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10/11/2004 | FRANCE | N°04-80972

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 novembre 2004, 04-80972


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE X... Gérard,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 9 janvier 2004, qui, pour agressions sexuelles aggr

avées, l'a condamné à 5 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis et mise à l'épreuve...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE X... Gérard,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 9 janvier 2004, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à 5 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-29, 222-30 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard Le X... coupable d'agressions sexuelles par violence, contrainte, menace ou surprise sur Eugénio Y...
Z..., mineur de moins de quinze ans comme né le 30 mars 1980, avec la circonstance aggravante que les faits ont été commis alors qu'il avait autorité sur lui ;

"aux motifs qu'Eugénio Y...
Z... affirme que les faits ont cessé lorsqu'il a eu quinze ans, soit compte tenu de sa date de naissance à partir de mars 1995 ; que par l'effet successif des lois des 4 février 1995 et 17 juin 1998 les agressions sexuelles commises sur la victime entre le 4 février 1992 et le 30 mars 1995 ne sont pas prescrites s'il est retenu que Gérard Le X... avait autorité sur l'enfant ; que la mère d'Eugénio Y...
Z... était la femme de ménage de Gérard Le X... ; qu'Eugénio Y...
Z... déclare que Gérard Le X... lui donnait tout ce que ses parents ne pouvaient lui offrir et qu'il se rendait chez lui très régulièrement ; qu'il explique son absence de réaction en ces termes : "c'était comme une drogue, j'avais tout ce que je voulais, de plus il me disait de ne rien dire" ;

que Gérard Le X... a commis les agressions sexuelles sur Eugénio Y...
Z... sous la contrainte morale en tissant progressivement avec l'enfant des liens affectifs et matériels qui ont privé celui-ci de toute faculté de défense ; qu'Eugénio Y...
Z... a commencé à se rendre au domicile de Gérard Le X... vers l'âge de 7 ou 8 ans ; que sa mère était flattée par l'intérêt porté à son enfant par son employeur ; que Gérard Le X... a usé de l'attrait de l'argent et de l'aura résultant de son statut social pour capter et séduire l'enfant, ce qui lui a permis d'avoir autorité sur lui ;

"alors, d'une part, que la circonstance, retenue ici pour écarter la prescription des faits, que le délit d'agression sexuelle a été commis par une personne ayant autorité sur la victime, suppose que les éléments particuliers dont découle cette autorité soient suffisamment caractérisés ; qu'en déduisant l'autorité de Gérard Le X... sur Eugénio Y...
Z... du seul usage par le premier de l'attrait de l'argent et de l'aura résultant de son statut, cependant qu'une telle générosité du prévenu bénéficiant d'un statut privilégié à l'égard de la victime, qui a elle-même reconnu qu'elle obtenait de lui tout ce qu'elle voulait, ne caractérise pas en quoi celle-ci obéissait en retour et se considérait comme soumise à une quelconque autorité, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs ;

"alors, d'autre part, que la contrainte morale, élément constitutif du délit d'agression sexuelle, doit s'apprécier de manière concrète en fonction de la capacité de résistance à l'agression de la victime ; qu'en se limitant à retenir, pour caractériser la contrainte, que Gérard Le X... avait tissé avec Eugénio Y...
Z... des liens affectifs et matériels qui auraient privé celui-ci de toute faculté de défense, cependant que de tels liens ne pouvaient sérieusement être de nature à inspirer une quelconque crainte obligeant la victime, sans qu'elle puisse en aucune façon y résister, à accepter de subir des atteintes sexuelles, la cour d'appel n'a pas mieux justifié sa décision ;

"alors, enfin, que l'élément constitutif de la contrainte ne peut se déduire de la seule minorité de quinze ans de la victime ni de l'éventuelle qualité de personne ayant autorité de l'auteur qui ne constituent qu'une circonstance aggravante de l'infraction et non un élément même de ladite infraction ; qu'ainsi, en déduisant la contrainte de la qualité de personne ayant autorité de Gérard Le X... et de l'âge d'Eugénio Y...
Z..., en relevant que le prévenu avait usé de l'attrait des liens matériels lui permettant d'avoir autorité sur l'enfant, qui n'avait que 7 ou 8 ans au début des faits, pour le capter et le séduire, la cour d'appel a violé l'article 222-22 du Code pénal" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-29, 222-30 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard Le X... coupable d'agressions sexuelles par violence, contrainte, menace ou surprise sur Martial A... et William B..., mineurs de moins de quinze ans comme nés le 13 avril 1983 et le 17 février 1989, avec la circonstance aggravante que les faits ont été commis alors qu'il avait autorité sur eux ;

"aux motifs propres que Gérard Le X... a reconnu avoir, alors qu'ils dormaient à son domicile, masturbé Martial A... et embrassé le sexe de William B... puis lui avoir une autre fois fait une fellation ; qu'il a agi par surprise pendant leur sommeil ; qu'au moment des faits, compte tenu de leur jeune âge, du fait qu'ils lui avaient été confiés par leurs parents et de sa qualité de parrain de William B..., Gérard Le X... avait autorité sur eux ;

"aux motifs adoptés qu'il apparaît vraisemblable que les faits se sont déroulés postérieurement à juin 1995 ; que la mère de William a d'abord situé les faits en 1996 ou 1997 tandis que Martial A... les a situés au cours du second semestre 1995 ; que la mère de William a précisé qu'après la révélation des premiers faits par les enfants, son fils avait continué à aller dormir chez Gérard Le X... jusqu'en début 1997 ; que celui-ci a lui-même situé les faits en 1995 mais plus vraisemblablement en juillet 1996 ; qu'il n'est pas indifférent à cet égard de souligner que Gérard Le X... a été interpellé en juin 1996 pour des faits distincts d'agression sexuelle commis en avril ou mai 1996 et qu'il tente d'établir qu'il a ensuite cessé toute conduite pédophile ce qui, au vu des faits, apparaît improbable ;

"alors, d'une part, que seule une cohabitation régulière et prolongée du prévenu d'une infraction sexuelle avec la victime est de nature à caractériser une autorité de fait du premier sur la seconde ; qu'une telle autorité ne saurait donc résulter du seul fait que le prévenu était le parrain d'une des victimes et que celles-ci lui étaient confiées très épisodiquement par leurs parents ; qu'en se fondant pourtant sur de tels éléments, la cour d'appel n'a légalement justifié sa décision ;

"alors, d'autre part, qu'en déduisant l'autorité de fait exercée par Gérard Le X... sur Martial A... et William B... de la circonstance générale et inopérante qu'il s'agissait de jeunes enfants, la cour d'appel n'a pas mieux justifié sa décision ;

"alors en outre qu'antérieurement à la loi du 17 juin 1995, les faits d'agression sexuelle commis par une personne n'ayant pas autorité sur la victime se prescrivaient par trois ans à compter de leur commission ; que sont donc prescrits de tels faits commis par une personne n'ayant pas autorité sur la victime avant l'entrée en vigueur de cette loi sans qu'un acte vienne interrompre le délai de prescription ; qu'en rejetant la prescription des agressions sexuelles reprochées, qui n'ont donné lieu à aucun acte interruptif avant courant 2000, au motif qu'il apparaissait "vraisemblable" que ces faits s'étaient déroulés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi et qu'il apparaissait "improbable" que le prévenu ait cessé toute conduite pédophile après sa première condamnation, la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques, a fortiori eu égard aux contradictions relevées entre les déclarations des uns et des autres quant à la date exacte des faits présumés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision ;

"alors, en tout état de cause, que le délit d'agression sexuelle suppose l'usage par son auteur d'un véritable stratagème de nature à surprendre le consentement de la victime et à constituer la surprise ; qu'en considérant que Gérard Le X... avait surpris le consentement de Martial A... et de William B... en agissant pendant leur sommeil, sans relever que le prévenu avait cherché à ne pas les réveiller lorsqu'il les avait rejoints dans la chambre où ils dormaient et caractériser ainsi une quelconque attitude de Gérard Le X... suggérant l'usage par lui d'un stratagème de nature à surprendre le consentement des victimes, la cour d'appel a violé l'article 222-22 du Code pénal" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-29, 222-30 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard Le X... coupable d'agression sexuelle par violence, contrainte, menace ou surprise sur Régis A..., mineur de moins de quinze ans comme né le 24 novembre 1986, avec la circonstance aggravante que les faits ont été commis alors qu'il avait autorité sur lui ;

"aux motifs propres que Gérard Le X... a reconnu avoir masturbé Régis A... en lui faisant sa toilette en 1995 ou 1996 alors que l'enfant était âgé de 9 à 10 ans ; que devant le juge d'instruction il a déclaré ne pas l'avoir masturbé mais avoir insisté en le lavant sur ses parties génitales ; que Régis A... soutient que Gérard Le X... l'a masturbé ; que même les gestes décrits par Gérard Le X... devant le juge d'instruction sont constitutifs d'une agression sexuelle commise par surprise ; que Gérard Le X... avait autorité sur l'enfant qui n'était âgé que de 9 ou 10 ans et lui avait été confié par ses parents ;

"aux motifs adoptés, qu'il apparaît vraisemblable que les faits se sont déroulés postérieurement à juin 1995 ; que la mère de William a d'abord situé les faits en 1996 ou 1997 tandis que Régis A... les a situés au cours du second semestre 1995 ; que la mère de William a précisé qu'après la révélation des premiers faits par les enfants, son fils avait continué à aller dormir chez Gérard Le X... jusqu'en début 1997 ; que celui-ci a lui-même situé les faits en 1995 mais plus vraisemblablement en juillet 1996 ; qu'il n'est pas indifférent à cet égard de souligner que Gérard Le X... a été interpellé en juin 1996 pour des faits distincts d'agression sexuelle commis en avril ou mai 1996 et qu'il tente d'établir qu'il a ensuite cessé toute conduite pédophile ce qui, au vu des faits, apparaît improbable ;

"alors, d'une part, que l'autorité de fait exercée par l'auteur d'une infraction sexuelle sur la victime suppose que soient caractérisées les circonstances particulières dont elle découle ;

qu'en déduisant l'autorité exercée par Gérard Le X... sur Régis A... de la circonstance générale et inopérante que le prévenu était un adulte face à un enfant âgé d'environ dix ans confié par ses parents pour une seule nuit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, d'autre part, qu'antérieurement à la loi du 17 juin 1995, les faits d'agression sexuelle commis par une personne n'ayant pas autorité sur la victime se prescrivaient par trois ans à compter de leur commission ; que sont donc prescrits de tels faits commis par une personne n'ayant pas autorité sur la victime avant l'entrée en vigueur de cette loi sans qu'un acte ne vienne interrompre le délai de prescription ; qu'en rejetant la prescription de l'agression sexuelle reprochée, qui n'a donné lieu à aucun acte interruptif avant courant 2000, au motif qu'il apparaissait "vraisemblable" que ces faits s'étaient déroulés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi et qu'il apparaissait "improbable" que le prévenu ait cessé toute conduite pédophile après sa première condamnation, la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques, a fortiori eu égard aux contradictions relevées entre les déclarations des uns et des autres quant à la date exacte des faits présumés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, en tout état de cause, que la surprise, élément constitutif du délit d'agression sexuelle, suppose l'existence d'un stratagème de nature à surprendre le consentement de la victime ;

qu'en considérant que Gérard Le X... avait surpris le consentement de Régis A... en insistant sur ses parties génitales pendant qu'il le lavait, la cour d'appel n'a pas caractérisé la moindre attitude de Gérard Le X... suggérant l'usage par lui d'un quelconque stratagème et a violé l'article 222-22 du Code pénal" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-80972
Date de la décision : 10/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20ème chambre, 09 janvier 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 nov. 2004, pourvoi n°04-80972


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.80972
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