AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de Me RICARD, et de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, avocats en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Silvio,
contre l'arrêt de cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 9 février 2004, qui, pour recours aux services de travailleurs dissimulés, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 1 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 385 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables, comme tardives, les conclusions du prévenu dénonçant les nullités de l'enquête préliminaire, à savoir les perquisitions, les saisies ainsi que le placement en garde à vue ;
"aux motifs, propres et adoptés des premiers juges, que la défense n'a présenté ses exceptions de nullité que lors de la plaidoirie sur le fond, après instruction de l'affaire, audition des parties civiles et des réquisitions du ministère public, en sorte que cette exception est tardive, le prévenu s'étant dès l'interrogatoire engagé dans la défense au fond ; qu'en outre si des conclusions en ce sens ont été déposées auprès du greffe, c'est seulement au cours des débats, à un moment inconnu, et non comme le soutient le prévenu dès l'ouverture de l'audience à 14 heures, celui-ci étant par ailleurs mal fondé à prétendre qu'elles auraient alors été portées à la connaissance du tribunal, du Parquet et des parties civiles ; qu'en tout état de cause les énonciations du jugement font foi sur ce point ;
"alors que les juges répressifs doivent se prononcer sur les exceptions de nullité développées dans les conclusions écrites régulièrement déposées au greffe du tribunal, lors de l'ouverture des débats ; qu'en adoptant les motifs des premiers juges selon lesquels, le dépôt des conclusions aurait eu lieu au cours des débats, à un moment inconnu, les juges d'appel se sont prononcés par des motifs hypothétiques sur l'heure exacte à laquelle les conclusions écrites ont été déposées afin de les déclarer irrecevables ; qu'en se prononçant ainsi, l'arrêt n'est pas légalement justifié.
"alors que le doute doit profiter à la partie poursuivie;
qu'il n'a pas été justifié que le greffe du tribunal dispose d'un timbre à date comportant mention de l'heure de dépôt des conclusions ;
qu'ainsi comme l'a soutenu le conseil de la partie poursuivie, ces conclusions ayant été déposées à l'ouverture de l'audience dès 14 heures, les moyens de nullité étaient à la connaissance à la fois du tribunal, du parquet et des parties civiles avant que ne commencent les débats" ;
Attendu qu'il résulte du jugement et des notes d'audience que le demandeur, qui a comparu devant le tribunal correctionnel, a soulevé l'exception de nullité de la perquisition faite à son domicile au moyen de conclusions qui ont été déposées au cours des débats et développées oralement après les réquisitions du ministère public ;
Que le moyen, dès lors qu'il reprend devant la Cour de cassation une exception qui, contrairement à ce qui est soutenu, n'a pas été invoquée avant toute défense au fond, est irrecevable par application de l'article 385 du Code de procédure pénale ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L.324-9 et suivants du code du travail, L.362-3 du même code, 121-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions et défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de dissimulation d'emploi salarié et l'a condamné de ce chef à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 1 500 euros ainsi qu'à des dommages-întérêts pour les parties civiles ;
"aux motifs, propres et acloptés des premiers juges, que selon les déclarations de Jacqueline Y..., c'était sur ordre de son employeur, Silvio X... que les déclarations figurant sur les feuilles de paye ne correspondaient pas aux heures réellement pratiquées par les salariés, affirmation confirmée par Fernando Z... et son épouse Maria A...
B... qui ont tous deux reconnu avoir été payés en espèces pour les heures non déclarées pour la période s'écoulant d'octobre 2000 à mars 2001 ;
que d'autres travaux de rénovation effectués sur le domaine par ces mêmes salariés ont également été payés en liquide tandis que les contrats de travail prévoyaient une durée de 15 et 20 heures par semaine ; que de même le contrat de travail de Jacqueline Y... prévoyait une durée de travail de 5 heures par semaine tandis qu'elle effectuait un temps complet; que les salariés Bouzar C... et Ahmed El D... ont également dénoncé les paiements en liquide pour des heures supplémentaires non déclarées en sorte que le délit reproché est bien caractérisé, le prévenu ne pouvant rejeter la responsabilité de ces faits sur la secrétaire comptable, Jacqueline Y..., laquelle ne faisait qu'appliquer un système mis en place par l'employeur qui était le seul à trouver intérêt à cette pratique ;
"alors que dans ses conclusions régulièrement déposées devant la Cour, le prévenu a contesté tant la matérialité des faits reprochés que tout élément intentionnel, en indiquant que les témoignages relevés par les premiers juges n'ont pas été confrontés aux pièces comptables figurant dans les pièces saisies et actuellement sous scellés, notamment les relevés effectués par la secrétaire comptable et adressés au centre de gestion, ni aux décisions prud'homales précédemment initiées par les salariés, aux termes desquels il apparaît que ceux-ci n'ont jamais sollicité le paiement d'heures supplémentaires, mais seulement des indemnité de préavis et de congés payés ; qu'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué ne s'explique sur le bien fondé d'une telle vérification, pourtant indispensable, lorsque les faits dénoncés sont clandestins et que le témoignage d'un salarié en conflit avec son employeur peut être suspect; de sorte qu'en omettant de se prononcer sur ce chef péremptoire des conclusions, l'arrêt attaqué n'est pas légalement justifié" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 310 euros la somme que Silvio X... devra payer à Bouzar C... au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;