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15/02/2005 | FRANCE | N°04-81775

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 février 2005, 04-81775


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jeannick,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 5 février 2004, qui a rejeté sa

demande de placement sous le régime de la surveillance électronique ;

Vu le mémoire pr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jeannick,

contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 5 février 2004, qui a rejeté sa demande de placement sous le régime de la surveillance électronique ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 400, 512, 722 et 723-7 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble violation des règles du procès équitable ;

"en ce que l'arrêt attaqué a été rendu par la cour d'appel statuant en chambre du conseil, après débats en chambre du conseil ;

"alors que devant la cour d'appel, et conformément aux articles 400 et 512 du Code de procédure pénale, les audiences sont publiques, à moins qu'il en soit disposé autrement par la loi ; que la publicité étant la règle, les exceptions légalement prévues doivent être expresses et sont interprétées de manière restrictive ; qu'en matière de placement sous surveillance électronique, si l'article 722 du Code de procédure pénale prévoit expressément que le juge d'application des peines statue en chambre du conseil, rien de tel n'est prévu pour l'appel qui, conformément au même texte, est déféré à la chambre des appels correctionnels, laquelle, en vertu des articles 400, 485 et 512 du Code de procédure pénale, statue en audience publique ; qu'ainsi en prononçant l'arrêt attaqué en chambre du conseil, à l'issue de débats tenus en chambre du conseil, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'en prononçant par arrêt rendu en chambre du conseil, après débats en chambre du conseil, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article D. 116-16 du Code de procédure pénale ;

Que les juges n'ayant pas prononcé sur le bien fondé d'une accusation en matière pénale, est inopérant le moyen pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 400 et 512 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire et des articles 427, 485, 512, 591, 593, 720-1-1, 722 et 723-7 du Code de procédure pénale et de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête de Jeannick X... tendant à son placement sous surveillance électronique ;

"aux motifs propres que : " le premier juge, dans sa décision à laquelle la Cour renvoie, a relevé les conclusions divergentes des trois expertises médicales, tout en notant qu'une seule conclut à la contre-indication de l'incarcération ; que la plus complète des expertises est celle diligentée par le Pr Y..., commis par ordonnance du 2 septembre 2003, relevant que le risque encouru éventuellement par Jeannick X... à l'occasion de son incarcération repose essentiellement sur un état anxio-dépressif, débouchant sur un chantage au suicide, et non sur une pathologie somatique engageant le processus vital, et concluant à la comptabilité de l'état de santé de Jeannick X... avec une détention en SMPR ; que la Cour relèvera en outre que Jeannick X..., déjà condamné trois fois antérieurement pour des faits semblables, continue à fréquenter les débits de boissons, malgré l'interdiction qui lui en est faite dans le cadre de sa mise à l'épreuve, et a refusé de se soumettre à un bilan sanguin ; qu'en outre, la mesure de placement sous surveillance électronique sollicitée est rendue impossible par Jeannick X... lui-même, qui n'a pas même informé son épouse de sa condamnation, alors que l'aménagement de la peine en cause suppose l'accord de tous les membres du foyer, ainsi en outre qu'une étude technique des liaisons téléphoniques du domicile qui n'a pas été effectuée ; que la détention est donc médicalement possible ; qu'elle apparaît opportune au regard de l'attitude de Jeannick X... et de sa persévérance dans le type de délits qui l'a conduit dans la situation actuelle ; que la mesure d'aménagement a été rendue impossible par Jeannick X... lui-même ; que le jugement entrepris sera confirmé (arrêt, page 3) ;

"et aux motifs, adoptés du premier juge, que : " trois expertises ont été successivement réalisées à l'égard de Jeannick X... ; selon le docteur Z..., tout d'abord, l'intéressé présente un état anxiodépressif avec risque suicidaire majeur, constituant une pathologie psychiatrique susceptible d'engager le pronostic vital et contre-indiquant toute incarcération ; d'un avis sensiblement différent, le docteur A... estime que si Jeannick X... est atteint d'une polypathologie d'origine cardio-vasculaire engageant, compte tenu de son âge, le pronostic vital, son état n'interdit pas pour autant la mise à exécution de la peine d'emprisonnement ; enfin, le professeur Y..., expert près la Cour de cassation, conclut, aux termes d'un rapport très argumenté et complet, que Jeannick X... ne présente pas de maladie engageant le pronostic vital et que son état est compatible avec une incarcération en SMPR ; ainsi, le professeur Y... explique qu'au plan somatique, les troubles métaboliques sont maîtrisés et la tension artérielle est stabilisée, ce qui écarte tout risque vital, et l'expert ajoute qu'en réaction à la sanction pénale, le sujet présente un état d'angoisse avec une sorte de fuite en avant face à la perspective de l'incarcération ; en définitive, il s'avère que l'engagement du pronostic vital n'est qu'aléatoire et dépend entièrement, non pas d'une pathologie organisée, mais de la seule volonté de Jeannick X..., qui évoque un possible suicide s'il vient à être placé en prison ; comme l'a fait remarquer le ministère public lors du débat contradictoire, l'angoisse vécue par Jeannick X... ne lui est pas propre mais est commune à bien des personnes qui sont sur le point d'être incarcérées ; la justice pénale ne peut, sous peine de perdre de sa crédibilité, entendre le discours de Jeannick X... qui n'est qu'un simple chantage, ce d'autant qu'au plan physique, l'intéressé ne fait rien pour améliorer son état puisqu'il continue à boire régulièrement malgré son diabète ; c'est ainsi que malgré l'interdiction de fréquenter les débits de boissons qui lui est faite dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve qui lui a été notifié le 16 juin dernier, il a été vu par les gendarmes, entre le 9 juillet et le 21 octobre suivants, à trois reprises dans un bar à consommer de la bière, ce qui témoigne du peu d'importance qu'il attache à ses obligations judiciaires ; dans ces conditions, Jeannick X... auquel aucune confiance ne peut être sérieusement accordée, doit prendre conscience du danger qu'engendre son comportement sur la route ;

la mise à exécution de la peine d'emprisonnement s'impose donc ;

la demande sera rejetée " (jugement, pages 2 et 3) ;

"alors 1 ) que si la suspension de peine sollicitée sur le fondement de l'article 720-1-1 du Code de procédure pénale suppose que le condamné soit atteint d'une pathologie engageant le pronostic vital ou que son état de santé soit durablement incompatible avec le maintien en détention, ces conditions ne sont pas requises pour le placement du condamné sous surveillance électronique qui ne constitue pas une suspension de peine mais une modalité d'exécution de celle-ci ; qu'en l'espèce, il est constant que le juge d'application des peines a été saisi d'une requête tendant au placement du condamné sous surveillance électronique, conformément à l'article 723-7 du Code de procédure pénale ;

qu'ainsi, en estimant, pour rejeter cette requête, que l'engagement du pronostic vital concernant Jeannick X... n'est qu'aléatoire et que la détention est médicalement possible, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de toute base légale ;

"alors 2 ) que la décision de placement sous surveillance électronique ne requiert l'accord du maître des lieux que lorsque le lieu désigné par le juge d'application des peines n'est pas le domicile du condamné ; que, dès lors, en estimant au contraire que l'aménagement de la peine en cause suppose l'accord de tous les membres du foyer, pour en déduire que la mesure de placement sous surveillance électronique sollicitée est rendue impossible par Jeannick X... puisque ce dernier n'a pas informé son épouse de sa condamnation, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 723-7 du Code de procédure pénale ;

"alors 3 ) que conformément aux dispositions des articles R. 57-13 et R. 57-19 du Code de procédure pénale, c'est aux agents de l'administration pénitentiaire, tenus de s'assurer de la disponibilité et de la pose du dispositif technique de surveillance électronique, qu'il appartient de réaliser une étude technique des liaisons téléphoniques du domicile du condamné, afin de vérifier leur compatibilité avec l'installation d'un système de surveillance électronique ; qu'ainsi, en se déterminant par la circonstance qu'aucune étude technique des liaisons téléphoniques du domicile de l'exposant n'a été effectuée, pour en déduire que la mesure de placement sous surveillance électronique sollicitée est rendue impossible par la faute du requérant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors 4 ) que conformément à l'article préliminaire du Code de procédure pénale, les mesures de contraintes infligées au justiciable doivent être proportionnées à la gravité de l'infraction et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne ; que dès lors, en rejetant la requête du demandeur, bien que la détention de ce dernier constitue nécessairement une atteinte à la dignité de la personne, s'agissant d'un condamné partiellement invalide, atteint d'obésité et de diabète, et souffrant d'un état anxio-dépressif sévère susceptible d'être considérablement aggravé par un emprisonnement, au point que plusieurs médecins spécialisés, dont l'un des experts commis par le juge d'application des peines, envisagent un passage à l'acte suicidaire en cas d'incarcération, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors 5 ) que conformément à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, nul ne peut être soumis à des traitements inhumains ou dégradants susceptibles, notamment, de provoquer de graves souffrances mentales ;

qu'atteint nécessairement le seuil de gravité prohibé par ce texte la soumission à une incarcération d'une durée de trois mois d'un condamné partiellement invalide, atteint d'obésité et de diabète, et souffrant d'un état anxio-dépressif sévère susceptible d'être considérablement aggravé par un emprisonnement, au point que plusieurs médecins spécialisés, dont l'un des experts commis par le juge d'application des peines, envisagent un passage à l'acte suicidaire en cas d'incarcération ; que dès lors, en se bornant à énoncer que la détention est médicalement possible, sans s'interroger sur le caractère inhumain et dégradant d'un tel traitement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'en confirmant la décision du juge de l'application des peines ayant refusé d'ordonner que la peine d'emprisonnement infligée à Jeannick X... sera exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique, les juges n'ont fait qu'user de la faculté qu'ils tiennent de l'article 723-7 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen qui critique les motifs, surabondants, de l'arrêt, ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-81775
Date de la décision : 15/02/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PEINES - Exécution - Peine privative de liberté - Placement sous surveillance électronique - Bénéfice - Refus du juge de l'application des peines - Recours - Appel - Arrêt rendu en chambre du conseil après débats tenus en chambre du conseil - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - 1 - Compatibilité.

1° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Publicité - Débats - Chambre du conseil - Appel formé contre la décision du juge de l'application des peines refusant qu'une peine soit exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique 1° APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Procédure devant la Cour - Débats - Chambre du conseil - Domaine d'application - Appel formé contre une décision du juge de l'application des peines refusant qu'une peine soit exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - 1 - Compatibilité.

1° En statuant par arrêt rendu en chambre du conseil, après débats tenus en chambre du conseil, sur le recours exercé contre la décision du juge de l'application des peines refusant d'ordonner qu'une peine sera exécutée sous le régime de la surveillance électronique, la cour d'appel fait l'exacte application de l'article D. 116-16 du Code de procédure pénale. Ne statuant pas sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale, les juges ne peuvent se voir opposer les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ni celles des articles 400 et 512 du Code de procédure pénale relatifs à la publicité de l'audience.

2° PEINES - Exécution - Peine privative de liberté - Placement sous surveillance électronique - Bénéfice - Refus du juge de l'application des peines - Recours - Appel - Rejet - Faculté.

2° En confirmant la décision du juge de l'application des peines, les juges du second degré n'ont fait qu'user de la faculté qu'ils tiennent de l'article 723-7 du Code de procédure pénale. Est, dès lors, inopérant le moyen qui critique les motifs surabondants de l'arrêt.


Références :

1° :
1° :
2° :
Code de procédure pénale 400, 512, D116-16
Code de procédure pénale 723-7
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 05 février 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 fév. 2005, pourvoi n°04-81775, Bull. crim. criminel 2005 N° 58 p. 219
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 58 p. 219

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: M. Pometan.
Avocat(s) : la SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.81775
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