AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle PARMENTIER et DIDIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Robert,
partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 2 avril 2004, qui, après condamnation définitive de David Y... du chef de destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 4, 5, du nouveau Code de procédure civile, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a évalué à 24.570,21 euros la somme due par David Y... à Robert X... à titre de dommages et intérêts" ;
"aux motifs que David Y... a été déclaré coupable du chef du délit de destruction volontaire du bien immobilier de Robert X... ; que ce dernier est en droit d'obtenir la réparation de son préjudice directement causé par l'infraction, en l'espèce le dommage résulte de la destruction par incendie du corps d'habitation et de la scierie, bâtiments anciens et abandonnés depuis 1970 ; qu'il y a lieu d'évaluer les biens immobiliers, en tenant compte de leur état ; que l'expert judiciaire a justement retenu les valeurs de 122.830 francs et de 38.340 francs en appliquant un coefficient de réfaction et de vétusté ; que la Cour allouera à la partie civile ces montants soit au total 161.170 francs (24.570,21 euros) ;
que Robert X... n'a pas subi une perte quant au terrain qu'il a utilisé pour reconstruire un immeuble sur les fondations déjà existantes ; qu'il n'est donc pas fondé d'obtenir une indemnisation complémentaire de ce chef, ni en ce qui concerne les pertes mobilières pour lesquelles aucune pièce justificative n'est versée aux débats";
1 ) "alors, d'une part, que le dommage résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour chacune des parties ; que si l'immeuble a été détruit par l'infraction, sa reconstruction est l'unique moyen de réparer le préjudice subi par la victime et de la replacer dans la situation qui était la sienne avant l'intervention du fait dommageable ; qu'en indemnisant Robert X... de la seule valeur des biens immobiliers détruits, sans l'indemniser du coût de la reconstruction de ces bâtiments, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale, et violé les textes susvisés" ;
2 ) "alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, Robert X... a fait valoir que l'évaluation de la valeur des biens immobiliers détruits par l'incendie avait été réalisée par l'expert judiciaire sur la base de données matériellement inexactes (superficie, prix ), et ne pouvait servir de base au calcul de son indemnisation par le juge ; qu'en retenant l'évaluation de l'expert sans répondre au chef péremptoire des conclusions de la partie civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
3 ) "alors, enfin, que les juges répressifs doivent statuer, s'agissant des réparations civiles, dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; que, dans ses conclusions, Robert X... a sollicité, outre l'indemnisation de son préjudice matériel, celle du préjudice moral subi par lui consécutivement à l'incendie dont il a été victime et le remboursement des frais d'expertise immobilière du cabinet Bihr ; qu'en ne se prononçant pas sur ces chefs de préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Vu les articles 1382 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ;
Attendu que, statuant sur la réparation des conséquences dommageables du délit dont David Y... a été déclaré responsable, la cour d'appel, par une première décision, a ordonné, avant dire droit, une expertise visant à chiffrer l'entier préjudice subi par la partie civile ; qu'à l'issue, se prononçant sur le fond, l'arrêt attaqué a, par les motifs repris au moyen, condamné David Y... à indemniser le préjudice matériel subi par la victime ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, dans ses conclusions du 30 janvier 2004, régulièrement visées, la partie civile sollicitait également l'indemnisation des frais d'expertise et de son préjudice moral, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar en date du 2 avril 2004, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y a avoir lieu à application de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;