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10/11/2004 | FRANCE | N°03-85241

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 novembre 2004, 03-85241


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de Me Le PRADO, de la société civile professionnelle VIER et BARTHELEMY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Charles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA REUNION, chambre correctionnelle, en

date du 26 juin 2003, qui, dans la procédure suivie contre lui pour complicité de bless...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de Me Le PRADO, de la société civile professionnelle VIER et BARTHELEMY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Charles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA REUNION, chambre correctionnelle, en date du 26 juin 2003, qui, dans la procédure suivie contre lui pour complicité de blessures involontaires par manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, a déclaré irrecevable l'exception de nullité formulée par l'intéressé, confirmé la décision d'incompétence rendue par le tribunal correctionnel et renvoyé le ministère public à se pourvoir ainsi qu'il avisera ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, lors d'un conflit social, Charles X..., commandant de gendarmerie, a donné ordre à l'adjudant-chef Y... de disperser les manifestants à l'aide d'un fusil à pompe chargé de munitions Alsetex alca 12 ; qu'atteint au visage, Edmond Z... a perdu un oeil, l'odorat, ainsi que le goût ;

Attendu qu'au terme de l'information, le juge d'instruction a renvoyé l'intéressé devant le tribunal correctionnel, du chef de complicité de blessures involontaires par manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements ; que, par jugement du 28 novembre 2000, cette juridiction s'est déclarée incompétente, au motif que les faits seraient de nature criminelle ; que, par arrêt du 27 septembre 2001, la cour d'appel a annulé la décision entreprise, le tribunal n'étant pas composé conformément aux dispositions de l'article 697 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, par jugement du 22 novembre 2002, le tribunal correctionnel de Saint-Denis s'est déclaré incompétent et a dit que les faits poursuivis pouvaient constituer le crime de "complicité de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de sa mission, en réunion, préméditation et usage d'une arme" ; que, par arrêt du 26 juin 2003, la cour d'appel a confirmé ce jugement, après avoir déclaré irrecevable l'exception de nullité soulevée par Charles X..., qui soutenait que le magistrat instructeur n'avait pas été désigné conformément aux dispositions de l'article 697 précité ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 591, 593, 697, 697-1, 698 et 698-1 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'instruction formulée par le capitaine X... ;

"aux motifs que la Cour de Céans a été saisie par Charles X... de deux exceptions de nullité : l'une de l'information, l'autre du jugement du 28 novembre 2000 ; que, par arrêt en date du 27 septembre 2001, la Cour a annulé ledit jugement mais, en revanche, a déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'instruction au regard des dispositions de l'article 385 du Code de procédure pénale ; qu'il en résulte que cette dernière nullité a été entièrement et définitivement purgée par ledit arrêt qui, non grevé d'un pourvoi en cassation a autorité de chose jugée ;

que l'annulation du jugement en date du 28 novembre 2000 n'a pas eu pour effet que la procédure antérieure, dont l'information, soit elle-même annulée, seule la procédure subséquente au jugement devant l'être ; que cette décision ne saurait avoir pour effet de faire abstraction de l'arrêt du 27 septembre 2001 en replaçant les faits dans l'état où ils étaient avant l'annulation ; que cet arrêt, notamment en ses dispositions sur la nullité de l'information, a pris son plein effet de telle sorte que toutes ses dispositions ont autorité de chose jugée ; qu'il en résulte que la conjugaison du fait que l'annulation du jugement du 28 novembre 2000 n'a pas eu pour effet d'annuler la procédure antérieure avec le fait que les dispositions de l'arrêt du 27 septembre 2001 répondent à l'exception de nullité de l'information en la rejetant, rend irrecevable cette exception à nouveau soulevée devant la Cour à l'audience du 10 avril 2003 par Charles X... ;

"alors que l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux décisions sur le fond et ne saurait notamment concerner les décisions sur la compétence ;

qu'en écartant l'exception de nullité de la procédure d'instruction, soulevée par Charles X..., fondée sur une violation des articles 697 et suivants du Code de procédure pénale relatif aux spécificités de la poursuite et de l'instruction des infractions commises par les gendarmes dans les opérations de maintien de l'ordre, motif pris de ce que les dispositions du précédent arrêt de la cour d'appel de céans, en date du 27 septembre 2001, ayant statué sur cette même question, seraient dès lors revêtues de l'autorité de la chose jugée, cependant qu'une telle décision ne préjugeant nullement du fond de l'affaire, aucune autorité de la chose jugée ne s'y attachait, circonstance ayant conduit la chambre criminelle, dans son arrêt du 2 mai 2002, a déclarer irrecevable le pourvoi formé par le demandeur à l'encontre de cet arrêt, en relevant que "n'ont aucune autorité de chose jugée les dispositions de l'arrêt rejetant une exception de nullité de l'instruction", la cour d'appel a violé le principe susvisé" ;

Attendu qu'il résulte des éléments du dossier et des pièces de procédure que, pour déclarer irrecevable l'exception de nullité de l'instruction formulée par le demandeur, l'arrêt attaqué et le jugement qu'il confirme retiennent que les dispositions de l'article 385 du Code de procédure pénale ne donnent pas qualité au tribunal correctionnel, régulièrement saisi par le renvoi ordonné par le juge d'instruction, pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 121-7, 222-9, 222-10 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, requalifiant le délit de blessures involontaires et complicité de blessures involontaires, en crime et complicité de violences volontaires, s'est déclaré incompétent, renvoyant le ministère public à mieux se pourvoir ;

"aux motifs que sur les faits ayant entraîné blessures et infirmité pour Edmond Z..., il convient de relever que, fondés sur les pièces du dossier pénal et tels qu'exposés dans l'ordonnance de renvoi, ils font apparaître de façon claire au regard dudit dossier que le fusil à pompe transporté sur les lieux de la manifestation n'était pas autorisé à l'usage en matière de maintien de l'ordre ; que l'adjudant chef Y... a été, d'initiative ou sur ordre, le chercher dans un car de gendarmerie ; qu'il a effectué un tir en direction d'un individus précis, censé être un meneur, sur ordre de l'officier Charles X... ou d'initiative, dans le but non contesté de neutraliser l'individu en question en l'espèce Edmond Z..., étant observé que le fait qu'il ait ou non utilisé l'épaule d'un collègue pour viser et tirer ou qu'il ait connu ou non le type de cartouche utilisée, ne saurait avoir de conséquence sur la qualification litigieuse des faits ; qu'en effet l'action de tir au moyen d'un fusil à pompe en direction d'un individu précis et désigné aux fins de le neutraliser y compris avec la croyance éventuelle que le projectile utilisé sera de nature à faire peu de dégâts, constitue un acte de violence indépendant de ses conséquences ; que le tir, cause des blessures et de l'infirmité d'Edmond Z..., n'a pas eu de caractère involontaire tant par la qualité de l'arme qui l'a provoqué que par la caractéristique du tir sur une cible mobile désignée devant être neutralisée afin d'empêcher ses agissements allégués et sa progression ,

"alors, d'une part, que le juge répressif ne peut requalifier un délit de violences involontaires en crime de violences volontaires qu'autant qu'il relève dans sa décision tous les éléments constitutifs propres à justifier une telle qualification criminelle ; qu'à ce titre, les violences volontaires, au sens de l'article 222-10 du Code pénal, supposent que soit démontrée l'intention de nuire dans le domaine corporel ; qu'en ce sens, Charles X... rappelait (conclusions p. 4 et 5 in fine) que la volonté de blesser faisait, en l'espèce, défaut, dès lors que l'adjudant-chef Y... pensait en toute bonne foi avoir armé son fusil à pompe de cartouches Gomme Cogne ayant une simple fonction neutralisante, et non de cartouches lacrymogènes, lesquelles étaient seules susceptibles d'occasionner des blessures ; qu'ainsi, en se bornant, pour caractériser le caractère volontaire des violences poursuivies, à se fonder sur le tir proprement dit, prétendument effectué en direction d'un individu précis, et en tenant pour indifférent le fait que son auteur principal, et a fortiori son prétendu complice, aient voulu ou non le dommage qui en est résulté, relevant à cet égard qu'il importait peu que l'adjudant-chef Y... "ait connu ou non le type de cartouche utilisée" et qu'il ait pu penser "que le projectile utilisé serait de nature à faire peu de dégâts", la cour d'appel qui n'a pas caractérisé chez ces derniers la volonté de blesser, a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision, l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence, que la complicité par instigation suppose que soit établi que l'agent ait "par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir (...) provoqué une infraction ou donné des instructions pour la commettre" ; qu'en poursuivant Charles X... pour complicité des violences commises par l'adjudant-chef Y..., en considérant pour ce faire que ce dernier "a été, d'initiative ou sur ordre, ( ... ) chercher (le fusil à pompe) dans un car de gendarmerie ; qu'il a effectué un tir en direction d'un individus précis, censé être un meneur, sur ordre de l'officier Charles X... ou d'initiative", laissant ainsi incertain le point de savoir si l'auteur principal a agi de son propre chef ou sur instigations du capitaine X..., cependant que seule cette dernière hypothèse est susceptible d'impliquer pénalement ce dernier, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs alternatifs, n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que, pour renvoyer le ministère public à se pourvoir ainsi qu'il avisera, l'arrêt attaqué prononce, sans insuffisance, par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Attendu, en conséquence, que de l'ordonnance du juge d'înstruction renvoyant notamment l'intéressé devant le tribunal correctionnel et de l'arrêt précités, passés en force de chose jugée et contradictoires entre eux, résulte un conflit négatif de juridictions qui interrompt le cours de la justice et qu'il importe de faire cesser ;

Vu l'article 659 du Code de procédure pénale ;

REGLANT DE JUGES, sans s'arrêter à l'ordonnance du juge d'instruction, laquelle sera considérée comme non avenue,

RENVOIE la cause et les parties, en l'état où elles se trouvent, devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, qui, au vu de l'instruction déjà faite et de tout supplément d'information, s'il y a lieu, statuera tant sur la prévention que sur la compétence ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-85241
Date de la décision : 10/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de SAINT-deNIS de LA REUNION, chambre correctionnelle, 26 juin 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 nov. 2004, pourvoi n°03-85241


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.85241
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