La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2005 | FRANCE | N°04-81962

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 février 2005, 04-81962


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA SOCIETE MONTJOIE ART TRANSACTIONS (MAT),

- LA SOCIETE GAL

ERIE CHARLES ET ANDRE BAILLY,

parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de P...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier février deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA SOCIETE MONTJOIE ART TRANSACTIONS (MAT),

- LA SOCIETE GALERIE CHARLES ET ANDRE BAILLY,

parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 25 février 2004, qui, dans la procédure suivie contre Jean-François X..., Francis Y... et Gérard Z... du chef de recel, a prononcé sur une demande de restitution ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

1 - Sur le pourvoi de la société Galerie Charles et André Bailly ;

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

2 - Sur le pourvoi de la société Montjoie Art Transactions ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2268, 2279, 2280 du Code civil, 321-1, 321-7, 321-8, 324-1 du Code pénal, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a ordonné la restitution aux consorts A... du bronze "Jean d'Aire" dit "Bourgeois de Calais" de Rodin et du tableau "Portrait de la femme au chien" de Marie Laurencin et débouté la société Montjoie Art Transactions de sa demande en restitution de ces oeuvres ou en remboursement du prix qu'elles lui ont coûté ;

"aux motifs propres qu' "à la suite du vol avec effraction commis entre le 29 octobre 1999 et le 5 novembre 1999, ... au domicile de François A..., M. Eric A... déposait plainte le 8 novembre 1999 ; que, dès le 19 novembre 1999, la gazette de Drouot signalait le vol notamment d'un portrait "femme au chien" par Marie Laurencin, et de bronzes "Bourgeois de Calais" portant une clef et "Main" par Rodin ; que, de même, il résulte des pièces soumises à l'appréciation de la Cour que, dès novembre 1999, le musée Rodin était informé de ce vol ; que X..., qui était entré en possession de ces deux oeuvres, les cédait, par l'intermédiaire de Christian B..., le 10 décembre en ce qui concerne le bronze et le tableau de Marie Laurencin, le 14 décembre 1999 à la galerie Tillier ; que le bronze était revendu, dès le 13 novembre (décembre en réalité) 1999, à la SARL Montjoie Art Transactions ; que le tableau de Marie Laurencin était revendu dès le 20 décembre 1999 par la galerie Thomire à la galerie Bailly ;

que la Cour constate que, lors de ces transactions, aucune vérification n'était effectuée concernant l'origine de ces oeuvres alors que, dès le 19 novembre 1999, la gazette Drouot en avait signalé le vol ; que ce n'est que le 3 janvier 2000 que la galerie Bailly, qui avait racheté la moitié du bronze à la SARL Montjoie Art Transactions le 16 décembre 1999, le présentait au musée Rodin pour comparaison ; que la Cour constate, en outre, que la galerie Thomire donnait une description de l'oeuvre de Marie Laurencin différente de celle figurant au catalogue raisonné de Marchesseau ;

qu'ainsi, il est établi que ces professionnels du marché de l'art n'ont pas fait preuve de toutes les diligences propres à leur assurer la régularité de leur acquisition ; que le paiement par chèque et l'inscription de ces achats à leur livre de police étant le minimum de formalités pour des professionnels avertis" (arrêt, page 9, alinéas 2 à 10) ;

"et aux motifs adoptés que "la galerie Bailly et Montjoie Art Transactions et les consorts A... sollicitent la restitution du Bourgeois de Calais de Rodin et du tableau de Marie Laurencin ;

que les galeries Bailly et Montjoie Art Transactions allèguent la possession de bonne foi en faisant valoir qu'ils ont acheté très officiellement par chèque à un galiériste ; que, cependant, en l'espace de 10 jours, trois galiéristes se sont transmis la statuette et le tableau, ce qui s'assimile à du blanchiment d'oeuvres d'art ;

qu'aucun n'a vérifié l'origine et l'authenticité des oeuvres, la galerie Bailly et Montjoie Art Transactions en ont fait l'acquisition sans vérification et n'ont interrogé le musée Rodin qu'après avoir effectué la transaction ; qu'une telle hâte ne trouve aucune justification si ce n'est la certitude de faire une bonne affaire commerciale et d'être couvert par la bonne foi sous prétexte d'un paiement par chèque à un autre galiériste ; qu'il convient d'ailleurs de remarquer que Jean-François X... indique que la galerie Bailly n'a pas voulu lui acheter le Rodin soit disant vendu trop cher alors qu'elle l'a acheté au galiériste Tillier ; que, de plus, le nom de A... figurant sur le bronze, le représentant de la galerie Bailly déclarait au musée "c'est la succession A..., une affaire en or" ; qu'il appartenait à un professionnel de se renseigner sur la liquidation de la succession, alors que les salles de vente Christies, Sothebys et le musée Rodin avaient été informés du vol et que ce vol au préjudice de la succession A... était annoncé dans la gazette Drouot du 19 novembre 1999 ; que, dans ces circonstances, les galiéristes Bailly et Montjoie Art Transactions ne peuvent se prétendre détenteurs de bonne foi" (jugement du 20 février 2001, page 10, in fine et page 11, alinéas 1 à 3) ; que les achats successifs, rapides, par chèques, ne peuvent être la preuve de la bonne foi et s'apparentent par leur précipitation, sans aucune vérification à du blanchiment" (jugement du 3 avril 2001, page 4, in fine) ;

"alors, d'une part, que la bonne foi du possesseur d'un meuble est toujours présumée ; que, dès lors, il appartient à celui qui allègue sa mauvaise foi de la prouver ; qu'en retenant que la société Montjoie Art Transactions, professionnel du marché de l'art ayant acheté les oeuvres litigieuses très officiellement par chèque à un marchand vendant des choses pareilles, ne pouvait se prétendre de bonne foi dès lors qu'elle avait effectué ces transactions sans vérifier l'origine des oeuvres, "les achats successifs, rapides, par chèques, ne pouv(ant) être la preuve de la bonne foi", la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve de la bonne foi sur le possesseur du bien meuble, a méconnu les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, qu'en reprochant à la société Montjoie Art Transactions et à la galerie Bailly, avec laquelle elle avait acheté en indivision les oeuvres litigieuses, de ne pas avoir vérifié l'origine des oeuvres litigieuses, tout en constatant que le représentant de la galerie Bailly savait que ces oeuvres provenaient de la succession A..., M. François A..., propriétaire de la fameuse collection A..., étant décédé quelques mois plus tôt, constatation d'où il résultait que ces professionnels du marché de l'art pouvaient s'estimer suffisamment renseignés sur l'origine et l'authenticité desdites oeuvres, la cour d'appel s'est contredite ;

"alors, en tout état de cause, que la société Montjoie Art Transactions faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que seule la démarche auprès du musée Rodin avait permis à la police de retrouver les oeuvres qu'elle croyait provenir de la succession A..., en sorte qu'ayant elle-même livré involontairement à la police les oeuvres qu'elle venait d'acquérir en indivision avec la galerie Bailly, son erreur, exclusive de toute mauvaise foi, devait être reconnue ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions de la demanderesse, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

"alors, en outre, que les seules obligations pesant sur les professionnels du marché de l'art achetant des objets mobiliers consistent à tenir un registre de police permettant l'identification des vendeurs et à régler l'achat au moyen d'un chèque ; qu'en retenant que la société Montjoie Art Transactions n'avait pas fait preuve de toutes les diligences propres à lui assurer la régularité de son acquisition et que le paiement par chèque et l'inscription des achats à son livre de police étaient le minimum des formalités exigées, sans préciser les formalités supplémentaires que la loi imposerait aux professionnels du marché de l'art, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, enfin, que le blanchiment, comme le recel, est une infraction intentionnelle qui suppose la connaissance par son auteur de l'origine frauduleuse de la chose ; qu'en retenant que l'acquisition des oeuvres litigieuses sans vérification de leur origine, par la société Montjoie Art Transactions, "s'apparent(ait) (...) à du blanchiment", sans constater que cette dernière avait connaissance de l'origine frauduleuse de ces oeuvres, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la société Montjoie Art Transactions, qui exploite un fonds de commerce de négoce d'oeuvres d'art, a fait l'acquisition, en indivision avec un autre galeriste, notamment, d'un bronze de Rodin dit " Jean d'Aire " ou " le Bourgeois de Calais " acheté le 13 décembre 1999 auprès de la galerie Tillier et d'un tableau de Marie Laurencin ayant pour titre " Portrait de la femme au chien ", vendu le 20 décembre 1999 par la galerie Thomire ; que ces oeuvres provenant d'un vol commis entre le 29 octobre et le 5 novembre 1999 au préjudice des consorts A... ont été saisies au cours de l'information ouverte contre Jean-François X..., Francis Y... et Gérard Z... du chef de recel ;

Attendu que le tribunal correctionnel, après avoir prononcé sur l'action publique, a fait droit à la demande de restitution des consorts A..., constitués parties civiles ; qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société Montjoie Art Transactions mais l'a déboutée de sa demande de restitution ;

Attendu que, pour confirmer la décision entreprise, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet, les tribunaux apprécient souverainement, au vu des éléments de preuve régulièrement soumis aux débats contradictoires, la régularité de la possession et la bonne foi dont peut se prévaloir, en application de l'article 2279, alinéa 1er, du Code civil, l'acquéreur d'un bien mobilier ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du Code de procédure pénale au profit des consorts A... ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du Code de procédure pénale au profit de la société Montjoie Art Transactions ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-81962
Date de la décision : 01/02/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESTITUTION - Objets saisis - Action en restitution - Demande formée par la partie civile - Possession régulière et de bonne foi - Application de l'article 2279, alinéa 1er, du Code civil - Appréciation souveraine.

Les tribunaux apprécient souverainement, au vu des éléments de preuve régulièrement soumis aux débats contradictoires, la régularité de la possession et la bonne foi dont peut se prévaloir, en application de l'article 2279, alinéa 1er, du Code civil, l'acquéreur d'un bien mobilier.


Références :

Code civil 2279 al. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 février 2004

A rapprocher : Chambre criminelle, 1995-05-04, Bulletin criminel, n° 165, p. 463 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 fév. 2005, pourvoi n°04-81962, Bull. crim. criminel 2005 N° 37 p. 109
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 37 p. 109

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Di Guardia.
Rapporteur ?: Mme Palisse.
Avocat(s) : la SCP Delaporte, Briard, Trichet, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.81962
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award