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26/01/2005 | FRANCE | N°04-81497

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 janvier 2005, 04-81497


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gilles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 17 février 2004, qui, sur renvoi après cass

ation, l'a condamné, pour abus de confiance, à 7 500 euros d'amende ;

Vu le mémoire pro...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Gilles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 17 février 2004, qui, sur renvoi après cassation, l'a condamné, pour abus de confiance, à 7 500 euros d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 314-10 du Code pénal, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Gilles X... coupable d'abus de confiance ;

"aux motifs qu'à l'évidence, les faits de la cause ne constituent pas le délit de démarchage prévu et réprimé par les articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation ainsi que l'ont jugé à tort les premiers juges qui seront infirmés sur ce point ;

que la Cour constate que tant devant le magistrat instructeur que dans sa lettre au bâtonnier, le prévenu n'a jamais fait état de la lettre du 17 avril 1996 ; qu'il avait en revanche précisé au magistrat instructeur que Melle de Y..., le 16 avril 1996, lui avait fait savoir verbalement qu'elle ne désirait plus qu'il dépose de plainte ;

que Melle de Y... a contesté avoir été reçue à deux reprises par son avocat courant avril 1996, prétendant qu'il n'y avait eu qu'un seul rendez-vous en avril et qu'à cette occasion le prévenu avait pris des notes mais en aucun cas ne lui avait présenté un projet dactylographié de dépôt de plainte ; que selon la version du prévenu, il paraît peu probable, alors que Melle de Y... l'avise de son désir de ne plus porter plainte, il lui remettait malgré tout un projet de plainte ; qu'à aucun moment de la procédure, le prévenu n'a pu produire un double de ce projet de rédaction de plainte ; que devant la Cour il a expliqué qu'à la suite d'une mauvaise manipulation informatique, ce document avait été effacé ; que le 15 mars 1996, soit quelques jours avant qu'il n'intervienne auprès de Melle de Y..., le prévenu avait fait l'objet d'une décision de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion statuant en matière disciplinaire qui lui interdisait pendant 6 mois l'exercice de sa profession, cette décision selon ses dires ayant pris effet à compter du 15 juin 1997 ; que le document du 3 avril 1996 remis par son conseil à la plaignante alors qu'elle était à l'hôpital et qui était intitulé "note d'honoraires et ordre de missions" prévoyait : rédaction d'une plainte contre X pour abus de confiance et recel, en suite des vols au préjudice de la SHLM, suivi de l'instruction contre X et si besoin est, contre Bruno Z... et Guylène A..., provision sur vacation devant le juge d'instruction HT 15 000 francs, TVA 9,5 % 1.425 francs, total à payer : 16 425 francs ; qu'il est constant que le prévenu n'a accompli aucun acte de sa mission ; mission qui lui avait été retirée par sa cliente dans les jours qui avaient suivi sa saisine, soit le 17 avril 1996 (et non 1997 comme indiqué par erreur dans l'arrêt attaqué) ; qu'il est également constant que ce dernier n'a jamais répondu à la lettre de sa cliente qui lui avait demandé la restitution des sommes ; qu'il n'a fait droit à cette demande que le 10 octobre 1998, après que sa cliente se soit constituée partie civile devant le doyen des juges d'instruction le 27 août 1998 ; que concernant les conditions de cette restitution, le prévenu s'est encore contredit, ce dernier ayant expliqué au magistrat instructeur que la plaignante avait saisi le bâtonnier d'une plainte, lequel l'en avait informé, et qu'il avait ainsi immédiatement écrit au bâtonnier le 25 juillet 1998, lui indiquant qu'il était disposé à rembourser les sommes ; que dans ses conclusions, il indique que le bâtonnier lui avait communiqué par courrier la plainte de Melle de Y... auprès du procureur de la République, ce qui avait motivé sa lettre du 25 juillet à ce dernier ; que la Cour constate que Melle de Y... a engagé une procédure judiciaire par le biais d'une plainte avec constitution de partie civile le 27 août 1998 ;

que dès lors, les conditions dans lesquelles est intervenue sa lettre au bâtonnier sont peu claires, ce dernier n'ayant pas communiqué dans ses pièces la lettre de ce dernier ; que le prévenu a admis devant la Cour n'avoir engagé devant le bâtonnier aucune procédure de taxation de ses honoraires ; que dès lors le prévenu, en conservant par devers lui des sommes d'un montant de 12 000 francs qui lui avaient été remises à charge d'en faire un usage déterminé ci-dessus rappelé, à défaut d'avoir engagé et suivi la procédure, se devait de restituer les sommes ainsi que sa cliente les lui avait réclamées, qu'il s'agisse d'honoraires ou de provisions ; ce qu'il n'a fait que postérieurement au dépôt de plainte de sa cliente devant le magistrat instructeur ; qu'en conséquence, Gilles X..., qui sciemment n'a pas respecté son mandat, a bien commis le délit d'abus de confiance ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions pénales (arrêt, pages 5 à 7) ;

"alors 1 ) que seule une chose remise à titre précaire peut faire l'objet d'un détournement au sens de l'article 314-1 du Code pénal ; qu'ainsi, le transfert de propriété d'une somme d'argent, versée par un client à son avocat, au titre des honoraires réclamés par ce dernier, est exclusif de l'abus de confiance, quoique la mission ayant justifié ce paiement n'eût pas été exécutée ; que dès lors, en se déterminant par la circonstance que le prévenu, en sa qualité d'avocat, n'avait accompli aucun acte de sa mission, pour en déduire qu'en conservant provisoirement les sommes perçues par lui, il avait commis un abus de confiance, tout en relevant par ailleurs que lesdites sommes représentaient le montant des honoraires demandés par l'avocat à sa cliente, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte susvisé ;

"alors 2 ) et subsidiairement que le simple retard dans la restitution, même après mise en demeure, n'implique pas nécessairement le détournement ou la dissipation ; que dès lors, et à supposer que les sommes versées au demandeur à titre d'honoraires puissent constituer l'objet de la remise au sens de l'article 314-1 du Code pénal, la cour d'appel qui s'est bornée à énoncer qu'après qu'il eût été mis fin à sa mission, l'avocat de Melle de Y... devait restituer à cette dernière les honoraires versés, puisque les démarches demandées n'avaient pas été accomplies, qu'il n'avait jamais répondu à la lettre de sa cliente exigeant ce remboursement, et n'avait reversé la somme litigieuse qu'après avoir été informé, par le bâtonnier, du dépôt d'une plainte pénale contre lui qui n'a, ce faisant caractérisé qu'un retard dans la restitution, sans indiquer en quoi le prévenu aurait commis un détournement, a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;

"alors 3 ) et subsidiairement qu'en se déterminant par la circonstance que Gilles X... n'avait pas engagé la procédure pénale qui lui avait été demandée par sa cliente, pour en déduire que le fait d'avoir conservé, temporairement, les sommes versées à cette fin caractérisait un abus de confiance, tout en relevant que cette mission, confiée à l'avocat le 3 avril 1996, lui avait été retirée "dans les jours qui avaient suivi sa saisine", soit le 17 avril 1996 (et non 1997 comme l'indique par erreur l'arrêt attaqué), ce dont il résultait qu'il ne pouvait être reproché à l'avocat d'avoir omis, dans un délai si court, de rédiger et déposer la plainte litigieuse, ni d'avoir failli à sa mission puisque la cliente y avait spontanément et brutalement mis fin quelques jours seulement après la lui avoir confiée, la cour d'appel a violé l'article 314-1 du Code pénal" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 314-1 du code pénal ;

Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, courant mars 1996, Gilles X..., avocat, a fait signer à Carol de Y... un contrat intitulé " notes d'honoraires et ordres de mission " comportant mandat de rédiger une plainte pour abus de confiance et recel et de suivre le dossier à l'instruction, moyennant le versement de la somme de 16 425 francs à titre de " provision sur vacation devant le juge d'instruction " ; que, muni de ce document, il s'est fait remettre les sommes de 8 000 et 4 000 francs par le frère et la mère de Carol de Y... ; que cette dernière a, le 17 avril 1996, mis fin au mandat ;

qu'ayant sollicité vainement la restitution des fonds versés, elle a, le 27 août 1997, déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du chef d'abus de confiance ; que, le 10 octobre 1997, à la suite d'un courrier du bâtonnier, Gilles X... a restitué les sommes qu'il avait perçues ; qu'au terme de l'information, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'abus de confiance ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ce chef, l'arrêt énonce qu'il a conservé les sommes qui lui avaient été remises à charge d'en faire l'usage déterminé, et qu'à défaut d'avoir engagé et suivi la procédure qu'il avait mandat de conduire, il aurait dû les restituer, "qu'il s'agisse d'honoraires ou de provisions" ;

Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les fonds n'avaient pas été remis au prévenu à titre précaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 17 février 2004, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut, conseillers de la chambre, M. Soulard, Mmes Salmeron, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-81497
Date de la décision : 26/01/2005
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ABUS DE CONFIANCE - Détournement - Chose détournée - Bien remis à titre précaire - Fonds versés à un avocat à titre d'honoraires (non).

Des fonds ne peuvent être détournés que s'ils ont été remis à titre précaire, le versement d'honoraires à un avocat entraîne un transfert de propriété exclusif de l'abus de confiance.


Références :

Code de procédure pénale 593
Code pénal 314-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 février 2004

A rapprocher : Chambre criminelle, 2002-02-26, Bulletin criminel, n° 44, p. 124 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 jan. 2005, pourvoi n°04-81497, Bull. crim. criminel 2005 N° 29 p. 76
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2005 N° 29 p. 76

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Mme Nocquet.
Avocat(s) : la SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.81497
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