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19/01/2005 | FRANCE | N°04-84375

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 janvier 2005, 04-84375


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CORNELOUP, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Maurice,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 26 mai 2004, qui, pour agressions

sexuelles aggravées, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement dont 1 an avec sursis, et ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CORNELOUP, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Maurice,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 26 mai 2004, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement dont 1 an avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 2 du protocole n° 7 additionnel à la même Convention, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Maurice X... coupable d'agressions sexuelles aggravées sur Frank Y..., Charlie Z... et d'agression sexuelle sur Eric A... et en répression l'a condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis ;

"alors que figure au rang des droits de la défense le droit pour la personne mise en cause d'être confronté à ses accusateurs afin que les accusations soient utilement et contradictoirement débattues ; que le respect de ce droit doit être assuré à tous les stades de la procédure, y compris en appel, alors que l'accusation repose uniquement sur les seules déclarations des prétendues victimes contredites par la personne mise en cause ;

que tel était le cas en l'espèce, Maurice X... ayant toujours contesté les faits d'agressions sexuelles dont il était accusé par ses ex-salariés ; qu'en refusant d'entendre les plaignants en cause d'appel et de les confronter à Maurice X... pour que soient débattues contradictoirement leurs accusations, la cour d'appel a méconnu les droits de sa défense et l'a privé d'un accès concret et effectif à un double degré de juridiction ;

Attendu que, faute d'avoir fait citer devant la juridiction du second degré les témoins avec lesquels il souhaitait être confronté, comme l'y autorise l'article 513 du Code de procédure pénale, le prévenu ne saurait se faire un grief de l'absence de confrontation avec eux ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-27, 222-28 du Code pénal, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Maurice X... coupable d'agression sexuelle aggravée sur Franck Y... ;

"aux motifs adoptés que les faits commis à l'égard de Franck Y... ne se sont produits qu'à une reprise lors d'un déplacement ; il résulte clairement des explications de ce dernier qu'il s'est réveillé en pleine nuit alors que Maurice X... était en train de le masturber ; les faits ont donc été commis sur la personne de Franck Y... par surprise, et les éléments constitutifs de l'infraction d'agression sexuelle aggravée sont parfaitement établis ;

"et aux motifs propres que Maurice X..., employeur de Franck Y... depuis le 15 juin 1998, avait autorité sur les victimes qui ne pouvaient refuser ni d'effectuer des déplacements professionnels, ni de partager une chambre commune avec leur employeur (Franck Y...) ;

"alors, d'une part, que le délit d'agression sexuelle pour être constitué doit avoir été commis avec violence, contrainte, menace ou surprise ; ces moyens doivent avoir été la cause déterminante des actes non consentis et être appréciés de manière concrète en fonction de la capacité de résistance de la victime ;

qu'en se bornant à constater que Franck Y... s'était réveillé en pleine nuit alors que Maurice X... était en train de le masturber, sans relever aucun élément permettant de caractériser la violence, la contrainte, la menace ou la surprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, d'autre part, que ne saurait mieux justifier l'usage de la violence, la menace, la contrainte ou la surprise, la cour d'appel qui a relevé que Maurice X... avait autorité sur Franck Y... qui ne pouvait refuser de partager une chambre commune avec son employeur ; que ce faisant, elle a confondu les éléments constitutifs de l'infraction avec la circonstance aggravante d'autorité et ainsi a privé sa décision de tout fondement légal ;

"alors, enfin, que la circonstance aggravante prévue par les articles 222-27 et 222-28, 2 , du Code pénal suppose que l'auteur de l'infraction occupe ou exerce une fonction de nature à lui conférer une autorité sur la victime et qu'il use de cette autorité pour arriver à ses fins ; qu'en se bornant à relever que Maurice X..., qui avait engagé Franck Y..., avait partagé une chambre avec lui, fait qui ne relève aucune autorité de droit ou de fait, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-27, 222-28 du Code pénal, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Maurice X... coupable d'agressions sexuelles aggravées sur Charlie Z... ;

"aux motifs adoptés qu'il résulte des explications de Charlie Z... que les faits d'agression sexuelle et consistant en des attouchements et une fellation ont eu lieu à plusieurs reprises ;

comme il a été dit pour Eric A..., la condition de la surprise n'a pu intervenir qu'au début de ces relations qui se sont néanmoins poursuivies pour finir par une agression plus grave ; il ressort également de ces explications que si Charlie Z... n'a pas opposé à Maurice X... de refus formel de subir de tels actes, il ne les a pas non plus acceptés ;

"et aux motifs propres que Maurice X..., employeur de Charlie Z... depuis juillet 2000, avait autorité sur les victimes qui ne pouvaient pas refuser d'effectuer des déplacements professionnels et qui étaient vivement invitées à se faire pratiquer des massages (Charlie Z...) ;

"alors, d'une part, que le délit d'agression sexuelle suppose que soit constaté l'usage de la violence, la menace, la contrainte ou la surprise ; qu'en déclarant Maurice X... coupable d'agression sexuelle sur la personne de Charlie Z..., en se bornant à relever que s'il n'a pas opposé à Maurice X... de refus formel de subir de tels actes, il ne les pas non plus acceptés, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs dubitatifs et hypothétiques, a privé sa décision de toute base légale ;

"alors, d'autre part, que les juges ne pouvaient sans contradiction affirmer que pour Charlie Z..., comme pour Eric A... pour lequel Maurice X... a été relaxé pour une partie des faits, la surprise n'a pu jouer qu'au début, et déclarer Maurice X... coupable de l'ensemble des faits dénoncés par Charlie Z... ;

"alors, de surcroît, que la cour d'appel, qui n'avait pas démontré l'usage de violence, menace, contrainte ou surprise à l'encontre de Charlie Z..., ne pouvait pas se contenter d'affirmer que Maurice X... avait autorité sur Charlie Z... et que ce dernier était vivement invité à se faire pratiquer des massages ; que ce faisant, la cour d'appel a confondu les éléments constitutifs de l'infraction avec la circonstance aggravante d'autorité et ainsi a privé sa décision de tout fondement légal ;

"alors, enfin, que la circonstance aggravante prévue par les articles 222-27 et 222-28, 2 , du Code pénal suppose que l'auteur de l'infraction occupe ou exerce une fonction de nature à lui conférer une autorité sur la victime et qu'il use de cette autorité pour arriver à ses fins ; qu'en se bornant à relever que Maurice X... avait engagé Charlie Z... et l'avait vivement invité à se faire pratiquer des massages, fait qui ne relève aucune autorité de droit ou de fait, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-27, 222-28 du Code pénal, 591 à 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Maurice X... coupable d'agressions sexuelles sur Eric A... ;

"aux motifs qu'après avoir relevé à juste titre qu'Eric A... avait subi une première agression sexuelle avant d'être embauché par Maurice X..., c'est à tort que les premiers juges ont cru devoir relaxer ce dernier des fins de la poursuite pour l'agression sexuelle commise en septembre 1999 ; en effet, si effectivement les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas réunis pour les faits postérieurs à décembre 1999 date à laquelle Eric A... a été embauché par Maurice X..., la surprise ne pouvant être retenue en raison de la connaissance qu'avait Eric A... des demandes sexuelles de Maurice X... et de ses subterfuges pour les satisfaire et la contrainte n'étant pas suffisamment caractérisée au regard des relations extra-professionnelles entretenues par les parties, ils le sont s'agissant de la première agression sexuelle qui a eu lieu en septembre 1999 à Strasbourg ; que Maurice X... rencontrant pour la première fois dans un cadre professionnel Eric A..., monteur sur le chantier, le conviant dans sa chambre d'hôtel sous le prétexte de soulager son genou douloureux, lui imposant une fellation à laquelle le jeune homme qui s'est décrit comme tétanisé, n'a pas pu s'opposer, a surpris le consentement de ce dernier ;

"alors, d'une part, que la surprise, élément constitutif du délit d'agression sexuelle consiste à surprendre le consentement de la victime et ne saurait se confondre avec la surprise exprimée par cette dernière ; qu'en se bornant à constater que Maurice X... avait rencontré pour la première fois dans un cadre professionnel Eric A..., monteur sur le chantier, l'avait convié dans sa chambre d'hôtel sous le prétexte de soulager son genou douloureux et lui avait fait une fellation à laquelle le jeune homme ne s'est pas opposé, la cour d'appel a constaté tout au plus la surprise d'Eric A... et non la surprise de son consentement ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, d'autre part, que la cour d'appel pouvait d'autant moins caractériser la violation du consentement d'Eric A... qu'elle a elle-même constaté qu'il avait accepté les relations sexuelles qu'il dénonce aujourd'hui" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a sans insuffisance ni contradiction caractérisé en tous leurs éléments tant matériels qu'intentionnels les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation au profit des parties civiles, de l'indemnité propre a réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, 132-24 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Maurice X... à trois ans d'emprisonnement dont un an avec sursis ;

"aux motifs adoptés que le casier judiciaire de Maurice X... ne porte trace d'aucune condamnation ; il peut donc bénéficier du sursis simple ; toutefois le tribunal entend faire une application rigoureuse de la loi pénale en prononçant également une peine d'emprisonnement ferme, au regard de la gravité de ces faits d'agressions sexuelles répétés, commises à l'égard de plusieurs salariés de son entreprise, et ayant entraîné un préjudice très important à leur égard ;

"et aux motifs propres que la peine d'emprisonnement prononcée par les premiers juges justifiée dans sa nature doit être augmentée en sa partie ferme afin de prendre en compte la gravité des agressions commises sur plusieurs années sur plusieurs salariés de l'entreprise, et le trouble causé à l'ordre public ;

"alors qu'en statuant ainsi, sans avoir suffisamment justifié le choix d'une peine de prison et de son quantum, sans référence ni aux circonstances précises de l'espèce, les salariés ayant volontairement entretenu les relations sexuelles qu'ils dénoncent aujourd'hui, ni aux aspects de la personnalité du prévenu, qui avait un casier judiciaire vierge, et en se bornant à des considérations générales concernant la gravité des faits et le trouble à l'ordre public, sans autre précision, la cour d'appel a méconnu le principe de la personnalisation des peines et a violé les dispositions des articles 132-19 et 132-24 du Code pénal" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement partiellement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-19 du Code pénal ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Corneloup conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-84375
Date de la décision : 19/01/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, 26 mai 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 jan. 2005, pourvoi n°04-84375


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.84375
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