AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que le Crédit lyonnais (la banque) ayant assigné Mme X... en paiement de certaines sommes au titre du solde débiteur de trois comptes ouverts dans ses livres, l'arrêt attaqué, statuant sur l'appel formé à l'encontre d'un jugement rendu par le tribunal d'instance au profit duquel le tribunal de grande instance s'était déclaré incompétent, a fait droit à ses demandes ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme X... reproche à la cour d'appel d'avoir rejeté la forclusion qu'elle invoquait, s'agissant des demandes formées au titre des comptes 50051T et 50213S alors que, selon le moyen :
1 / l'article 2246 du Code civil n'étant pas applicable à un délai de forclusion, la citation en justice portée devant une juridiction incompétente n'interrompt pas le délai de deux ans prévu à l'article L. 311-37 du Code de la consommation ; qu'ayant constaté que Mme X... avait été assignée par l'acte du 28 février 1996 devant une juridiction incompétente (le tribunal de grande instance de Paris), les juges du fond, qui ont retenu cette assignation pour considérer que la demande avait été formulée dans le délai de deux ans, ont violé les articles 2246 du Code civil et L. 311-37 du Code de la consommation ;
2 / en tout cas, faute d'avoir fait apparaître, d'une manière ou d'une autre, que la juridiction compétente (tribunal d'instance du 16e arrondissement de Paris) avait été saisie d'une demande du Crédit lyonnais et ce, dans le délai de deux ans, les juges du fond ont, en toute hypothèse, privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, ensemble au regard de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la forclusion édictée par l'article L. 311-37, alinéa 1er, du Code de la consommation n'est pas acquise lorsque la juridiction compétente est saisie avant l'expiration du délai de deux ans par la décision lui renvoyant la connaissance de l'affaire, prononcée par le tribunal incompétent devant lequel le créancier avait initialement porté son action ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué aux motifs critiqués par le troisième moyen, l'arrêt attaqué, qui constate que le tribunal de grande instance de Paris s'était déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance par jugement du 13 juillet 1996 et relève que la clôture des deux comptes litigieux, dont il n'est pas contesté qu'elle coïncidait avec l'exigibilité de la créance, datait du 14 octobre 1994, se trouve légalement justifié ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 311-37, alinéa 1er, du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001, applicable en la cause ;
Attendu que conformément à la règle selon laquelle le point de départ d'un délai à l'expiration duquel une action ne peut plus s'exercer se situe à la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance, le délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37, alinéa 1er, du Code de la consommation opposable à l'établissement de crédit qui agit en paiement court, dans le cas d'un crédit consenti sous forme de découvert en compte, à compter de la date à laquelle le solde débiteur devient exigible, c'est-à-dire, en l'absence de terme, à la date d'effet de la résiliation de la convention, à l'initiative de l'une ou l'autre des parties ;
Attendu que pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion opposée à la banque, s'agissant de la demande formée au titre du compte n° 7071 R, l'arrêt attaqué énonce qu'en matière de "compte courant" le point de départ du délai édicté par l'article L. 311-37 du Code de la consommation est la date à laquelle le solde débiteur devient exigible, c'est-à-dire la date de clôture du compte, intervenue en l'espèce le 1er octobre 1994 ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le montant du découvert n'était pas devenu exigible le 13 juin 1994 du fait de la résiliation de la convention suivant laquelle il avait été consenti alors que celle-ci étant soumise aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du Code de la consommation, il ne pourrait être fait échec aux règles protectrices prévues par ces dispositions par le seul effet de la dénomination de compte courant donnée par les parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le Crédit lyonnais n'était pas forclos en son action en paiement du solde débiteur du compte n° 7071 R et a condamné Mme X... au paiement de ce chef de la somme de 155 847,17 francs avec intérêts au taux de 15,75% à compter du 1er octobre 1994, l'arrêt rendu le 11 janvier 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le Crédit lyonnais aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et du Crédit lyonnais ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille cinq.