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04/11/2004 | FRANCE | N°04-81603

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 2004, 04-81603


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire SALMERON, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jacqueline,

- Y... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle,

en date du 22 janvier 2004, qui, pour banqueroute et abus de biens sociaux, a condamné la pr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire SALMERON, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jacqueline,

- Y... Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 22 janvier 2004, qui, pour banqueroute et abus de biens sociaux, a condamné la première à 10 mois d'emprisonnement avec sursis, 9 000 euros d'amende et 3 ans d'interdiction de gérer, le second, à 5 ans d'emprisonnement avec sursis et à 5 ans d'interdiction de gérer, et a statué sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Jacqueline X..., pris de la violation des articles L. 626-2-2 et L. 241-3-4 du Code de commerce, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacqueline X... coupable des chefs de banqueroute par détournement d'actif et d'abus des biens ou du crédit d'une SARL par un gérant à des fins personnelles, et en répression, l'a condamnée à une peine de 10 mois d'emprisonnement avec sursis et de 9 000 euros d'amende, et prononcé à son encontre une interdiction de gérer pendant trois ans ;

"aux motifs que Jacqueline X..., divorcée Z..., a été désignée comme gérante de droit au cours de l'assemblée générale du 4 octobre 1996 ; qu'aux dires des employés de la société, rien n'a vraiment changé après le départ de Max A..., que la nouvelle gérante, Jacqueline Z..., concubine de Pierre Y..., a continué à s'octroyer des acomptes dont le montant dépassait quelquefois largement son salaire ; qu'elle a été vue à maintes reprises se servir dans la caisse ; qu'elle a continué à utiliser à des fins personnelles les véhicules Opel Frontera et Peugeot 605 appartenant à la société, véhicules dont les frais de carburant et d'entretien étaient assurés par le garage ; qu'elle a occupé un logement à Cordon dont les factures de téléphone et d'électricité ont été payées par la société ; qu'une perquisition effectuée dans la résidence secondaire de Pierre Y... à Semur-en-Brionnais a permis de retrouver de nombreux documents comptables et archives transportés par Pierre Y..., que leur exploitation a révélé l'existence de nombreuses malversations, qu'ainsi il a été découvert qu'aucun versement d'espèces n'avait été effectué sur les comptes de la société depuis le 29 janvier 1998 alors que les espèces perçues pour la vente de carburant, au vu des feuilles de caisse, s'élevaient à 39 690,83 francs entre le 2 et le 6 février 1998 ; que des acomptes avaient été perçus par Jacqueline Z..., ainsi pour l'année 1997 elle avait perçu 62 320 francs dont seuls 51 820 francs avaient été déduits de son salaire, en janvier 1998 elle avait encore perçu 5 490 francs non déduits ; que les déclarations des employés de la société confirment l'existence de ces détournements ; qu'ainsi il s'évince de leur examen que Jacqueline Z... a utilisé à titre privé un véhicule Peugeot 605 et un véhicule Opel Frontera immatriculés au nom de la SARL Espace Warens ; qu'à cet égard, Max A... a précisé que Pierre Y... lui avait demandé en août 1994 de commander ce véhicule Opel Frontera et de se débrouiller pour le régler, la facture s'élevant à 158 453 francs ; que le paiement a, en fait, été effectué par un chèque de la SARL Espace Warens de 91 453 francs et par la reprise d'un ancien véhicule, la carte grise étant établie au nom de la SARL Espace Warens ; que, par la suite, ce véhicule appartenant à la société, tout comme la Peugeot 605 du Garage, avait été utilisé exclusivement pour les besoins personnels de Pierre Y... et de sa concubine, qu'en outre l'entretien courant, le carburant et l'assurance étaient payés par la SARL Espace Warens ; qu'il est aussi établi que de nombreux acomptes sur salaires ont été consentis à Jacqueline Z..., que l'absence de comptabilité n'a pas permis de les chiffrer précisément ; que les employés ont précisé que les prélèvements en espèce se faisaient dans la caisse essentiellement la veille des week-end et étaient simplement inscrits sur de petits bouts de papier ou sur les fiches de caisse des pompistes ;

qu'à titre d'exemple Max A... a remis aux enquêteurs un agenda sur lequel il avait noté des prélèvements effectués par Z... entre les mois de janvier et septembre 1996, que, sur cette période, Z... a perçu 53 500 francs en espèces ; qu'il a été vérifié que toutes ses sommes n'avaient pas été déduites de ses salaires ; qu'il a encore été découvert que, par l'intermédiaire d'une société dénommée la SCI "Les 3 P" constituée de ses parents et de sa fille, Pierre Y... avait participé en avril 1993 à l'achat d'un appartement sis à Cordon qu'il habitait avec Jacqueline Z... ; qu'entre les mois de mai et de décembre 1993, des versements mensuels d'un montant de 8 000 francs avaient été effectués directement par la SARL Espace Warens concernant cet appartement ; qu'en outre les factures téléphoniques et EDF relatives à cet appartement avaient été réglées directement par la SARL Espace Warens ; que Max A... a confirmé que des échéances de prêt avaient été réglées par la SARL Espace Warens ainsi qu'une avance sur le prix d'achat de l'appartement s'élevant à 60 000 francs ; que des dépenses personnelles relatives, notamment, à des achats de vin ou d'une Encyclopédie ont été facturées à la SARL Espace Warens ; que Jean-Claude B..., employé à la comptabilité, a déclaré qu'après le départ de Max A..., il avait été amené à remettre à jour la comptabilité sur trois années, qu'il estimait que les bilans faits par l'expert-comptable Marc C... avaient été totalement trafiqués et ce à l'instigation de Pierre Y... qui ne voulait pas, dans le cadre du redressement judiciaire, présenter des situations financières négatives afin que le plan de continuation soit accepté, qu'il avait remarqué que la perception d'acomptes par Jacqueline Z... et Pierre Y... avait continué de plus belle après le redressement judiciaire, qu'il se souvenait à titre d'exemple qu'en décembre 1996, Jacqueline Z... avait prélevé 12 400 francs d'acomptes qui n'avaient pas été déduits de son salaire ; que Jérôme D..., employé comme comptable de la SARL Espace Warens à partir du mois d'avril 1997, a confirmé que les bilans établis par Marc C... étaient beaucoup moins catastrophiques que la réalité, que les situations financières présentées à l'administrateur judiciaire pendant la période de redressement étaient totalement tronquées ; qu'il a ajouté que Jacqueline Z... ne connaissait rien au fonctionnement de la société dirigée de fait par Pierre Y... ; que l'ensemble de ces faits dénoncés par les divers employés de la SARL Espace Warens et confirmés par la découverte de nombreux documents au domicile de la prévenue sont constitutifs des infractions qui lui sont reprochées ;

"1) alors que les qualifications d'abus des biens d'une société et de banqueroute par détournement d'actif sont exclusives l'une de l'autre ; que le juge pénal saisi de ces deux chefs de poursuite doit donc fixer la date de cessation des paiements de la société dont l'actif aurait été détourné ou dont les biens auraient fait l'objet d'un usage abusif par son dirigeant ; qu'en se contentant de relever que selon Me Chatel Louroz, la société Espace Warens était en état de cessation des paiements à compter du 16 février 1995, sans elle-même fixer la date de cet état, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"2) alors, subsidiairement, qu'en déclarant Jacqueline X..., divorcée Z..., coupable du chef d'abus des biens de la société Espace Warens pour des faits commis postérieurement au 4 octobre 1996, tout en ayant retenu que, selon le rapport de Me Chatel Louroz, la société Espace Warens était en état de cessation des paiements à compter du 16 février 1995, la Cour a violé l'article L. 241-3-4 du Code de commerce ;

"3) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; que la Cour n'a aucunement répondu au moyen de Jacqueline X..., qui faisait valoir qu'une somme de 181 500 francs avait été versée à la société Espace Warens pour financer le véhicule Opel Frontera, payé par cette société 158 452 francs au concessionnaire, si bien qu'aucun actif n'avait été détourné du fait de l'utilisation de ce véhicule à des fins personnelles, privant ainsi sa décision de toute base légale ;

"4) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu'en ne précisant pas de quels éléments il serait résulté que le véhicule Peugeot 605 avait servi, et ce exclusivement, aux fins personnelles de Jacqueline X..., la Cour a de nouveau privé sa décision de toute base légale ;

"5) alors que la Cour, qui a pourtant constaté que les prélèvements en espèces réalisés la veille des week-ends faisaient l'objet d'un enregistrement, certes sommaire, mais néanmoins effectif, n'a aucunement répondu au moyen de Jacqueline X... qui faisait valoir que ces prélèvements n'avaient pour objet que de déposer les fonds dans un coffre-fort afin d'éviter qu'ils soient dérobés, privant de nouveau sa décision de base légale ;

"6) alors que la Cour, qui a retenu que les acomptes sur salaires ne pouvaient être chiffrés, n'a aucunement répondu au moyen de Jacqueline X... qui faisait valoir que si les fiches de paye rédigées a posteriori par Marc C... n'avaient pas tenu compte des acomptes en espèces qu'elle avait reçus, elle n'avait pour autant effectivement perçu aucune somme en sus de son salaire, privant de nouveau sa décision de toute base légale ;

"7) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu'en ne précisant pas de quels éléments il serait résulté que la société Espace Warens aurait, s'agissant de l'appartement de Cordon, versé mensuellement la somme de 8 000 francs, et surtout, quel était le destinataire de ces versements, la Cour a de nouveau privé sa décision de toute base légale ;

"8) alors qu'en se contentant de relever que Max A... déclarait que des échéances de prêt avaient été réglées par la SARL Espace Warens ainsi qu'une avance sur le prix d'achat de l'appartement de Cordon s'élevant à 60 000 francs, sans vérifier que tel avait été effectivement le cas, en précisant les éléments d'où il serait résulté que cette assertion n'était pas mensongère, la Cour a de nouveau privé sa décision de toute base légale ;

"9) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu'en ne précisant pas de quels éléments il serait résulté que la société Espace Warens aurait réglé les factures EDF et téléphoniques relatives à l'appartement de Cordon, la Cour a de nouveau privé sa décision de toute base légale ;

"10) alors que le délit de banqueroute par détournement d'actif suppose un acte de détournement d'un actif de la société ;

que celui d'abus par un gérant de SARL des biens de la société suppose un usage abusif des biens de cette dernière ; qu'en se contentant de relever que des achats personnels avaient été "facturés" à la société Espace Warens sans relever qu'ils avaient été payés par cette dernière, la Cour a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'arrêt susvisé" ;

Sur le moyen pris en ses 1ère et 2ème branches :

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, la cour d'appel a requalifié les faits dont elle était saisie d'abus de biens sociaux en banqueroute, par référence à la date de cessation des paiements de la société "SARL Espace Warens" telle qu'elle résultait du rapport du mandataire liquidateur ;

Sur le moyen pris en ses autres branches :

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui, en ses 7ème, 8ème, 9ème et 10ème branches, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Pierre Y..., pris de la violation des articles L. 626-2-2 et L.241-3-4 du Code de commerce, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre Y... coupable des chefs de banqueroute par détournement d'actif et d'abus des biens ou du crédit d'une SARL par un gérant à des fins personnelles, et en répression, l'a condamné à une peine de 5 ans d'emprisonnement avec sursis et prononcé à son encontre une interdiction de gérer pendant cinq ans ;

"aux motifs que l'enquête a démontré que, dès le mois de mai 1993, Pierre Y..., officiellement salarié à mi-temps en tant que responsable des achats, était, en fait, présent tous les jours dans la société, du matin au soir et même alors qu'il se trouvait en arrêt maladie ; que les déclarations de nombreux employés, fournisseurs et clients ont établi qu'il dirigeait de fait la SARL Espace Warens et se comportait comme le "patron", Max A... puis Jacqueline Z..., n'ayant, en réalité, aucun pouvoir de décision ; qu'ainsi, nombre de salariés ont révélé avoir été embauchés par Pierre Y... alors que Max A... s'était contenté de signer le contrat de travail sans pouvoir d'appréciation ; qu'ils ont encore témoigné que Pierre Y... exerçait sur Max A... une pression constante, qu'il ne cessait de donner des ordres au personnel, qu'il donnait des instructions aux employés et qu'il dirigeait la société ; que plusieurs documents saisis démontrent encore le rôle déterminant tenu par Pierre Y... dans la gestion de la société, que, notamment, il a signé, au nom de la société Espace Warens, une convention d'agence avec la société Avis ; qu'il a, de même, adressé personnellement différents courriers relatifs au plan de redressement examiné par le tribunal de commerce ; qu'il a, enfin, reconnu implicitement son rôle de dirigeant dans une lettre du 29 octobre 1994 où il écrit "je ne suis pas le directeur et n'ai pas prétendu à ce titre, mais sachez que, contrairement a ce que vous pensez, rien ne m'empêche de diriger, de gérer ou de conseiller l'entreprise" ; que la gérance de fait du prévenu est ainsi parfaitement établie ; qu'aux dires des employés de la société, rien n'a vraiment changé après le départ de Max A..., que Pierre Y... a continué à s'octroyer des acomptes dont le montant dépassait quelquefois largement son salaire ; qu'il a été vu à maintes reprises se servir dans la caisse ; qu'il a continué à utiliser à des fins personnelles les véhicules Opel Frontera et Peugeot 605 appartenant à la société, véhicules dont les frais de carburant et d'entretien étaient assurés par le garage ; qu'il a occupé un logement à Cordon dont les factures de téléphone et d'électricité ont été payées par la société ; qu'une perquisition effectuée dans la résidence secondaire de Pierre Y... à Semur-en-Brionnais a permis de retrouver de nombreux documents comptables et archives transportés par Pierre Y..., que leur exploitation a révélé l'existence de nombreuses malversations, qu'ainsi il a été découvert qu'aucun versement d'espèces n'avait été effectué sur les comptes de la société depuis le 29 janvier 1998 alors que les espèces perçues pour la vente de carburant, au vu des feuilles de caisse, s'élevaient à 39 690,83 francs entre le 2 et le 6 février 1998 ; que, courant 1997, des dépenses personnelles de Pierre Y... (assurance vie, achat d'huile, notes de restaurant le week-end, frais de péage) avaient été réglées sur le compte de la SARL Espace Warens ;

que des acomptes avaient été perçus par Pierre Y... en plus de son salaire (2 000 francs en juillet 1997, 9 600 francs en décembre 1997 et 9 150 francs en janvier 1998) ; que les déclarations des employés de la société confirment l'existence de ces détournements, qu'ainsi il s'évince de leur examen que Pierre Y... a utilisé à titre privé un véhicule Peugeot 605 et un véhicule Opel Frontera immatriculés au nom de la SARL Espace Warens ; qu'à cet égard, Max A... a précisé que Pierre Y... lui avait demandé en août 1994 de commander ce véhicule Opel Frontera et de se débrouiller pour le régler, la facture s'élevant à 158 453 francs ; que le paiement a, en fait, été effectué par un chèque de la SARL Espace Warens de 91 453 francs et par la reprise d'un ancien véhicule, la carte grise étant établie au nom de la SARL Espace Warens ; que, par la suite, ce véhicule appartenant à la société, tout comme la Peugeot 605 du Garage, avait été utilisé exclusivement pour les besoins personnels de Pierre Y... ; qu'en outre, l'entretien courant, le carburant et l'assurance étaient payés par la SARL Espace Warens ; qu'il est aussi établi que de nombreux acomptes sur salaires ont été consentis à Pierre Y..., que l'absence de comptabilité n'a pas permis de les chiffrer précisément ; que les employés ont précisé que les prélèvements en espèce se faisaient dans la caisse essentiellement la veille des week-end et étaient simplement inscrits sur de petits bouts de papier ou sur les fiches de caisse des pompistes ; qu'à titre d'exemple, Max A... a remis aux enquêteurs un agenda sur lequel il avait noté des prélèvements effectués par Pierre Y... entre les mois de janvier et septembre 1996, que, sur cette période, Pierre Y... a perçu 22 000 francs en espèces (son salaire officiel étant de 2 500 francs) ; qu'il a été vérifié que toutes ces sommes n'avaient pas été déduites de ses salaires ; qu'il a encore été découvert que, par l'intermédiaire d'une société dénommée la SCI "Les 3 P" constituée de ses parents et de sa fille, Pierre Y... avait participé en avril 1993 à l'achat d'un appartement sis à Cordon qu'il habitait avec Jacqueline Z... ; qu'entre les mois de mai et de décembre 1993, des versements mensuels d'un montant de 8 000 francs avaient été effectués directement par la SARL Espace Warens concernant cet appartement, qu'en outre, les factures téléphoniques et EDF relatives à cet appartement avaient été réglées directement par la SARL Espace Warens ; que Max A... a confirmé que des échéances de prêt avaient été réglées par la SARL Espace Warens ainsi qu'une avance sur le prix d'achat de l'appartement s'élevant à 60 000

francs ; que des dépenses personnelles relatives, notamment, à des achats de vin ou d'une Encyclopédie ont été facturées à la SARL Espace Warens ;

que Jean-Claude B..., employé à la comptabilité, a déclaré qu'après le départ de Max A..., il avait été amené à remettre à jour la comptabilité sur trois années, qu'il estimait que les bilans faits par l'expert-comptable Marc C... avaient été totalement trafiqués et ce à l'instigation de Pierre Y... qui ne voulait pas, dans le cadre du redressement judiciaire, présenter des situations financières négatives afin que le plan de continuation soit accepté, qu'il avait remarqué que la perception d'acomptes par Pierre Y... avait continué de plus belle après le redressement judiciaire ; que Jérôme D..., employé comme comptable de la SARL Espace Warens à partir du mois d'avril 1997, a confirmé que les bilans établis par Marc C... étaient beaucoup moins catastrophiques que la réalité, que les situations financières présentées à l'administrateur judiciaire pendant la période de redressement étaient totalement tronquées, qu'il a ajouté que Jacqueline Z... ne connaissait rien au fonctionnement de la société dirigée de fait par Pierre Y... ; qu'à compter du 31 janvier 1998, date à laquelle il s'est vu dans l'incapacité de régler 34 000 litres de carburant au fournisseur Shell, Pierre Y... a systématiquement prélevé la totalité des espèces provenant de la vente de carburant qui a continué jusqu'au 7 février 1998 ; que Jérôme D... a déclaré, à cet égard, que Pierre Y... avait également prélevé la totalité des recettes du magasin ; qu'enfin, avant la liquidation de la SARL Espace Warens prononcée le 18 février 1998, Pierre Y... avait fait disparaître en les emportant chez lui du matériel de l'entreprise ainsi que de nombreux documents comptables ; que l'ensemble de ces faits dénoncés par les divers employés de la SARL Espace Warens et confirmés par la découverte de nombreux documents au domicile du prévenu sont constitutifs des infractions qui lui sont reprochées ;

"1) alors que la cour d'appel n'a relevé à l'encontre de Pierre Y... aucun acte positif de gestion susceptible de caractériser une quelconque gestion de fait et a ainsi privé sa décision de toute base légale ;

"2) alors que les qualifications d'abus des biens d'une société et de banqueroute par détournement d'actif sont exclusives l'une de l'autre ; que le juge pénal saisi de ces deux chefs de poursuite doit donc fixer la date de cessation des paiements de la société dont l'actif aurait été détourné ou dont les biens auraient fait l'objet d'un usage abusif par son dirigeant ; qu'en se contentant de relever que, selon Me Chatel Louroz, la société Espace Warens était en état de cessation des paiements à compter du 16 février 1995, sans elle-même fixer la date de cet état, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"3) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu'en ne précisant pas de quels éléments il serait résulté que courant 1997, des dépenses personnelles de Pierre Y... (assurance-vie, achat d'huile, notes de restaurant le week-end, frais de péage) avaient été réglées sur le compte de la SARL Espace Warens, la Cour a privé sa décision de toute base légale ;

"4) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; que la Cour n'a aucunement répondu au moyen de Pierre Y..., qui faisait valoir qu'une somme de 181 500 francs avait été versée à la société Espace Warens pour financer le véhicule Opel Frontera, payé par la société 158 452 francs au concessionnaire, si bien qu'aucun actif n'avait été détourné du fait de l'utilisation de ce véhicule à des fins personnelles, privant ainsi sa décision de toute base légale ;

"5) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu'en ne précisant pas de quels éléments il serait résulté que le véhicule Peugeot 605 avait servi, et ce exclusivement, aux fins personnelles de Pierre Y..., la Cour a de nouveau privé sa décision de toute base légale ;

"6) alors que la Cour, qui a pourtant constaté que les prélèvements en espèces réalisés la veille des week-end faisaient l'objet d'un enregistrement, certes sommaire, mais néanmoins effectif, n'a aucunement répondu au moyen de Pierre Y... qui faisait valoir que ces prélèvements n'avaient pour objet que de déposer les fonds dans un coffre-fort afin d'éviter qu'ils soient dérobés, privant de nouveau sa décision de base légale ;

"7) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que la Cour a retenu que les acomptes sur salaires ne pouvaient être chiffrés ; qu'elle n'a pu sans se contredire retenir que Pierre Y... avait perçu ces acomptes en sus de son salaire ;

"8) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu'en ne précisant pas de quels éléments il serait résulté que la société Espace Warens aurait, s'agissant de l'appartement de Cordon, versé mensuellement la somme de 8 000 francs, et surtout, quel était le destinataire de ces versements, la Cour a de nouveau privé sa décision de toute base légale ;

"9) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu'en ne précisant pas de quels éléments il serait résulté que la société Espace Warens aurait réglé les factures EDF et téléphoniques relatives à l'appartement de Cordon, la Cour a de nouveau privé sa décision de toute base légale ;

"10) alors qu'en se contentant de relever que Max A... déclarait que des échéances de prêt avaient été réglées par la SARL Espace Warens ainsi qu'une avance sur le prix d'achat de l'appartement de Cordon s'élevant à 60 000 francs, sans vérifier que tel avait été effectivement le cas, en précisant les éléments d'où il serait résulté que cette assertion n'était pas mensongère, la Cour a de nouveau privé sa décision de toute base légale ;

"11) alors que le délit de banqueroute par détournement d'actif suppose un acte de détournement, en connaissance de cause, d'un actif de la société ; que celui d'abus par un gérant de SARL des biens de la société suppose un usage abusif des biens de cette dernière ; qu'en se contentant de relever que des achats personnels avaient été "facturés" à la société Espace Warens sans relever qu'ils avaient été effectivement payés par cette dernière, la Cour a entaché sa décision d'un défaut de base légale ;

"12) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu'en ne précisant pas de quels éléments il serait résulté que Pierre Y... aurait systématiquement prélevé la totalité des espèces provenant de la vente de carburant du 31 janvier 1998 au 7 février 1998, la Cour a entaché sa décision d'un défaut de base légale ;

"13) alors qu'en se contentant de relever que M. D... avait déclaré que Pierre Y... avait prélevé la totalité des recettes du magasin, sans s'assurer de ce que tel avait effectivement été le cas, la Cour a privé sa décision de toute base légale ;

"14) alors qu'en déclarant Pierre Y... coupable du chef de banqueroute par détournement d'actif au motif, inopérant, qu'il aurait fait disparaître des documents comptables, la Cour a, de nouveau, privé sa décision de toute base légale" ;

Sur le moyen pris en sa 1ère branche :

Attendu que, pour déclarer Pierre Y... dirigeant de fait de la société "SARL Espace Warens", l'arrêt énonce que ce dernier, au-delà de ses fonctions salariées, était seul en charge du recrutement du personnel, assurait quotidiennement la direction de la société en lieu et place des gérants de droit, a signé le contrat de convention d'agence avec la société Avis, et des courriers adressés au tribunal de commerce dans le cadre du plan de redressement ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis au débat contradictoire et par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, a justifié sa décision ;

Sur le moyen pris en ses autres branches :

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation (subsidiaire), proposé pour les deux demandeurs, pris de la violation des articles 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Pierre Y... et Jacqueline X... à verser à Me Chatel Louroz, ès qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Espace Warens, partie civile, les sommes, respectivement, de 300 000 euros et 700 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

"aux motifs que le préjudice ne correspond pas à l'insuffisance d'actif ; que la Cour, disposant des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain subi par la partie civile et résultant des faits visés à la prévention, est en mesure de fixer à 700 000 euros le montant du dommage résultant pour la SARL Espace Warrens des agissements commis par Pierre Y... ; que la solidarité sera prononcée pour Jacqueline Z... à hauteur de 300 000 euros ;

"1) alors qu'en ne précisant pas quel était le montant du passif déclaré de la société Espace Warens, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision au regard des textes susvisés ;

"2) alors qu'en cas de détournements d'actifs, le préjudice subi directement par la société victime des détournements n'est que du montant des actifs détournés et en cas d'usage abusif d'un bien d'une société, le montant du préjudice subi directement par la société victime de cet usage est nécessairement inférieur à la valeur du bien dont il a été fait usage ; qu'en ne précisant pas le montant de l'ensemble des actifs détournés, notamment celui des espèces qu'auraient prélevées Pierre Y... et Jacqueline X..., et celui de l'ensemble des biens dont il avait été fait usage, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu'en prononçant par les motifs repris au moyen, la cour d'appel, qui a apprécié souverainement, dans les limites des conclusions dont elle était saisie, l'indemnité propre à réparer le préjudice résultant pour la partie civile des faits visés à la prévention, a justifié sa décsion ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Salmeron conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-81603
Date de la décision : 04/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, 22 janvier 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 nov. 2004, pourvoi n°04-81603


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.81603
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