AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CORNELOUP, les observations de la société civile professionnelle THOUIN- PALATet URTIN-PETIT, avocat en la Cour, et les conclusions de M.l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Constant,
de la cour d'assises de la MARTINIQUE, en date du 13 février 2004, qui, pour violences mortelles, l'a condamné à douze ans de réclusion criminelle ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur la recevabilité du pourvoi formé le 18 février 2004 à 15 heures 48 contre l'arrêt pénal et l'arrêt civil ;
Attendu que le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le même jour à 15 heures 02, le droit de se pourvoir contre l'arrêt pénal, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision ; que seules sont recevables les pourvois formés le 18 février 2004 à 15 heures 02 contre l'arrêt pénal et le 18 février 2004 à 15 heures 48 contre l'arrêt civil ;
Vu les mémoires personnels et ampliatif produits ;
Sur la recevabilité du mémoire personnel déposé le 18 février 2004 à 15 heures 48 ;
Attendu que ce mémoire, produit au nom de Constant X... par un avocat au barreau de Fort-de- France, ne porte pas la signature du demandeur ; que, dès lors, en application de l'article 584 du Code de procédure pénale, il n'est pas recevable ;
Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif pris de la violation de l'article 380-1 du Code de procédure pénale ;
"en ce que le dossier de la procédure ne contient pas la décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui aurait désigné la cour d'assises de la Martinique comme juridiction d'appel, de sorte qu'il n'est pas possible de savoir si cette dernière juridiction était compétente pour statuer ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 380-2 et 380-3 du Code de procédure pénale ;
"en ce que le dossier de la procédure ne contient pas la décision rendue par la cour d'assises qui a statué en premier ressort, et ne permet pas non plus de savoir si - et éventuellement à quelle date - le ministère public a interjeté appel principal ou incident de cette décision, de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier si la cour d'assises qui a statué en appel a ou non aggravé le sort de l'accusé appelant et, dans l'affirmative, si une telle aggravation pouvait être légalement prononcée, au regard notamment des dispositions de l'article 380-3 susvisé du Code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte des documents régulièrement communiqués à la Cour de cassation et contradictoirement soumis aux débats que Constant X... a été condamné par la cour d'assises du premier degré, pour meurtre en récidive, à seize ans de réclusion criminelle, que le ministère public a interjeté appel incident de cette condamnation et que la chambre criminelle a désigné la cour d'assises de la Martinique autrement composée pour statuer en appel ;
D'où il suit que les moyens sont devenus sans objet ;
Sur le moyen unique du mémoire personnel et sur le troisième moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 310 du Code de procédure pénale, et 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"en ce qu' il résulte du procès verbal des débats (p. 7 et 8) qu'agissant dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le président de la cour d'assises a présenté les couteaux servant de pièces à conviction dont l'accusé se serait servi pour commettre le crime qui lui était reproché, tandis qu'il n'a pas été possible de retrouver dans les scellés - et donc de présenter - le bâton clouté en son extrémité au moyen duquel ledit accusé avait été frappé par la victime ;
"alors que excède les pouvoirs que lui confère l'article 310 susvisé du Code de procédure pénale, le président qui, en méconnaissance des droits de la défense et du principe de l'égalité des armes, présente des pièces à conviction susceptibles d'être retenues à la charge de l'accusé, quand les pièces à conviction susceptibles d'être retenues à sa décharge ne peuvent, dans le même temps, être présentées" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les conditions dans lesquelles sont présentées les pièces à conviction ne sauraient donner lieu à ouverture à cassation dès lors que, comme en l'espèce, ni l'accusé ni son avocat n'ont élevé de protestation au cours de cette présentation et que les droits de la défense n'ont pas été méconnus ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le quatrième moyen de cassation du mémoire ampliatif pris de la violation des articles 311, 316, 328 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que, statuant par arrêt incident en date du 11 février 2004, la Cour a rejeté la demande de retrait des pièces à conviction formulée par la défense ;
"aux motifs que "Me Robinot et Me Aristide, avocats de l'accusé Constant X... , déposent des conclusions tendant au retrait des pièces à conviction présentées au motif qu'il n'a pas été possible de retrouver dans les scellés l'une des pièces, soit un bâton clouté en son extrémité, au moyen duquel l'accusé aurait été frappé par sa victime ; que, si la Cour ne peut que regretter la disparition d'une pièce à conviction, il n'est pas en son pouvoir d'ordonner le retrait d'un scellé déjà présenté, et constituant un élément essentiel des débats pour être l'arme du crime présumé ; que, cependant, pour remédier à cette disparition, le président en vertu de son pouvoir discrétionnaire a fait circuler un album photographique comprenant des photographies du bâton en question, et permettant aux juges de se faire une opinion sur l'arme considérée ; que, dès lors, les droits de la défense n'ont pas été méconnus et qu'il échet de rejeter la demande présentée" (PV des débats p. 8 3 à 6) ;
"alors que à aucun moment, dans leurs conclusions aux fins de demande de retrait de pièces à conviction, Me Robinot-Lafortune et Me Aristide n'avaient énoncé que l'accusé avait été frappé par sa victime ; qu'à la faveur de cette dénaturation de leurs écritures, le président et les assesseurs ont illégalement manifesté leur opinion sur la culpabilité de Constant X... " ;
Attendu que, pour refuser de faire droit aux conclusions déposées par les avocats de l'accusé tendant au retrait des pièces à conviction, l'arrêt incident prononce par les motifs repris au moyen ;
Que la description du scellé "disparu au moyen duquel l'accusé aurait été frappé par sa victime" ne saurait nullement constituer la manifestation d'une opinion préconçue sur les faits incriminés dès lors que le membre de phrase querellé est exprimé au conditionnel ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le cinquième moyen de cassation du mémoire ampliatif pris de la violation des articles 348, 349, du Code de procédure pénale, 221-1 et 222-7 du Code pénal ;
en ce que les questions numéros 1, 2 et 3, auxquelles la Cour et le jury ont répondu par l'affirmative pour les première et deuxième, et par la négative pour la troisième, sont ainsi libellées :
1 "l'accusé Constant Serge X... est-il coupable d'avoir, au François, le 15 juillet 2000, en tout cas sur le territoire national, depuis temps non couvert par la prescription, volontairement porté des coups à Marie-Louise Y... ?"
2 "ces coups ont-il entraîné la mort de Marie-Louise Y... ?"
3 "l'accusé Constant Serge X... avait-il l'intention de donner la mort à Marie-Louise Y... et ce, en état de récidive légale pour avoir été condamné pour homicide volontaire le 8 juillet 1975 par la cour d'assises de la Martinique, à une peine devenue définitive de cinq ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis ? " ;
"alors 1 ) que le président n'est dispensé de la lecture des questions que, si elles sont posées dans les termes de la décision de mise en accusation ; que, selon l'ordonnance de mise en accusation, Constant X... était renvoyé devant la cour d'assises sous l'accusation d'homicide volontaire ; que la Cour et le jury ont cependant été interrogés sur le crime de coups mortels, distinct de celui d'homicide volontaire, tandis que le président n'avait pas préalablement procédé à la lecture des questions ci-dessus reproduites (cf procès-verbal des débats p. 14) de sorte qu 'ont été violés les textes susvisés ;
"alors 2 ) que les questions ne doivent pas être complexes ; que la Cour et le jury ne pouvaient donc, dans la question numéro 3, être interrogés à la fois sur l'un des éléments constitutifs du crime de coups mortels, et sur l'état de récidive légale de l'accusé" ;
Attendu que Constant X... a été renvoyé devant la cour d'assises sous l'accusation de meurtre en récidive ;
Que, sur cette accusation, trois questions ont été posées demandant successivement, la première, si l'accusé était coupable d'avoir volontairement porté des coups à la victime, la deuxième, si ces coups avaient occasionné la mort de celle-ci, la troisième, si l'accusé avait l'intention de donner la mort à ladite victime et ce, en état de récidive ;
Que, la Cour et le jury ayant répondu affirmativement aux deux premières questions et négativement à la troisième, Constant X... a été déclaré coupable de violences mortelles ;
Attendu que la déclaration de culpabilité n'encourt pas les griefs allégués, dès lors que, d'une part, il est licite de décomposer l'accusation en plusieurs questions quand celles-ci, réunies, en contiennent toute la substance, sans addition ni substitution d'un fait principal nouveau au fait principal poursuivi et que, d'autre part, la complexité entachant la question n° 3 est devenue sans objet par suite de la réponse négative apportée à cette question par la Cour et le jury ;
D'où il suit que moyen ne saurait être admis ;
Sur le sixième moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 1351 et 1382 du Code civil ;
"en ce que statuant sur les intérêts civils, la cour d'assises a condamné Serge Constant X... à payer à Tatiana Z..., Christian Z..., Marie-Denis A... et Thierry A..., la somme de 1.500 euros chacun "au titre des préjudices moraux soufferts depuis la première décision " ;
"alors 1 ) qu'en condamnant Constant X... à dommages-intérêts, quand elle avait constaté que "l'arrêt civil rendu en première instance le 28 février 2003 est définitif", la cour d'assises a violé l'autorité de la chose définitivement jugée par cette décision ;
"alors 2 ) et subsidiairement que en se bornant à affirmer que, depuis la décision de première instance, les parties civiles avaient subi un préjudice moral, sans s'expliquer plus avant sur la teneur de ce préjudice, ni préciser en quoi il n'avait pas déjà été réparé par ladite décision, la cour d'assises a privé son arrêt de base légale ;
Attendu qu'en allouant 1500 euros à chacune des parties civiles au titre des préjudices moraux soufferts depuis la première décision, la Cour a fait l'exacte application des dispositions de l'article 380- 6, alinéa 2, du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
Par ces motifs,
I - Sur le pourvoi formé le 18 février 2004 à 15 heures 48 :
Le déclare IRRECEVABLE en ce qu'il vise l'arrêt pénal ;
II - Sur les pourvois formés le 18 février 2004 à 15 heures 02, contre l'arrêt pénal et le 18 février 2004, à 15 heures 48, contre l'arrêt civil :
Les REJETTE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Corneloup conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre;