AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Guy,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 18 décembre 2003, qui, pour infraction au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 500 euros d'amende et a ordonné, sous astreinte, la démolition de la construction irrégulière ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 480-4, L. 421-1, L. 480-5 et L. 480-7 du Code de l'urbanisme, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Guy X... coupable d'avoir, en 2000 et 2001, effectué des travaux de construction, en l'espèce une maison d'habitation, sans avoir obtenu au préalable, un permis de construire ;
"aux motifs que "il ressort des procès-verbaux versés au dossier qu'une maison d'habitation de 120 m a été édifiée sur une parcelle appartenant à Guy X..., sise en zone NC du POS chemin des côtes sur la commune de Saint-Hippolyte le Graveyron, zone non constructible ; que ces travaux ont fait l'objet de la part du maire de la commune d'une ordonnance d'interruption de travaux ;
que le 28 septembre 2001, la demande de permis de construire a été rejetée au motif que l'habitation n'avait pas de lien avec l'activité agricole ; que c'est vainement que Guy X... indique qu'il ne serait, selon lui, pas possible de le poursuivre car ce serait son fils Bruno qui aurait édifié cette construction ; que cette construction est édifiée sur le terrain de Guy X... ; que la demande de permis de construire refusée faisait bien état de l'accord du propriétaire du terrain ;que le jugement est donc en voie de confirmation sur la culpabilité, Guy X... ne pouvant pas prétendre que la construction aurait été édifiée à son insu alors même qu'il a donné l'accord à son fils pour déposer le permis refusé ; que Guy X... sera condamné à 500 euros d'amende ainsi qu'à la démolition de la construction litigieuse dans un délai de 4 mois à compter du présent arrêt et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard" (arrêt, pages 3 et 4) ;
"et aux motifs adoptés du premier juge, que "l'article L. 480-4, alinéa 2, du Code de l'urbanisme prévoit que les peines pour défaut de permis de construire peuvent être prononcées contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l'exécution desdits travaux ; il est constant que Guy X... est propriétaire des parcelles sur lesquelles a été édifiée la construction litigieuse, qu'il a donné son accord pour cette construction ; qu'en sa qualité de propriétaire du sol, il est le bénéficiaire direct de ces travaux ; qu'en conséquence, sa responsabilité pénale est susceptible d'être engagée du chef du délit visé par la poursuite ; qu'il est constant que la construction a été édifiée sans permis de construire clans une zone à vocation agricole dans laquelle ne sont autorisées que les constructions nécessaires ou en lien avec une exploitation agricole ; la réalité du délit visé par la poursuite est démontrée et il convient de retenir la culpabilité des prévenus" (jugement, pages 3 et 4) ;
"1 ) alors que, lorsqu'il n'est pas l'utilisateur du sol sur lequel les travaux irréguliers ont été effectués ou le responsable desdits travaux, le propriétaire d'un terrain ne peut être poursuivi du chef de construction sans permis qu'en qualité de bénéficiaire des travaux, cette qualité ne se déduisant pas de son seul titre de propriété ; que, dès lors, en estimant au contraire, par motifs adoptés du premier juge, qu'en sa qualité de propriétaire du sol, Guy X... était le bénéficiaire direct des travaux exécutés par son fils et, comme tel, tenu pénalement responsable de la construction litigieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme ;
"2 ) alors que, le propriétaire du sol qui se borne à donner son accord au dépôt, par un tiers, d'une demande de permis de construire, n'est pas réputé avoir, par là même, acquiescé par avance à la réalisation de travaux irréguliers ; que dès lors, en se déterminant par la circonstance que Guy X..., propriétaire du terrain, avait donné son accord à son fils pour solliciter le permis de construire finalement refusé, pour en déduire qu'il devait être tenu pénalement responsable de la construction litigieuse édifiée sans permis par son fils, sans rechercher en quoi il aurait eu la qualité de bénéficiaire des travaux, et notamment en quoi il aurait acquiescé à la réalisation de ceux-ci, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme" ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme ;
Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de la construction sans permis d'une maison d'habitation, l'arrêt attaqué énonce que, si les travaux ont été exécutés par son fils, Bruno X..., qui a été définitivement condamné de ce chef, il est propriétaire du terrain sur lequel l'ouvrage a été édifié et a autorisé son fils à déposer une demande de permis de construire, qui a été refusée ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, dont il ne résulte pas que Guy X... ait été responsable des travaux irréguliers ou qu'il en ait été le bénéficiaire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés ;
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de NIMES, en date du 18 décembre 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;