AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 septembre 2001), la société Crédit lyonnais s'est vu notifier en 1990 la désignation de M. X..., salarié depuis 1955, en qualité de délégué syndical ; que cette désignation précisait être faite pour une période de dix années expirant le 31 décembre 2000 le salarié étant par ailleurs administrateur de la caisse de prévoyance jusqu'au 31 décembre 2000 ;
que l'employeur a mis le salarié à la retraite le 1er décembre 1996 date à laquelle celui-ci avait atteint l'âge de soixante ans et pouvait bénéficier d'une pension à taux plein ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes de condamnation du Crédit lyonnais pour non-respect de la procédure, indemnité de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement abusif prononcé sans autorisation administrative ;
Sur le pourvoi principal ;
Vu l'article L. 412-18 du Code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, que le salarié protégé, dont le contrat est rompu par une mise à la retraite sans autorisation de l'inspection du travail, a droit, s'il ne demande pas la poursuite de son contrat de travail, à une indemnité réparant l'atteinte portée au statut protecteur, qui est égale au montant des salaires qu'il aurait perçus depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection ;
que pour le délégué syndical, dont l'éviction de l'entreprise fait obstacle à l'exercice du mandat, cette indemnité est limitée à la période de protection prévue par l'article L. 412-18, alinéa 4, du Code du travail, soit douze mois à compter de son éviction ;
Attendu pour accorder à M. X..., délégué syndical, une indemnité de 49 mois de salaires au titre de la violation du statut protecteur, la cour d'appel énonce que M. X..., délégué syndical, mis à la retraite d'office en méconnaissance de son statut protecteur à droit à une somme correspondant au total des salaires jusqu'au 31 décembre 2000 date de l'expiration de son mandat ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le pourvoi incident :
Vu les articles L. 122-14- 4, L. 122-14-13 et L. 412-18 du Code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes de dommages-intérêts pour non respect de la procédure et licenciement abusif, la cour d'appel énonce qu'il a droit à une somme correspondant au total des salaires de la date de son éviction à la fin de la période légale de protection, "à l'exclusion de toute autre indemnité" ;
Attendu, cependant, que la mise à la retraite d'un salarié protégé doit être autorisée par l'inspecteur du travail, et qu'à défaut, la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul ; qu'il en résulte qu'outre la sanction de la méconnaissance du statut protecteur, le salarié protégé, qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu, a le droit d'obtenir, non seulement les indemnités de rupture, mais une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions relatives à l'indemnité pour atteinte au satut protecteur et au débouté des demandes afférentes au licenciement, l'arrêt rendu le 28 septembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par chacune des parties, pour moitié ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille quatre.