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20/10/2004 | FRANCE | N°02-46655

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2004, 02-46655


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

18 / de M. Teddy R..., demeurant ...,

19 / de M. Alain S..., demeurant ...,

20 / de Mme Elisabeth T... Billy, demeurant ...,

21 / de M. Francis V..., demeurant ...,

22 / de M. Davis XX..., demeurant ...,

23 / de M. Martial XY..., demeurant ...,

24 / de M. Eric XB..., demeurant ...,

25 / de M. Arnaud XC..., demeurant 2, place du Monument, 80210 Ercourt,

26 / de M. Sébastien XH..., demeurant ...,

27 / de M. Bernard L..., demeura

nt ...,

28 / de M. Emmanuel Y..., demeurant ...,

29 / de M. Romain K..., demeurant ...,

30 / de M. Tony U..., de...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

18 / de M. Teddy R..., demeurant ...,

19 / de M. Alain S..., demeurant ...,

20 / de Mme Elisabeth T... Billy, demeurant ...,

21 / de M. Francis V..., demeurant ...,

22 / de M. Davis XX..., demeurant ...,

23 / de M. Martial XY..., demeurant ...,

24 / de M. Eric XB..., demeurant ...,

25 / de M. Arnaud XC..., demeurant 2, place du Monument, 80210 Ercourt,

26 / de M. Sébastien XH..., demeurant ...,

27 / de M. Bernard L..., demeurant ...,

28 / de M. Emmanuel Y..., demeurant ...,

29 / de M. Romain K..., demeurant ...,

30 / de M. Tony U..., demeurant ..., appartement 50, 80100 Abbeville,

31 / de M. Dany H..., demeurant ...,

32 / de M. Paul XA..., demeurant ...,

33 / de M. Benjamin D... Silva, demeurant ...,

34 / de Mme Isabelle XZ..., demeurant ...,

35 / de M. Jean-Paul XG..., demeurant ... L'Abbé,

36 / de M. Alain O..., demeurant ...,

37 / de M. René C..., demeurant ... L'Abbé,

38 / de M. Jean-Claude XZ..., demeurant ...,

défendeurs à la cassation ;

Attendu que la société des Automobiles Peugeot a retiré à la société Les Grands garages de l'Avenir (GGA) la concession exclusive de sa marque sur le territoire d'Abbeville pour la confier à partir du 6 décembre 1999 à la société Paillard automobiles ; que trente-trois salariés de la société GGA ont saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que leurs contrats de travail devaient se poursuivre de plein droit avec la société Paillard ; que l'arrêt qui les avait déboutés de leurs prétentions a été cassé le 11 juin 2002 par la Chambre sociale (Bull., n° 197) ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident des sociétés Paillard et Paillard automobiles Abbeville :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 15 novembre 2002), d'avoir retenu que l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail était applicable, en refusant de faire droit à une demande de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice des communautés européennes, d'avoir dit que les contrats de travail devaient être poursuivis par la société Paillard à compter du 6 décembre 1999 et d'avoir condamné cette société au paiement de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'indemnités de rupture au profit des salariés et de dommages-intérêts au profit de la société GGA alors, selon le moyen :

1 / que le transfert d'une entité économique emportant transfert des contrats de travail, au sens du droit communautaire, suppose la réunion d'éléments concrètement constatés, dont en particulier la reprise d'une partie essentielle du personnel affecté spécialement à l'activité reprise ; que le changement de concessionnaire exclusif d'une marque automobile n'emporte pas en soi transfert d'une entité économique autonome, au sens du droit communautaire, dès lors que l'ancien concessionnaire conserve une activité hors concession significative, ainsi qu'une partie non résiduelle de son personnel, affectée à cette activité hors concession ; que l'interprétation de l'article L. 122-12 du Code du travail selon laquelle, en tant que tel, le changement de concessionnaire exclusif emporte transfert d'une entité économique autonome, n'est donc pas conforme aux directives européennes, telles qu'interprétées par la Cour de justice des communautés européennes ;

qu'en considérant le contraire, pour refuser à tort de faire droit à la demande de renvoi préjudiciel qui lui était présentée, la cour d'appel a violé l'article L. 122-12 du Code du travail, les directives communautaires 77/187 et 98/50 et l'article 234 du Traité CE ;

2 / qu'en tout état de cause, constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; qu'en outre, ne sont susceptibles de transfert que les contrats de travail des salariés affectés à l'activité transférée ; qu'en l'espèce, il était constant que la société GGA avait d'autres activités que la concession retirée, en particulier la vente de véhicules d'occasion de toutes marques et la réparation ; qu'il était encore constant que cette société avait conservé la plus grande partie de ses salariés postérieurement à la résiliation de la concession ; qu'en considérant néanmoins que les contrats de travail de l'ensemble des salariés de la société GGA devaient être transférés, quand elle avait elle-même constaté que la société GGA avait continué à employer et à rémunérer l'essentiel de ses salariés après la résiliation de la concession, c'est-à-dire qu'ils ne faisaient pas partie d'un ensemble organisé permettant l'exercice d'une activité propre de concession, et qu'ils n'étaient en tous cas pas affectés à l'activité transférée, la cour d'appel a violé l'article L. 122-12 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'en retenant que le changement de concessionnaire exclusif avait entraîné le transfert, au nouveau concessionnaire, d'une entité économique autonome, la cour de renvoi a statué en conformité de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie ; que le moyen, en sa première branche, appelle la Cour de Cassation à revenir sur la doctrine affirmée par son précédent arrêt ;

Attendu ensuite que la cour d'appel, qui a constaté que la société GGA n'avait à la date du transfert aucune autre activité significative, distincte de celle qui était liée à la concession dont elle bénéficiait antérieurement, et qu'elle n'avait conservé le personnel qui y était affecté qu'en raison du refus de la société Paillard de poursuivre les contrats de travail, ainsi que cette dernière y était légalement tenue, n'encourt pas les griefs du moyen, en sa seconde branche ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé en sa seconde branche ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société GGA :

Attendu que la société GGA, le commissaire à l'exécution du plan de continuation et le représentant des créanciers font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande tendant au remboursement des salaires indûment versés aux salariés dont les contrats de travail se sont poursuivis de plein droit avec la société Paillard, à compter du 6 décembre 1999 alors, selon le moyen :

1 / que les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que les anciens salariés de la société GGA réclamaient que soit constaté le transfert de leurs contrats de travail à la société Paillard à compter du 6 décembre 1999 et la rupture de ceux-ci aux torts de ladite société à compter de la date de l'arrêt à intervenir, sollicitant la condamnation de la société Paillard à les garantir des restitutions des salaires pour la période comprise entre le 6 décembre 1999 et la date de l'arrêt à intervenir marquant leurs licenciements et demandant la réouverture de leurs droits aux Assedic ;

que la société GGA et ses mandataires judiciaires soutenaient que depuis le 6 décembre 1999, les contrats de travail litigieux s'étaient poursuivis avec la société Paillard, sollicitant la restitution des salaires indûment versés depuis cette date ; que la société Paillard n'a jamais soutenu avoir licencié les salariés en cause ni même pris position sur un refus de poursuite de leurs contrats de travail ; qu'en décidant dès lors que le refus de la société Paillard de poursuivre les contrats de travail des salariés en cause s'analysait en un licenciement dont la date devait être fixée au 6 décembre 1999, c'est-à-dire au moment où cette société aurait dû assurer la poursuite des contrats de travail, la cour d'appel a dénaturé les prétentions des parties, violant l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que le juge doit respecter le principe du contradictoire et statuer de façon équitable, impartiale et indépendante ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que les contrats de travail des salariés en cause avaient été rompus par la société Paillard le 6 décembre 1999 et non, comme demandé par les parties, à la date de l'arrêt à intervenir, sans inviter les partie à débattre contradictoirement de ce moyen mélangé de fait et de droit, la cour d'appel a violé l'article 6 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3 / que l'inexécution par le nouvel employeur de ses obligations contractuelles n'entraîne la rupture des contrats de travail que si les salariés n'en demandent l'exécution ; que les salariés de la concession exclusive réclamaient l'exécution par la société Paillard de leurs contrats de travail entre le 6 décembre 1999, date du transfert de la concession, et la date de l'arrêt à intervenir et que la société Paillard n'a jamais prononcé le licenciement desdits salariés ; qu'en décidant que le refus de la société Paillard de poursuivre les contrats de travail des salariés en cause s'analysait en un licenciement au 6 décembre 1999, date du transfert de la concession, la cour d'appel a violé les articles L. 122-12 et L. 122-14-3 du Code du travail ;

4 / que les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'aucune des parties litigeantes n'a soutenu ni allégué que la société GGA aurait conclu avec les salariés de nouveaux contrats de travail après leurs licenciements par la société Paillard ; qu'en déboutant la société GGA et ses mandataires judiciaires de leur demande de restitution des salaires indûment versés depuis le 6 décembre 1999, date du transfert des contrats de travail, au motif que GGA ne démontrait pas que les rémunérations versées après cette date n'avaient pas été la contrepartie d'une prestation de travail effectuée pour son compte, la cour d'appel a dénaturé les prétentions des parties, violant l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

5 / qu'en relevant d'office le moyen mélangé de fait et de droit tiré de ce que les salaires versés par la société GGA à ses anciens salariés, postérieurement au 6 décembre 1999, date du transfert de leurs contrats de travail à la société Paillard, aurait été la contrepartie d'une prestation de travail effectuée pour la compte de la société GGA, sans inviter préalablement les parties à s'expliquer contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile et l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

6 / qu'il résulte des constatations et appréciations de l'arrêt attaqué que, postérieurement au 6 décembre 1999, la société GGA n'avait plus la qualité d'employeur des anciens salariés de la concession exclusive Peugeot ; qu'en déboutant néanmoins la société GGA et ses mandataires de leur demande en restitution des salaires indûment versés depuis le 6 décembre 1999, au motif que ces salaires auraient été la contrepartie d'un travail effectué pour le compte de la société GGA, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

7 / qu'en l'absence de contrat de travail, le salarié n'est fondé à conserver que les rémunérations correspondant au travail effectivement fourni et à l'avantage corrélatif retiré par l'employeur ; qu'en déboutant la société GGA et ses mandataires judiciaires de leurs demandes de restitution des salaires versés depuis le 6 décembre 1999, sans rechercher si ces rémunérations correspondaient au travail effectivement fourni et à l'avantage qu'en aurait retiré la société GGA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1235 et 1376 du Code civil et L. 121-1 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'arrêt que les salariés soutenaient devant la cour de renvoi que leurs contrats de travail avaient été abusivement rompus par suite du refus de la société Paillard d'en poursuivre l'exécution après le transfert de la concession ; qu'en faisant droit à cette prétention et en fixant la date de la rupture des contrats au jour du transfert, qui était nécessairement dans le débat, la cour d'appel n'a pas dénaturé leurs demandes et modifié les termes du litige, ni relevé d'office un moyen qui ne lui aurait pas été soumis ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté qu'après la date du transfert, la société GGA avait exercé une nouvelle activité de vente de véhicules d'occasion en utilisant pour les besoins de cette activité les salariés que la société Paillard n'avait pas repris et en les rémunérant en contrepartie de la prestation de travail accomplie par eux à ce titre et pour son compte ; qu'elle a pu déduire de ces constatations, sans modifier les termes du litige, que les salaires réglés après la date du transfert n'avaient pas été indûment perçus par les intéressés ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi incident des sociétés Paillard et Paillard automobiles Abbeville :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Paillard à payer à la société GGA des dommages-intérêts, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, outre une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile alors, selon le moyen, que seul est sujet à réparation le préjudice réelle et certain, qu'il incombe au demandeur à l'action en responsabilité d'établir ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société GGA était dans l'impossibilité de démontrer que les salaires versés à ses salariés postérieurement au 6 décembre 1999 n'étaient pas la contrepartie d'une prestation de travail effectuée pour son compte ; qu'il s'en évinçait que la société GGA ne démontrait pas avoir dû payer des salariés sans que ces derniers aient accompli pour son compte une prestation effective de travail justifiant cette rémunération ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner la société Paillard à payer des dommages-intérêts à la société GGA, que cette dernière se serait trouvée par sa faute en situation de sureffectif par rapport à la charge de travail qu'elle était en mesure de fournir, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel qui, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que, du fait du refus de la société Paillard de poursuivre les contrats de travail des salariés attachés à l'entité transférée, la société GGA s'était trouvée en situation de sureffectif, a ainsi caractérisé un préjudice économique causé par la faute du nouveau concessionnaire et dont elle a souverainement évalué le montant ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal de la société GGA et incident de la société Paillard et de la société Paillard automobiles Abbeville ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 02-46655
Date de la décision : 20/10/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai (assemblée des chambres), 15 novembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2004, pourvoi n°02-46655


Composition du Tribunal
Président : Président : M. CHAGNY conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.46655
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