La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2004 | FRANCE | N°04-80245

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 octobre 2004, 04-80245


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour , et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'AMIENS,

- L'ADMINIST

RATION DES DOUANES, partie poursuivante,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chamb...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller NOCQUET, les observations de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour , et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'AMIENS,

- L'ADMINISTRATION DES DOUANES, partie poursuivante,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 17 septembre 2003, qui a renvoyé Ian X... des fins de la poursuite des chefs de contrebande de marchandises prohibées et association de malfaiteurs et a débouté l'administration des douanes de ses demandes ;

Vu les mémoires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les agents des Douanes, avertis d'un projet de transport de stupéfiants par voie aérienne entre la France et le Royaume Uni, ont assisté à l'atterrissage sur l'aéroport d'Abbeville d'un avion de tourisme dont le pilote, Ian X..., a aussitôt pris contact avec Richard Y..., venu le rejoindre à bord de son véhicule automobile ; qu'après avoir quitté ce dernier, Ian X..., interpellé par les agents des douanes, a été trouvé porteur d'un sac contenant 3 577 grammes d'héroïne ; qu'il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, d'une part, en tant qu'intéressé, moyennant une commission de 5 000 livres sterling et selon un plan de fraude préétabli, au délit de contrebande de marchandises prohibées importées par Richard Y..., d'autre part, pour avoir, en ayant pris possession de l'héroïne remise par ce dernier en vue de l'exporter à bord de son avion vers le Royaume Uni, participé à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement ;

En cet état ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour l'administration des Douanes, pris de la violation des articles 38, 336, 392, 215, 414, 417, 418, 420, 421, 422, 438, 369, 419, 399 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite ;

"aux motifs que le fait que l'avion ait été inspecté par un chien spécialisé dans la recherche de la drogue sans que ce détective canidé ne remarque de trace olfactive permet de conclure que l'aéronef n'a jamais contenu de drogue et d'en conclure que le prévenu n'a jamais matériellement transporté ni importé de stupéfiants à l'aide de ce moyen de transport ; qu'il n'a pas non plus exporté de produits stupéfiants puisqu'il n'a pas décollé de l'aéroport d'Abbeville en emportant vers le Royaume-Uni le sac remis par Richard Y..., qu'il a rendu l'avion impropre à un départ immédiat en le faisant ranger dans un hangar et s'est abstenu même de déposer à l'intérieur de l'aéronef le sac remis par l'instigateur, se donnant le délai et la possibilité de renoncer à transporter ce sac ; que le prévenu n'a commis aucun des éléments matériels susceptibles de caractériser le délit de contrebande sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le plan de fraude préétabli qui ne constitue qu'une circonstance aggravante sans existence propre en l'absence des éléments principaux du délit, l'élément matériel et l'élément moral que cette circonstance alourdit ; que l'élément matériel, d'introduction du sac dans l'avion et, au moins, de préparatifs de départ, manque ; que la réalisation de ces éléments matériels aurait pu être effectuée ultérieurement et serait résultée d'une décision constitutive de l'élément moral que Ian X... aurait pu prendre le lendemain mais la nécessité de recueillir des éléments de preuve contre Richard Y... et de l'interpeller en temps utile n'a pas permis aux douaniers et aux policiers d'attendre le jour suivant que le prévenu se décide, après avoir vérifié le contenu du sac ou avoir préféré l'ignorer, de commettre les faits délictueux ou y renoncer, voire de livrer les éléments aux autorités compétentes ;

"alors que le délit d'importation en contrebande de marchandises prohibées est constitué, dès lors que soit le prévenu, détenait des produits stupéfiants ou coopérait comme intéressé à un plan de fraude arrêté en commun ; qu'en relaxant le prévenu aux motifs inopérants pris de ce que le "détective canidé" n'aurait pas flairé la drogue, que le prévenu n'a pas franchi de frontière et qu'il était sans intérêt de s'interroger sur l'existence d'un plan de fraude, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles susvisés ;

"alors qu'il résultait des procès-verbaux et des conclusions d'appel de la demanderesse que Ie 30 mars 2002, le véhicule automobile conduit par Richard Y... était signalé sur le parking de l'aérodrome, qu'une demi-heure plus tard, un monomoteur piloté par Ian X... atterrissait ; qu'il était encore constaté que les deux trafiquants entrèrent alors en contact sur le tarmac et s'éloignèrent une quinzaine de minutes à bord du véhicule ; qu'il était établi que Richard Y..., durant un bref arrêt, est alors descendu de son véhicule, a ouvert le coffre pour prendre un sac à dos de couleur sombre et a regagné l'aérodrome ; qu'il était encore prouvé que Ian X... est descendu du véhicule avec le même sac qu'il portait à sa sortie de l'avion mais plus volumineux et s'est dirigé vers le restaurant de l'aérodrome et qu'en fin d'après-midi, Ian X... est sorti du restaurant côté piste, posa le sac au pied de l'escalier de la terrasse puis a rejoint son avion pour le garer dans un hangar avec l'aide d'un membre du personnel de l'aérodrome ; que ces faits établissent que le prévenu avait coopéré avec Richard Y... à une importation en contrebande de marchandises prohibées ; qu'en estimant le contraire aux motifs qu'il était sans intérêt de s'interroger sur l'existence d'un plan de fraude qui constituerait une "circonstance aggravante", la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par le procureur général, pris de la violation des articles 399, 215, 414, 418, 420, 421, 422, 437, 438 et 370 du Code des douanes, 1 de l'arrêté ministériel du 24 septembre 1987 portant application de l'article 215 du Code des douanes, 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 215, 414 et 419 du Code des douanes ;

Attendu que, selon ces textes, le détenteur de marchandises prohibées qui ne justifie pas de leur origine est réputé les avoir importées en contrebande ;

Attendu que, pour relaxer Ian X... en tant qu'intéressé au délit d'importation en contrebande de marchandises prohibées, la cour d'appel énonce notamment qu'il n'a jamais, à l'aide de son aéronef, transporté ni importé de stupéfiants et qu'il n'en a pas davantage exporté puisqu'il s'est abstenu d'y déposer le sac contenant l'héroïne, et qu'en l'absence des éléments matériels et moral de l'infraction, il n'y a pas lieu de vérifier l'existence d'un plan de fraude préétabli ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les marchandises prohibées détenues par le prévenu sans justification d'origine étaient présumées avoir été importées en contrebande, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Sur le deuxième moyen proposé par le procureur général, pris de la violation des articles 450-1, 222-36, 222-37 et suivants du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;

Sur le troisième moyen du procureur général, pris de la violation de l'article 450-1 du Code pénal ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 450-1 du Code pénal ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour relaxer Ian X... du chef d'association de malfaiteurs, l'arrêt énonce, d'une part, que l'élément moral de l'infraction fait défaut puisqu'il ignorait que le sac trouvé en sa possession contenait des produits stupéfiants, d'autre part, que, faute de poursuites du même chef contre l'autre prévenu, la pluralité d'auteurs que suppose le délit n'est pas établie ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par un motif inopérant pris de l'absence de poursuites contre un autre prévenu et sans rechercher si Ian X... avait participé volontairement à un groupement ou une entente entrant dans les prévisions de l'article 450-1 du Code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 17 septembre 2003,

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Soulard, Mmes Salmeron, Guihal conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Davenas ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 04-80245
Date de la décision : 20/10/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, 17 septembre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 oct. 2004, pourvoi n°04-80245


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:04.80245
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award