AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 octobre 2002) qu'une information judiciaire a été ouverte en 1979 contre M. Maurice X..., gérant des sociétés Promex et Soteca des chefs d'escroquerie, publicité mensongère, faux en écriture, abus de biens sociaux et autres infractions au droit de la faillite et des sociétés ; que le juge d'instruction de Tarbes a fait procéder, en 1980, à la saisie de divers documents qui n'ont été restitués qu'en 1992 ; qu'auparavant, le 28 janvier 1981, le tribunal de commerce de Pau a rendu un jugement faisant droit à la demande de règlement judiciaire formulée par M. Maurice X... ; que la conversion en liquidation de biens est intervenue le 18 novembre 1981 ; que les procédures collectives ont été clôturées le 9 février 1993 ; qu'à l'issue de la procédure pénale, M. Maurice X... a été définitivement relaxé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mai 1987 ; que MM. Christian X... et Y..., associés de M. Maurice X..., ont alors demandé la condamnation de l'agent judiciaire du Trésor public à la réparation du préjudice que leur avait causé cette procédure ;
Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de toutes leurs demandes, alors, selon le moyen :
1 / que la réparation du préjudice subi par la victime d'une intervention judiciaire qui ne la concernait pas est seulement subordonnée à la preuve du caractère spécial et anormal de ce dommage ; que, dès lors, en retenant qu'il incombait à MM. X... et Y..., pour pouvoir utilement fonder leur action sur l'existence d'une responsabilité sans faute de l'Etat à raison du préjudice qu'ils avaient subi consécutivement à la saisie de l'ensemble des documents d'exploitation des sociétés dont ils étaient associés ordonnée sur commission rogatoire dans le cadre d'une information pénale à laquelle ils étaient étrangers, d'établir, outre le caractère anormal de la charge supportée par eux en contrepartie des avantages résultant de l'intervention de la puissance publique, qu'ils avaient été exposés à un risque présentant un caractère exceptionnel lié à un danger auquel ils auraient été exposés dans leur personne même, la cour d'appel, a méconnu le principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ;
2 / qu'en se bornant à affirmer qu'en toute hypothèse, MM. X... et Y... ne démontraient pas le caractère anormal de la charge qu'ils avaient supportée en contrepartie des avantages résultant de l'intervention de la puissance publique sans réfuter les motifs des premiers juges selon lesquels l'obligation dans laquelle la juridiction consulaire s'était trouvée, du fait de la saisie de toutes les archives des sociétés Promex et Soteca, de prononcer le règlement judiciaire puis la liquidation judiciaire de ces deux sociétés constituait un dommage excédant par sa gravité les charges qui devaient être normalement subies par les associés en contrepartie des nécessités de l'intervention judiciaire, ce qu'elle était pourtant tenue de faire dès lors que MM. X... et Y... sollicitaient la confirmation du jugement sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a souverainement constaté, contrairement à l'appréciation des premiers juges, que MM. X... et Y... ne démontraient pas le caractère anormal de la charge supportée par eux en contrepartie des avantages résultant de l'intervention de la puissance publique, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. X... et Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'agent judiciaire du Trésor ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille cinq.