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04/11/2004 | FRANCE | N°03-87470

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 2004, 03-87470


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me BOUTHORS, de Me CARBONNIER, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Bernard,

- Y... Alain,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 31 octobre 2003, qui, pour escroque

rie, les a condamnés, le premier à 18 mois d'emprisonnement, 50.000 euros d'amende et 3 an...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me BOUTHORS, de Me CARBONNIER, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Bernard,

- Y... Alain,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 31 octobre 2003, qui, pour escroquerie, les a condamnés, le premier à 18 mois d'emprisonnement, 50.000 euros d'amende et 3 ans d'interdictions professionnelles, le second à 4 ans d'emprisonnement et 200.000 euros d'amende, les deux à 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Bernard X..., pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 313-1 du Code pénal, article préliminaire, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X... coupable d'escroquerie, sur l'action publique a été condamné à une peine de dix huit mois d'emprisonnement et cinquante mille euros d'amende, à l'interdiction de l'ensemble de ses droits civiques, civils et de famille pendant cinq ans et l'interdiction d'exercer les activités d'avocat et de conseil fiscal pendant trois ans et, sur l'action civile, l'a condamné solidairement avec Alain Y... à payer la somme de 286 812 euros à I'Etat français ;

"aux motifs que, sur le mécanisme, pour l'année 1997, la société Rosina 2000 n'a pas fait intervenir des intermédiaires, mais a acheté directement à une société Devorag environ 150 kg d'or monétaire et a livré cette marchandise, sous forme d'or industriel, à Solymep, en facturant illégalement la TVA, en la collectant, et en omettant de la déclarer et de la reverser ; que Solymep a donc versé cette TVA et l'Etat français l'a lui a reversé indûment (arrêt p. 9) ; que sur les intervenants, pour l'année 1997, la SARL Rosina 2000 a été créée le 6 décembre 1996, à l'instigation de Georges Y..., avec le soutien actif de Bernard X..., avocat à Nice; qu'ont été placés à sa tête deux hommes de paille successifs, Simon Z... (relaxé par le tribunal) et Rodolphe A..., et cette société a procédé directement à l'achat d'environ 150 kg d'or monétaire, non pas à AOC mais à Devorag et les a revendus à Solymep avec TVA et n'a pas reversé ni déclaré la TVA ; que c'est un litige entre les Y... et la nouvelle direction de Solymep qui a permis de mettre fin à leurs relations commerciales, Solymep ayant avancé environ 1 500 000 francs sans avoir reçu sa livraison d'or en contrepartie (arrêt p. 11) ; que sur le délit d'escroquerie au préjudice de l'Etat, constituent des manoeuvres frauduleuses, - le fait de transformer matériellement des lingots d'or monétaire (exonérés de TVA) en masselottes d'or dit "industriel" afin de modifier l'apparence du produit et de pouvoir le présenter comme étant assujetti à la TVA ; - le fait, pour Rosina 2000, de vendre l'or monétaire directement acheté auprès de la société Devorag à Solymep sous la fausse mention d'or industriel ("or fin sur compte poids"), afin de générer ainsi une TVA non due ; - que si les dirigeants de Rosina 2000 ont entendu se passer d'intermédiaires, pour la raison que le système Aera/intermédiaires était alors découvert, il résulte de l'analyse des faits que Rosina était elle-même une société de pure façade, car dirigée en droit par deux gérants de paille successifs, sans moyens autres que les emprunts contractés par Bernard X..., et dont le seul but était de générer de la TVA à partager entre coauteurs, avant que ce nouveau système ne soit lui aussi éventé ; qu'en effet, Rosina 2000 ne pouvait que disparaître à court terme, puisque vendant à perte, perte compensée par la TVA faussement générée, mais sans que celle-ci ait été déclarée ni reversée (arrêt p. 17) ; - que sur les autres éléments constitutifs, pour la totalité de la période considérée, les manoeuvres frauduleuses ci-avant décrites ont persuadé l'Etat français d'un crédit de TVA imaginaire, entraînant ainsi son consentement à des actes opérant obligation ou décharge, en l'espèce, une déduction du montant de TVA par Solymep, suite aux ventes par Rosina 2000 en 1997, soit 1 881 366 francs ; - que l'intention frauduleuse résulte du but poursuivi, qui était d'obtenir le versement de sommes indues, au préjudice de la collectivité nationale et des moyens ci-dessus décrits utilisés par eux à ces fins (arrêt p. 18) ;

qu'à l'audience de la Cour, Bernard X... a admis avoir eu connaissance du caractère frauduleux des activités d'Aera et de Georges Y..., puisqu'il avait étudié leur dossier en vue d'une défense face à l'administration fiscale, mais a contesté toute participation frauduleuse à la société Rosina 2000, affirmant avoir refusé d'établir les statuts et l'avoir toujours dit aux policiers et au magistrat instructeur et prétendant avoir été clairement menacé par Georges Y... aux fins de trouver des fonds ; qu'il ressort d'aucune des auditions de Bernard X... que celui-ci aurait déclaré avoir refusé d'établir les statuts de Rosina 2000 ; que Simon Z... a déclaré lors de l'instruction s'être rendu, en compagnie de Georges Y..., au Cabinet de Bernard X..., lequel avait établi les statuts de la société Rosina 2000 ; qu'il a appris qu'il était associé avec un sieur -faussement dénommé B..., qu'il n'a jamais rencontré ; que les premiers juges ont relevé que l'analyse des agendas de Bernard X... permettait de constater qu'entre le 25 novembre 1996 et le 26 mars 1997, le nom de Z... apparaît à 24 reprises pour des rendez-vous, contacts téléphoniques ou rencontres, c'est à dire davantage que les deux ou trois rencontres dont fait état Bernard X... ( ... ) ; qu'en outre Z... a déclaré que Bernard X... lui avait donné des instructions aux fins, notamment d'ouvrir deux comptes bancaires, de faire certaines opérations (versement puis retrait du capital initial, retrait de 120 000 francs au total, destinés à sa rémunération) ; que Bernard X... conteste des affirmations au demeurant non vérifiables ; mais attendu, comme le relèvent les premiers juges, que figure au 31 janvier 1997 la mention d'un rendez-vous avec "Simon" à côté de laquelle sont portées les lettres SMC (Société Marseillaise de Crédit), "ce rapprochement établissant la réalité des déclarations de Z..., qui affirmait avoir été accompagné par Bernard X... lors de l'ouverture du compte de la société Rosina" ; qu'ainsi les déclarations de Simon Z... doivent être considérée comme l'expression de la vérité ; que, par ailleurs, Rodolphe A..., repris de justice, qui ne connaissait pas Simon Z... a été contacté par Bernard X... lui- même aux fins de remplacer Simon Z... à la gérance de Rosina 2000 trois mois à peine après son inscription au registre du commerce, et a agi sous la fausse identité de Dominique C..., avec une fausse carte nationale d'identité fournie, selon ses dires, par le même fantomatique B... ;

que d'ailleurs la mention "Simon" sur l'agenda 1997 de Bernard X... disparaît après le 26 mars 1997 et que le prénom "Rodolphe" qui n'apparaissait pas avant, y est de nombreuses fois noté ; que le tribunal a justement relevé, au 21 avril 1997, la mention "Rodolphe, 20 000 avance" ; que Bernard X... tenait donc les comptes de Rosina 2000 ;

qu'il n'a d'ailleurs pas contesté s'être activement occupé de trouver des fonds pour alimenter la trésorerie initiale de la société, emmenant avec lui A..., qui signait tous les documents utiles, parmi lesquels ceux relatifs à l'achat de la société "off shore" Wall Street, sous le faux nom de C... au Luxembourg ; qu'enfin, Georges Y... avait à l'origine expliqué à Bernard X... qu'il souhaitait continuer son activité "dans l'or" et que Bernard X... connaissait parfaitement, pour avoir étudié le dossier lors du contrôle fiscal d'Aera, le caractère frauduleux de l'entreprise, ayant lui-même noté qu'elle n'était viable qu'à condition de frauder sur la TVA ;

que si le tribunal a pu retenir l'argument selon lequel Bernard X... aurait reçu des menaces graves et réitérées de la part de Georges Y..., force est de constater que la Cour ne dispose d'aucun éléments pour admettre cette thèse ; que Bernard X... a manifestement été attiré par la promesse faite par Georges Y... de lui verser 10% de ses bénéfices ;

qu'il convient de constater qu'il résulte des notes d'audience devant le tribunal que Bernard X... a même parlé d'un intéressement à concurrence de 15% ; qu'il a recherché activement des prêteurs aux fins de procurer de la trésorerie pour plus de 2 500 000 francs, tant au Luxembourg qu'auprès de prêteurs personnels ; que cet engagement financier personnel considérable, motivé sans aucun doute par l'appât du gain, dans une entreprise dont il savait que la seule activité était frauduleuse et qu'elle ne pouvait être viable qu'à très court terme, puisque ne pouvant générer d'autres bénéfices que ceux, illégaux, résultant de la création frauduleuse d'une TVA, caractérise à lui seul la mauvaise foi de Bernard X... ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Bernard X... a bien exercé un pouvoir de direction et de gestion dans la société Rosina 2000 (arrêt p. 20 et 21) ; - que dans ses conclusions, Bernard X... fait valoir que la qualification d'escroquerie est justifiée lorsque le tiers - s'acquittant de la TVA - est de bonne foi et qu'a contrario, une telle qualification doit être rejetée lorsque le tiers a participé sciemment et volontairement aux faits, ce qui est le cas en l'espèce, Solymep sachant qu'elle achetait de l'or monétaire, et percevant - selon les premières déclarations de Georges Y... - un tiers du montant de la TVA payée ; qu'il soutient également que le Trésor Public n'est pas amené à consentir un acte, "puisqu'il n'intervient ni dans le calcul, ni dans la collecte, ni dans le paiement de la TVA", et qu'enfin, le délit pourrait s'analyser en une fraude fiscale ;

que si effectivement, le non reversement par Rosina 2000 de la TVA perçue de ses ventes à Solymep constitue une fraude fiscale, dont la Cour n'est d'ailleurs pas saisie, l'escroquerie ne s'analyse pas, précisément, en ce défaut de versement, mais en la remise par l'Etat français d'un crédit de TVA imaginaire à Solymep, société tiers, étant rappelé qu'il est indifférent que les bénéficiaires de l'escroquerie ne soient pas les coauteurs de celle-ci, mais des tiers ; que le Trésor public est intervenu dans le paiement de la TVA, règlement d'une créance ne résultant en l'espèce que de manoeuvres frauduleuses, la TVA étant déduite aux termes de déclarations écrites entraînant nécessairement des conséquences juridiques et financières ; que Solymep ne peut être considérée comme étant un tiers de mauvaise foi ; qu'en effet, si Marc D... a été mis en examen et renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de complicité d'escroquerie et d'escroquerie en bande organisée, il a été relaxé par les premiers juges, lesquels ont relevé "qu'aucun élément de fait n'est de nature à établir la connaissance que pouvait avoir Marc D... du mécanisme frauduleux mis en place" ; que le ministère public, partie poursuivante, n'a pas relevé appel de la décision concernant D..., dont la mauvaise foi n'est pas établie ; qu'en conséquence, il convient de confirmer la décision des premiers juges sur la culpabilité de Bernard X... ; que toutefois, il convient de rectifier la date retenue dans la prévention, les faits ayant été commis au quatrième trimestre de 1996 à la fin du premier semestre de 1997, et non courant 1995, 1996 et 1997 (arrêt p. 21 in fine à p. 22) ;

"1 ) alors que, d'une part, saisie de faits exclusivement limités, s'agissant de Bernard X..., à la formation d'une société (Rosina 2000), la cour d'appel n'a pu légalement retenir à la charge du prévenu des faits distincts relatifs à la gestion et à la direction de cette société, sans mettre la défense en situation d'accepter pareille extension de la prévention ;

"2 ) alors que, d'autre part, la gestion de fait s'entend de l'exercice de pouvoirs effectifs de direction et de gestion d'une société ; qu'en retenant le demandeur dans les liens de la prévention d'escroquerie, la Cour a nécessairement supposé sa qualité de gérant de fait, laquelle cependant n'est établie par aucun motif de l'arrêt ;

"3 ) alors que, de troisième part, ayant relevé que les manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie résultaient du fait de transformer l'or monétaire en masselottes afin de pouvoir le présenter comme étant assujetti à la TVA et de le vendre sous la fausse mention d'or industriel à la société Solymep afin de générer une TVA non due, la cour d'appel n'a pu légalement retenir Bernard X... dans les liens de la prévention d'escroquerie à défaut de relever la participation du requérant à des actes de transformation des lingots en masselottes et de vente d'or à la société Solymep, privant ainsi sa décision de motifs ;

"4 ) alors que, enfin, l'état de la vente d'or par Rosina 2000 à Solymep, le défaut de déclaration par Rosina de la TVA payée de bonne foi par Solymep n'établit aucune remise ou acte opérant décharge de nature à entrer dans les prévisions de l'escroquerie" ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Alain Y..., pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 405 de l'ancien Code pénal, 121-1, 313-1 du Code pénal, 7, 8, 10, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain Y... coupable d'escroquerie, en répression, l'a condamné à 4 ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende, outre l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pendant une durée de 5 ans, et a prononcé sur les réparations civiles ;

"aux motifs qu'Alain Y..., officiellement directeur technico-commercial d'Aera, a exposé, lors de l'enquête préliminaire, qu'il avait été rapidement mis au courant par son père du mécanisme d'escroquerie à la TVA, à l'époque de E..., c'est-à-dire en 1991 (période couverte par la prescription, selon le procureur de la République et le magistrat instructeur) ; qu'Alain Y... s'est comporté comme dirigeant de fait de la SARL Aera ; qu'il a en effet reconnu qu'Aera faisait 90% de son chiffre d'affaires avec les entreprises fictives des intermédiaires ; que lui-même a donné toutes instructions utiles aux intermédiaires Joël F... et Alain G... quant aux quantités à acheter, qu'il fournissait toutes les données nécessaires à l'établissement des facturations ; que, par ailleurs, Joël F... a précisé qu'Alain Y... lui avait déclaré qu'une telle entreprise intermédiaire fictive ne pouvait durer au-delà d'un an, l'administration fiscale ne pouvant que très vite s'interroger sur la distorsion entre le chiffre d'affaires, les mouvements bancaires et la TVA non déclarée ; qu'il a confirmé que les espèces dégagées étaient remises à Georges et Alain Y... ;

qu'Alain G... a clairement exposé le rôle essentiel et déterminant d'Alain Y... (pour lui, dirigeant d'Aera), qui lui a donné toutes instructions utiles aux fins d'acheter l'or monétaire à AOC, de faire établir les factures par Aera, d'encaisser les virements et chèques d'Aera et de ne pas déclarer ni reverser la TVA afin de permettre le prélèvement d'espèces ; qu'Alain G... a affirmé à plusieurs reprises avoir, à l'instar de Joël F..., remis des espèces à Alain Y... après avoir crédité ses comptes avec les chèques émis par Aera ; qu'Alain Y... conteste ce point, que la formation des intermédiaires, la connaissance des données très complexes (quantités à acheter, à facturer, sommes à retirer en liquide) impliquait nécessairement qu'Alain Y... maîtrise parfaitement tous les rouages de l'organisation ; que les manoeuvres ci-dessus décrites et retenues à la charge du prévenu constituent une opération délictueuse unique, de sorte que la prescription n'a commencé à courir qu'à la date de la dernière remise de fonds ;

qu'en ce qui concerne les escroqueries commises par l'entremise de la société Aera, la dernière remise de fonds se situe en septembre 1995, de sorte que la prescription n'était pas acquise à la date du premier acte de poursuite et que la culpabilité d'Alain Y... doit être retenue pour l'ensemble de la période visée à la prévention ;

"1 ) alors que la qualité de dirigeant de fait doit être comprise dans l'acte de saisine du juge répressif ; qu'en qualifiant Alain Y... de dirigeant de fait de la SARL Aera et en lui reprochant, à raison de cette qualité, d'avoir trompé le Trésor public en déclarant faussement avoir acquitté la TVA aux intermédiaires, la cour d'appel a ajouté aux faits de la poursuite sans constater que le prévenu avait accepté d'être jugé sur ces faits distincts de ceux mentionnés dans la citation ; qu'à défaut, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine et excédé ses pouvoirs ;

"2 ) alors qu'est dirigeant de fait celui qui en toute liberté et indépendance exerce une activité positive de gestion et de direction de l'entreprise sous le couvert et aux lieu et place du représentant légal ; qu'en qualifiant Alain Y... de dirigeant de fait de la SARL Aera, sans constater qu'il aurait géré librement l'entreprise aux lieu et place de son dirigeant de droit, Georges Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"3 ) alors que selon la citation, l'escroquerie serait caractérisée par le fait pour Alain Y... d'avoir trompé le Trésor public en suscitant la création d'entreprises intermédiaires fictives ayant pour seul objet d'acheter de l'or monétaire aux fins de revente , qu'en reprochant au prévenu d'avoir donné toutes instructions utiles aux intermédiaires de la SARL Aera quant aux quantités d'or à acheter et aux modalités de facturation, saris constater qu'il aurait suscité la création d'entreprises intermédiaires au nom de Joël F... et Alain G..., la cour d'appel n'a pas caractérisé la manoeuvre frauduleuse constitutive de l'escroquerie poursuivie, et a privé sa décision de base légale ;

"4 ) alors que selon la citation, l'escroquerie serait caractérisée par le fait pour Alain Y... d'avoir trompé le Trésor public en suscitant la création d'une entreprise intermédiaire fictive au nom de E... ayant pour seul objet d'acheter de l'or monétaire aux fins de revente ; qu'en s'abstenant de caractériser cette manoeuvre frauduleuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"5 ) alors qu'en énonçant que le prévenu aurait commis des faits d'escroquerie en effectuant sous couvert de la SARL Aera des achats d'or monétaire et en déclarant faussement avoir acquitté la TVA aux intermédiaires, pour en déduire que ces manoeuvres auraient été déterminantes de la remise de TVA consentie par le Trésor public, sans constater que le prévenu aurait personnellement participé aux achats et déclarations de TVA litigieux, seuls susceptibles de provoquer la remise reprochée, la cour d'appel n'a pas caractérisé la participation personnelle d'Alain Y... à l'infraction poursuivie, et n'a pas légalement justifié sa décision ;

"6 ) alors, en toute hypothèse, que la prescription, en matière d'escroquerie, ne commence à courir à partir de la dernière remise que lorsque les manoeuvres frauduleuses constituent, non pas une série d'escroqueries distinctes, mais une opération délictueuse unique ; que ne constitue pas une opération délictueuse unique le fait pour le prévenu de déclarer, à l'occasion de chaque achat d'or monétaire, avoir acquitté la TVA à chacun de ses intermédiaires E..., Joël F... et Alain G..., et d'obtenir du Trésor public lors de chacun de ces achats une remise de TVA, ces faits constituant une pluralité d'escroqueries distinctes, chaque fois renouvelées dans tous leurs éléments constitutifs ; que la prescription ayant ainsi commencé de courir à chacune des remises consenties par le Trésor public, la cour d'appel n'a pu énoncer qu'elle n'aurait commencé de courir qu'à la date de la dernière remise de fonds, sans violer les textes susvisés" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Alain Y..., pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 405 de l'ancien Code pénal, 313-1 du Code pénal, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclare Alain Y... coupable d'escroquerie, en répression, l'a condamné à 4 ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende, outre l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pendant une durée de 5 ans, et a prononcé sur les réparations civiles ;

"aux motifs que durant la période d'octobre 1995 à septembre 1996, Georges Y... a créé une entreprise personnelle pour continuer son activité délictueuse sous couvert d'une structure différente de la société Aera, dont l'activité venait d'être mise à jour par l'administration fiscale, qu'il n'apparaît pas qu'Alain Y... y ait officiellement exercé une activité ; que Catherine H... a déclaré n'avoir rencontré que deux ou trois fois Georges Y..., mais jamais Alain Y... ; que Catherine H... a exercé son activité en qualité de prête-nom de Joël F... ; que celui-ci a confirmé à l'audience de la Cour avoir remis les espèces frauduleusement obtenues à Alain Y..., et ce, aussi bien durant la période où il a exercé sous son nom que durant celle où il a dirigé de fait l'entreprise de Catherine H... ; qu'il apparaît ainsi que l'action d'Alain Y... décrite ci-avant a été rigoureusement la même, que ce soit du temps d'Aera ou du temps de l'entreprise Georges Y..., comme du reste, par la suite, avec Rosina 2000 ;

"1 ) alors que selon la citation, l'escroquerie serait caractérisée par le fait pour Alain Y... d'avoir trompé le Trésor public en suscitant la création d'une entreprise intermédiaire fictive au nom de Catherine H... ayant pour seul objet d'acheter de l'or monétaire aux fins de revente ; qu'en reprochant au prévenu d'avoir donné toutes instructions utiles à son intermédiaire quant aux quantités d'or à acheter et aux modalités de facturation, sans constater qu'il aurait suscité la création de cette entreprise intermédiaire, la cour d'appel n'a pas caractérisé la manoeuvre frauduleuse constitutive de l'escroquerie poursuivie, et a privé sa décision de base légale ;

"2 ) alors que selon la citation, l'escroquerie serait également caractérisée par le fait pour Alain Y... d'avoir fondé une entreprise dénommée Etablissements Y... ayant acheté de l'or à l'intermédiaire H... ; qu'en déclarant le prévenu coupable de l'infraction poursuivie, tout en constatant que la société avait été créée par Georges Y..., et que Alain Y... n'y avait officiellement exercé aucune activité, ce dont il résultait que la manoeuvre frauduleuse visée par la prévention n'était pas constituée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

"3 ) alors que dans l'hypothèse où la cour d'appel aurait entendu qualifier Alain Y... de dirigeant de fait de l'entreprise individuelle Georges Y... et lui reprocher, en cette qualité, d'avoir trompé le Trésor public en déclarant faussement avoir acquitté la TVA aux intermédiaires, elle ne pouvait ajouter aux faits de la poursuite sans constater que le prévenu avait accepté d'être jugé sur ces faits distincts de ceux mentionnés dans la citation ; qu'à défaut, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine et excédé ses pouvoirs ;

"4 ) alors qu'est dirigeant de fait celui qui en toute liberté et indépendance exerce une activité positive de gestion et de direction de l'entreprise sous le couvert et aux lieu et place du représentant légal ; que dans l'hypothèse où la cour d'appel aurait entendu qualifier Alain Y... de dirigeant de fait de l'entreprise Y..., il lui appartenait de constater qu'il aurait géré librement l'entreprise aux lieu et place de son dirigeant de droit, Georges Y..., qu'en s'en abstenant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"5 ) alors qu'en énonçant que le prévenu aurait commis des faits d'escroquerie en déclarant faussement avoir acquitté la TVA à l'intermédiaire Catherine H..., pour en déduire que ces manoeuvres auraient été déterminantes de la remise de TVA consentie par le Trésor public, sans constater que le prévenu avait personnellement contribué aux déclarations de TVA litigieuses, seules susceptibles de provoquer la remise reprochée, la cour d'appel n'a pas caractérisé la participation personnelle d'Alain Y... à l'infraction poursuivie, et n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Alain Y..., pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 405 de l'ancien Code pénal, 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain Y... coupable d'escroquerie, en répression, l'a condamné à 4 ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende, outre l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pendant une durée de 5 ans, et a prononcé sur les réparations civiles ;

"aux motifs que selon Marc D..., Georges Y... a activement participé à la création de Rosina 2000 aux fins de poursuivre l'activité de l'entreprise Catherine H..., et lui a affirmé "qu'avec des actionnaires, il créait une nouvelle société pour poursuivre des achats d'or africain" ; qu'Alain Y... a reconnu que l'or africain n'existait pas, puisqu'il s'aigissait d'or monétaire ; qu'il était à l'époque, selon Marc D..., son interlocuteur habituel ; qu'il résulte des déclarations de Simon Z..., premier gérant de Rosina 2000, qu'Alain Y... l'avait conduit à Paris à la société Devorag pour assurer les premiers achats d'or monétaire ; que Z... précise qu'Alain Y... assurait lui-même les livraisons à Solymep de l'or acheté par Rosina 2000 à Devorag ; que les dénégations d'Alain Y... sont inopérantes au regard des éléments recueillis ; qu'en ce qui concerne Rosina 2000, il continuait, par des actes personnels répétés et accomplis sans une quelconque initiative des deux gérants de droit successifs, à être le technicien et le régisseur de l'escroquerie qu'il était du temps, d'Aera comme de l'entreprise personnelle Georges Y..., Georges Y... en étant le concepteur et Bernard X... le financier ; que ces éléments caractérisent bien la co- direction de fait de Rosina 2000 ;

"1 ) alors qu'est dirigeant de fait celui qui en toute liberté et indépendance exerce une activité positive de gestion et de direction de l'entreprise sous le couvert et aux lieu et place du représentant légal ; qu'en qualifiant Alain Y... de dirigeant de fait de la société Rosina 2000, sans constater qu'il aurait géré librement l'entreprise aux lieu et place de ses deux dirigeants de droit successifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2 ) alors que selon la citation, l'escroquerie serait caractérisée par le fait pour Alain Y... d'avoir créé la SNC Rosina 2000, entreprise fictive de négoce d'or ; qu'en déclarant le prévenu coupable de l'infraction poursuivie, sans constater qu'il aurait participé à la création de cette société aux côtés de son père, Georges Y..., la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"3 ) alors que les manoeuvres frauduleuses doivent avoir été déterminantes de la remise ; qu'à défaut pour la SNC Rosina 2000 d'avoir faussement déclaré au Trésor public avoir acquitté la TVA à ses intermédiaires, la création de cette société, la livraison d'or monétaire et sa revente sous la qualification d'or industriel n'ont pu avoir pour effet de convaincre cet organisme de ce qu'une remise de TVA était due et le déterminer à consentir un acte opérant décharge ; qu'en déclarant le prévenu coupable de l'infraction poursuivie, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Georges Y... a, à partir de 1991, sous le couvert de la société Aera, qu'il dirigeait, puis de son entreprise individuelle, mis en place un circuit commercial fictif d'achats de lingots d'or monétaire, exonérés de la taxe à la valeur ajoutée (TVA), qui, après transformation, ont été revendus sous la dénomination d'or industriel, opérations de revente assujetties à cette taxe au taux normal de 18,6 ou 20,6 %; que les achats ont été réalisés et facturés, à son instigation, par des entreprises intermédiaires de façade, créées à son initiative pour de courtes durées, afin de tromper la vigilance des services chargés des contrôles ;

Que ces entreprises fictives, fournisseurs virtuels de la société Area et des établissements Y..., ont inclus la TVA dans le prix de vente des marchandises, sans souscrire les déclarations fiscales afférentes et sans reverser le montant de la taxe encaissée; que le métal a été ensuite revendu à des grossistes par les société et entreprise de Georges Y... qui se sont ainsi constitué des crédits imaginaires de taxe au préjudice du Trésor public qui les a soit remboursés soit déduits du montant de la taxe exigible ;

Qu'après 1996, et toujours à l'initiative de Georges Y..., dont la société Aera était en redressement judiciaire, les activités frauduleuses d'achats et de reventes ont été poursuivies, dans les mêmes conditions, par la société Rosina 2000, constituée, avec des associés et des gérants fictifs, par Bernard X..., ancien inspecteur des Impôts devenu avocat, qui l'avait financée par l'intermédiaire d'une société luxembourgeoise, qu'il détenait, moyennant la perception de 15 % du produit de la fraude ;

Que les fonds indûment versés par l'Etat français ont été chiffrés à la somme de 130.004.448,70 francs et ont été répartis, en espèces, entre les organisateurs de la fraude et leurs intermédiaires ;

Attendu que, pour déclarer Alain Y..., directeur commercial des entreprises dirigées par son père, et Bernard X... coupables d'escroquerie, les juges prononcent par les motifs propres et adoptés partiellement repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent la participation personnelle des prévenus aux manoeuvres frauduleuses destinées à obtenir le remboursement de crédits fictifs de TVA et procédant d'une opération délictueuse unique, la cour d'appel, qui a, sans excéder sa saisine, répondu comme elle devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé, sans insuffisance ni contradiction, le délit poursuivi en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, et justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le second moyen de cassation, proposé pour Bernard X..., pris de la violation 6-1 de la Convention européenne des droits de I'homme, 132-9, 132-24, 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué qui a confirmé le jugement entrepris sur la culpabilité déclarant Bernard X... coupable d'escroquerie, d'avoir aggravé la peine d'emprisonnement à dix-huit mois d'emprisonnement et la peine d'amende de cinquante mille euros, la peine d'interdiction des droits civiques, civils et de famille à 5 ans et d'interdiction d'exercer l'activité d'avocat à 3 ans ;

"aux motifs que Bernard X... avocat, a mis ses compétences professionnelles et ses relations d'affaires, notamment au Luxembourg, au service d'une entreprise dont il connaissait parfaitement le fonctionnement et le but frauduleux, et dont il escomptait sa part de bénéfices ; qu'en sa qualité d'auxiliaire de justice, les manquements à la probité revêtent un caractère de gravité particulier et justifient que soit prononcée une peine d'emprisonnement de 18 mois sans sursis ; qu'il y a lieu de porter la peine d'amende à 50 000 euros ; qu'en outre, il convient de confirmer la peine complémentaire d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et de la porter à 5 années ; qu'enfin la durée de la peine complémentaire d'interdiction d'exercer l'activité d'avocat, dans l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, sera portée à 3 ans (arrêt p. 26) ;

"alors que viole les principes de personnalité et de proportionnalité de la sanction l'aggravation de la peine d'emprisonnernent prononcée par la Cour en l'état d'une déclaration de culpabilité moindre liée, en l'espèce, à l'éviction de la circonstance aggravante de bande organisée" ;

Attendu que Bernard X..., déclaré coupable d'escroquerie en bande organisée, a été condamné par les premiers juges à 2 ans d'emprisonnement dont 1 an avec sursis, 10.000 euros d'amende, 3 ans d'interdiction des droits civils, civiques et de famille et 2 ans d'interdiction professionnelle; qu'après avoir écarté la circonstance aggravante, l'arrêt attaqué a élevé la durée et le montant de ces peines principales et complémentaires, respectivement portés à 18 mois sans sursis, 50.000 euros, 5 et 3 ans ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, sur l'appel du ministère public, dans la limite du maximum prévu par la loi, la cour d'appel n'a fait qu'user d'une faculté dont elle ne doit aucun compte ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

CONDAMNE Bernard X... et Alain Y... à payer à l'Etat français, chacun, la somme de 1.000 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-87470
Date de la décision : 04/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 7ème chambre, 31 octobre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 nov. 2004, pourvoi n°03-87470


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.87470
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