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04/11/2004 | FRANCE | N°03-87561

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 2004, 03-87561


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Abdelkrim,

contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de NICE, en date du 18

novembre 2003, qui a autorisé l'administration des Impôts à effectuer des visites et s...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Abdelkrim,

contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de NICE, en date du 18 novembre 2003, qui a autorisé l'administration des Impôts à effectuer des visites et saisies de documents en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 16 B du Livre des procédures fiscales, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé les visites et saisies sollicitées dans les locaux et dépendances, sis ... 06000 Nice, susceptibles d'être occupés par Abdelkrim X... et/ou Marie-Hélène Y... son épouse, ainsi que dans les locaux de la CEP de Nice ;

"aux motifs qu'une vérification de comptabilité diligentée par Gérald Le Z..., inspecteur des Impôts, en poste à la Direction Régionale du Contrôle Fiscal Ouest, à l'encontre de la société ACMAT, sise route du Point Jour ou lieu dit La Pierre Immaculée 44600 St Nazaire, a permis de constater que ladite société avait versé des commissions sur les exercices 1999 et 2000 à Abdelkrim X..., ..., Cairo, Egypt (pièce 1-1) ; que toutefois lors du contrôle sur place, la société ACMAT a indiqué pour Abdelkrim X..., une adresse française : ... 75017 Paris (pièce 1-1) ; qu'Abdelkrim X..., né le 07 mai 1949 à Casablanca, au Maroc, est marié avec Marie-Hélène Y..., née le 16 novembre 1946 à Casablanca (pièces 1-6, 1-8 et 1-11), qui occupe au titre d'une résidence secondaire un appartement sis ... 06000 Nice (pièce 1-12) ; qu'Abdelkrim X... occupe, au titre d'une résidence secondaire, un appartement sis ... 75016 Paris (pièce 1-8) dans laquelle il dispose d'une ligne téléphonique (pièce 1-3) dont le relevé détaillé des appels a permis de constater de très nombreux appels vers la France et vers l'étranger (pièce 1-4) ; que l'importance des appels émis à partir de cette ligne peut faire présumer une utilisation à caractère professionnel en relation avec les activités d'Abdelkrim X... ;

qu'en réponse à la demande effectuée en vertu du droit de communication prévu par les articles L. 81, L. 83 et L. 85 du Livre des procédures fiscales auprès du service de La Poste, centre de distribution, 40 rue Singer 75016 Paris concernant Abdelkrim X... au ... 75016 Paris, il a été indiqué que du courrier est distribué à Abdelkrim X... à cette adresse et qu'il n'existe pas d'ordre de réexpédition (pièce 1-7) : qu'Abdelkrim X... est titulaire de deux comptes bancaires à la Caisse d'Epargne Côte d'Azur, AG Nice, ZAC Arenas, 455 Promenade des Anglais, 06205 Nice, mentionnant comme adresse ... 75016 Paris (pièces 1-5, 3-3 et 3-4) ; qu'Abdelkrim X... est également titulaire de deux comptes bancaires à l'agence CCF, AG Les Gobelins, 83 Bd St Marcel 75013 Paris mentionnant comme adresse ..., Cairo Egypt (pièce 1-5) ; qu'il ressort toutefois des recherches effectuées par Jean-Michel A..., contrôleur des Impôts, en résidence à la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, 6 bis rue Courtois à Pantin, qu'Abdelkrim X... ne figure pas sur les banques de données internationales en Egypte (pièce 1-2) ; que dès lors, il peut être présumé qu'Abdelkrim X... exerce, en fait, son activité professionnelle d'intermédiaire en France (pièces 1-1, 1-4 et 1-7) ; qu'Abdelkrim X... est inconnu au centre des Impôts de Paris 16ème - La Muette territorialement compétent pour l'adresse sise ... 75016 Paris au titre d'une activité professionnelle relevant des BIC et/ou BNC et de la TVA (pièce 1-8) ;

qu'Abdelkrim X... est inconnu au centre des Impôts de Paris 17ème - Les Ternes territorialement compétent pour l'adresse sis ... 75017 Paris au titre d'une activité professionnelle relevant des BIC et/ou BNC et de la TVA (pièce 1-9) ; qu'Abdelkrim X... est inconnu au centre des Impôts de Nice-Gambetta territorialement pour l'adresse sise ... 06000 Nice au titre d'une activité professionnelle relevant des BIC et/ou BNC et de la TVA (pièce 1-13) ; qu'Abdelkrim X... est inconnu et n'est pas pris en compte au centre des Impôts des Non-résidents sis 9 rue d'Uzès 75094 Paris cedex 02 (pièce 1-10) ; que dès lors, Abdelkrim X... est présumé exercer et/ou avoir exercé une activité professionnelle occulte d'intermédiaire à partir du territoire national sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes ; qu'ainsi la requête est justifiée et que la preuve des agissements présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie prévu à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

"alors que, d'une part, le juge, qui autorise des visites domiciliaires à la requête de l'administration fiscale, doit vérifier de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information que cette Administration est tenue de lui fournir, que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; que le contrôle effectif du juge et sa vérification personnelle sont des exigences qui justifient la constitutionnalité de l'article 94 de la loi de finances n° 84-1208 du 29 décembre 1984, devenu article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, et sont destinées à assurer la protection des droits de l'homme au sens des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 ; que si les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales sont réputés être établis par le juge qui l'a signée, il en est autrement lorsque la preuve contraire s'établit à la lecture des pièces du dossier officiel et notamment des propres mentions de la décision entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte de l'ordonnance attaquée, rendue le 18 novembre 2003, que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nice, saisi le même jour, a dû examiner et analyser 18 pièces représentant 98 feuillets ; que le magistrat signataire de cette ordonnance n'a donc pu, en quelques heures, prendre connaissance de l'ensemble de ces documents et vérifier le bien-fondé de la mesure sollicitée, ce qui permet d'établir que cette ordonnance n'a pas été rédigée par le magistrat qui l'a prétendument rendue mais par l'auteur de la requête, et que ce juge n'a pas, au moins en apparence, aux yeux des parties concernées par les visites, exercé son pouvoir de contrôle ; que cette absence de vérification est en outre confirmée par le fait que l'ordonnance attaquée est rédigée de manière strictement identique à une autre ordonnance, également frappée de pourvoi (n M 03-87560), rendue le même jour par le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris ; qu'une telle similitude démontre que ces diverses ordonnances ont bien été rédigées par le même auteur, en l'occurrence par l'administration fiscale ; qu'ainsi, preuve étant apportée que l'ordonnance attaquée a été rédigée par l'administration fiscale, elle ne peut plus être réputée l'avoir été par le juge qui l'a rendue et signée ; que ce faisant, l'ordonnance attaquée est contraire aux textes visés au moyen ;

"alors que, d'autre part, le juge des libertés et de la détention, statuant sur une demande d'autorisation de visite et saisie domiciliaires sur le fondement de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, doit vérifier concrètement que les éléments d'information qui lui sont présentés font effectivement présumer les infractions alléguées ; qu'il ne pouvait dès lors présumer qu'Abdelkrim X... exerçait depuis la France une activité d'intermédiaire dans le négoce en relevant que des communications téléphoniques étaient émises vers la France et l'étranger à partir des lignes dont il disposait dans l'un de ses domiciles, sans rechercher si les destinataires de ces appels avaient eux-mêmes une activité professionnelle en rapport avec les activités frauduleuses présumées ; qu'en omettant toute recherche sur ce point, le juge des libertés et de la détention n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Sur le moyen pris en sa première branche ;

Attendu que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée ; que le nombre de pièces produites ne saurait laisser en soi présumer que ce magistrat s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomption de fraude ; qu'ainsi la circonstance que la requête ait été déposée le même jour que la décision et que celle-ci soit rédigée dans les mêmes termes qu'une autre ordonnance visant la même société et rendue par un autre magistrat dans la limite de sa compétence, sont sans incidence sur la régularité de la décision attaquée ;

Sur le moyen pris en sa seconde branche ;

Attendu que le juge s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'Administration, a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motif ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé divers agents de la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales à effectuer des visites et saisies domiciliaires dans les locaux et dépendances susceptibles d'être occupés par la SA CEP "Caisse d'Epargne Côte d'Azur" / Agence Arenas sis 455 Promenade des Anglais 062 00 Nice ;

"aux motifs qu'Abdelkrim X... détient des comptes à la Caisse d'Epargne Prévoyance Côte d'Azur, Agence Arénas, 455 Promenade des Anglais 06200 Nice (pièces 1-5 et 3-4) ; que dès lors la Caisse d'Epargne Prévoyance Côte d'Azur est susceptible de détenir des documents ou supports d'information en relation avec la fraude présumée ;

"alors que le juge, qui autorise des visites et saisies dans les locaux de tiers par rapport à la personne à l'encontre de laquelle il existe des présomptions d'agissements visés par la loi, doit indiquer en quoi ces locaux sont susceptibles de contenir des documents permettant d'apporter la preuve des agissements frauduleux présumés ; qu'en particulier, il ne peut autoriser des visites dans un établissement bancaire auprès de qui la personne soupçonnée d'agissements frauduleux détient un compte sans indiquer en quoi les locaux de cet établissement seraient susceptibles de contenir des documents utiles à la preuve des agissements en cause ; qu'en l'espèce, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nice s'est contenté, pour autoriser une visite au 455 Promenade des Anglais 06200 Nice, domicile de la SA CEP "Caisse d'Epargne Côte d'Azur" / Agence Arénas, de relever qu'Abdelkrim X... y détient des comptes bancaires ; qu'il s'est ainsi totalement abstenu d'indiquer en quoi cette circonstance permettait de présumer que les locaux de cette agence étaient susceptibles de contenir des documents utiles pour rapporter la preuve des agissements litigieux, violant ce faisant l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales" ;

Attendu que le juge peut autoriser des visites en tous lieux, dès lors qu'il constate que des documents se rapportant à la fraude présumée sont susceptibles de s'y trouver ;

Qu'ainsi, le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Dulin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-87561
Date de la décision : 04/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nice, 18 novembre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 nov. 2004, pourvoi n°03-87561


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.87561
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