AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jonathan,
contre l'arrêt n° 10 de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 13ème chambre, en date du 5 janvier 2004, qui, pour infraction au Code de la santé publique, l'a condamné à 500 euros d'amende et a prononcé la fermeture définitive de l'établissement ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 3336-2, L. 3352-9 du Code de la santé publique, 4 du Protocole 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation du principe non bis in idem, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jonathan X... coupable d'avoir, le 5 novembre 2002, exploité un débit de boissons de 4ème catégorie malgré une interdiction de plein droit suite à une condamnation du 27 septembre 2001 pour infraction à la législation sur les stupéfiants prononcée par le tribunal de grande instance de Marseille, et l'a condamné à une peine d'amende délictuelle de 500 euros ;
"aux motifs que les faits sont établis par la procédure et les débats ; qu'ils sont en outre reconnus ;
"alors, d'une part, qu'une infraction continue, commise par le même auteur et constatée à diverses reprises par les forces de police, ne peut faire l'objet de plusieurs condamnations dans le cadre d'actions pénales distinctes sauf à ce que l'état délictueux subsiste après une première déclaration de culpabilité ; que le délit d'exploitation d'un débit de boissons par une personne frappée d'incapacité se poursuit par l'intervention renouvelée de l'exploitant et présente ainsi le caractère d'une infraction continue ; qu'en l'espèce, en déclarant Jonathan X... coupable d'exploitation irrégulière d'un débit de boissons constatée le 5 novembre 2002, cependant que cette même infraction avait déjà été constatée le 5 septembre 2002 et a fait l'objet d'une autre condamnation dans le cadre d'une action pénale distincte, la cour d'appel a violé le principe non bis in idem ;
"alors, d'autre part, que l'infraction d'exploitation d'un débit de boissons par une personne condamnée à un mois au moins d'emprisonnement pour infraction à la législation sur les stupéfiants est uniquement caractérisée lorsque cette condamnation est devenue définitive ; qu'en retenant Jonathan X... dans les liens de la prévention, sans avoir préalablement constaté qu'au moment des faits la condamnation prononcée contre lui pour infraction à la législation sur les stupéfiants était devenue définitive, la cour d'appel, qui ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur ce point, a violé les articles L. 3336-2 et L. 3352-9 du Code de la santé publique ;
"alors, en outre, que tout arrêt ou jugement doit contenir les motifs propres à justifier sa décision, l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu'en déclarant Jonathan X... coupable des faits reprochés au motif qu'ils étaient établis par la procédure et les débats, la cour d'appel a statué par une motivation qui ne précisait pas de quels éléments de fait elle déduisait la culpabilité du prévenu et a donc privé sa décision de toute motivation réelle ;
"alors, enfin, qu'un aveu de culpabilité ne dispense pas les juges du fond de motiver leur décision de condamnation ; qu'en retenant Jonathan X... dans les liens de la prévention du fait qu'il avait reconnu avoir commis les faits qui lui sont reprochés, la cour d'appel n'a pas mieux motivé sa décision" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jonathan X..., gérant du bar du Cycle, a été condamné le 27 septembre 2001 par le tribunal correctionnel de Marseille pour infraction à la législation sur les stupéfiants ; que l'interdiction d'exploiter un débit de boissons pendant cinq ans à partir du jour où la condamnation a acquis un caractère définitif, entraînée de plein droit par cette décision, lui a été notifiée par procès-verbal en date du 19 juillet 2002 ; que l'intéressé ayant poursuivi l'exploitation de son bar, il a été cité par le ministère public sur le fondement des dispositions des articles L. 3336-2, L. 3336-3 et L. 3352-9 du Code de la santé publique ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'exploitation d'un débit de boissons au mépris de l'incapacité résultant de la condamnation précitée, l'arrêt relève qu'un procès-verbal de police établit que, le 5 novembre 2002, il gérait toujours son établissement ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que le délit poursuivi se renouvelle chaque fois que son auteur, comme en l'espèce, démontre par son comportement sa volonté de persévérer dans son attitude, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait et comme tel irrecevable en sa deuxième branche et qui, pour le surplus, se borne à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond, ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 1er du Premier Protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 6 de cette Convention, L. 3352-9, L. 3355-5 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la fermeture définitive de l'établissement nommé "le bar du Cycle" ;
"alors, d'une part, que, lorsque la personne propriétaire du débit de boissons n'est pas poursuivie, la fermeture définitive de l'établissement ne peut être prononcée que s'il est établi que cette personne a été citée ; qu'en l'espèce, Jonathan X... ayant cédé ses parts dans l'établissement au moment du jugement pénal, la fermeture de ce bar ne pouvait être ordonnée en l'absence de citation du nouveau propriétaire qui s'évince des mentions de l'arrêt attaqué ; qu'en ordonnant pourtant une telle fermeture, la cour d'appel a violé l'article L. 3355-5 du Code de la santé publique et les droits de la défense ;
"alors, d'autre part, que le prononcé automatique de la fermeture définitive d'un établissement, par application de l'article L. 3352-9 du Code de la santé publique, cependant que la situation irrégulière a cessé d'exister au moment du jugement pénal dès lors que le prévenu avait renoncé à la gérance de l'établissement qu'il n'exploitait donc plus, porte nécessairement atteinte au principe de proportionnalité entre l'atteinte au droit de propriété et la nécessité d'utilité publique ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé ce principe ;
"alors, enfin, qu'il s'évince des propres constatations de l'arrêt attaqué que Jonathan X... s'est prévalu de ce qu'il avait cédé ses parts dans l'établissement, dont il n'assurait donc plus l'exploitation, pour demander que la fermeture de celui-ci ne soit pas prononcée ; qu'en ordonnant pourtant une telle fermeture, sans s'expliquer sur ces éléments de faits retirant toute proportion à une telle décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu coupable du délit poursuivi, l'arrêt a prononcé la fermeture définitive de l'établissement ;
Attendu que le prévenu qui avait, suivant ses propres déclarations, cédé la propriété de l'établissement lorsque la fermeture en a été ordonnée, ne saurait se prévaloir tant du défaut de citation du nouveau propriétaire que du caractère prétendument disproportionné de cette sanction ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Agostini conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Castagnède conseillers de la chambre, Mmes Gailly, Guihal, M. Chaumont conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;