AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que l'arrêt attaqué, statuant en référé, a rejeté la demande du syndicat professionnel "Coordination des pêcheurs de l'Etang de Berre et de la région" (le syndicat) tendant à voir ordonner, sous astreinte, l'arrêt de l'exploitation de la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas déversant de l'eau douce dans l'étang salé de Berre communiquant avec la mer Méditerranée ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident d'EDF, pris en ses deux branches, tel qu'il est énoncé au mémoire produit par cet établissement public et reproduit en annexe :
Attendu qu'EDF fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence du juge judiciaire soulevée par cet établissement sur le fondement du principe d'intangibilité de l'ouvrage public ;
Mais attendu qu'EDF ne justifie d'aucun intérêt à la cassation d'une décision qui lui a donné satisfaction en rejetant la demande du syndicat, peu important que la cour d'appel n'ait pas fait droit à l'exception d'incompétence de la juridiction judiciaire qu'elle avait soulevée ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses cinq branches :
Vu l'article 6 3 du Protocole d'Athènes du 17 mai 1980 relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d'origine tellurique (convention de Barcelone), devenu l'article 6 1 dans la version révisée ;
Attendu que l'arrêt attaqué a dit qu'il n'y avait pas lieu de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle, en interprétation du droit communautaire tirée de l'application directe du protocole susvisé et de sa violation par l'établissement public EDF, à défaut d'avoir obtenu les autorisations qu'il prévoit ; que cette juridiction, saisie par la Cour de Cassation, par arrêt du 6 mai 2003 (n 554 FS-P), a dit, par arrêt du 15 juillet 2004, que les dispositions susvisées avaient un effet direct, de telle sorte que toute personne intéressée avait le droit de s'en prévaloir devant les juridictions nationales, et que ces mêmes dispositions interdisaient, en l'absence d'autorisation délivrée par les autorités nationales compétentes, le déversement dans un étang salé communiquant avec la mer Méditerranée des substances qui, tout en étant non toxiques, ont un effet défavorable sur la teneur en oxygène du milieu marin ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 septembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Electricité de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande d'Electricité de France et la condamne à payer au syndicat professionnel Coordination des pêcheurs de l'Etang de Berre et de la région la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille cinq.