AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la demande de mise hors de cause :
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause Mlle Aurélie X... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Patrice Y..., conducteur habituel déclaré du véhicule appartenant à son père M. Yves Y..., assuré par la société Axa assurances IARD, aux droits de laquelle vient la société Axa France, a emmené quatre amis en soirée ;
qu'au retour, s'estimant lui-même hors d'état de conduire, il a confié le volant à Mlle Aurélie X..., laquelle n'était pas titulaire du permis de conduire ; que le véhicule a quitté la route et percuté un arbre ; que les trois passagers assis à l'arrière, Johan X..., Alex Z... et Tanguy A... ont été tués sur le coup ; que M. Patrice Y..., passager avant et la conductrice, Mlle X..., l'un comme l'autre sous l'empire d'un état alcoolique, ont été sérieusement blessés ; que la société Axa France a accepté d'indemniser les ayants droit des victimes Alex Z... et Tanguy A..., mais a dénié sa garantie à M. Patrice Y..., considérant que ce conducteur habituel du véhicule s'était volontairement placé dans une situation de non-garantie et avait commis une faute grave en confiant le volant à une personne sans expérience ; que statuant sur les poursuites pénales, un arrêt du 9 septembre 1997 devenu définitif, a condamné Mlle X... à diverses peines des chefs d'homicides et blessures involontaires, a condamné la société Axa France à indemniser pour le compte de qui il appartiendra les ayants droit Z... et A... et à rembourser au Trésor public une créance de prestations concernant la victime Tanguy A... et a rejeté l'exception de non-garantie opposée par l'assureur à M. Patrice Y... ; que le pourvoi formé par la société Axa France contre cet arrêt a été rejeté par arrêt du 15 juin 1999 ; que par actes du 25 février 1998, la société Axa France a assigné M. Patrice Y... et Mlle X... aux fins de condamnation solidaire à lui rembourser le total des sommes quelle avait versées aux ayants droit Z... et A... ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Axa France fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action dirigée contre Mlle X..., alors, selon le moyen :
1 / que le recours à un motif dubitatif équivaut purement et simplement à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a débouté la compagnie Axa France de son recours à l'encontre de Mlle Aurélie X..., conductrice responsable de l'accident, qui conduisait sans permis de conduire, motif pris de ce que le véhicule assuré avait sans aucun doute été utilisé à l'insu de son propriétaire, a méconnu les prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la contradiction entre deux motifs de fait équivaut également à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a retenu tout à la fois que le volant du véhicule impliqué dans l'accident de la circulation en cause avait été confié à Mlle X... avec l'accord et contre le gré de son propriétaire, M. Yves Y..., a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que l'assureur dispose d'une action récursoire à l'encontre du conducteur responsable de l'accident, dès lors que celui-ci se trouvait démuni de permis de conduire, une telle exclusion de garantie ayant été stipulée à la police ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a débouté la compagnie Axa France de son recours dirigé contre Mlle Aurélie X..., dépourvue de permis de conduire lors de l'accident dont elle a été déclarée responsable, prétexte pris de ce que le véhicule avait sans doute été conduit par elle à l'insu du propriétaire assuré, a violé les articles 1251 du Code civil, L. 211-1, R. 211-10 et R. 211-13 du Code des assurances ;
Mais attendu que, d'une part, l'action en remboursement prévue par l'article R. 211-13.4 du Code des assurances n'est ouverte à l'assureur, aux termes de l'article R. 211-10 du même Code, qu'à l'encontre des conducteurs autorisés faisant l'objet d'une exclusion contractuelle de garantie ; que, d'autre part, le recours subrogatoire distinct ouvert à l'assureur par l'article L. 211-1, alinéa 3, du Code des assurances dans le seul cas où la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire, est subordonné à la preuve, qui incombe à l'assureur, que le propriétaire a exprimé un refus formel de confier la garde ou la conduite de son véhicule à un tiers non autorisé ;
Et attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'article R. 211-10 du Code des assurances prévoit certes une possibilité d'exclusion de garantie, liée au défaut de permis de conduire du conducteur, puisque la conductrice a sans aucun doute utilisé ce véhicule à l'insu de l'assuré M. Yves Y..., absent lors de l'accident et dont le fils conduisait initialement en début de soirée ; que l'article R. 211-10.1 n'est donc pas applicable ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement rejetant le recours subrogatoire contre Mlle X..., l'assureur ayant réglé des indemnités en application du contrat d'assurance spécifiquement souscrit ; qu'il n'est par ailleurs nullement établi que Mlle X... ait pris possession et ait été amenée à conduire le véhicule contre le gré du propriétaire, et qu'il n'est ni démontré ni même prétendu que le propriétaire n'y avait pas donné son accord ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel appréciant souverainement la portée des éléments de preuve soumis au débat, a, par une décision motivée exempte de contradiction, à bon droit écarté l'action en remboursement fondée sur l'article R. 211-13 précité inapplicable à l'égard du conducteur non autorisé et rejeté le recours subrogatoire fondé sur l'article L. 211-1, alinéa 3, précité, dont les conditions d'ouverture n'étaient pas réunies en l'espèce ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que la qualité de victime d'un accident de la circulation ne peut exonérer celle-ci de sa responsabilité encourue à l'égard d'autres victimes ;
Attendu que pour débouter la société Axa France de son action récursoire dirigée contre M. Patrice Y..., l'arrêt énonce par motifs propres et adoptés que l'action en contribution ne peut être que subrogatoire et ne peut se fonder que sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil ; que ne pouvant se fonder que sur la subrogation, ce recours ne peut s'exercer qu'entre les auteurs coïmpliqués, excluant ainsi les auteurs qui pourraient devoir réparation à la victime non pas selon la loi du 5 juillet 1985 en raison de l'implication de leur véhicule mais selon le droit commun de la responsabilité civile en tant que responsables de l'accident ; que cette action ne peut être envisagée que par application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 à l'exclusion des dispositions de droit commun de l'article 1382 du Code civil, ainsi qu'en dispose l'article 1er de cette loi ;
qu'en effet M. Patrice Y... est une victime, passager transporté au sens de la loi et n'est ni l'assuré ni le propriétaire du véhicule ; qu'il doit donc être considéré comme un tiers au contrat d'assurance n'ayant commis aucune faute au sens de la loi précitée ; qu'ainsi, il ne peut être tenu en qualité de coauteur d'une obligation in solidum légale résultant de ladite loi, aucune action n'étant ouverte aux ayants droit d'une victime décédée qui était passager transporté à l'encontre d'un autre passager transporté ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'assureur du véhicule accidenté, ayant indemnisé les ayants-droit de deux passagers transportés, était en droit d'exercer une action récursoire en contribution à la dette contre un tiers en invoquant sa faut personnelle ayant concouru à la réalisation des dommages indemnisés, sans que pût y faire obstacle sa qualité de passager transporté lui-même victime de l'accident, qui ne l'exonérait pas de sa responsabilité à l'égard d'autres victimes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Axa France de son action récursoire dirigée contre M. Patrice Y..., l'arrêt rendu le 16 octobre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Axa France d'une part, de Mme X... de deuxième part et de M. Patrice Y... de troisième part ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille cinq.