AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Lorenzo de X... est né le 16 décembre 1998 à Arles de M. de X..., de nationalité italienne, et de Mme Y..., de nationalité italienne et française, qui l'avaient tous deux reconnu avant la naissance ; que Mme Y..., quittant Rome où le couple s'était installé, est rentrée en France avec l'enfant le 23 juillet 1999 ; que, statuant sur la demande du procureur de la République, à laquelle s'était associé M. de X..., le tribunal de grande instance de Tarascon a, par jugement du 25 octobre 1999 assorti de l'exécution provisoire, ordonné le retour immédiat de l'enfant à Rome au domicile de son père sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ; que, par ordonnance du 10 décembre 1999, le juge aux affaires familiales de Tarascon, saisi par Mme Y..., a dit que les parents exerçaient conjointement l'autorité parentale sur l'enfant, fixé la résidence de Lorenzo chez sa mère et réservé le droit de visite et d'hébergement du père ; que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel, joignant les deux appels, a confirmé ces deux décisions ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les conditions prévues pour l'application de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 étaient réunies et ordonné le retour immédiat de l'enfant au domicile de son père à Rome d'abord en ne recherchant pas si le retour de l'enfant ne pouvait pas le placer dans une situation intolérable, compte tenu de son âge qui ne permettait pas un éloignement durable de sa mère avec laquelle il avait toujours vécu et alors qu'il ne connaissait pratiquement pas son père et ensuite en ne recherchant pas si les violences du père à l'égard de la mère ne pouvaient pas se retourner contre l'enfant ou si le comportement du père à l'égard de la mère ne présentait pas en tout état de cause un danger psychologique pour l'enfant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 13 de la Convention ;
Mais attendu qu'après avoir décidé que, le déplacement de l'enfant étant illicite au sens de l'article 3 de la Convention, les conditions pour ordonner son retour étaient réunies, les juges du fond, appréciant souverainement les témoignages faisant état de la violence de M. de X... à l'égard de Mme Y..., ont estimé que l'existence d'un risque grave que le retour de l'enfant l'expose à un danger physique ou psychique ou, de toute autre manière, le place dans une situation intolérable n'était pas établie ; qu'ils ont ainsi légalement justifié leur décision ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Vu l'article 16 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'après avoir été informées du déplacement illicite d'un enfant ou de son non retour dans le cadre de l'article 3, les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat contractant où l'enfant a été déplacé ou retenu ne pourront statuer sur le fond du droit de garde tant que les conditions prescrites par la Convention pour un retour de l'enfant n'ont pas été satisfaites ;
Attendu que, pour déclarer la demande de Mme Y... recevable et confirmer la décision ayant fixé la résidence de l'enfant chez la mère, l'arrêt attaqué retient d'abord que le juge aux affaires familiales n'a statué sur le fond du droit de garde qu'après que les dispositions de la Convention ont été mises en oeuvre, ensuite que le jugement du 25 octobre 1999 ordonnant le retour immédiat de l'enfant au domicile de son père n'a pas eu pour effet de priver Mme Y... de l'autorité parentale et enfin qu'il ne peut lui être reproché de garder l'enfant avec elle alors qu'une décision, exécutoire de droit à titre provisoire, a fixé la résidence habituelle de l'enfant chez elle ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'elle constatait par ailleurs que la décision de retour immédiat de l'enfant au domicile de son père n'avait pas été exécutée de sorte que la juridiction française ne pouvait décider du fond du droit de garde et devait, à tout le moins, surseoir à statuer sur la demande de Mme Y... en l'attente de la remise de l'enfant, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge aux affaires familiales de Tarascon du 10 décembre 1999 ayant dit que l'autorité parentale sur Lorenzo, né le 16 décembre 1998, sera exercée par les deux parents, fixé la résidence de l'enfant chez la mère, et réservé le droit de visite et d'hébergement du père, l'arrêt rendu le 29 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille cinq.