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09/03/2005 | FRANCE | N°04-81700

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 mars 2005, 04-81700


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Luciano,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 10 février 2004, qui, pour abus de biens sociaux

, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende ;

Vu le mémoire pr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf mars deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Luciano,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 10 février 2004, qui, pour abus de biens sociaux, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, L. 242-6-3 et L. 244-4 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Luciano X... coupable d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs, d'une part, que le montant des avances de trésorerie consenties par la société Grandjean à la SAFCI a atteint 18,9 millions de francs

- hors distributions de dividendes ; que la convention de compte courant alléguée dispose que chacune des sociétés pourra être sollicitée pour consentir des avances, sur ses excédents de trésorerie aux autres ;

que, pour avancer la somme de 18,9 millions de francs à sa société mère, la société Grandjean a vendu son usine, dont elle a perçu une partie du prix comptant ;

que Bruno Y... admet que les fonds provenant de cette vente ont été mis immédiatement à la disposition de la SAFCI qui a pu ainsi rembourser les deux prêts relais ;

qu'il ressort des débats que ces avances de trésorerie excédaient notablement le montant des excédents dont disposait la société et ont obéré la situation financière de celle-ci, ce qui est confirmé par l'un des témoins de la défense, M. Z... ; que ces avances avaient pour objet de permettre à la SAFCI de rembourser à l'échéance les deux prêts relais de 5 millions de francs chacun qui lui avaient été consentis pour financer l'acquisition des actions et pour le remboursement desquels Luciano X... s'était porté caution ; que, par ailleurs, la vente de l'usine à une société civile immobilière avait pour finalité de permettre au groupe d'obtenir deux prêts à long terme pour financer l'acquisition des actions de la société Grandjean, en consentant une hypothèque sur le bâtiment ; que cette opération a eu pour conséquence de mettre à la charge de la société venderesse, un loyer d'un montant élevé, alors qu'elle ne percevait pas en contrepartie la totalité du prix de vente et qu'elle remettait à la SAFCI la fraction du prix payée comptant ; qu'il n'est pas contesté que l'achat des actions de la société Grandjean avait pour but d'accroître la consistance du patrimoine de Luciano X... qui détient le capital de la société suisse STC ; que les prévenus et les témoins cités par ceux-ci conviennent que dès l'entrée en fonction de Bruno Y..., la société Grandjean a connu de sérieuses difficultés financières qui ont abouti à son dépôt de bilan ; qu'il ressort des circonstances précitées que les avances de trésorerie et la vente de l'usine étaient contraires à l'intérêt de la société Grandjean et que ces opérations ont été programmées dans l'intérêt personnel de Luciano X... ; que les avances de trésorerie se sont poursuivies sur toute la durée de l'année 2000, puisqu'à la date du dépôt de bilan, il subsistait un solde non remboursé ;

qu'en conséquence le jugement devra être infirmé sur ce point, les faits poursuivis ayant été commis jusqu'au 31 décembre 2000 ; que le remboursement de la majeure partie des sommes mises à la dispositions de la SAFCI n'enlève pas aux faits leur caractère répréhensible puisque la privation, même temporaire, de ces liquidités était contraire à l'intérêt de la société Grandjean ; que, d'ailleurs, ces remboursements ont été effectués au moyen de prélèvements dans la trésorerie des autres sociétés du groupe qui ont de ce fait été conduites à déposer également leur bilan ;

"aux motifs, d'autre part, que Luciano X... était le dirigeant de fait de chacune des sociétés du groupe ; que Bruno Y... explique que les décisions étaient prises au sein du comité de direction où siégeait Luciano X..., ce que ce dernier confirme ; que l'expert-comptable, M. A..., explique que les décisions étaient prises par Luciano X..., après discussion au sein du comité de direction ; que d'ailleurs, lors des débats, Luciano X... est intervenu constamment pour répondre à la place de Bruno Y... qui n'était pas en mesure de donner les explications sollicitées par la Cour ; qu'en conséquence Luciano X... doit être considéré comme le dirigeant de fait de la société Grandjean et comme l'un des auteurs des abus de biens sociaux commis sous son autorité et dans son intérêt personnel ;

"1) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que la qualité de dirigeant de fait, permettant de retenir la responsabilité pénale de personnes qui n'entrent pas dans l'énumération de l'article L. 242-6-3 du Code de commerce du chef d'abus de biens sociaux, suppose que la personne concernée ait, directement ou par personne interposée, exercé en fait la direction, l'administration ou la gestion de la société sous le couvert de ses représentants légaux ; que cet exercice suppose la constatation de faits précis ; que les premiers juges avaient constaté dans leur décision, d'une part, que Luciano X... n'occupait à la date des faits aucune fonction de direction dans la société Grandjean et d'autre part, qu'il n'était pas établi qu'il ait effectué des actes positifs de gestion de ladite société de nature à caractériser une gestion de fait et que la cour d'appel qui, pour infirmer cette appréciation, s'est bornée à faire état de l'appartenance de Luciano X... à un comité de direction dont elle n'a pas précisé le rôle et à se référer à l'opinion de l'expert-comptable ainsi qu'à l'impression que Luciano X... donnait à l'audience, sans relever l'existence d'aucun fait positif concret d'où il pourrait se déduire avec certitude qu'il exerçait la direction, l'administration ou la gestion de la société Grandjean, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 121-1 du Code pénal et L. 244-4 du Code de commerce ;

"2) alors que l'usage des biens contraire à l'intérêt de la société, élément essentiel du délit d'abus de biens sociaux, doit être constaté par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction ;

que, pour affirmer que les avances temporaires de trésorerie consenties par la société Grandjean à la SAFCI étaient contraires à l'intérêt de la société Grandjean, la cour d'appel a cru pouvoir affirmer que ces avances excédaient le montant des " excédents dont disposait la société " ; que cependant, la cour d'appel n'a pas, par cette énonciation floue - la notion d'excédent n'étant pas définie - infirmé la constatation précise des premiers juges d'où il résulte " qu'à l'époque où elles ont été consenties par la société Grandjean, les avances de trésorerie excédaient les possibilités financières de cette société, dont les comptes bancaires dont demeurés créditeurs " et qu'en l'état de ces motifs insuffisants, la cassation est encourue ;

"3) alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Luciano X... démontrait que les avances temporaires de trésorerie de la société Grandjean à la SAFCI n'avaient pu avoir aucun effet sur la trésorerie de la société Grandjean ; qu'il faisait valoir, d'une part, que la vente des immeubles par la société Grandjean ayant permis ces avances avait été avantageuse pour ladite société puisque cette vente avait été conclue pour une somme de 18 millions de francs après expertise cependant que les immeubles en cause étaient inscrits au bilan pour une somme de 10 millions de francs, d'autre part, que l'obligation pour la société Grandjean, à la suite de la vente de ces immeubles, de payer des loyers, avait été compensée par la perception des intérêts sur le montant du prix de vente perçu, enfin que les avances de trésorerie querellées avaient laissé intacte la trésorerie d'exploitation de la société Grandjean dès lors que c'était les seules liquidités résultant de la perception du prix de vente des immeubles qui étaient remontées à la SAFCI et qu'en se bornant à affirmer que les avances de trésorerie avaient obéré la situation financière de la société Grandjean sans examiner, fût-ce pour la rejeter, cette argumentation péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"4) alors que l'intérêt personnel du dirigeant, élément essentiel du délit d'abus de biens sociaux, est exclu lorsque celui-ci a entendu agir dans l'intérêt du groupe et que la cour d'appel, qui constatait expressément dans sa décision que la convention de compte courant invoquée par Luciano X... disposait que chacune des sociétés du groupe pouvait être sollicitée pour consentir des avances sur ses excédents de trésorerie aux autres sociétés, constatation qui impliquait que le concours financier apporté à titre temporaire par la société Grandjean à la SAFCI n'était pas démuni de contrepartie et n'était pas de nature à rompre l'équilibre entre les sociétés concernées, ne pouvait, sans se contredire ou mieux s'expliquer, affirmer que les avances de trésorerie et la vente de l'immeuble avaient été programmées dans l'intérêt personnel de Luciano X..., détenant le capital de la société suisse STC appartenant au même groupe" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

Que le demandeur se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Dulin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-81700
Date de la décision : 09/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, 10 février 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 mar. 2005, pourvoi n°04-81700


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.81700
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