AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que le 31 juillet 1991, M. X..., alors qu'il se trouvait d'astreinte dans un logement mis à sa disposition par son employeur, Electricité de France (EDF), a fait une chute dans l'escalier de cet immeuble ; que l'arrêt infirmatif attaqué (Versailles, 17 septembre 2002) a reconnu le caractère professionnel de cet accident ;
Attendu que l'employeur fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que l'astreinte constitue une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise ; qu'en déduisant de la nécessité d'être prêt à intervenir à tout moment et de l'utilisation des moyens de communication modernes l'impossibilité pour le salarié, placé en position d'astreinte de vaquer à ses occupations personnelles, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 212-4 du Code du travail ;
2 / que la présomption d'imputabilité de l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale ne s'applique pas à l'accident survenu au cours d'une période d'astreinte ; qu'en appliquant cette présomption d'imputabilité à l'accident survenu à M. X... alors qu'il était placé en position d'astreinte, après avoir pourtant constaté que le salarié reconnaissait que l'accident avait eu lieu à un moment où il se rendait "pour loisir" chez un de ses collègues pour lui apporter des draps, ce dont il résultait qu'à ce moment précis, il vaquait à des occupations personnelles, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 212-4 du Code du travail et L.411-1 du Code de la sécurité sociale ;
3 / que ne revêt pas un caractère professionnel l'accident qui a une cause étrangère au travail ou qui survient à un moment où le salarié est soustrait à l'autorité de son employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le salarié reconnaissait que l'accident s'était produit "alors qu'il n'avait pour seul loisir que de se rendre chez un de ses collègues pour discuter, ou, ce jour là pour lui apporter des draps fournis par l'employeur", ce dont il résultait que l'accident s'était produit à un moment où le salarié n'agissait pas dans l'intérêt de l'employeur et qu'il n'était donc plus soumis à son autorité ou à sa subordination juridique, et donc que la présomption d'imputabilité devait être écartée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que, durant ses astreintes, M. X... était tenu de demeurer dans un logement imposé par son employeur et situé à proximité de son lieu de travail afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles, en a exactement déduit que le salarié devait, pendant toute cette période, bénéficier de la présomption d'imputabilité prévue par l'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale, peu important que l'accident se soit produit à l'occasion d'un acte professionnel ou d'un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l'employeur ou la Caisse de démontrer que l'intéressé s'était temporairement soustrait aux obligations résultant de l'astreinte pour des motifs personnels ;
Que la cour d'appel qui, par une appréciation souveraine des éléments de fait qui lui étaient soumis, a considéré que cette preuve n'était pas rapportée, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Electricité de France et Gaz de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Electricité de France et Gaz de France à payer à M. X... la somme de 2 200 euros ; rejette les demandes d'Electricité de France et Gaz de France et de la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille quatre.