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04/11/2004 | FRANCE | N°03-86237

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 2004, 03-86237


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de Me ODENT, la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Antonin,

- Y... Simone, épouse X...,

- X... Agnès,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9Ã

¨me chambre, en date du 17 septembre 2003, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre novembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de Me ODENT, la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Antonin,

- Y... Simone, épouse X...,

- X... Agnès,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 17 septembre 2003, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre Antonin X..., Simone Y..., épouse X... et Agnès X... des chefs d'abus de confiance, escroquerie, tentative et complicité de ces délits, a prononcé sur les réparations civiles ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire ampliatif commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1, 121-7 et 314-1 du code pénal, 1382 du Code civil, 4 du protocole 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 8, 188, 593 du Code de procédure pénale, ensemble, excès de pouvoir, violation de l'autorité de la chose jugée, de la règle non bis in idem, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, statuant sur l'action civile, a rejeté les exceptions d'irrecevabilité de l'action civile de la société l'Oréal, soulevées par les prévenus, dit que les éléments constitutifs des délits d'abus de confiance, d'escroquerie et de tentative d'escroquerie étaient réunis à l'encontre d'Antonin X..., ceux de complicité de ces délits à l'encontre de Simone Y..., épouse X..., et d'Agnès X..., donné acte à la partie civile de ce qu'elle se réservait le droit de demander réparation du préjudice causé dans le cadre de la procédure civile et condamné chacun des prévenus à verser à la partie civile la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs qu' "il a été définitivement jugé par la Cour de cassation, dans son arrêt du 6 mai 2002, que la responsabilité des prévenus du chef de violation de secret de fabrique et complicité de ce délit ne pouvait plus être recherchée ; de même, selon la Cour de cassation, la cour d'appel de Paris a souverainement apprécié que la preuve des faits de corruption passive à l'encontre d'Antonin X..., corruption active à la charge d'Agnès X... et complicité de ce délit à la charge de Simone Y..., épouse X... n'était pas rapportée (...)" ; "s'il est vrai que l'action publique ne saurait être mise en cause par la société l'Oréal, seule appelante, et que la Cour ne peut prononcer aucune peine à l'encontre des prévenus, la cour d'appel doit néanmoins rechercher, à la demande de la partie civile, en faisant application des dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale, si les faits qui lui sont déférés, tant par ordonnance de renvoi que par la citation directe, constituent ou non une infraction pénale, même intentionnelle, donner aux faits leur véritable qualification et décider sur l'action civile, notamment du bien-fondé de la constitution de partie civile de la société l'Oréal ; les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la défense, tirées de l'autorité de la chose jugée, de l'application du nouveau Code de procédure civile et du Code du travail seront dès lors rejetées (...)" ;

"sur la prescription (...) il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits d'abus de confiance et de complicité d'abus de confiance, reprochés aux prévenus, ne sont pas prescrits ; qu'il en va de même pour les cinq produits pour lesquels il est démontré par la partie civile qu'elle continue à verser des redevances aux proches d'Antonin X... (...)" ; "(...) les éléments constitutifs du délit d'abus de confiance concernant les cinq brevets déposés par différentes sociétés écrans entre 1984 et 1992 visés par la plainte avec constitution de partie civile de la société l'Oréal sont donc réunis à l'encontre d'Antonin X..." ; "en acceptant d'être gérant de la société, qui constituait une simple société écran, Agnès X... a aidé son père à commettre l'abus de confiance qui lui est reproché" ; "de même, en acceptant de figurer sous son nom de jeune fille comme inventeur, lors du dépôt des brevets, Simone Y..., épouse X..., a participé à la réalisation de l'infraction commise par son époux (...)" ; "en ce qui concerne les faits d'escroquerie, tentative d'escroquerie et de complicité, expressément visés par la citation directe non prescrits (...)" , "(...) en aidant Antonin X... à mettre au point ce système, en lui permettant d'utiliser son nom comme inventeur de nombreux brevets, Simone Y..., épouse X..., s'est rendue coupable de complicité d'escroquerie et de tentative d'escroquerie en acceptant de diriger la société SCEE, société écran qui déposait en son nom des brevets provenant d'informations et d'inventions appartenant à la société l'Oréal, et en touchant les redevances des brevets dont la société SCEE concédait l'exploitation à des tiers, Agnès X... s'est rendue coupable de complicité d'escroquerie" ;

"alors que, d'une part, la partie civile n'a pas qualité pour critiquer, en l'absence d'appel du ministère public, les dispositions pénales du jugement de relaxe ; que le caractère irrévocable de la décision de relaxe rend irrecevable la constitution de partie civile, laquelle, en l'espèce, ne se prévalait d'aucun préjudice, se contentant de demander qu'il lui fût donné acte de ce qu'elle se réservait de demander réparation dans le cadre d'une instance civile, ce qui rendait sa demande irrecevable par application de l'article 2 du Code de procédure pénale, qui n'ouvre l'action civile qu'à ceux qui se prévalent d'un préjudice certain, directement causé par l'infraction, et personnel au demandeur ;

"alors que, d'autre part, la juridiction de renvoi se devait de rechercher uniquement, ainsi qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de cassation, si les faits reprochés aux prévenus ne caractérisaient pas des manoeuvres frauduleuses qui auraient déterminé la société l'Oréal à acquérir les produits brevetés ; qu'en considérant que ces mêmes faits étaient également constitutifs d'abus de confiance et de complicité de ce délit, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine ;

"alors que, de troisième part, en énonçant que les faits d'abus de confiance et de complicité de ce délit n'étaient pas prescrits, au motif que la partie civile continuait à verser des redevances aux proches d'Antonin X..., sans établir la réalité de ces versements, dès lors que l'enquête judiciaire avait écarté l'existence de toute malversation au profit des proches d'Antonin X..., et que le conseil de prud'hommes avait écarté toute faute à l'encontre de ce dernier, dans l'exercice de son contrat de travail, et que seule la société SCE, laquelle a été mise hors de cause, était titulaire des brevets, et non les proches d'Antonin X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors que, de quatrième part, en déclarant ces mêmes faits constitutifs d'escroquerie et de tentative de ce délit, la cour d'appel a méconnu la règle suivant laquelle un même fait ne saurait donner lieu à une double déclaration de culpabilité ;

"alors que, de cinquième part, aux termes de l'article 121-7 du Code pénal, le complice est celui qui, sciemment, par aide ou assistance, facilite la préparation ou la consommation d'un délit ; qu'en déclarant Agnès X... et Simone Y..., épouse X... coupables de complicité des délits poursuivis, au motif que la première était gérante d'une société, laquelle a été créée huit ans avant les faits poursuivis et antérieurement à sa désignation comme gérante, et la seconde, au motif qu'elle avait utilisé son nom de jeune fille pour le dépôt de brevet, ce qui n'est pas interdit par la loi, sans établir l'élément intentionnel de la complicité, la Cour a privé son arrêt de base légale" ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la société l'Oréal a déposé plainte avec constitution de partie civile le 13 juillet 1994, reprochant à son salarié, Antonin X..., ingénieur chargé de recherches, des faits de violation de secrets de fabrique, abus de confiance et complicité ; que la société plaignante exposait avoir constaté que des dépôts de brevets et de modèles par des prête-noms, proches du susnommé, pouvaient résulter d'éléments d'information dont il disposait dans l'exercice de ses fonctions ; que, de plus, la société l'Oréal était incitée à s'approvisionner en produits ainsi brevetés ; que le juge d'instruction a requalifié les faits en vol et complicité de vol et a rendu une ordonnance de renvoi de ces chefs devant le tribunal correctionnel ; que la partie civile a fait citer les mêmes prévenus des chefs de vol, violation de secret de fabrique, corruption, escroquerie et tentative ; que par jugement du 20 avril 2000, l'action publique a été déclarée éteinte des chefs de violation de secrets de fabrique, corruption et escroquerie, les prévenus étant relaxés pour le surplus et la partie civile déboutée de ses demandes ; que, sur appel de la seule partie civile, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 1er février 2001, a confirmé les dispositions civiles du jugement ; que, par arrêt en date du 6 mai 2002, la chambre criminelle a cassé et annulé ledit arrêt en ses seules dispositions relatives aux délits de vol, abus de confiance, escroquerie, tentative et complicité et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles ;

En cet état :

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu que, pour rejeter les exceptions d'autorité de chose jugée et d'irrecevabilité soulevées par la défense, l'arrêt attaqué retient à bon droit que si l'action publique n'est plus en cause, la société l'Oréal étant seule appelante, il appartient à la cour d'appel de rechercher si les faits qui lui sont déférés tant par l'ordonnance de renvoi que par la citation directe constituent ou non une infraction pénale, de donner aux faits leur véritable qualification et de décider du bien fondé de la constitution de partie civile ;

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu qu'en statuant dans les limites fixées par le dispositif de l'arrêt de la chambre criminelle, la cour d'appel de renvoi, n'a pas excédé sa saisine ;

Sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que pour déclarer que les faits constitutifs d'abus de confiance et de complicité de ce délit n'étaient pas prescrits à la date du dépôt de la plainte, les juges du second degré énoncent qu'il résulte des éléments du dossier que la société l'Oréal ne pouvait avoir connaissance des détournements d'informations, de plans et documents lors du dépôt des brevets à l'Institut National de la Propriété Industrielle, les demandeurs et inventeurs étant des sociétés ou des individus n'ayant, en apparence, aucun lien avec Antonin X... ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'en matière d'abus de confiance, le délai de prescription court à compter du moment où le détournement est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué ;

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche :

Attendu que les demandeurs sont sans intérêt à reprocher à la cour d'appel d'avoir déclaré les mêmes faits constitutifs tant des délits d'abus de confiance que d'escroquerie, de tentative d'escroquerie et de complicité, dès lors que l'action civile étant seule en cause, aucune peine n'a été prononcée ;

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche :

Attendu qu'en constatant que Simone Y..., épouse X... et Agnès X... ont accepté, la première de figurer sous son nom de jeune fille comme inventeur de brevets, la seconde d'être gérante d'une "société écran" pour déposer des brevets provenant d'informations et d'inventions appartenant à la société l'Oréal, la cour d'appel a caractérisé, par une appréciation souveraine des faits, l'élément intentionnel des infractions ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-86237
Date de la décision : 04/11/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 9ème chambre, 17 septembre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 nov. 2004, pourvoi n°03-86237


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.86237
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