AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Rennes, 23 janvier 2002), que, par acte du 20 septembre 1996, la Banque de Bretagne (la banque) a consenti à la société Transports express bretons (la société) un prêt de 300 000 francs, garanti par les cautionnements de MM. Jacques et Jean-Claude X... et un nantissement de fonds de commerce ; que la société a été mise en redressement judiciaire le 10 octobre 1997 et a bénéficié d'un plan de redressement par cession totale de l'entreprise à la société La Flèche bleue ; que la banque a assigné MM. X... en exécution de leurs engagements ; que ceux-ci ont appelé en garantie la société La Flèche bleue en alléguant que son offre de cession comprenait la reprise des cautionnements ; que les cautions ont soutenu que la banque avait commis une faute devant entraîner leur décharge sur le fondement de l'article 2037 du Code civil, en omettant de procéder à une inscription modificative à la suite de la transmission du nantissement au cessionnaire ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que MM. X... reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés solidairement à payer à la banque la somme de 6 939, 46 euros, correspondant au solde du prêt litigieux, alors, selon le moyen :
1 / que l'article 93, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-96 du Code de commerce, qui vise "les sûretés immobilières et mobilières spéciales", s'applique au nantissement d'un fonds de commerce prévu par la loi du 17 mars 1909, lequel constitue un gage sans dépossession dont l'assiette est précisément définie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ce texte ;
2 / que la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d'un crédit consenti au débiteur pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire ; qu'il en est ainsi lorsqu'un prêt, non finalisé, ne stipule pas précisément qu'il a été consenti pour l'acquisition de biens déterminés mais a servi à financer des éléments du fonds de commerce cédé sur lequel le créancier bénéficie d'un nantissement ;
qu'en écartant toute transmission au cessionnaire du nantissement du fonds et des dettes nées du prêt au motif que la destination des fonds stipulée au contrat de prêt était peu explicite, la cour d'appel a violé l'article 93, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-96 du Code de commerce ;
3 / qu'en relevant que les factures produites par les cautions n'avaient pas de lien certain avec le prêt, sans expliquer pour quelles raisons ces pièces n'établissaient pas suffisamment l'affectation des fonds remis par la banque au financement durable des investissements en véhicules et en matériel informatique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 93, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-96 du Code de commerce ;
4 / qu'en constatant que le plan de cession, arrêté par le tribunal de commerce de Rennes le 2 octobre 1998, prévoyait la seule cession des leasings à l'exclusion des prêts simples, alors qu'étaient également prévues la transmission des "crédits" et l'addition au prix de cession du "montant des prêts repris dans le cadre de l'article 93 de la loi du 25 janvier 1985", la cour d'appel a dénaturé le jugement du 2 octobre 1998 ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 621-96, alinéa 3, du Code de commerce, en cas de cession de l'entreprise à la suite de l'adoption d'un plan de redressement judiciaire, est transmise au cessionnaire la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés ; qu'il en résulte que le crédit devant être affecté, l'acte par lequel il est accordé doit préciser sa destination et prévoir la sûreté qui en garantira le remboursement ;
Attendu qu'après avoir relevé que le prêt avait pour destination affichée le "financement a posteriori de divers investissements auto financés" et que celle-ci, peu explicite, ne permettait pas le rapprochement avec un bien quelconque, l'arrêt retient, sans dénaturation, que la charge du nantissement n'a pas été transmise au cessionnaire ; que, par ces motifs, abstraction faite de ceux erronés critiqués par la première branche, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la troisième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que MM. X... font encore le même le reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que les juges doivent viser et analyser, au moins sommairement, chacun des éléments de preuve produits par les parties à l'appui de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, le tribunal de grande instance de Rennes avait décidé qu'il "ressort du courrier que celle-ci-la société La Flèche bleue-avait adressé le 20 juillet 1998 à M. Y... qu'elle s'engageait à dégager MM. X... de leur caution" ; qu'en se bornant à examiner le courrier du 12 août 1998 au terme duquel la société La Flèche bleue indiquait que "la caution bancaire pour le compte de M. X... est OK", sans viser ni analyser le courrier du 20 juillet 1998 régulièrement produit aux débats par MM. X... , la cour d'appel a privé sa décision de motif en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que MM. Jacques et Jean-Claude X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés solidairement à payer une certaine somme à la banque ; que, dès lors, le moyen, en ce qu'il porte sur la garantie de la société La Flèche bleue, sans incidence sur les rapports entre le créancier et les cautions, est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne à payer à la Banque de Bretagne une somme globale de 1 200 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille quatre.