LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, le 13 juillet 2000, le directeur du centre EDF-GDF Services Paris Rive gauche a notifié à M. X..., technicien clientèle, la sanction disciplinaire de la rétrogradation de 3 GF avec abaissement de 2 NR à compter du 1er août 2000 pour "pression verbale exercée à l'encontre d'un agent, de nature à provoquer chez ce dernier un sentiment d'insécurité physique", lui faisant ainsi grief d'avoir, quelques jours après la grève du personnel du centre du 29 septembre 1999, reproché à une employée, Mlle Y..., son refus de participation au mouvement et de lui avoir déclaré, d'une manière qui aurait été menaçante, que "d'autres étaient tombés dans les escaliers pour moins que ça" ; que le salarié a demandé le 20 juillet 2000 la convocation d'EDF-GDF devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'annulation de la sanction et de condamnation de l'employeur au paiement d'un rappel de salaire correspondant à la rétrogradation et à la réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 11 et 12 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;
Attendu que la cour d'appel a décidé que la sanction infligée à l'intéressé était régulière après avoir constaté que les faits sanctionnés avaient été commis aux mois de septembre-octobre 1999 ;
Attendu, cependant, que, selon les articles 11 et 12 de la loi du 6 août 2002, sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils ont été retenus comme motifs de sanctions prononcées par l'employeur ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que les faits retenus par l'employeur comme motif de la sanction avaient été commis avant le 17 mai 2002 à l'occasion d'un conflit du travail et qu'ils ne sont contraires ni à l'honneur ni à la probité ni aux bonnes moeurs, la cour d'appel, à laquelle, de surcroît, il revenait d'ordonner la réouverture des débats sur la question de l'amnistie dès lors que la loi qui la prévoit est entrée en vigueur entre la date de l'audience et celle du prononcé de l'arrêt, a violé les textes susvisés ;
Sur les deuxième et troisième moyens :
Attendu que si le pourvoi du salarié formé contre l'arrêt est devenu sans objet en ce qui concerne la sanction elle-même, le salarié demeure recevable à critiquer l'arrêt en ce qu'il l'a débouté des demandes de rappel de salaire et d'indemnisation ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire et d'indemnisation, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis d'une lettre de convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire ; que l'article 222 de la circulaire PERS 846 relative à la procédure disciplinaire, annexée au statut du personnel des industries électriques et gazières, prévoit que la convocation à l'entretien préalable à la sanction doit indiquer que les faits commis par l'agent sont considérés comme fautifs ; que la lettre de convocation à l'entretien préalable du 22 novembre 1999 ne comporte pas la mention que les faits commis par l'agent sont considérés comme fautifs ; qu'en considérant, au contraire, de façon implicite mais certaine, que cette lettre comportait la mention exigée par les dispositions statutaires, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, violant ainsi, par fausse application, l'article 1134 du Code civil ;
2°/ que le pouvoir conféré au juge par l'article L. 122-43 du Code du travail pour annuler une sanction irrégulière en la forme s'exerce, non seulement en cas d'inobservation des règles de la procédure disciplinaire édictées par l'article L. 122-41 du même Code, mais aussi dans l'hypothèse où auraient été méconnues des règles prévues par une procédure conventionnelle ou statutaire comportant, pour les salariés faisant l'objet de poursuites disciplinaires, des garanties supérieures ou des avantages supplémentaires à ceux prévus par la loi ; que le salarié qui se prévaut de l'irrégularité de la procédure disciplinaire n'a pas à démontrer qu'il a subi un préjudice du fait de cette irrégularité ; que l'article 2313 de la PERS 846 prévoit qu'un rapporteur, membre de la commission secondaire du personnel, est désigné dans les conditions définies préalablement par cet organisme par le président qui dirigera les débats de la séance au cours de laquelle sera examiné le dossier ; que la cour d'appel, qui a relevé que la commission secondaire du personnel n'avait été informée ni consultée sur la désignation du rapporteur, de sorte que celle-ci avait été nécessairement faite en violation de l'article 2313 précité, et qui a cependant refusé d'annuler la sanction au motif erroné selon lequel M. X... n'invoquait aucun manquement de la part du rapporteur à son obligation d'impartialité et d'objectivité, a violé, par refus d'application, les articles L. 122-43 du Code du travail et 2313 de la PERS 846 ;
3°/ que l'article 6-I de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; que l'article 2313 de la PERS 846, qui prévoit que le rapporteur est nommé par le président qui dirigera la séance selon les conditions définies préalablement par la commission secondaire du personnel, fournit au salarié une garantie d'indépendance et d'impartialité du rapporteur nommé qui doit être respectée, et en l'absence de laquelle la procédure disciplinaire est irrégulière sans que le salarié ait à démontrer a posteriori que le rapporteur, pris individuellement, n'aurait pas rempli ses obligations d'impartialité et d'indépendance ; qu'en reprochant à M. X... de ne pas démontrer l'absence d'impartialité et d'objectivité du rapporteur quand celui-ci n'avait pas été nommé conformément aux dispositions statutaires, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 6-I de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ qu'il résulte des articles 2311, 2313 et 23144 de la PERS 846 que le rapport dressé par l'autorité compétente constitue le document de base du dossier disciplinaire et doit comporter à ce titre, en particulier, les déclarations faites au cours de l'entretien préalable ; que, par voie de conséquence, le rapporteur doit disposer de ce rapport comme de l'ensemble des autres pièces du dossier pour établir son propre rapport, lequel sera soumis à la commission secondaire du personnel ; qu'après avoir relevé que le rapport du rapporteur avait été établi sans que celui-ci ait eu connaissance du rapport dressé par l'autorité compétente, la cour d'appel, qui a refusé d'annuler la sanction au motif erroné en droit selon lequel cette irrégularité ne pouvait entraîner l'annulation dès lors que la commission qui avait procédé à l'examen du dossier de M. X... était en possession de tous les éléments visés à l'article 2311 de la PERS 846 et donc, en particulier, du rapport dressé par l'autorité compétente, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles L. 122-43 du Code du travail et 2311, 2313 et 23144 de la PERS 846 ;
Mais attendu, d'abord, qu'il résulte des productions du demandeur lui-même que la lettre de convocation à l'entretien préalable à la sanction disciplinaire indique que les faits constatés à l'encontre du salarié sont de nature à entraîner une sanction pouvant aller jusqu'à la révocation sans pension, d'où il résulte nécessairement qu'ils ont été considérés comme fautifs par l'employeur ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel n'a fait qu'user du pouvoir d'appréciation qu'elle tient de l'article L. 122-43 du Code du travail en décidant qu'il n'y avait pas lieu à annulation de la sanction ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen :
1°/ que les sanctions pécuniaires sont prohibées ; que constitue une sanction pécuniaire une rétrogradation dans la grille des qualifications et des rémunérations ne s'accompagnant d'aucun changement d'emploi ni de fonction, le seul effet de la rétrogradation étant de nature financière ; que la cour d'appel, qui a écarté le moyen d'annulation selon lequel sa rétrogradation n'ayant entraîné aucun changement d'emploi ni de fonction était une sanction pécuniaire illicite, au seul motif qu'une telle rétrogradation avait entraîné pour le salarié non seulement une baisse de rémunération mais aussi une rétrogradation dans l'évolution de sa carrière, a ainsi caractérisé une rétrogradation dans la carrière du salarié en terme de rémunération, mais non en terme d'emploi, a violé, par refus d'application, l'article L. 122-42 du Code du travail ;
2°/ qu'aux termes de l'article L. 122-41 du Code du travail, aucune sanction ne peut être infligée au salarié sans que celui-ci ne soit informé dans le même temps et par écrit des griefs retenus contre lui ; que l'employeur ne peut, en cours de procédure, invoquer un fait distinct de celui ayant motivé l'exercice du pouvoir disciplinaire ; que le juge ne peut retenir à l'encontre du salarié un grief qui n'a pas été énoncé dans la lettre notifiant la sanction disciplinaire ; qu'en retenant à l'encontre de M. X... le fait qu'il avait nié ou minimisé les faits au cours de la procédure disciplinaire, la cour d'appel, qui a retenu un grief qui, ne figurant pas dans la lettre de notification de la sanction, n'avait pu motiver l'exercice du pouvoir disciplinaire, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé, par refus d'application, l'article L. 122-41 du Code du travail ;
3°/ que le salarié jouit, dans l'entreprise, de la liberté d'expression et dans une procédure disciplinaire du choix de ses moyens de défense ; que les paroles prononcées par un salarié au cours d'une procédure disciplinaire statutaire ne peuvent, sauf abus, être imputées à faute ; que la cour d'appel, qui a reproché à M. X... d'avoir nié ou minimisé les faits au cours de la procédure disciplinaire, sans relever aucun abus des droits d'expression et de la liberté de défense du salarié, a violé, par refus d'application, l'article L. 122-43 du Code du travail ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, qui a constaté que la mesure prise à l'encontre du salarié avait entraîné, outre une baisse de sa rémunération, une rétrogradation de l'évolution de sa carrière, a pu décider qu'elle ne caractérisait pas une sanction pécuniaire prohibée ;
Attendu, en deuxième lieu, que, contrairement aux énonciations de la deuxième branche du moyen, la cour d'appel, qui s'en est tenue aux termes de la lettre de notification de la sanction, n'a pas retenu le grief d'avoir nié ou minimisé les faits fautifs ;
Attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel, appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que la sanction infligée au salarié n'était pas injustifiée et qu'elle était proportionnée à la faute commise ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa deuxième branche, n'est fondé en aucune de ses autres branches ;
PAR CES MOTIFS :
Constate l'AMNISTIE des faits ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le syndicat CGT Energie Paris et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille cinq.