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09/03/2005 | FRANCE | N°04-83712

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 mars 2005, 04-83712


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Yannick,

- Y... Nathalie, épouse X...,

contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention d

u tribunal de grande instance de COUTANCES, en date du 26 mai 2004, qui a autorisé l'administ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Yannick,

- Y... Nathalie, épouse X...,

contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de COUTANCES, en date du 26 mai 2004, qui a autorisé l'administration des Impôts à effectuer des opérations de visites et saisies de documents en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé la visite domiciliaire des locaux d'habitation des époux X... et de leur entreprise individuelle ;

"alors que seul un agent spécialement habilité à cet effet par le représentant national, régional ou départemental de l'administration fiscale peut présenter une requête aux fins de visite domiciliaire ; qu'en effet, pour que l'atteinte au droit au respect de la vie privée et du domicile soit proportionnée par rapport à l'objectif de lutte contre la fraude fiscale, la loi ne peut abandonner à un agent non spécialement habilité par la plus haute autorité de l'administration fiscale le soin de décider de l'utilité d'une telle mesure ; que l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales visant une requête émanant de l'administration fiscale, soit de son représentant, des agents habilités à rechercher la preuve des agissements frauduleux dont il existe des indices ne pourraient agir à la place de celui-ci qu'en vertu d'une habilitation spéciale et non générale qu'il leur aurait accordée ; que dès lors, en l'espèce, le juge qui a accepté une requête présentée par un agent non spécialement habilité à demander une autorisation de visite domiciliaire concernant les locaux d'habitation et d'exploitation des époux X... a violé les textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé la visite domiciliaire des locaux d'habitation des époux X... et de leur entreprise individuelle ;

"aux motifs que Michel Z... présumé se soustraire et s'être soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu (catégorie des bénéfices industriels et commerciaux) et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des Impôts, a fait l'objet d'une procédure de visite et de saisie prévue par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, par ordonnance délivrée le 8 décembre 2003, par M. Henry Ody, vice-président, juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Caen (pièces n 1-1) ;

que cette ordonnance autorisait la visite des locaux sis ... Ouistreham, occupés par l'entreprise individuelle de Michel Z... qui ont fait l'objet le 9 décembre 2003 d'une visite au cours de laquelle des documents ont été saisis (pièces n° 1-1 et 1-2) ; qu'Henry Ody, juge des libertés et de la détention précité, a donné l'autorisation verbale de procéder à la visite du coffre bancaire loué par Michel Z..., au Crédit Agricole du Calvados, agence de Ouistreham, dont l'existence a été découverte dans le cadre de l'exécution de l'ordonnance précitée (pièce n° 1-2) ; que les copies des documents compostés GDI-DNEF sous les numéros 30004, 30005, 30006, 30009, 30011, 30015, 30017, 30018, 30019 et 30022, saisis en exécution de l'ordonnance précitée, se rapportent à la fraude présumée dont la preuve était recherchée, en ce qu'ils font apparaître le nom de X... sur des enveloppes, détenues dans le coffre ouvert au Crédit Agricole du Calvados, et contenant des numéraires (pièce n° 1-10) " ; qu'il résulte des discordances constatées entre les quantités livrées et les quantités facturées d'huîtres et de bulots apparaissant sur les factures émanant de Yannick X... ou de Nathalie X..., les bons de livraisons émanant de Yannick X... et Nathalie X... à Michel Z... et les enveloppes contenant des numéraires et portant le nom X..., documents obtenus à l'occasion d'une visite domiciliaire dans le logement de Michel Z... et dans un établissement de crédit comportant un coffre à son nom, qu'il existe des indices permettant de présumer que lesdites livraisons n'ont fait l'objet d'aucune comptabilisation et que dès lors Yannick X... et/ou Nathalie X... ne procéderaient pas à la passation régulière de leurs écritures comptables ;

"alors, d'une part, que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales oblige le juge à s'assurer de la licéité apparente des pièces fournies à l'appui d'une demande de visite domiciliaire ;

que, par ailleurs, si l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales prévoit que le juge ayant autorisé une visite domiciliaire, peut autoriser par tout moyen la visite d'un coffre fort se trouvant dans un établissement bancaire et qu'il est fait mention de cette autorisation dans le procès-verbal de visite domiciliaire, l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ne dispense pas un tel juge de constater par un écrit l'autorisation qu'il a ainsi donnée et de l'annexer au dossier ; que, dès lors que la requête aux fins de visite dans les locaux des époux X... ne comportait aucun document, autre que le procès-verbal de visite domiciliaire des locaux de Michel Z... et dans l'établissement de crédit faisant état de cette autorisation, émanant du juge ayant autorisé la visite du coffre de Michel Z..., le juge saisi de la requête aux fins de visite domiciliaire dans les locaux des époux X... n'a pu s'assurer de l'existence d'une autorisation portant sur l'ouverture du coffre de Michel Z... ;

"alors, d'autre part, que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu'en autorisant la visite domiciliaire au vu de différentes factures émanant des époux X..., de bons de livraisons établis au nom de Michel Z... et d'un certain nombre d'enveloppes contenant des numéraires, portant le nom X..., sans faire état d'aucune donnée concernant les déclarations fiscales, tant pour l'impôt sur les revenus que pour la TVA, pour l'année 2003, qui permettrait d'apporter des indices de fraude fiscale, le juge n'a pas exercé sa fonction d'examen concret de la demande et de l'existence d'indices faisant présumer la fraude fiscale en violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"alors, qu'en tout état de cause, la visite domiciliaire n'est pas destinée à établir l'infraction que constitue le défaut de comptabilité ou la tenue irrégulière ou fictive d'une comptabilité, mais à établir une fraude fiscale par soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en relevant qu'il existait des indices permettant de considérer que Yannick X... et/ou Nathalie X... ne procédaient pas à la passation régulière de leurs écritures comptables, sans constater d'indices de fraudes par soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt ou de la TVA, le juge n'a pu relever les indices visés par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, en violation des articles précités ;

"alors, enfin, qu'en application de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'atteinte au droit au respect de la vie privée doit être proportionnée au but de répression de la fraude fiscale ; que, dès lors, le juge saisi d'une demande de visite domiciliaire doit s'assurer qu'il n'existe pas de procédure moins attentatoire au droit au respect du domicile ; qu'en l'espèce, dès lors que le juge saisi de la demande de visite domiciliaire constatait qu'il existait des indices de passation irrégulière d'écritures comptables par Yannick X... et/ou Nathalie X..., il ne pouvait qu'en déduire que la procédure de vérification de comptabilité suffisait pour établir la preuve de l'infraction qu'est la tenue irrégulière ou fictive d'une comptabilité ;

que dès lors en autorisant la visite domiciliaire, le juge des libertés et de la détention a violé l'article précité" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'ordonnance attaquée mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer qu'elle n'encourt pas les griefs allégués ;

Que, d'une part, la requête a été présentée par Franck A..., inspecteur des Impôts à la direction nationale des enquêtes fiscales, brigade interrégionale de Rennes, spécialement habilité par le directeur général des Impôts en application des articles L. 16-B et R. 16- B-1 du Livre des procédures fiscales ;

Que, d'autre part, le juge relève que l'ouverture du coffre bancaire loué par Michel Z..., dont les époux X... étaient les fournisseurs, a été autorisée, dans le cadre de l'exécution d'une ordonnance distincte, par le magistrat signataire de cette décision et qu'il est fait mention de cette autorisation, délivrée par tous moyens, au besoin verbalement, au procès-verbal des opérations annexé à la requête ;

Qu'en outre, le juge a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements frauduleux qui peuvent résulter, notamment, d'irrégularités dans la tenue des documents comptables obligatoires ;

Qu'enfin, aucun texte ne subordonne à l'absence de tout autre procédure de contrôle la mise en oeuvre des dispositions de l'article L.16-B précité, qui ne contreviennent pas à celles de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'elles assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre la fraude fiscale ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-83712
Date de la décision : 09/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de COUTANCES, 26 mai 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 mar. 2005, pourvoi n°04-83712


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.83712
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