AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 8 février 2002), que la Fédération nationale du crédit agricole, agissant pour le compte des Caisses régionales de crédit agricole mutuel, et des syndicats de salariés ont conclu le 22 janvier 1985 un accord, modifié par un avenant du 18 juillet 1991, instituant un régime de retraite supplémentaire dont la gestion a été confiée à la société Adicam pour le recouvrement des cotisations et le calcul des droits des bénéficiaires et à la société Groupama vie pour le service des pensions ; que M. X..., qui était employé par une Caisse régionale de Crédit agricole mutuel en qualité de directeur adjoint a fait liquider ses droits à pension par la société Adicam lors de son départ à la retraite le 31 décembre 1992 ; que celle-ci et la société Groupama vie, qui estimaient que la pension versée à M. Y... excédait ses droits, ont saisi, en 2000, le tribunal d'une action en répétition de l'indu et aux fins de nouvelle fixation du montant de la pension ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Adicam et sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Groupama vie, réunis :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que les avantages en nature devaient être inclus dans le salaire de référence, alors, selon le moyen du pourvoi principal :
1 / que la société en charge de la gestion des cotisations qui statue au vu de déclarations de revenus ne mentionnant pas la ventilation des différentes sommes perçues par le salarié ne peut avoir donné son accord à l'inclusion dans le salaire de référence des sommes non prévues dans la convention collective national des cadres de direction ; qu'en l'espèce, la société Adicam faisait valoir que la ventilation des différentes sommes n'avait pas été effectuée dans les déclarations des revenus, fait admis par la cour d'appel, de sorte qu'elle ne connaissait pas l'existence de sommes non prévues par la convention collective nationale des cadres de direction ; qu'en retenant néanmoins que la société Adicam qui avait la possibilité d'effectuer un contrôle sur des rémunérations sensiblement supérieures au cours des années 1990 à 1992 avait nécessairement donné son accord à l'inclusion des avantages en nature dans le salaire de référence, la cour d'appel a violé l'article 2, alinéa 4, de l'accord du 22 janvier 1985, tel que modifié par l'article 2 de l'avenant du 18 juillet 1991 ;
2 / que doivent être exclus du salaire de référence les éléments de rémunération ne répondant pas aux conditions de l'article 2 de l'accord du 22 janvier 1985 tel que modifié par l'avenant du 18 juillet 1985, peu important qu'ils aient été inclus par l'employeur dans la déclaration transmise à la société chargée d'établir le salaire de référence ; qu'en retenant que la décision d'un organe de direction de l'employeur d'inclure dans la déclaration des éléments de rémunération non prévus par la convention collective obligeait la société Adicam à les prendre en compte pour le calcul du salaire de référence, la cour d'appel a violé l'article 2, alinéa 3, de l'accord du 22 janvier 1985, tel que modifié par l'article 2 de l'avenant du 18 juillet 1991 ;
3 / que la société chargée d'établir le salaire de référence peut exercer une action tendant à faire constater que des éléments de rémunération régulièrement versés au salarié n'entrent cependant pas dans le calcul du salaire de référence ; qu'en affirmant que la mission de vérification de l'assiette des droits confiée à la société Adicam ne lui permettait pas de contester la régularité des éléments de rémunération versés au salarié, quand elle devait seulement s'interroger sur le statut de ces éléments au regard de l'accord du 22 janvier 1985, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 de l'accord du 22 janvier 1985, tel que modifié par l'avenant du 18 juillet 1991 ;
4 / qu'il appartient au salarié de demander l'accord de la société chargée d'établir le salaire de référence nécessaire à la prise en compte des éléments de rémunération non prévus par la convention collective nationale des cadres de direction ; qu'il revient donc au salarié de faire connaître à ladite société l'existence de ces éléments ; qu'en affirmant qu'il n'incombait qu'à la société Adicam de demander aux salariés de joindre les bulletins de paie à la déclaration des revenus propres à la renseigner sur l'existence de ces éléments de rémunération, la cour d'appel a violé l'article 2 de l'accord du 22 Janvier 1985, tel que modifié par l'avenant du 18 juillet 1991 ;
Et, selon le moyen du pourvoi incident :
5 / que, tout jugement devant, à peine de nullité, être motivé, les juges du fond ne peuvent se fonder sur des motifs de fait contradictoires ; que la cour d'appel, qui a retenu que la société Adicam avait "en toute connaissance de cause accepté de prendre en compte ces avantages", tout en constatant par ailleurs que la société Adicam n'avait pas reçu communication des bulletins de salaire sur lesquels ils figuraient et qu'elle pouvait contrôler, ce dont il ressort qu'elle n'avait pas connaissance de la nature des éléments de rémunération, n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
6 / que l'article 2 de l'accord du 22 janvier 1985, conclu entre la Fédération nationale du crédit agricole et des organisations syndicales, sur la mise en place d'un régime de retraite complémentaire, modifié par l'avenant de 1991, prévoit que "les éléments non prévus par la Convention collective nationale des cadres de direction et qui prennent en compte une situation particulière peuvent être compris dans le salaire mensuel de référence lorsqu'ils ont été versés régulièrement au cours des années retenues pour le calcul du salaire de référence" ; qu'il en résulte qu'un élément de rémunération non prévu par la convention collective ne peut être inclus dans le salaire de référence qu'avec l'accord de la société gestionnaire du régime ; que la cour d'appel, qui a déduit l'acceptation d'avantages en nature, non prévus par la convention collective, de la seule possibilité de prendre connaissance de la nature des avantages litigieux dans le cadre d'un contrôle des déclarations du salarié, dirigeant d'une caisse régionale, en "exigeant... la remise des bulletins de salaire", a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 2 de l'accord du 22 janvier 1985, modifié par l'avenant du 18 juillet 1991 ;
Mais attendu que la cour d'appel qui, sans se contredire et par une appréciation souveraine des faits et des preuves, a estimé que la société Adicam avait accepté de prendre en considération, pour le calcul du salaire de référence, les avantages en nature bien qu'ils ne fussent pas prévus par la convention collective applicable, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen du pourvoi de la société Adicam :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir inclus dans le salaire de référence les indemnités compensatrices de congés payés perçues en 1992, alors, selon le moyen :
1 / que l'indemnité compensatrice de congés payés versée à l'occasion de la cessation du contrat de travail a un caractère indemnitaire ; qu'elle n'a donc pas un caractère d'élément de rémunération habituel et ne doit pas être incluse dans le salaire de référence servant à calculer la retraite dite "retraite chapeau" ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 2, alinéa 3, de l'accord du 22 janvier 1985, tel que modifié par l'article 2 de l'avenant du 18 juillet 1991 ;
2 / que doivent être exclus du salaire de référence les éléments de rémunération ne répondant pas aux conditions de l'article 2 de l'accord du 22 janvier 1985 tel que modifié par l'avenant du 18 juillet 1985, peu important qu'ils aient été inclus par l'employeur dans la déclaration transmise à la société chargée d'établir le salaire de référence ; qu'en retenant que la décision d'un organe de direction de l'employeur d'inclure dans la déclaration des éléments de rémunération non prévus par la convention collective obligeait la société Adicam à les prendre en compte pour le calcul du salaire de référence, la cour d'appel a violé l'article 2, alinéa 3, de l'accord du 22 janvier 1985, tel que modifié par l'article 2 de l'avenant du 18 juillet 1991 ;
3 / que la société chargée d'établir le salaire de référence peut exercer une action tendant à faire constater que des éléments de rémunération régulièrement versés au salarié n'entrent cependant pas dans le calcul du salaire de référence ; qu'en affirmant que la mission de vérification de l'assiette des droits confiée à la société Adicam ne lui permettait pas de contester la régularité des éléments de rémunération versés au salarié, quand elle devait seulement s'interroger sur le statut de ces éléments au regard de l'accord du 22 janvier 1985, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 de l'accord du 22 juillet 1985, tel que modifié par l'avenant du 18 juillet 1991 ;
4 / qu'il appartient au salarié de demander l'accord de la société chargée d'établir le salaire de référence nécessaire à la prise en compte des éléments de rémunération non prévus par la convention collective nationale des cadres de direction ; qu'il revient donc au salarié de faire connaître à ladite société l'existence de ces éléments ; qu'en affirmant qu'il n'incombait qu'à la société Adicam de demander aux salariés de joindre les bulletins de paie à la déclaration des revenus propres à la renseigner sur l'existence de ces éléments de rémunération, la cour d'appel a violé l'article 2 de l'accord du 22 janvier 1985, tel que modifié par l'article 2 de l'avenant du 18 juillet 1991 ;
Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article 2, alinéa 3, de l'accord collectif du 22 janvier 1985, modifié par l'avenant du 18 juillet 1991, que, lorsque la dernière année d'activité au crédit agricole est prise en compte pour la détermination du salaire annuel de référence, en sont exclus les éléments qui n'entrent pas dans la rémunération brute annuelle habituelle et qui sont versés à l'occasion de la cessation du contrat de travail ; ensuite, que l'indemnité compensatrice de congés payés due au salarié dont le contrat de travail est rompu avant qu'il n'ait pu bénéficier de ses droits à congé a le caractère d'un salaire qui, dû au titre de droits à congé acquis annuellement, constitue un élément de la rémunération annuelle habituelle prévue par la convention collective ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la dernière année d'activité du salarié au titre de laquelle une indemnité compensatrice de congés payés lui avait été versée, avait été prise en compte pour le calcul du salaire de référence, a exactement décidé, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, que, bien que versée à l'occasion de la cessation de son contrat de travail, cette indemnité devait être incluse dans le calcul du salaire de référence ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de M. X... :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que devaient être exclus du salaire de référence les sommes de 180 862 francs et 130 432 francs versées au salarié en 1990 et 1991, alors, selon le moyen :
1 / que les sommes versées à M. X... en 1990 et 1991, même si elles correspondaient dans leur montant au congé supplémentaire de six mois prévu en cas de départ en préretraite à l'âge de 55 ans, avaient été allouées en contrepartie du maintien en activité du salarié jusqu'à l'âge de 58 ans et 7 mois et avaient de ce fait été déclarées sous l'appellation d'"avantages en nature" ; qu'en décidant néanmoins que ce complément salarial devait être qualifié de prime de départ anticipé cependant qu'il ne correspondait pas à un tel départ, et par conséquent exclu du salaire de référence, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2 / que l'alinéa 4 de l'article 2 de l'accord collectif du 22 janvier 1985 prévoit que "les éléments non prévus par la Convention collective nationale des cadres de direction et qui prennent en compte une situation particulière peuvent être compris dans le salaire de référence lorsqu'ils ont été versés régulièrement au cours des années retenues pour le calcul du salaire de référence" ; qu'en l'espèce, la somme qui aurait due être versée au titre des congés supplémentaires en 1989, à M. X..., s'il était parti en préretraite à l'âge de 55 ans, l'a été, d'un commun accord entre les parties, en 1990 et 1991 compte tenu des circonstances particulières de l'espèce tenant au maintien en activité du salarié au-delà de 55 ans ; qu'ainsi les sommes litigieuses auraient dû être incluses dans le salaire de référence ; qu'en refusant de statuer en ce sens la cour d'appel a violé l'article précité ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a estimé que les sommes litigieuses versées par l'employeur en 1990 et 1991 à M. X... qui devait partir en préretraite en 1992, représentaient le règlement par anticipation de l'indemnité de congés de préretraite prévu par un accord d'entreprise relatif au départ anticipé à la retraite ; qu'elle en a exactement déduit que ces sommes, versées à l'occasion de la cessation du contrat de travail, se trouvaient exclues du calcul du salaire de référence en application de l'alinéa 3 de l'article 2 de l'accord du 22 janvier 1985 ;
Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que les sommes litigieuses avaient été réglées en 1990 et 1991 au titre de l'indemnité de congés de préretraite, ce dont il résulte qu'elles ne constituaient pas un élément de rémunération régulièrement versé au cours des trois années retenues pour l'établissement du salaire de référence, la cour d'appel a fait ressortir que n'étaient pas réunies les conditions requises par l'alinéa 4 du texte précité pour que soit décidée, par un commun accord des parties, l'inclusion de ces sommes dans le salaire de référence ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille cinq.