AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- LA SOCIETE OFFICE MARITIME MONEGASQUE DE MARSEILLE,
- X... René,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 25 novembre 2003, qui, statuant sur renvoi après cassation, les a condamnés, pour importations sans déclaration de marchandises fortement taxées, à une amende fiscale et au paiement des droits éludés ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'en 1995, la société Office Maritime Monégasque de Marseille (OMM), commissionnaire en douane, a importé, à plusieurs reprises, pour le compte de la société Import Trading, diverses marchandises originaires de pays d'Asie ; que ces marchandises, qui avaient été placées sous le régime du transit communautaire avant leur arrivée en France, ont fait l'objet de nouveaux documents de transit T1, sur lesquels la destination mentionnée était Lisbonne ; que, dans le même temps, la société OMM établissait des documents de transport mentionnant des destinataires situés en France, en Italie et en Espagne, auxquels les marchandises étaient effectivement livrées ; que les documents de transit étaient ensuite apurés par l'apposition d'un faux cachet des Douanes portugaises ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour la société OMM, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, droits de la défense, 388, 551, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la citation délivrée à la société OMM ;
"aux motifs que les premiers juges ont à juste titre relevé que, si la citation s'intitule "citation à civilement responsable", il apparaît que l'article 1384, 5, du Code civil n'est pas visé de sorte qu'il convient de considérer, (comme en a d'ailleurs convenu l'administration des Douanes dans ses conclusions) que l'OMM n'était pas citée de ce chef, mais seulement es-qualités de commissionnaire en douane agréé, et donc, solidairement responsable des amendes et des droits en qualité d'intéressée à la fraude au transit imputée aux autres coprévenus conformément aux articles 396 et 399 du Code des douanes visés à la citation... qu'il se déduit de ces constatations qu'aucune ambiguïté, tant sur la nature des faits qui lui sont reprochés que des sanctions personnelles et solidaires dont l'application est demandée contre lui, ne pouvait exister dans l'esprit du prévenu qui a été en mesure de parer et de faire assurer sa défense ... de sorte qu'aucune atteinte n'a été portée à ses intérêts ;
"alors que, d'une part, la citation énonce la qualité de prévenu, civilement responsable ou de témoin de la personne citée ;
qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société OMM a été citée en sa seule qualité de civilement responsable ; qu'elle a été néanmoins condamnée pénalement en qualité de prévenue sans que la citation ne fasse mention de cette qualité ; que, par suite, l'arrêt attaqué, qui a refusé d'annuler la citation, a violé les textes susvisés ;
"alors que, d'autre part, il résulte de l'arrêt attaqué que la citation délivrée à la société OMM était faite "à civilement responsable", qu'elle visait néanmoins les articles 399 et 396 du Code des douanes relatifs à la responsabilité pénale des commissionnaires en douane et des intéressés à la fraude ; que, selon la cour d'appel, il convenait de considérer que la société OMM n'était pas citée en qualité de civilement responsable, mais seulement comme commissionnaire en douane et donc solidairement responsable des amendes et des droits ; qu'il résulte de l'ensemble de ces mentions que la citation était ambiguë, la société ne pouvant savoir si elle était poursuivie en qualité de civilement responsable, de pénalement responsable, ou encore de solidairement responsable ; que l'arrêt, qui a décidé le contraire, n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour la société OMM, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, des droits de la défense, 399 et 414, 417 du Code des douanes, 388, 551, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société OMM coupable d'intéressée à la fraude au transit, et l'a condamnée pénalement, solidairement avec les autres prévenus, au paiement d'une amende de 10 000 000 francs, et civilement, solidairement avec les autres prévenus, au paiement des droits fraudés ;
"alors que celui qui est cité en qualité de civilement responsable ne peut se voir attribuer sans qu'il y ait consenti la qualité de prévenu ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société OMM a été citée "à civilement responsable" ; qu'en la reconnaissant néanmoins coupable en qualité de prévenue intéressée à la fraude, sans constater que la société OMM avait accepté d'être jugée en cette qualité, la cour d'appel a violé l'ensemble des textes précités" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que la société OMM ne saurait soutenir qu'elle n'a été citée qu'en qualité de civilement responsable, dès lors que la citation qui lui a été adressée vise notamment l'article 399 du Code des douanes et énonce qu'elle est poursuivie, en qualité d'intéressée à la fraude, pour avoir, en 1995, à Marseille , participé d'une manière quelconque à des importations et à des livraisons de marchandises placées sous un régime suspensif non apuré ou faussement apuré ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour la société OMM, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 399, 414, 417 du Code des douanes, 121-2 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société coupable d'intéressement à la fraude au transit, et l'a condamnée pénalement, solidairement avec les autres prévenus, au paiement d'une amende de 10 000 000 francs, et civilement, solidairement avec les autres prévenus, au paiement des droits fraudés ;
"aux motifs que, s'agissant de la société OMM, cette dernière, citée es qualités, a bien participé au délit causé par René X... et Michel Y..., que l'article 399 du Code des douanes est applicable aux personnes morales ; qu'il convient, par suite, de confirmer le jugement ;
"et aux motifs adoptés qu'il est établi que la société OMM a traité toutes les opérations de douane, en créant des T1 sur Lisbonne alors que les marchandises étaient acheminées sur Milan ou sur l'Espagne, et en acceptant pour tout justificatif d'apurement de ces opérations de transit des talons de T1 soit disant visés par les douanes portugaises sans jamais consulter son correspondant à Lisbonne la société Danzas ; que, pour ces opérations frauduleuses, la société OMM a perçu des frais de transport et des honoraires ;
que la société OMM doit être considérée comme intéressée à la fraude au sens de l'article 399 du Code des douanes, dès lors qu'elles ont tiré de la fraude au transit un bénéfice ou un avantage ;
"alors que, d'une part, le délit d'intéressement à la fraude suppose que le prévenu ait eu conscience de coopérer à une opération irrégulière pouvant aboutir à une fraude ; qu'en déclarant la société OMM coupable d'un tel délit sans relever cet élément intentionnel dans la personne de son représentant légal, la cour d'appel a violé l'ensemble des textes précités ;
"alors que, d'autre part, les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s'il est établi qu'une infraction a été commise pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; que René X... , salarié de la société OMM, dont il n'est pas constaté qu'il était le représentant de cette société, a été reconnu coupable du délit de contrebande et non d'intéressement à ce délit ; qu'en déclarant la société OMM pénalement responsable d'intéressement à la fraude commise par René X... , sans rechercher si son représentant avait commis le délit d'intéressement à ladite fraude, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour René X... , pris de la violation des articles 7, 411, 414, 417, 418 du Code des douanes, 95 du Traité CEE, 215 du Code des douanes communautaires, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi et défaut de motif ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions d'incompétence matérielle et territoriale soulevées par René X... ;
"aux motifs propres que ces marchandises ont été importées par Michel Y..., gérant de la société M et M Investment et Jacques Z..., domiciliés dans le ressort du tribunal de grande instance de Grasse, coprévenus de René X... et de la société OMM ; que, de surcroît, aux termes de l'article 215 du Code des douanes communautaires, "lorsqu'un régime douanier n'est pas apuré pour une marchandise, la dette douanière est considérée comme née au lieu où la marchandise a été placée sous ce régime" en l'occurrence Marseille , bureau de destination de cette marchandise où l'infraction au transit a été commise après que de nouveaux titres de transit T1 aient été établis par la société OMM à destination du Portugal, alors que la marchandise était en réalité réexpédiée en Italie ou en Espagne, et alors qu'il ne ressort pas des pièces versées aux débats par les parties (rapport de la garde des finances à Rome du 24 mars 1997 et messages n° 7577 du 17/11/95 - n° 2077 du 21/03/96 et n° 3362 du 15/05/96) que les autorités italiennes ont engagé des poursuites en recouvrement des droits et taxes éludés pour les mêmes faits à l'encontre de la société OMM et de René X... ; qu'en conséquence, le tribunal correctionnel de Grasse, lieu du domicile de René X..., et les juridictions françaises en général, étaient bien compétentes pour connaître de l'action engagée par l'administration des Douanes française, de sorte que ce moyen sera rejeté ;
"et que René X... et l'Office Maritime Monégasque ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Grasse pour avoir participé, en qualité d'auteur ou d'intéressé à la fraude, à une importation de marchandises (appareils de téléphonie et textiles d'origine externe), expédiées sous un régime suspensif (T1) non apuré ou faussement apuré à destination ; que ces faits de fraude au transit par soustraction, en cours de transport de ces marchandises, à les supposer établis, constituent le délit de contrebande de marchandises fortement taxées (montant de droits et taxes supérieur à 20 %), prévu et réprimé par les articles 7, 414 et 417 du Code des douanes et relèvent incontestablement du tribunal correctionnel en raison des peines d'emprisonnement et d'amende encourues ;
"et aux motifs adoptés qu'il apparaît que les poursuites devant les juridictions italiennes sont différentes de celles poursuivies devant le tribunal correctionnel et qu'en outre, les prévenus ne sont pas poursuivis en Italie ; que les faits constitutifs de l'infraction douanière poursuivie sont relatifs au transport de marchandises expédiées sous un régime suspensif ; que les commandes et instructions ont été données dans les Alpes-Maritimes, les titres de transit étant destinés au bureau de Marseille ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 215 du Code des douanes communautaires, la dette douanière prend naissance au lieu où se produisent les faits qui font naître la dette ; qu'en l'espèce, lorsqu'un régime douanier n'est pas apuré pour une marchandise donnée, la dette douanière est considérée comme née au lieu où la marchandise a été placée sous le régime ( Marseille en l'espèce) ;
que le tribunal correctionnel compétent est celui du domicile du prévenu ; qu'en l'espèce, Michel Y... et Jacques Z..., co- prévenus de René X... , sont domiciliés dans le ressort du tribunal de grande instance de Grasse ; qu'il convient donc de rejeter l'exception d'incompétence soulevée ;
"1 ) alors que l'article 414 du Code des douanes qui punit l'importation sans déclaration de "marchandises fortement taxées" ne doit pas être appliqué au commerce intracommunautaire ; que les opérations litigieuses étaient intracommunautaires, de sorte que seules étaient encourues par René X... les peines contraventionnelles prévues par l'article 411 du Code des douanes pour sanctionner l'inobservation des lois ou règlements ayant pour but ou pour résultat d'éluder ou compromettre le recouvrement d'un droit ou d'une taxe quelconque ;
qu'en jugeant que les faits reprochés au prévenu constituaient le délit de contrebande de marchandises fortement taxées visé par l'article 414 du Code des douanes et relevaient du tribunal correctionnel, la cour d'appel a violé les articles 7, 411, 414, 417 du Code des douanes, ensemble l'article 95 du Traité CEE ;
"2 ) alors qu'à l'intérieur de la Communauté européenne, les marchandises circulent en suspension de taxes, celles-ci n'étant dues qu'au moment de la mise en consommation par déclaration faite auprès du bureau des Douanes de destination ; qu'en l'espèce, les marchandises litigieuses ont été mises en circulation en Italie et en Espagne et appréhendées par les autorités de ces pays qui ont constaté l'infraction, à savoir le défaut de présentation de la marchandise auprès du bureau des Douanes de destination ; que la dette étant née en Italie et en Espagne, les juridictions de ces pays étaient donc compétentes pour connaître des faits poursuivis ;
qu'en jugeant que les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître de l'action engagée par l'administration des Douanes françaises, la cour d'appel a violé l'article 215 du Code des douanes communautaires" ;
Sur le second moyen de cassation, proposé pour René X... , pris d'une violation des articles 7, 336, 414, 417, 418 du Code des douanes, 485, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, et l'article 356 du règlement CEE n° 2454/93 du 2 juillet 1993 ;
"en ce que l'arrêt a déclaré René X... coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs propres que René X... a expressément reconnu devant les enquêteurs qu'il était à l'époque des faits responsable du service "Douanes" de la société OMM et avait la qualité de déclarant en douane, notamment en ce qui concerne les opérations de transit effectuées pour le compte de la société Import Trading : qu'il a reconnu lors de son audition avoir, sur instruction de Jacques Z..., représentant de la société Import Trading, récupéré des marchandises tierces en MAD chez OMM ou un confrère, en l'espèce BMI et les avoir réacheminées sur l'Italie et l'Espagne en établissant des titres de transit T1 à destination de Lisbonne ; que ces faits suffisent amplement à caractériser le délit qui lui est reproché ; qu'il convient, par suite, de confirmer le jugement ; qu'il a, en outre, formellement été mis en cause par Eric A..., autre déclarant en douane chez OMM sous les ordres de Philippe (René ?) X... ;
"et aux motifs éventuellement adoptés que l'enquête révèle que Jacques Z... était en contact à OMM avec René X... ; que celui-ci, dans le procès-verbal de constat du 27 septembre 1995, reconnaît avoir eu la qualité de déclarant en douanes et avoir suivi les opérations de transit effectuées pour le compte de la société Import Trading ; qu'à ce titre, il donnait toutes les instructions de douane (création des T1) et de transport (établissement des CMR) relatives à ces opérations ; qu'il réceptionnait les talons des T1 du Portugal, lesquels lui étaient remis directement par Jacques Z... ; que René X... ne peut valablement invoquer sa bonne foi, dès lors qu'en sa qualité de professionnel du dédouanement, il ne pouvait ignorer que ces titres auraient dû logiquement lui être expédiés par courrier du destinataire de Lisbonne et non pas être détenus par une autre personne ; qu'il aurait, par ailleurs, dû s'inquiéter de ce procédé, d'autant que cette tierce personne, Jacques Z... en l'occurrence, était précisément la personne qui lui donnait ordre de créer un T1 sur Lisbonne et un CMR sur l'Italie ;
"1 ) alors que les procès-verbaux de Douane font foi jusqu'à preuve contraire de l'exactitude et de la sincérité des aveux et déclarations qu'ils rapportent ; qu'aux termes du procès-verbal du 27 septembre 1995, René X... a certes affirmé qu'il était, à l'époque des faits, responsable du service douane de la société OMM et avait la qualité de déclarant en douane ; que, par la suite, il a cependant démontré qu'en dépit de sa qualité de déclarant en douane, il n'avait signé aucune déclaration en Douanes concernant les opérations effectuées pour le compte de la société Import Trading et n'avait nullement participé à la fraude ; qu'en se bornant à retenir la culpabilité de René X... sur la base de ses seules déclarations aux enquêteurs, selon lesquelles il était déclarant en douane, sans rechercher, comme l'y invitait le prévenu, si le fait de n'avoir signé aucun document douanier ne constituait pas une preuve contraire à ses déclarations de nature à leur retirer toute force probante, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 336.2 du Code des douanes ;
"2 ) alors que la réglementation communautaire prévoit expressément que l'opération de transit communautaire peut être terminée dans un bureau autre que celui prévu dans le document T1, ce qui signifie qu'il n'est pas illégal d'établir un T1 et une CMR n'ayant pas la même destination ; qu'en retenant la culpabilité de René X... pour avoir reconnu qu'il avait réacheminé des marchandises sur l'Italie et l'Espagne en établissant des titres de transit T1 à destination de Lisbonne, ce qui n'est pas interdit et ne saurait donc constituer l'élément matériel des faits de contrebande poursuivis, la cour d'appel a violé l'article 356 du règlement CEE n° 2454/93 du 2 juillet 1993 ;
"3 ) alors qu'une condamnation ne peut être prononcée que si la culpabilité du prévenu résulte de motifs suffisants ; qu'en déclarant René X... coupable du délit poursuivi parce qu'il aurait été "formellement mis en cause par Eric A..., autre déclarant en Douanes chez OMM", sans indiquer sur quel élément de la procédure résulterait cette mise en cause et sans préciser la teneur du témoignage d'Eric A..., ni en quoi ses propos étaient de nature à confirmer la réalité du délit poursuivi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer René X... et la société OMM, en qualité d'intéressée à la fraude, coupables d'importations sans déclaration de marchandises fortement taxées et condamner le premier aux sanctions prévues à l'article 414 du Code des douanes et au paiement des droits éludés, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que les titres de transit établis au départ de Marseille , à la demande de la société OMM, n'ont jamais été apurés à destination et que les marchandises d'origine tierce couvertes par lesdits titres ont été versées frauduleusement sur les marchés italien et espagnol ;
Que les juges ajoutent que le cachet apposé sur les titres comme preuve d'arrivée à destination est un faux et que la société OMM a tiré un bénéfice de la fraude au transit ainsi commise ;
Que la cour d'appel relève encore que René X... a expressément reconnu, devant les enquêteurs, qu'il était à l'époque des faits, responsable du service Douane de la société OMM et qu'il avait la qualité de déclarant en douane, notamment en ce qui concerne les opérations de transit effectuées pour le compte de la société Import Trading; qu'il a reconnu avoir, sur instruction du représentant de cette dernière société, récupéré des marchandises tierces et les avoir réacheminées vers l'Italie et l'Espagne en établissant des titres de transit à destination de Lisbonne ; qu'il a en outre formellement été mis en cause par Eric A..., autre déclarant en douane employé par la société OMM ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond et d'où il résulte que les marchandises n'étaient pas en libre pratique lorsqu'elles ont été introduites en France, la cour d'appel a justifié sa décision et fait l'exacte application de l'article 215 du Code des douanes communautaire, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour la société OMM, pris de la violation des articles 414, 417, 377 bis et 369 du Code des douanes, 5, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société OMM, civilement, et solidairement avec les autres prévenus, au paiement des droits fraudés ;
"aux motifs que la société OMM fait valoir que l'administration des Douanes a émis à son encontre, courant 1996 et 1997, plusieurs contraintes d'un montant total de 4 091 833 francs "relatives aux titres de transit émis à Marseille sur Lisbonne et Chiasso" (cf. courrier du receveur principal de Marseille du 17 mars 1997 versé au dossier par Me Citron, conseil de la société OMM), qui font l'objet d'une contestation actuellement pendante devant la 11ème chambre civile de la Cour de céans, qui a sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir, après que le tribunal d'instance de Marseille , par jugement du 4 février 1998, ait validé ces contraintes représentant le montant des droits et taxes éludés dus à l'issue des opérations irrégulières de transit communautaire externe ; que ces contraintes ayant la même cause et le même objet que l'action engagée à son encontre par cette Administration, le 15 juillet 1999, devant le tribunal correctionnel de Grasse, sur le fondement des articles 377 bis, 399, 414, et 417 du Code des douanes, elle est fondée à soulever l'irrecevabilité résultant de l'article 5 du Code de procédure pénale ; que, toutefois, l'action pour l'application des sanctions fiscales exercée par l'administration des Douanes sur le fondement de l'article 343-2 du Code des douanes a le caractère d'une action publique qui est indépendante du droit d'obtenir le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues, que cette Administration tient de l'article 377 bis de ce Code et qui, seul, a le caractère d'une action civile (crim. 6 février 1997) ; qu'en conséquence, la délivrance de contraintes pour le recouvrement des droits compromis, dans les conditions prévues aux articles 345 à 347 du Code des douanes, antérieurement à la saisine de la juridiction répressive est nécessairement sans effet sur les poursuites pénales engagées à l'encontre de la société OMM sur le fondement de l'article 342-2 précité ;
"alors que, d'une part, la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, relever que la société OMM était fondée à soulever l'irrecevabilité résultant de l'article 5 du Code de procédure pénale, et cependant condamner la même société au paiement des droits fraudés ;
"alors que, d'autre part, la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive à moins que celle-ci ait été saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que l'administration Douanière a délivré des contraintes courant 1996 et 1997 ayant le même objet que les droits fraudés faisant l'objet de l'action civile engagée le 15 juillet 1999, conjointement avec l'action fiscale par l'administration Douanière par citation devant le tribunal correctionnel de Grasse ; que ces contraintes ont donné lieu à une opposition devant le tribunal d'instance de Marseille , lequel par jugement en date du 4 février 1998, les a validées, que ce jugement a fait l'objet d'un appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, laquelle a sursis à statuer le temps que la juridiction pénale statue sur l'action fiscale ; qu'il s'en suit que l'action civile de l'administration douanière devant la juridiction correctionnelle était irrecevable ; qu'en condamnant néanmoins la société OMM solidairement avec les autres prévenus au paiement des droits fraudés, la cour d'appel a violé l'article 5 du Code de procédure pénale, ensemble les textes précités" ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour la société OMM, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 215, 233 du Code des douanes communautaire, 414, 417, 377 bis et 369 du Code des douanes, 291.1 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société OMM, civilement, et solidairement avec les autres prévenus, au paiement de la somme de 5 717 001 francs soit 4 010 226 francs au titre de la TVA et 1 706 775 francs au titre des droits de Douane ;
"aux motifs adoptés qu'aucune justification n'est produite quant à des condamnations prononcées en Italie pour le même délit, rien ne permettant en l'état d'affirmer que les poursuites italiennes invoquées par la société OMM concernent les mêmes marchandises ; qu'aux termes de l'article 215 du Code des douanes communautaire, la dette douanière prend naissance au lieu où se produisent les faits qui font naître la dette ; qu'en l'espèce, lorsqu'un régime douanier n'est pas apuré pour une marchandise donnée, la dette douanière est considérée comme née où la marchandise a été placée sous le régime ( Marseille en l'espèce)... ; que les prévenus ne fournissent aucune facture ou pièces permettant de contester utilement la détermination faite par les agents de DNRED de la valeur des marchandises en cause ... qu'au total cette fraude au transit a porté sur 5 717 001 francs ;
"et aux motifs que, de surcroît, aux termes de l'article 215 du Code des douanes communautaire, lorsqu'un régime douanier n'est pas apuré pour une marchandise, la dette douanière est considérée comme née au lieu où la marchandise a été placée sous ce régime, en l'occurrence Marseille , bureau de destination de cette marchandise où l'infraction au transit a été commise après que de nouveaux titres de transit T1 aient été établis par la société OMM à destination du Portugal, alors que la marchandise était en réalité réexpédiée en Italie ou en Espagne, et alors qu'il ne ressort pas des pièces versées aux débats par les parties (rapport de la garde des finances à Rome du 24 mars 1997 et messages n° 7577 du 17/11/95 - n° 2077 du 21/03/1996 et n° 3362 du 15/05/96) que les autorités italiennes ont engagé des poursuites en recouvrement des droits et taxes éludées pour les mêmes faits à l'encontre de la société OMM et de René X... ; qu'en conséquence, le tribunal correctionnel de Grasse, lieu du domicile de René X... -et les juridictions françaises en général- étaient bien compétentes pour connaître de l'action engagée par l'administration des Douanes françaises de sorte que le moyen sera rejeté ; ... que s'agissant de la valeur des marchandises retenue par les Douanes, que celle-ci résulte des documents commerciaux et déclarations administratives produites par les services des Douanes, et non d'une appréciation forfaitaire ;
"alors que, d'une part, la dette douanière est éteinte lorsque les marchandises sont effectivement saisies ; que la société avait fait valoir dans ses conclusions qu'une partie des marchandises de contrebande avait été saisie par les douanes italiennes ainsi qu'il résulte des pièces de la procédure de sorte que la dette douanière afférente à ces marchandises était éteinte ; qu'en ne recherchant pas si effectivement les marchandises, objets de la fraude, avaient été saisies par les autorités italiennes, la cour d'appel qui n'a pas répondu au moyen soulevé, n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors que, d'autre part, les importations de biens dans l'Union européenne en provenance de pays tiers sont soumises à la TVA de l'Etat dans lequel ces biens sont mis à la consommation ;
que la société avait fait valoir dans ses conclusions qu'une partie des biens objets de la contrebande avaient été mis à la consommation en Italie de sorte que les juridictions françaises étaient incompétentes pour statuer sur le recouvrement de cette TVA italienne, et que la demande en paiement de cette même TVA par l'administration douanière française était irrecevable ; qu'en ne recherchant pas si une partie des marchandises avaient été mises à la consommation en Italie, la cour d'appel, qui n'a pas répondu aux conclusions de la société OMM, n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour écarter les conclusions par lesquelles la société OMM soutenait, d'une part, que, les droits éludés ayant fait l'objet d'une mesure de contrainte à laquelle il avait été fait opposition devant le tribunal d'instance, l'administration des Douanes ne pouvait plus en réclamer le paiement devant une juridiction correctionnelle, d'autre part, que, les marchandises de fraude ayant été saisies, la dette se trouvait éteinte par application de l'article 233 du Code des douanes communautaire et, enfin, que, les marchandises ayant été mises à la consommation en Italie ou en Espagne, la TVA n'était pas exigible en France, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en cet état et dès lors, d'une part, que l'action pour l'application des sanctions fiscales exercée par l'administration des Douanes en application de l'article 343-2 du Code des douanes a le caractère d'une action publique qui trouve à s'exercer indépendamment du droit d'obtenir le paiement des sommes fraudées ou indûment perçues, que cette dernière tient, à titre accessoire, de l'article 377 bis du Code précité, d'autre part, qu'il n'est pas allégué que les marchandises aient été confisquées et, enfin, que les irrégularités dans l'utilisation du régime de transit ayant été commises en France, la TVA y est devenue exigible, par application des articles 293 A du Code général des impôts et 204-1 du Code des douanes communautaire, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;