AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, que M. et Mme X... (les époux X...), exploitants agricoles, vendaient leur production de lait à la compagnie laitière Besnier Sofralait, aux droits de laquelle se trouve la société Lactalis (la société), le contrat de vente ayant été conclu par l'intermédiaire de la coopérative d'Herbauges (la coopérative) dont ils étaient adhérents ; qu'après la mise en redressement judiciaire des époux X..., le tribunal a arrêté un plan de continuation par jugement du 1er décembre 1992 ; que, par jugement du 30 mars 2001, le tribunal a prononcé la résolution du plan et a ouvert une procédure simplifiée de redressement judiciaire à l'égard des époux X... ; que par acte du 6 juillet 2001, ceux-ci ont assigné la société en remboursement de sommes correspondant aux prélèvements effectués, postérieurement au jugement d'ouverture, sur les fournitures de lait, au titre des dépassements de quotas laitiers des années 1993 à 1996 ; que la société leur a opposé le principe du paiement par compensation des créances connexes ; qu'écartant la connexité, le tribunal a, notamment, condamné la société à payer aux époux X... la somme de 42 075, 93 euros au titre du remboursement des prélèvements effectués du 15 avril 2001 au mois de février 2002 et à leur rembourser les éventuels prélèvements opérés après le mois de février 2002 ; qu'ultérieurement, le tribunal a ordonné la cession partielle de l'exploitation agricole et a désigné la SCP Philippe Delaere en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes précitées ;
Mais attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 1134 du Code civil et L. 621-24, alinéa 1er, du Code de commerce ;
Attendu que pour confirmer, par motifs adoptés, le jugement, l'arrêt, après avoir relevé que l'obligation de la laiterie de payer le lait collecté résultait d'un ensemble contractuel constitué, d'un côté, par la convention conclue entre M. X... et la coopérative et, de l'autre, par celle conclue entre la coopérative et la laiterie, retient que la créance de la société, qui résulte de l'application de la réglementation européenne en matière de quotas laitiers laquelle met à la charge des laiteries, acheteurs de lait, un prélèvement supplémentaire, dû à l'établissement public Onilait, en cas de dépassement des quotas et les autorise à imputer ces pénalités sur le prix du lait, ne constitue pas une créance de nature contractuelle ; que l'arrêt en déduit que qu'il n'existe pas de lien de connexité entre les obligations en cause ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en matière de réglementation de quotas laitiers, le contrat liant le producteur à l'acheteur comportant des obligations réciproques de production et de collectes échelonnées dans le temps, pendant une période de référence et portant sur des quantités de référence, constitue un contrat unique à exécution successive et que les prélèvements supplémentaires en cas de dépassement de la quantité de référence, payés par l'acheteur et imputés sur le prix du lait, dérivent de l'exécution de ce contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il a condamné la société Lactalis à payer aux époux X... la somme de 42 075,93 euros au titre du remboursement des prélèvements effectués du 15 avril 2001 au mois de février 2002 et à leur rembourser les éventuels prélèvements opérés après le mois de février 2002, l'arrêt rendu le 3 juillet 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les époux X... à payer à la société Groupe Lactalis la somme de 2 000 euros et rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille cinq.