La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2004 | FRANCE | N°02-13638

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 décembre 2004, 02-13638


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens, pris chacun en leurs différentes branches, et réunis :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 1er février 2002), que M. X..., qui avait ouvert plusieurs comptes dont un compte de titres à la Caisse régionale de Crédit agricole du Morbihan, a, à partir de la fin de l'année 1991, effectué par l'intermédiaire de cet établissement, des opérations de bourse à terme sur le Marché des options négociables de Pa

ris (le Monep) ; que le 25 août 1992, l'intéressé, à qui n'avait été remise, lors d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens, pris chacun en leurs différentes branches, et réunis :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 1er février 2002), que M. X..., qui avait ouvert plusieurs comptes dont un compte de titres à la Caisse régionale de Crédit agricole du Morbihan, a, à partir de la fin de l'année 1991, effectué par l'intermédiaire de cet établissement, des opérations de bourse à terme sur le Marché des options négociables de Paris (le Monep) ; que le 25 août 1992, l'intéressé, à qui n'avait été remise, lors des premières opérations, aucune note d'information sur les conditions de fonctionnement de ce marché et ses risques, a attesté avoir pris connaissance de celle, visée par la Commission des opérations de Bourse (la COB) le 10 décembre 1991 ; que les positions ayant cessé d'être suffisamment couvertes le 31 octobre 1996, la Caisse régionale de Crédit agricole du Morbihan, a, en février 1997, invité son client à compléter la couverture de ses opérations puis a commencé à lui adresser régulièrement des relevés de calcul de celle-ci ; qu'après avoir poursuivi encore quelques mois son activité boursière, M. X... a dénoncé ses positions en décembre 1997 ; que la liquidation, intervenue en janvier 1998, ayant fait apparaître un solde débiteur de plus de 371 000 francs, M. X... a mis en cause la responsabilité du Crédit agricole, lui reprochant, notamment, d'avoir manqué à son obligation d'information en ne lui remettant pas, lors de l'ouverture du compte et des premiers ordres, la note d'information prévue par les textes, ni, ensuite, aucun relevé de calcul de couverture de ses opérations avant mars 1997, et de s'être abstenu de liquider ses positions dès qu'il avait constaté qu'elles étaient insuffisamment couvertes ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du rejet de ces prétentions, alors, selon le moyen :

1 ) qu'en se bornant à relever, pour démontrer qu'il avait bien reçu, lors de la signature de son attestation, soit le 25 août 1992, une note d'information visée par la COB et non de simples fiches techniques, que seule la copie de la note d'information ayant reçu le visa de la COB le 10 décembre 1991, se trouvait à son dossier de plaidoirie et que celle-ci n'avait pu lui être remise par la banque en 1997, car ne lui avait été remis en 1997 qu'un duplicata d'une note d'information, visée par la COB le 1er juillet 1997, éléments dont il ne résulte pas qu'il aurait effectivement reçu en 1992, une note visée par la COB, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

2 ) qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas démontré ni même allégué que l'absence d'information entre la fin de l'année 1991, date de commencement des opérations, et le 25 août 1992 lui aurait causé un quelconque préjudice, sans rechercher, comme elle y était invitée, si en raison de ce défaut d'information, il n'avait pas eu conscience, au fur et à mesure des opérations, des risques qu'il prenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

3 ) que les positions insuffisamment couvertes doivent être liquidées à la clôture d'une séance dans le délai du jour de bourse suivant ; que cette règle est édictée dans l'intérêt du donneur d'ordre, qui a ainsi la certitude que sa situation ne pourra pas s'aggraver indéfiniment ;

qu'en affirmant cependant que cette règle est instituée dans le seul intérêt du fonctionnement du marché et que le donneur d'ordre ne peut s'en prévaloir, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

4 ) que le juge ne peut méconnaître les limites du litige, telles qu'elles sont déterminées par les prétentions respectives des parties fixées dans leurs conclusions ; que la banque ne contestait pas qu'au 31 octobre 1996, date à laquelle sa position aurait dû être liquidée, le solde débiteur de celui-ci était moindre qu'à la fin du mois de décembre 1997, date à laquelle cette liquidation est intervenue ; qu'en affirmant cependant qu'il ne démontrait pas que si la liquidation était intervenue le 31 octobre 1996, le solde débiteur aurait été moindre que ce qu'il fût en décembre 1997, la cour d'appel a violé les articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile ;

5 ) que la note d'information relative au Monep, visée par la COB le 10 décembre 1991, fait obligation à la banque de remettre spontanément à son client les relevés de couverture le concernant ; que celle-ci est donc tenue de fournir ces documents sans attendre qu'ils lui soient réclamés ; qu'en affirmant cependant que la Caisse régionale de Crédit agricole du Morbihan n'avait pas commis de faute en s'abstenant de lui communiquer ses relevés de couverture, dès lors qu'il lui appartenait de les réclamer à la banque, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

6 ) que pour décider que le fait que les relevés de couverture ne lui aient pas été remis par la Caisse régionale de Crédit agricole du Morbihan était resté sans influence sur le solde débiteur de son compte, la cour d'appel a relevé qu'une fois informé, en mars 1997, cinq mois après sa première insuffisance de couverture, celui-ci avait pourtant poursuivi ses opérations sur le Monep ; qu'en statuant de la sorte sans rechercher si, à la date à laquelle il aurait dû être informé et à laquelle son solde débiteur était bien moindre, il aurait immédiatement cessé ses opérations dans l'hypothèse où il aurait été informé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève, tant par motifs propres qu'adoptés, que M. X... avait pratiqué personnellement, à partir de 1991 et pendant six années, plusieurs centaines d'opérations sur le Monep, qu'il était devenu un opérateur particulièrement averti et très informé des mécanismes boursiers de ce marché très particulier et des risques qui lui étaient inhérents et que les pertes concernaient des opérations réalisées en 1997 ; qu'en l'état de ces motifs dont il résultait, d'abord, qu'à la supposer établie, la faute imputée à la Caisse régionale de Crédit agricole du Morbihan pour avoir omis, en 1991, lors de l'ouverture du compte et des premiers ordres, de remettre à son client la note visée par la COB, n'était pas en relation de cause à effet avec le préjudice subi plusieurs années plus tard par M. X... qui avait alors acquis par l'expérience toute la connaissance nécessaire et, ensuite, que cet établissement, qui n'aurait été tenu d'informer son client des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme que dans le cas où celui-ci n'en aurait pas eu connaissance, n'avait pas non plus engagé sa responsabilité, pour les pertes survenues, en s'abstenant d'adresser à celui-ci, avant mars 1997, des relevés de couverture qui n'étaient pas de nature à lui révéler un risque dont il connaissait déjà parfaitement l'importance, la cour d'appel qui n'a pas violé le texte visé par la cinquième branche, a, abstraction faite des motifs inopérants ou surabondants critiqués par les première, deuxième, quatrième et sixième branches, justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, que les articles 4.6.1 et suivants du Règlement général du Conseil des bourses de valeur, relatifs à la couverture des opérations sur le marché à terme et à la liquidation des positions du donneur d'ordre en cas d'insuffisance de celle-ci, ayant été édictés dans l'intérêt des intermédiaires et de la sécurité du marché et visant à prévenir une défaillance des investisseurs, la cour d'appel a décidé à bon droit que la responsabilité de la banque ne pouvait être fondée, en l'absence d'obligation d'information, sur le seul fait qu'elle n'avait pas liquidé sans délai les positions de son client ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la Caisse régionale du Crédit agricole mutuel du Morbihan la somme de 2 000 euros ; rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-13638
Date de la décision : 14/12/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° BANQUE - Responsabilité - Faute - Violation de l'obligation d'information du client - Exclusion - Cas - Connaissance par le client des risques encourus sur les opérations spéculatives.

1° BOURSE DE VALEURS - Intermédiaire - Marché à terme - Opérations spéculatives - Risques encourus par le donneur d'ordre - Obligation d'information.

1° Ayant relevé que le client d'une banque avait personnellement pratiqué à partir de 1991 et pendant six années de très nombreuses opérations sur le Marché des options négociables de Paris (Monep) et que les pertes subies concernaient des opérations réalisées en 1997, une cour d'appel, après avoir énoncé qu'une banque n'est tenue d'informer son client des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme que dans le cas où celui-ci n'en aurait pas eu connaissance, a pu retenir qu'il était devenu un opérateur averti, très informé des mécanismes propres à ce marché et des risques qui lui sont inhérents et décider qu'il ne pouvait mettre en cause la responsabilité de la banque.

2° BOURSE DE VALEURS - Agent de change - Opération à terme - Nécessité d'exiger une couverture - Inobservation - Interdiction faite au donneur d'ordre de s'en prévaloir - Portée.

2° Les articles 4.6.1 et suivants du règlement général du Conseil des bourses de valeur, relatifs à la couverture des opérations sur le marché à terme et à la liquidation des positions du donneur d'ordre en cas d'insuffisance de celle-ci, étant édictées dans l'intérêt des intermédiaires et de la sécurité du marché, le donneur d'ordre averti qui pratique des opérations sur le Marché des options négociables de Paris (Monep) ne peut, en l'absence de devoir d'information de la banque, se prévaloir du fait que celle-ci n'a pas liquidé sans délai ses positions insuffisamment couvertes.


Références :

2° :
Règlement général du Conseil de bourse de valeur art. 4.6.1 et suivants

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 01 février 2002

Sur le n° 1 : Sur la responsabilité du banquier en cas de risques encourus sur des opérations spéculatives, dans le même sens que : Chambre commerciale, 1993-02-23, Bulletin 1993, IV, n° 68, p. 45 (cassation), et les arrêts cités ; Chambre commerciale, 2001-05-22, Bulletin 2001, IV, n° 94, p. 87 (rejet)

arrêt cité. Sur le n° 2 : Sur la possibilité pour le donneur d'ordre d'exiger le respect de la réglementation relative à la couverture des opérations sur les marchés, dans le même sens que : Chambre commerciale, 1993-02-23, Bulletin 1993, IV, n° 68, p. 45 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 déc. 2004, pourvoi n°02-13638, Bull. civ. 2004 IV N° 221 p. 247
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 IV N° 221 p. 247

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Jobard.
Rapporteur ?: Mme Collomp.
Avocat(s) : la SCP Richard, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.13638
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award