende, et pour recel d'abus de biens sociaux, a condamné la troisième, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, 3 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoire produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3 et suivants, L. 241-9, L. 242-6 et suivants, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 244-6 du Code de commerce, 321-1, 321-3, 321-9, 321-10 et suivants du Code pénal, 321-9, 321-10 dudit Code, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a dit les demandeurs coupables d'abus de biens sociaux ou de crédit d'une société par action par un dirigeant à des fins personnels et d'une SARL par un gérant à des fins personnelles, et de recel de biens provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans d'emprisonnement ;

"aux motifs que, pour les délits d'abus de biens sociaux et de recel concernant la perception de salaires et l'octroi de divers avantages à Lucienne Y..., épouse X..., la prescription ayant commencé à courir à compter de la date de présentation des comptes, et ayant été interrompue par les réquisitions du parquet d'Aurillac en date du 13 février 2001, la prescription est acquise pour les dépenses effectuées au cours de l'exercice 1996 ayant donné lieu à une présentation des comptes sociaux annuels au cours de l'année 1997, soit une date antérieure de plus de trois ans à l'acte interruptif de prescription ; qu'en revanche les salaires perçus à compter de janvier 1997 mentionnés dans les comptes annuels présentés courant 1998 échappent à la prescription ; que sur la prescription du délit de recel d'abus de biens sociaux, le délit étant un délit continu, à supposer établis les faits reprochés à Lucienne Y..., épouse X..., la prescription n'a commencé à courir que du jour où l'infraction a pris fin alors même qu'à cette époque le délit d'abus de biens sociaux, infraction qui avait procuré des biens recelés, était prescrit ; que Lucienne Y..., épouse X..., ayant perçu des salaires et bénéficié de divers avantages jusqu'en décembre 2000, elle ne peut se prévaloir de l'extinction de l'action publique à son égard par l'effet de la prescription ; que sur les délits d'abus de biens sociaux et recels d'abus de biens sociaux, salaires et avantages perçus par Lucienne Y..., épouse X..., jusqu'en 1997, elle indique avoir fourni des prestations pour les sociétés du groupe X... dont la nature a certainement évolué avec le temps en fonction des besoins des entreprises qui se sont dotées au fil des années d'un secrétariat informatisé et dont le développement a pu imposer d'autres contraintes à la femme du chef d'entreprise impliquée de longues dates dans la vie des sociétés du groupe ; qu'il convient d'observer que le salaire perçu de l'ordre de 150 000 francs brut par an en moyenne n'était pas anormalement élevé par rapport aux prestations accomplies et aux facultés financières du groupe X... ; qu'au vu des éléments du dossier, l'absence de contrepartie effective aux salaires versés à Lucienne Y..., épouse X..., est démontrée avec certitude, seulement à partir de 1997 ; que les prévenus ne peuvent se soustraire à leur responsabilité sous prétexte de compensation avec de prétendues prestations non rémunérées à l'époque où Lucienne Y..., épouse X..., aurait commencé à travailler avec son mari ou avec des sommes dont Jean-Marie X... se prétend créancier envers les sociétés du groupe ; qu'ainsi, en ce qui concerne les salaires et avantages perçus avant 1997, les délits d'abus de biens sociaux étaient prescrits et une relaxe sera prononcée au profit de Lucienne Y..., épouse X... ;

que pour les salaires et avantages perçus à compter de cette date, sont établis en tous leurs éléments constitutifs les délits d'abus de biens sociaux reprochés en premier lieu à Jean-Marie X..., en tant que gérant de la SARL Serci, faits commis du 1er janvier 1997, jusqu'en septembre 1998 et en second lieu à Alain X..., en qualité de directeur général société entreprise X... et Fils gérée par un conseil de surveillance et un directoire, faits commis d'octobre 1998 à décembre 2000 ;

que de même est établi le délit de recel reproché à Lucienne Y..., épouse X... ; que l'intention frauduleuse ne saurait être sérieusement déniée dès lors que ces détournements contraires à l'intérêt des sociétés étaient opérés dans l'intérêt personnel de Lucienne Y..., épouse X..., et plus indirectement de son mari et de son fils, afin de permettre à leur épouse et mère de disposer d'une retraite atteignant un montant plus élevé que celui auquel elles pouvaient légitimement prétendre au vu des seuls salaires légalement perçus ; que les activités de la SARL Serci et le personnel ont été repris par la SA entreprise X... et Fils avec effet à compte du 1er octobre 1998 ; que le total du préjudice subi en définitif par la SA entreprise X... du fait de ces infractions s'élève à 683 041 francs soit 104 128, 93 euros outre les frais de mise à disposition de véhicule de fonction et d'une carte ELF ; qu'entre Jean-Marie et Alain X... la répartition de la charge des préjudices occasionnés par les délits d'abus de biens sociaux qui leur sont imputables s'établit à hauteur de 47 619, 74 euros pour Jean-Marie X... et 56 966, 54 euros pour Alain X... ;

"alors, d'une part, que l'élément intentionnel du délit de recel consiste dans la connaissance de l'origine frauduleuse de la chose recelée ; que les demandeurs faisaient valoir que les sommes versées à Lucienne Y..., épouse X..., d'un montant modique, avaient pour objet de compenser le fait qu'elle ait travaillé entre 1965 et 1964 pour le compte de la société sans avoir été rémunérée ;

qu'ayant relevé que la demanderesse indiquait avoir fourni des prestations pour les sociétés du groupe X..., que le développement de la société a pu imposer d'autres contraintes à la femme du chef d'entreprise impliquée de longues dates dans la vie des sociétés du groupe, qu'il convient d'observer que le salaire perçu de l'ordre de 150 000 francs brut par an n'était pas anormalement élevé par rapport aux prestations accomplies et aux facultés financières du groupe X..., qu'au vu des éléments du dossier l'absence de contrepartie effective aux salaires versés est démontrée avec certitude à partir de 1997, puis retenu, que les prévenus ne peuvent se soustraire à leur responsabilité sous prétexte de compensation avec de prétendues prestations non rémunérées à l'époque où Lucienne Y..., épouse X..., aurait commencé à travailler avec son mari, pour en déduire que l'intention frauduleuse ne saurait être sérieusement déniée dès lors que ces détournements contraires à l'intérêt des sociétés étaient opérés dans l'intérêt personnel de Lucienne Y..., épouse X..., afin de lui permettre de disposer d'une retraite atteignant un montant plus élevé que celui auquel elle pouvait légitimement prétendre, sans rechercher ni préciser si, la demanderesse n'avait pas eu la croyance légitime que le salaire qui lui était versé était pas la contrepartie de l'absence de rémunération pendant onze ans, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la connaissance de l'origine frauduleuse des salaires reçus n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 321-1 et suivants du Code pénal ;

"alors, d'autre part, que les demandeurs faisaient valoir l'absence d'intérêt personnel dans le versement de salaire à Lucienne Y..., épouse X... ;

qu'en retenant que l'intention frauduleuse ne saurait être contestée dès lors que les détournements étaient contraires à l'intérêt des sociétés et dans l'intérêt personnel de Lucienne Y..., épouse X..., et plus indirectement de son mari et de son fils afin de permettre à leur épouse et mère de disposer d'une retraite atteignant un montant plus élevé que celui auquel elle pouvait légitimement prétendre au vu des seuls salaires légalement perçus, la cour d'appel n'a, par de tels motifs, nullement caractérisé l'intérêt personnel du mari et du fils et a privé sa décision de base légale au regard des articles 321-1 et suivants du Code pénal" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3 et suivants, L. 241-9, L. 242-6 et suivants, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 244-6 du Code de commerce, 321-1, 321-3, 321-9, 321-10 et suivants du Code pénal, 321-9, 321-10, 313-1 et suivants dudit Code, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt a dit les demandeurs coupables d'abus de biens sociaux ou de crédit d'une société par action par un dirigeant à des fins personnelles et d'une SARL par un gérant à des fins personnelles, et de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans d'emprisonnement ;

"aux motifs qu'il ressort de l'enquête que Jean-Marie X... alors PDG de la SA X..., a encaissé sur un compte personnel ouvert, spécialement à cet effet le 23 octobre 1990, dans les livres du Crédit Agricole d'Aurillac une somme de 1 457 170 francs correspondant à la dette du Crédit Agricole d'Aurillac envers la SA X... au titre de l'exécution d'un marché d'installation d'un groupe électrogène fin 1990 ; que le marché de travaux daté du 5 septembre 1990 comportait en page 4 une mention inscrite au moyen d'une machine ayant une frappe différente de celle utilisée pour la rédaction de l'ensemble du document et libellé ainsi (DAV n° 212183629 9000) soit la référence du compte bancaire cité ci-dessus qui a visiblement été ajoutée ; que le compte crédité des fonds encaissés en 1990 n'a fait l'objet d'aucun mouvement pendant trois ans, puis l'intégralité des fonds a été transféré vers différents comptes de la famille X... ou affecté à l'achat de SICAV au cours de la période comprise entre juillet 1993 et octobre 1995 soit 386 000 francs vers un PEA ouvert le 1er juillet 1993, 200 000 francs vers un compte au nom d'A. X... le 16 août 1993, 100 000 francs vers un compte ouvert d'A. X... le 16 août 1993, 240 218, 84 francs au paiement de souscription de Sicav Univarle le 5 mars 1994, 300 000 francs en virement vers le compte Predica Predige au nom d'Albert X... (assurance-vie) le 25 mars 1994, 100 160,60 francs viré sur le compte 210 1650 0 000 ouvert au nom d'Albert X... le 4 février 1995, 125 262,80 francs viré sur le même compte le 26 octobre 1995 ; que M. Z..., comptable de la SA X..., a indiqué avoir demandé des informations sur le compte intermédiaire ouvert au nom de Jean-Marie X... et s'être vu répondre par ce dernier de ne pas s'en occuper ; que M. A..., ancien conducteur de travaux de la SA X..., a déclaré que Jean-Marie X... lui avait demandé de lui remettre tous les documents relatifs au marché de travaux exécutés pour le compte du Crédit Agricole en 1990, ce qu'il ne faisait pas habituellement ; que Jean-Marie X... a nié être à l'origine du virement sur son compte personnel, imputant l'opération à une erreur d'écriture du Crédit Agricole ; qu'il a néanmoins reconnu avoir profité de l'erreur et n'avoir jamais eu l'intention de restituer ces fonds à la SA X... ; que les magistrats de première instance ont constaté à juste titre que cette opération avait été totalement occultée de la comptabilité de la société X... et n'était pas décelable par un cabinet comptable ni par le commissaire aux comptes ;

qu'ils ont déduit de cette dissimulation que la prescription du délit d'abus de biens sociaux n'avait pas commencé à courir avant la révélation de l'opération frauduleuse par la dénonciation de M. Z... le 9 février 2001 et les suites données par le parquet dAurillac ; que considérant que les fonds destinés à la SA X... avaient été conservés sciemment par Jean-Marie X... qui avait pris soin de faire disparaître les traces du marché et avait affecté l'argent sur des comptes personnels le tribunal a retenu Jean-Marie X... dans les liens de la prévention ; que la défense conteste toute culpabilité ; qu'elle soutient à titre principal qu'en tout état de cause les faits allégués sont prescrits motifs pris qu'ils relèvent non pas de la qualification d'abus de biens sociaux mais de celle escroquerie ; qu'à titre subsidiaire elle se prévaut d'une absence d'élément intentionnel pour soutenir qu'aucun délit ne peut être retenu à l'encontre de Jean-Marie X... qui aurait simplement bénéficié d'une erreur de virement de la banque sans avoir jamais à répondre à aucune demande de restitution ; qu'en droit la SA X... n'a été victime d'aucune escroquerie ; que la créance d'un montant de 1 457 170 francs que lui devait le Crédit Agricole en paiement du marché de travaux n'a en effet jamais été recouvré par ces soins ; de telle sorte que les fonds correspondants n'ont jamais été déposés sur ses comptes ; qu'elle n'a jamais subi aucune manoeuvre la déterminant à remettre des sommes sur le compte dont Jean-Marie X... était personnellement titulaire ; que la défense fait d'ailleurs elle-même observer que les fonds virés sur les comptes litigieux n'ont pas transité sur les comptes sociaux ; qu'en réalité l'usage des fonds versés par le Crédit Agricole dus en règlement de la créance résultant de l'exécution du marché de travaux a eu lieu au détriment de la SA X... aux seules fins personnelles de son dirigeant, Jean-Marie X..., au nom duquel un compte a été spécialement ouvert et dont force est de constater qu'il n'a servi que pour les besoins de l'opération frauduleuse ;

que Jean-Marie X... a été le seul bénéficiaire avec Lucienne X... de la répartition des sommes virées vers les comptes, lesquelles ont d'abord été soigneusement immobilisées pendant trois ans alors que Jean-Marie X... savait pertinemment qu'elle correspondait à la créance due à la SA X... ;

qu'en sa qualité de dirigeant de cette société, tenu d'en assurer la saine gestion, il a délibérément omis d'agir en se gardant bien de

réclamer le paiement du marché au Crédit Agricole ou de restituer à la personne morale les fonds encaissés sur le compte ouvert à son nom dont il avait la libre disposition ; que passé le délai de trois ans il s'est livré à diverses opérations bancaires de virement et de placement dans le cadre de la gestion de son patrimoine personnel, sans qu'aucune d'entre elle n'ait profité de quelles façons que se soit à la victime ; que ces agissements sont significatifs de la mise en oeuvre de tout un processus dont il était le seul maître, guidé par la volonté de frauder en s'appropriant personnellement les fonds litigieux au détriment de la société qu'il dirigeait ; que cette dernière a supporté sans la moindre contrepartie le coût d'exécution du marché de travaux passé avec le Crédit Agricole dont Jean-Marie X... a cherché à dissimuler l'existence en faisant remettre en ces mains les pièces contractuelles ; que ces faits sont caractéristiques du délit d'abus de biens sociaux commis avec une mauvaise foi peu commune pour un montant considérable occasionnant un préjudice important qui a pu passer inaperçu au sein de la société en raison du volume d'activités de l'entreprise à l'époque en plein essor ; que le délit d'abus de biens sociaux parfaitement établi dans tous ses éléments tant matériel qu'intentionnel échappe à la prescription ; la dissimulation des opérations démontrées par l'enquête n'étant pas contestée par la défense ;

"alors, d'une part, que le délit d'escroquerie est constitué non seulement lorsque l'escroc s'est fait remettre directement par la victime des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou consentir un acte opérant obligation ou décharge mais encore lorsque cette remise est obtenue indirectement en conséquence de la réussite de la machination frauduleuse mise en oeuvre ; qu'en retenant que la société X... n'a été victime d'aucune escroquerie, la créance d'un montant de 1 457 170 francs que lui devait le Crédit Agricole en paiement du marché de travaux n'a jamais été recouvrée par ses soins, de telle sorte que les fonds correspondants n'ont jamais été déposés sur ses comptes, qu'elle n'a subi aucune manoeuvre la déterminant à remettre des sommes sur le compte dont Jean-Marie X... était personnellement titulaire, que la défense fait d'ailleurs elle-même observer que les fonds virés sur les comptes litigieux n'ont pas transité sur les comptes sociaux, puis, en affirmant, qu'en réalité l'usage des fonds versés par le Crédit Agricole dus en règlement de la créance résultant de l'exécution du marché de travaux a eu lieu au détriment de la SA X... aux seules fins personnelles de son dirigeant, au nom duquel un compte a été spécialement ouvert et dont force est de constater qu'il n'a servi que pour les besoins de l'opération frauduleuse sans rechercher ni préciser si le Crédit Agricole, à la fois débiteur de la somme et teneur des comptes de la société et d'Albert X..., n'avait pas procédé au paiement pour le compte de sa cliente, la SA X..., sur le compte d'Albert X..., suite aux manoeuvres frauduleuses constatées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que le demandeur faisait valoir que l'incrimination d'escroquerie suppose des manoeuvres frauduleuses, une remise de fonds d'une personne physique ou morale, en l'occurrence le Crédit Agricole, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, en l'occurrence la société anonyme X... ; qu'ayant constaté les manoeuvres frauduleuses, le versement par le Crédit Agricole de fonds au détriment de la SA X... aux seules fins personnelles de son dirigeant, le demandeur, au nom duquel un compte a été spécialement ouvert et dont force est de constater qu'il n'a servi que pour les besoins de l'opération frauduleuse, la cour d'appel qui, cependant, écarte la qualification d'escroquerie, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;

"alors, enfin, qu'en retenant qu'en sa qualité de dirigeant de la société, tenue d'en assurer la saine gestion, le demandeur a délibérément omis d'agir en se gardant bien de réclamer le paiement du marché au Crédit Agricole ou de restituer à la personne les fonds encaissés sur le compte ouvert à son nom dont il avait la libre disposition, que ces agissements sont significatifs de la mise en oeuvre de tout un processus dont il était le seul maître, guidé par la volonté de frauder, en s'appropriant personnellement les fonds litigieux au détriment de la société qu'il dirigeait, que cette dernière a supporté sans la moindre contrepartie le coût d'exécution du marché de travaux passé avec le Crédit Agricole dont Jean-Marie X... a cherché à dissimuler l'existence en faisant remettre entre ses mains les pièces contractuelles, pour en déduire, à la qualification d'abus de biens sociaux, la cour d'appel qui a constaté les manoeuvres frauduleuses ourdies au préjudice de la société X... ayant entraîné la remise par le Crédit Agricole au demandeur des fonds au préjudice d'un tiers, la société X..., ce dont il s'évinçait que le délit d'escroquerie était caractérisé, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits seuls visés aux poursuites dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3 et suivants, L. 241-9, L. 242-6 et suivants, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 244-6 du Code de commerce, 321-1 et suivants du Code pénal, 321-9, 321-10 dudit Code, 1382 du Code civil, 585 et suivants, 485 et 593 du Code de procédure pénale, 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er du premier protocole additionnel, des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a fait droit aux demandes de la partie civile ;

"aux motifs que la constitution de partie civile de Me B..., agissant en qualité de liquidateur de la SA X... est recevable, peu importe qu'une action en comblement de passif ait été ou non engagée à l'encontre des prévenus ; que compte tenu des infractions établies et des préjudices occasionnés à la SA X... entreprise par les faits reprochés au prévenu il convient de condamner Jean-Marie X... au paiement de la somme de 222 044,13 euros, Jean-Marie X... et Lucienne Y..., épouse X..., solidairement à la somme de 47 619, 74 euros, Alain X... et Lucienne Y..., épouse X..., solidairement au paiement de la somme de 56 966, 54 euros ;

"alors, d'une part, qu'en affirmant que la constitution de partie civile de Me B..., ès qualités de liquidateur, est recevable, peu important qu'une action en comblement de passif ait été ou non engagée à l'encontre des prévenus, cependant que l'action en réparation fondée sur l'abus de biens et celle tendant à une contribution au passif ont pour objet respectivement la restitution de sommes sorties à tort de l'actif social et la reconstitution du patrimoine du débiteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, qu'en affirmant que la constitution de partie civile de Me B..., ès qualités de liquidateur, est recevable, peu important qu'une action en comblement de passif ait été ou non engagée à l'encontre des prévenus, cependant que l'action en réparation fondée sur l'abus de biens et celle tendant à une contribution au passif ont pour objet respectivement la restitution de sommes sorties à tort de l'actif social et la reconstitution du patrimoine du débiteur, ce dont il s'évince qu'admettre la coexistence des deux actions aboutit à réparer le même dommage, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er du premier protocole additionnel" ;

Attendu qu'il résulte des conclusions déposées par les prévenus devant la cour d'appel qu'aucune action en comblement de passif n' a été engagée par le liquidateur de la société X... ;

D'où il suit le moyen manque en fait ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-82971
Date de la décision : 15/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, 24 mars 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 mar. 2005, pourvoi n°04-82971


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.82971
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