AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six octobre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Michel,
contre les arrêts de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date des 11 octobre 2001 et 25 septembre 2003, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées et de tentative de ce délit : 1 ) le premier a rejeté ses exceptions d'irrecevabilité et de prescription de l'action douanière ;
2 ) le second l'a déclaré coupable des délits reprochés et l'a condamné à des pénalités douanières ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 11 octobre 2001 :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, 343, 392 à 399 du Code des douanes, 2, 5, 6, 7, 8, 12, 22, 24, 25, 36 du décret du 18 avril 1939, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale" ;
"en ce que l'arrêt attaqué a écarté le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande à l'encontre de Michel X... ;
"aux motifs que, par application conjuguée des textes énumérant les responsables des infractions douanières (articles 393 à 399 du Code des douanes), notamment le détenteur de marchandises ou l'intéressé à la fraude, de l'article 343 du Code des douanes, des qualités non contestées de Michel X..., président directeur général de AES ayant personnellement conclu le contrat et donné instructions pour les exportations au nom de la société, la saisine du tribunal correctionnel contre lui, cité en qualité de prévenu, était régulière ; que, plus particulièrement, ce sont les violations des dispositions des articles 2, 5, 6, 7, 8, 12, 22 à 25 du décret du 18 avril 1939 modifié qui doivent faire l'objet de poursuites sur plainte des ministres compétents, procédure suggérée par l'Administration au parquet de Nanterre par courrier du 12 juin 1996 ;
que cette procédure indépendante des infractions douanières en cause était sans influence sur la régularité de la saisine du tribunal pour les délits douaniers visés dans la citation ;
"alors que, d'une part, il résulte de la combinaison des articles 36, alinéa 3, 2, alinéa 3, et 24 du décret-loi du 18 avril 1939 que les poursuites pour commerce illicite d'armes ne peuvent être engagées que sur plainte préalable des ministres compétents ; qu'en l'espèce, le prévenu est poursuivi des chefs d'exportation et de tentative d'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés en sorte que les infractions incriminées relèvent nécessairement des articles susvisés même si la prévention n'a pas expressément visé ces dispositions qui forment un tout avec les dispositions douanières ; que, par suite, la citation du demandeur du 29 mars 1999 à comparaître devant le tribunal correctionnel est nulle en l'absence de plainte préalable des ministres compétents ;
"alors, d'autre part, et en tout état de cause, que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;
qu'en l'espèce, le demandeur était président-directeur général de la société AES ; que cette société ayant été mise en liquidation judiciaire et l'Administration ayant produit pour le montant des droits et taxes dus par la société, l'Administration des douanes ne peut être autorisée à demander une seconde fois les mêmes montants à l'encontre du dirigeant ; que la société AES qui seule a pu commettre l'infraction, n'a pas été appelée dans la procédure en sorte que la saisine du tribunal est irrégulière" ;
Attendu que, d'une part, Michel X... ne saurait se faire un grief de ce que les poursuites engagées à son encontre du chef d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées n'ont pas été précédées de l'autorisation ministérielle mentionnée à l'article 36 du décret-loi du 18 avril 1939, dès lors que l'exigence posée par ce texte ne s'applique qu'à la poursuite de certaines des infractions prévues par ledit décret et non aux infractions douanières pouvant résulter de l'exportation sans autorisation de matériel militaire ;
Attendu que, d'autre part, le prévenu ne saurait tirer argument des dispositions de l'article 121-2 du Code pénal pour soutenir que sa responsabilité pénale personnelle ne peut être recherchée pour des actes qu'il a commis en qualité de président d'une société également poursuivie, dès lors que, faute de texte spécial, cet article ne s'applique pas aux infractions douanières ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, 8, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les moyens tirés de la prescription de l'action publique ;
"aux motifs que la citation à comparaître constitue un acte par lequel le ministère public ou en l'espèce la partie poursuivante exerçant l'action fiscale, manifeste sans équivoque sa volonté de poursuivre un contrevenant ; que la citation à comparaître en date du 29 mars 1999, indépendamment de tout timbre dateur de retour ou de dépôt au parquet est en elle-même interruptive de la prescription ; que, contrairement à la prétention du prévenu, les procès-verbaux de constatation des 31 janvier et 3 avril 1996 constituent des actes interruptifs de prescription pour l'ensemble des faits poursuivis dans la procédure ; qu'il convient dès lors de considérer qu'un délai de 3 ans ne s'est pas écoulé entre le dernier acte interruptif de prescription du 3 avril 1996 et la citation du 29 mars 1999 ;
"alors que seul un acte de poursuite et d'instruction est de nature à interrompre la prescription de l'action publique ; qu'un mandement de citation à la requête générale des Douanes et droits indirects délivré le 29 mars 1999 qui n'a été adressé en retour au parquet qui n'en a accusé réception par l'apposition d'un cachet que le 9 avril 1999, ne constitue pas un acte interruptif de prescription au sens de l'article 7 du Code de procédure pénale ; qu'en effet, la signification d'une citation sans saisine du tribunal est inopérante, la saisine s'effectuant uniquement par le dépôt au greffe de la citation directe" ;
Attendu que, Michel X... ayant été cité devant le tribunal correctionnel à l'initiative de l'administration des Douanes, c'est à bon droit que la cour d'appel a jugé que la prescription de l'action publique avait été interrompue à la date du mandement de citation délivré à la requête de cette administration ;
II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 25 septembre 2003 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 38, 399, 409, 414, 428 et 435 du Code des douanes, des articles 13, 21 et 36 du décret-loi du 18 avril 1939 et des articles 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable d'exportation sans déclaration de marchandise prohibée ;
"aux motifs que Michel X... a affirmé à tort que devant une action publique mise en mouvement par l'administration des Douanes, le procureur de la République n'est pas partie jointe mais partie intervenante à titre principal pour solliciter une condamnation pénale ; que les conséquences que la défense a cru pouvoir tirer de l'absence d'exercice de l'action publique, c'est-à-dire le refus d'une demande de condamnation pour un délit que le parquet "a reconnu inexistant", ne sont nullement pertinentes ; (...) ; que l'analyse circonstanciée et détaillée des pièces du dossier et les conclusions du Comité de règlement des constatations en douane permettent d'écarter l'argumentation de la défense ; qu'en conséquence, les drones, équipements, composants, objet des exportations et tentatives d'exportation relevaient des catégories E et F de l'arrêté du 20 novembre 1991 et entraient dans le champ de l'article 13 du décret-loi du 18 avril 1939 ; que ces matériels de guerre et assimilés ne pouvaient pas faire l'objet d'une exportation sans autorisation qui, en l'espèce, a fait défaut ;
"alors que les juges du fond qui ont reconnu que le ministère public s'était abstenu d'exercer l'action publique pour obtenir la condamnation pénale du prévenu poursuivi pour exportation de matériel de guerre sans autorisation, à la seule initiative de l'administration des Douanes sans avoir fait l'objet d'une plainte préalable des ministres compétents conformément aux dispositions de l'article 36 du décret-loi du 18 avril 1939 et qui n'ont tiré aucune conséquence de ces inactions volontaires qui étaient pourtant de nature à démontrer l'absence d'infraction, ont en outre laissé sans aucune réponse le chef péremptoire des conclusions du demandeur tiré de la vente aux enchères publiques des éléments composant le drone Suave pour démontrer que celui-ci ne pouvait être considéré comme du matériel de guerre pour lequel une autorisation préalable devait être obtenue en cas de vente aux enchères publiques comme en cas d'exportation, violant ainsi l'article 459 du Code de procédure pénale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
REJETTE les POURVOIS ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;