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20/10/2004 | FRANCE | N°03-86236

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 octobre 2004, 03-86236


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me COSSA, et de Me ODENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 18 septembre 2003, qui, dans la procédure suivie contre lui pour faux et usage, a p

rononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me COSSA, et de Me ODENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 18 septembre 2003, qui, dans la procédure suivie contre lui pour faux et usage, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 du Code de procédure pénale, L. 441-1 et suivants du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription invoquée par Jean X... poursuivi des chefs de faux et usage ;

"aux motifs que le 15 septembre 1998, M. Y..., gérant de la société ARDC déposait plainte assortie d'une constitution de partie civile contre Guy Z... des chefs de tromperie sur la nature, la qualité... d'une marchandise, abus de confiance au préjudice de ARDC visant des pièces de fonderie et trois équilibreurs au préjudice de Peugeot ; que, par jugement du 7 septembre 2000, le tribunal correctionnel de Chartres a relaxé Guy Z... du chef de tromperie ;

que ce jugement a été confirmé par la cour d'appel de Versailles (arrêt, p. 6) ; ... que, compte tenu de l'unité d'objet (les pignons) sur lesquels portaient les certificats de conformité argués de faux par la société ARDC et la tromperie sur la qualité, il y a lieu, pour une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des poursuites 1) contre Jean X..., prévenu d'avoir à Orléans et sur le territoire national, courant 1995, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper la société ARDC par l'intermédiaire de Guy Z..., contractant, sur les qualités substantielles de la marchandise vendue et fabriquée, en l'espèce des pignons qui se sont avérés inaptes à l'emploi, infraction prévue par l'article 313-1, alinéas 1 et 2, du Code pénal et réprimée par les articles 313-1, alinéa 2, 313-7 et 313-8 du Code pénal, de s'être, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, au préjudice de la société ARDC, rendu complice du délit de tromperie reproché à la société SICOP, en l'aidant sciemment dans sa consommation, infraction prévue et réprimée par les articles 121-7, 121-6 du Code pénal, L. 213-1, L. 216-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation, d'avoir à Orléans et sur le territoire national, courant 1995, par quelque moyen que ce soit, altéré frauduleusement la vérité d'un écrit ou de tout autre support de la pensée destiné à établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques en l'espèce en falsifiant des certificats de conformité délivrés le 6 novembre 1995, au préjudice de la société ARDC, infraction prévue et réprimée par les articles 441-1, 441-10, 441-11 du Code pénal et d'avoir à Orléans et sur le territoire national fait usage des certificats de conformité falsifiés infraction prévue et réprimée par les articles 441-1, 441-10, 441-11 du Code pénal et 2) contre Guy Z... d'avoir a Orléans altéré frauduleusement la vérité dans un écrit ayant pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce, en falsifiant des certificats de conformité au préjudice de la société ARDC, délit prévu et réprimé par les articles 441-1, 441-1, alinéa 2, 441-10 et 441-11 du Code pénal, selon le tribunal, alors que la citation visait la complicité de faux (art. 121-7 du Code pénal) et d'avoir à Orléans fait usage sciemment d'un écrit ayant pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques en l'espèce des certificats de conformité dans lesquels avait été altérée frauduleusement la vérité au préjudice de la société ARDC (arrêt, p. 7 et 8) ; ... que Jean X... a soulevé une exception de prescription (arrêt p. 10) ;

... que l'unité d'objet (les pignons des équilibreurs) relevée pour ordonner la jonction des procédures a pour effet de faire rejaillir l'interruption de prescription dont bénéficie l'une ou l'autre des séries de délits poursuivis (tromperie - faux) sur l'autre série ;

qu'ainsi le délit de tromperie sur les qualités substantielles des pignons composant les équilibreurs, reproché à Guy Z..., par une plainte assortie d'une constitution de partie civile déposée le 15 septembre 1998, soit moins de trois ans après le dernier acte afférent à la fabrication desdits pignons, soit le 6 novembre 1995, date d'établissement des 5 certificats de conformité intéressant une commande du 24 mai 1994 n° 18154 (de SICOP à X...) est interruptive de prescription sur l'ensemble des poursuites à l'encontre de chacun des prévenus, peu important la relaxe intervenue entre temps au bénéfice de Guy Z... du chef de tromperie ;

"alors que des actes interruptifs de la prescription de l'action publique qui portent sur des faits ayant donné matière à un jugement de relaxe devenu définitif, sont sans effet, en matière de prescription, à l'égard d'autres faits, même connexes, pour lesquels la prescription de l'action publique était acquise lors du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile ; que les délits de faux et d'usage étant des infractions instantanées, après avoir constaté que plus de trois ans s'étaient écoulés entre l'établissement et l'utilisation des certificats de conformité, en date du 6 novembre 1995, et la plainte avec constitution de partie civile du 2 mai 2000, la cour d'appel a considéré, pour rejeter l'exception de prescription, qu'en l'état de leur connexité avec ceux visés par la plainte avec constitution de partie civile déposée le 15 septembre 1998 contre un tiers pour tromperie, cet acte interruptif de prescription concernant le délit connexe de tromperie avait eu le même effet à l'égard de celui de faux et usage, cela peu important la relaxe intervenue entre temps au bénéfice dudit tiers poursuivi du chef de tromperie ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique soulevée par Jean X..., l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que des actes interruptifs, même s'ils concernent des faits pour lesquels une relaxe sera ultérieurement prononcée, interrompent la prescription à l'égard d'autres faits connexes ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 441-1 et suivants du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut et contradiction de motifs ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit que les éléments constitutifs de faux et usage de faux de cinq certificats de conformité datés du 6 novembre 1995 reprochés à Jean X..., sont caractérisés ;

"aux motifs que la poursuite est limitée aux cinq certificats de conformité établis le 6 novembre 1995 et tous afférents à la commande du 24 mai 1994 n° 18154 ; qu'il résulte des pièces que cinq certificats visent un seul numéro de bordereau pour cinq livraisons en date des 27 mai 1994 (deux livraisons), 6 juin 1994 (une), 8 juin 1994 (une) et 11 juillet 1994 (une) ; que chacun désigne l'objet, à savoir des pignons, leur quantité, des références de traitement ainsi que le nom du contrôleur qualité ; qu'en application de la norme NF L 00 015 les certificats de conformité aux stipulations d'une commande comportaient les mentions exigées, et en particulier, l'affirmation de conformité aux spécifications techniques de la commande, en terme de fabrication et de contrôle ; que les spécificités techniques mentionnées dans le bulletin de commande concernaient la "trempe superficielle de la denture "pour HB mini", une référence de plan (ER 40000008), pour chacune des 4 séries de pignons : l'épaisseur et enfin la "dureté HB 480 mini" ; que, contrairement aux autres commandes qui ont mentionné "nous fournir certificat de conformité" ou "certificat trempe HF", cette demande ne figurait pas dans le bon de commande n° 18154 du 24 mai 1994 ; que les certificats non établis à l'époque contemporaine de la livraison des pignons ont été datés du jour de leur établissement par le contrôleur qualité de la société X..., à la demande téléphonique de Guy Z... du 6 novembre 1995 ;

qu'en elle-même cette date de délivrance ne constitue pas un faux dès lors que les autres mentions, notamment le rapport aux dates de livraisons et les produits livrés ne comportent aucune fausse mention ; que, délivrés a posteriori, ils sont supposés certifier la conformité à la commande et par conséquent s'appuyer sur des données de contrôle relevées lors de l'exécution de ceux-ci avant la livraison ; que les pièces versées comprennent des exemples de fiches de contrôle afférents à d'autres commandes exécutées par la société X... ; que, pour la commande n° 18154 du 24 mai 1994, aucune des "fiches de contrôle" n'a pu être produite par la société X..., alors pourtant que la demande urgente téléphonique de Guy Z... le 6 novembre 1995, ne pouvait qu'inciter le fabricant des pignons à les conserver, d'autant que quelques heures plus tard, Jean X... recevait l'assignation en référé d'heure à heure pour désignation d'un expert devant étudier les pignons, objet de discussions entre les sociétés X.../SICOP un an plus tôt ; qu'en outre, cette "première" commande avait été contestée dans les résultats de fabrication et avait dû être reprise de sorte que les certificats de conformité auraient dû, utilement, faire état d'une telle reprise ce qui, pour le moins, impliquait la mention d'une deuxième livraison, et en tout cas l'élaboration d'une deuxième série de fiches de contrôle avant la deuxième livraison ; que Jean X..., qui a fait établir et a envoyé à Guy Z... des certificats de conformité ne reposant sur aucun contrôle, a consciemment commis cinq faux et l'usage de ceux-ci ; que Guy Z..., en demandant des certificats de conformité qui lui manquaient, n'a pu être complice que s'il a indiqué à Jean X... qu'il convenait de lui transmettre des certificats sans égard à l'existence des fiches de contrôle correspondantes ; que la preuve d'un tel événement n'est pas rapportée, notamment à travers les explications de Jean X... ;

"alors que les délits de faux et d'usage de faux impliquent l'un comme l'autre de la vérité dans un écrit qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ; que ne rentre pas dans les prévisions de ce texte, l'établissement de certificats de conformité qui ne représentent que les seules affirmations de leur auteur, sujettes à vérifications ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, subsidiairement, que l'altération de la vérité sans laquelle il ne saurait y avoir faux, ne peut se déduire de la seule négligence de l'auteur de certificats de conformité ; qu'après avoir constaté que les écrits litigieux étaient constitués par des certificats de conformité afférents à une commande livrée plus d'un an auparavant, qu'ils avaient été réclamés à un moment où les produits avaient d'ores et déjà fait l'objet de contestations, au demeurant mal fondées en l'absence de violation des spécifications connues (arrêt, p. 21) et des diverses reprises opérées (arrêt, p. 25), la cour d'appel devait en déduire que la société X... avait pris le risque d'établir des certificats de conformité pour des produits d'ores et déjà soumis à discussion et écarter les qualifications de faux et d'usage alléguées ; qu'en considérant au contraire que ces certificats résultaient d'une altération de la vérité, dès lors qu'aucune fiche de contrôle ayant servi à leur établissement n'avait pu être produite par la société X... durant la procédure pénale, impossibilité qui résultait tout au plus d'une négligence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"et alors, en toute hypothèse, qu'il n'y a de faux punissable qu'autant que ce faux est susceptible d'occasionner à autrui un préjudice actuel ou possible ; qu'en l'espèce, après avoir établi que, le 24 mai 1994, la société SICOP avait passé une commande à la société X... sans l'assortir d'une demande de certificat de conformité, que cette commande avait donné lieu à des livraisons entre le 27 mai 1994 et le 11 juillet 1994, qu'elles avaient été suivies durant le mois d'octobre 1994 de diverses contestations de la part de la société SICOP et de son donneur d'ordre sur la conformité des matériels puis de diverses reprises et qu'un an plus tard, le 6 novembre 1995, la société SICOP avait demandé à la société X... d'établir des certificats de conformité afférents à cette première commande, ce qui avait été fait le même jour, la cour d'appel devait en déduire que l'établissement et la remise de ces documents n'étaient pas susceptibles de créer un préjudice à la société SICOP ou à son donneur d'ordre ; qu'en retenant néanmoins le faux et l'usage allégués, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et estimé à bon droit, que les faits qui lui étaient déférés constituaient les délits de faux et usage ;

D'où il suit que le moyen qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme que Jean X... devra payer à la société ARDC au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Roger conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-86236
Date de la décision : 20/10/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 9ème chambre, 18 septembre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 oct. 2004, pourvoi n°03-86236


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.86236
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